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Shein à Montréal

Shein à Montréal

La Presse2 days ago
Shein, l'enseigne chinoise d'ultra-fast-fashion, est à Montréal pour une troisième expérience de boutique éphémère. Des fashionistas qui vivent leur best life remplissent des sacs entiers de vêtements cheaps et n'en reviennent pas des prix ridicules qui, en effet, ne se peuvent pas.
Shein, ce destructeur de commerces traditionnels1, ce géant du commerce de détail en ligne, dont vous ne retrouverez jamais les vêtements en friperie tant leur qualité est mauvaise et tant ils deviennent obsolètes après deux lavages, est en ville.
Shein fait des heureuses à Montréal, alors qu'elle soulève passions et combats un peu partout sur la planète, qu'elle contribue à polluer avec les tonnes de vêtements inutilisables qu'elle génère annuellement. D'ailleurs, la France a adopté une loi contre la mode ultra-éphémère… qui n'est toutefois pas encore en vigueur.
Ceux et celles qui s'indignent de ce gaspillage et de cette pollution se tournent vers les friperies, le recyclage et les boutiques de vêtements d'occasion.
Des flopées d'influenceuses écoresponsables vantent avec enthousiasme les vertus du surcyclage. Elles donnent bonne conscience à coups de looks uniques, nous incitent à acheter dans des magasins qui font de la réinsertion professionnelle ou qui viennent en aide aux femmes en difficulté. On peut acheter et faire du bien à la société. J'applaudis.
Nous consommons donc beaucoup en friperie. On remplit nos tiroirs et placards par poches entières. C'est tellement pas cher ! Nos achats sont compulsifs, mais vertueux.
Nous en sommes à recréer une logique de surconsommation de vêtements à laquelle nous avons ajouté un vernis de rectitude politique. Pollueuse, moi ? Voyons, je recycle !
Nous consommons différemment, mais avec la même frénésie. À cette posture morale s'ajoute la supériorité de se croire originaux. On a de l'attitude. On « fait de la mode » en juxtaposant des pièces improbables. À la friperie, on s'achète une identité, une unicité, alors que nous sommes tous pareils, à rechercher LA pièce unique, LE morceau signé, LE sac couture. Si bien que tous les looks vintage finissent par avoir un petit air de ressemblance familière.
Il existe aussi une réelle discrimination économique dans le monde du vêtement de seconde main. Les réels nécessiteux écument les bazars, les sous-sols d'églises. Les glaneuses de styles fréquentent les grosses friperies, les plus pointues se tiennent dans les boutiques vintage où une médiation du goût, un écrémage subtil a déjà été fait, moyennant quelques dizaines de dollars de plus. Quant aux riches, ils fréquentent le luxe assumé et usagé des boutiques où le sac Dior consigné tutoie la jupe Prada pré-aimée. Les classes sociales et leur réalité implacable sont un édifice, la base de cette économie vertueuse.
Dans les boutiques branchées ou les souks frénétiques, plusieurs sont à la recherche de pièces « Y2K ». Tenues hyper sexy, sacs baguettes, orgie de rose et de sucré. Pensez Paris Hilton, Britney Spears. Le début des années 2000 : l'âge d'or de l'hypersexualisation de la mode, des jeans taille basse, des « skinny ». Le string est de retour, l'ultramoulant se fraye à nouveau un chemin vers nos placards après des années de lousse, d'oversized et d'« acceptation de soi »…
Les femmes ont célébré la diversité corporelle pendant une décennie pour assister au retour par la porte d'en arrière, celle du recyclé et du vintage, de la décennie la plus misogyne.
Celle où les looks étaient les plus formatés, le corps comprimé puis exhibé dans une sordide marchandisation. Les années 2000 sont de retour, baby, mais enduites d'un vernis de girl empowerment.
De l'ultranormé à la sauce néoféministe. Une régression déguisée en bonheur d'être VRAIMENT soi, sans contrainte.
Shein, friperies, retour de l'an 2000…
On croit avoir apprivoisé la mode. On aime penser qu'elle est un pur jeu, un territoire où les identités les plus originales, les plus individuelles, les plus uniques émergent. Que c'est un monde de différences assumées. Ces trois exemples me font plutôt penser que nous sommes encore bien candides dans notre compréhension de ce que sont la mode et le vêtement.
C'est un magnifique terrain de jeu, certes, mais aussi un formidable marqueur social. Ça révèle qui nous sommes.
Ça dit combien nous valons, ce que nous voulons cacher. Nous y cherchons l'originalité, mais nous marchons tous dans les pas de cohortes plus ou moins semblables.
Les influenceurs et les prédicteurs de tendances nous auront bien eus, à nous promettre une personnalité unique, une image éclaboussante par l'entremise d'un vêtement surcyclé, reflet de notre âme, de nos valeurs, de notre précieuse identité. Nous sommes des milliers à hurler notre message d'originalité, avec des fringues improbables achetées dans ces nouveaux temples de la surconsommation.
D'accord, vivez vos moments uniques en flashant vos kits recyclés à Osheaga. Mais lâchez la morale à cinq cennes et la supériorité de vos jugements petits-bourgeois sur ceux qui achètent des vêtements « ordinaires » en grande surface, sur les gens qui n'ont ni le temps ni les moyens pour la qualité approximative et l'enrobage moralisant qui vient avec les fringues de seconde main, et qui déjà, involontairement, consomment peut-être moins…
1. Lisez l'article « Les ventes de commerçants québécois baissent, les prix aussi »
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