
Ce que l'on sait des contours (encore flous) de l'accord États-Unis/UE, de l'aéronautique au luxe
L'accord de Turnberry confirme que les échanges transatlantiques sont entrés dans une nouvelle ère, celle d'un protectionnisme américain décomplexé. Jusqu'au retour au pouvoir de Donald Trump, ils étaient marqués par un niveau de droits de douane américains de 4,8 % en moyenne. Voici ce que l'on sait de cet accord qui doit entrer en vigueur le 1er août.
• Que prévoit l'accord ?
Négocié âprement depuis des mois, l'accord prévoit des droits de douane sur toutes les importations européennes vers les États-Unis, à un taux unique de 15 %, comprenant toutes les taxes déjà existantes. Cela concerne par exemple le secteur automobile, crucial pour des pays comme l'Allemagne.
L'accord prévoit également des achats d'hydrocarbures américains (gaz naturel, combustibles nucléaires et pétrole) d'une valeur de 750 milliards de dollars sur trois ans, soit 250 milliards par an. Pour l'Union européenne, cela permettra de remplacer les importations de gaz russe et d'éviter de financer ainsi la guerre lancée par le Kremlin en Ukraine.
Il comporte aussi de nouveaux investissements européens aux États-Unis pour un montant de 600 milliards de dollars. Le président américain a évoqué des « centaines de milliards de dollars » d'achats d'armement par les Européens.
Dans les faits, le taux effectif appliqué par les États-Unis aux marchandises européennes montait déjà à près de 15 %, si l'on additionne la surtaxe de 10 % d'ores et déjà décidée par le gouvernement américain et le taux de 4,8 % préexistant.
• Pas d'exemptions, sauf exception
Interrogé sur de possibles exemptions aux 15 %, le président américain a répondu : « essentiellement, non ». Mais la présidente de la Commission européenne a affirmé qu'il n'y aurait plus aucun droit de douane sur des « secteurs stratégiques » dont le secteur l'aéronautique, « certains produits chimiques, certains produits agricoles » ou encore « certaines matières premières stratégiques ».
Les produits pharmaceutiques jusqu'ici exemptés de droits de douane ne bénéficieront en revanche par exemple pas de traitement particulier, a prévenu Donald Trump, sans toutefois donner davantage de précisions. Ces produits sont les plus exportés depuis l'Europe vers les États-Unis, pour près de 120 milliards d'euros en 2024 (22,5 % du total des biens exportés), selon Eurostat. Ce secteur risquait quelque 200 % selon Donald Trump, comme les semi-conducteurs.
Mauvaise nouvelle également pour le luxe. Ces dernières semaines ont vu Bernard Arnault, patron du géant français LVMH, se démener pour limiter les surtaxes, auprès des dirigeants européens comme de Donald Trump. Mais le domaine du luxe ne devrait a priori pas faire l'objet d'un régime d'exception, les 15 % devraient donc s'appliquer.
• Quels secteurs sont gagnants ?
D'abord, l'automobile. Les constructeurs européens payaient depuis avril des droits de douane de 27,5 % - dont une surtaxe de 25 % décidée par Donald Trump - soit un coût de 1,3 milliard d'euros pour le seul constructeur allemand Volkswagen. Pour le secteur, l'accord de dimanche est donc une amélioration.
L'aéronautique en ressort aussi gagnante. Les droits de douane américains pesaient lourd sur ce secteur très mondialisé. Depuis mars, une surtaxe de 50 % s'appliquait sur les importations d'aluminium et d'acier, matériaux phares de l'aéronautique. Et l'ensemble des équipements (dont les avions) importés d'Europe devaient s'acquitter d'une surtaxe de 10 %. L'accord annoncé dimanche prévoit de ramener à zéro les taxes sur les équipements d'aéronautique, selon Ursula von der Leyen.
• Encore beaucoup de flou
En réalité, beaucoup de flou entoure encore cet accord. C'est notamment le cas pour l'acier et l'aluminium, dont les exportations européennes vers les États-Unis sont aujourd'hui sanctionnées de droits de douane de 50 %. Alors qu'Ursula von der Leyen a assuré qu'un compromis avec Donald Trump avait été trouvé (« entre nous, les droits de douane seront réduits et un système de quotas sera mis en place », a-t-elle déclaré), le président américain a assuré que les choses resteraient « comme elles sont ».
Par ailleurs, si « certains produits agricoles » seront exemptés de taxation à 15 %, a ajouté la présidente de la Commission européenne, aucune précision n'a été fournie dimanche soir. Concernant l'alcool et le vin, faute d'accord définitif, une décision a été renvoyée à de nouvelles discussions, selon Ursula von der Leyen. « C'est quelque chose qui doit être résolu dans les prochains jours, » a-t-elle assuré. En 2024, l'UE a exporté pour 8 milliards d'euros d'alcools, dont plus de 5 milliards de vin, aux États-Unis, son premier marché à l'exportation.
• Des réactions mitigées
Cela permet d' « éviter une escalade inutile dans les relations commerciales transatlantiques », a salué le chancelier allemand Friedrich Merz, sans cacher qu'il aurait « souhaité davantage d'allègements ».
« Quand on s'attend à un ouragan, on se réjouit d'une simple tempête », a concédé la fédération VCI de la chimie allemande, tandis que la Fédération allemande de l'industrie (BDI) a d'ores et déjà prédit « des répercussions négatives considérables ».
La cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, a salué un accord « qui évite une guerre commerciale au sein de l'Occident avec des conséquences imprévisibles », dans un communiqué commun avec ses vice-Premiers ministres, Antonio Tajani et Matteo Salvini.
Le deal doit encore être validé par les États membres de l'UE. La relation commerciale USA-UE représente 30 % des échanges mondiaux, avec 1 680 milliards d'euros de biens et services échangés en 2024, selon le Conseil européen. Sur les biens (867 milliards d'euros), les États-Unis, premier partenaire de l'UE (plus de 20 % de ses exportations), affichaient en 2024 un déficit de 198 milliards d'euros. En revanche sur les services, les États-Unis étaient excédentaires, à 148 milliards.
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


Le Figaro
6 hours ago
- Le Figaro
Pétrole suspendu à l'évolution des exportations russes
Les cours du pétrole ont reculé mercredi à l'issue d'une séance secouée par les annonces américaines concernant la Russie, les opérateurs cherchant à évaluer la probabilité d'une baisse des exportations russes. Après une première partie de séance dans le vert, le prix du baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en octobre, a finalement reculé de 1,11% à 66,89 dollars. Son équivalent américain, le baril de West Texas Intermediate, pour livraison en septembre, a pris la même direction, lâchant 1,24% à 64,35 dollars. «Il y a eu beaucoup de gros titres, beaucoup de déclarations confuses» à propos de la Russie et le marché a réagi à chacune d'entre elles, commente auprès de l'AFP John Kilduff, d'Again Capital. «Les implications sont énormes», rappelle l'analyste alors que Moscou est le troisième producteur et le deuxième exportateur mondial de pétrole brut. Publicité L'émissaire de Donald Trump, Steve Witkoff, a eu mercredi à Moscou des échanges qualifiés de «productifs» avec Vladimir Poutine, à deux jours de l'expiration de l'ultimatum des États-Unis à la Russie, sommée de mettre fin au conflit en Ukraine. Le président américain a même assuré que de «grands progrès» avaient été faits. Un haut responsable américain a toutefois précisé que les États-Unis prévoyaient toujours de mettre en place vendredi des sanctions secondaires pour que Moscou mette fin à son offensive en Ukraine. Ces sanctions viseraient les pays qui se fournissent auprès de la Russie, en particulier en pétrole et en armes, comme l'Inde ou la Chine. Offre à court terme Dans ce contexte, Donald Trump a annoncé une surtaxe supplémentaire de 25% sur une large volée de produits indiens venant s'ajouter à celle déjà de 25% qui doit entrer en vigueur jeudi. New Delhi est le deuxième consommateur de brut russe, juste après la Chine, avec environ 1,6 million de barils par jour achetés depuis le début de l'année. «Si l'Inde cède, ce qu'elle a refusé de faire jusqu'à présent, cela réduira l'approvisionnement mondial en pétrole», et Moscou aurait du mal à vendre son pétrole ailleurs, «particulièrement à court terme», affirme Arne Lohmann Rasmussen, analyste chez Global Risk Management. Si les exportations russes ne sont pas affectées, le marché s'attend en revanche à une baisse des cours. In fine, cela n'a pas empêché les opérateurs mercredi d'estimer «que le brut russe restera disponible sur le marché», estime John Kilduff.


Le Figaro
9 hours ago
- Le Figaro
Dans son podcast, François Bayrou défend sa proposition de suppression de jours fériés, pour «produire plus»
Dans le deuxième épisode de «FB direct», le premier ministre met l'accent sur la nécessité d'accroître la production nationale pour sortir la France de l'impasse budgétaire. Il défend à nouveau, avec prudence, sa proposition pour réduire le nombre de jours fériés. François Bayrou poursuit sa campagne de pédagogie économique. Dans le deuxième épisode de son podcast «FB direct», mis en ligne ce mercredi 6 août, le premier ministre développe le second volet de ses annonces du 15 juillet dernier : après avoir plaidé pour «dépenser moins et mieux», il appelle désormais la France à «produire plus» afin de rétablir l'équilibre budgétaire. «Si on essaie de comprendre pourquoi la France se trouve dans cette impasse, alors les choses apparaissent aveuglantes», estime François Bayrou. Selon lui, le pays produit «entre 10 et 15% de mois par habitant» que ses voisins européens. Un écart qui se répercute à la fois sur les salaires et sur les recettes de l'État. «Si nous étions au même niveau de production que nos voisins, les familles auraient des revenus supérieurs de 10 à 15%, et l'État disposerait de ressources équivalentes», fait-il valoir. Publicité Le chef du gouvernement fixe trois priorités : mettre au travail davantage de jeunes, simplifier la vie des entreprises et relancer l'activité. «Le chômage des jeunes augmente : un jeune sur cinq est au chômage, et certaines entreprises ferment faute de main-d'œuvre», souligne-t-il. Il plaide pour «un plan d'urgence» permettant aux jeunes de mettre «un pied à l'étrier». À lire aussi «Bayrou démission», «populisme», «nullissime»... Les débuts poussifs du premier ministre sur Youtube «Reconquérir la production» Autre levier : les aides aux entreprises. François Bayrou rappelle que 211 milliards d'euros leur sont consacrés chaque année, principalement via des allègements de charges. «Il faut probablement dépenser mieux et compenser par plus de liberté, de facilité et de simplification», propose-t-il, en appelant à définir ces simplifications «avec les entreprises elles-mêmes». C'est dans ce cadre qu'il a relancé sa proposition controversée de réduire le nombre de jours fériés. «Si on travaille un ou deux jours de plus, le pays entier produit plus», insiste François Bayrou, qui se dit «ouvert» sur le choix des jours concernés. Il assure que cet effort «ne demande pas de renoncer à notre modèle social ou à la vie de famille», surtout si des jours «plus adaptés» que ceux initialement évoqués sont retenus. Le premier ministre entend également «reconquérir la production » dans les secteurs où la France est devenue dépendante des importations, pour rééquilibrer sa balance commerciale. Avec ce nouvel épisode, François Bayrou continue de préparer l'opinion à un discours de rigueur, où la production nationale devient l'axe central.


Le Figaro
10 hours ago
- Le Figaro
Pourquoi Donald Trump menace les laboratoires pharmaceutiques de droits de douane à «250%»
«Dans un an, un an et demi au maximum», les taxes sur les médicaments importés «passeront à 150%, puis à 250%», a expliqué le président américain, ce mardi. 250%, qui dit mieux ? Aujourd'hui exemptés de droits de douane, les médicaments importés aux États-Unis pourraient être bientôt taxés dans des proportions hors normes, qui feraient presque passer la taxation imposée au secteur de l'aluminium (50%) pour une bagatelle. «Dans un an, un an et demi au maximum», les taxes sur les médicaments importés «passeront à 150%, puis à 250%, car nous voulons que les produits pharmaceutiques soient fabriqués dans notre pays», a expliqué Donald Trump mardi. Dans l'intervalle, les laboratoires ne subiront qu'une «petite» taxation, afin de leur laisser le temps d'adapter leur outil de production. Ces chiffres sont encore provisoires. Il y a un mois, Donald Trump évoquait encore une cible de 200%. Les droits de douane définitifs - si tant est qu'il y en aient de définitifs pour une administration Trump adepte de la négociation perpétuelle - ne seront détaillés que la semaine prochaine, lorsque les résultats d'une enquête diligentée en avril par le ministère du Commerce américain, auront été dévoilés. Cette enquête, qui vise aussi les semi-conducteurs, doit déterminer si l'importance des importations américaines dans ces deux domaines fait peser ou non un risque sur la sécurité nationale. À lire aussi Donald Trump accentue la pression sur l'industrie pharmaceutique pour baisser le prix des médicaments Publicité «L'Irlande a été très rusée» Donald Trump déplore depuis longtemps que les États-Unis «ne fassent rien dans le domaine pharmaceutique». En avril, il expliquait que la production de médicaments se fait pour l'instant «dans d'autres pays, surtout en Chine, et beaucoup en Irlande. L'Irlande a été très rusée. Nous aimons l'Irlande, mais nous devons récupérer cela». De façon ironique, ce sont principalement des laboratoires américains qui se sont implantés en Irlande pour profiter de la faible fiscalité de ce pays et éviter de payer leurs impôts aux États-Unis. La balance commerciale américaine est ainsi nettement déficitaire dans ce domaine stratégique. Les États-Unis importent chaque année pour 176 milliards d'euros de médicaments, dont 70 milliards en provenance d'Europe, alors même que la moitié des produits pharmaceutiques vendus dans le monde le sont aux États-Unis. À l'inverse, ils exportent pour moins de 100 milliards d'euros de médicaments. Une fois les droits de douane imposés, Donald Trump espère voir les laboratoires pharmaceutiques «revenir en masse dans notre pays, parce que nous sommes le plus grand marché» au monde. En Europe, il n'est pas encore clair si les 15% de droits de douane globaux négociés la semaine dernière s'imposeront en lieu et place des tarifs sectoriels qui menacent la pharmacie. Si Ursula von der Leyen l'a laissé entendre, les laboratoires restent méfiants, et attendent d'en voir la preuve écrite. Sans attendre de savoir à quelle sauce ils seront mangés, les Big pharma ont donné des gages de bonnes volonté à Donald Trump, et multiplié les investissements productifs aux États-Unis. La semaine dernière encore, le laboratoire anglo-suédois AstraZeneca a annoncé son intention d'investir 50 milliards de dollars outre-Atlantique, tandis que le français Sanofi s'est engagé mi-mai à y débourser 20 milliards de dollars.