« Notre amitié va bien au-delà du rugby » : le bordélique Darricarrère et le méticuleux Attissogbe, la bromance de deux opposés chez les Bleus
Et soudain, dans la conversation, un blanc interminable. Léon Darricarrère vient de bugger. Physiquement, il est toujours parmi nous, assis à une table d'un hôtel du centre-ville de Wellington, mais aucun son ne sort de sa bouche. À sa droite, Théo Attissogbe ne le prend pas mal, il connaît le loustic. Il garde son petit sourire en coin, roule des yeux et attend que son acolyte trouve enfin quoi répondre à la question : « C'est quoi la plus grande qualité de Théo ? » Juste avant, il n'avait fallu qu'une nanoseconde à Attissogbe pour trancher : « Sa générosité, dans tous les sens du terme. » « Il fallait prévenir qu'il y aurait ce genre de questions », rigole Darricarrère. « Ce qui est dur, c'est de choisir, Théo a tellement de qualités. Il y en a trop qui se bousculent dans ma tête. » Le subterfuge de beau parleur est éculé, mais il permet de jouer la montre.
Le plus drôle, c'est qu'en inversant le sens de la question, « Darri » n'a pas besoin de méditer pour citer le plus gros petit défaut de son camarade de chambrée pendant cette tournée en Nouvelle-Zélande : « Théo est têtu, un peu rigide disons. Il n'aime pas trop que ça déborde. Il aime bien que les trucs soient carrés. » L'accusé reconnaît-il les faits ? « Oui, je les reconnais. Mais je ne suis pas Émilien Gailleton non plus (sourire). » Et une balle perdue pour le collègue palois, une. « Léon, lui, c'est la légèreté, poursuit Attissogbe (20 ans). Il y a une petite urgence ? Tranquille (en faisant durer le mot), ça va bien se passer. Les trucs glissent sur lui. Il se laisse vivre. Des fois, c'est abusé, mais finalement il a raison. »
La cohabitation entre un bordélique assumé et un méticuleux déclaré doit créer, sur une période aussi longue, des zones de conflit. « C'est géré », assure Darricarrère (21 ans), trois-quarts centre de Clermont.
« Le seul point de désaccord actuellement, c'est le chauffage, avoue Attissogbe. Parce que lui a très vite chaud et moi très vite froid. » Une garde alternée du thermostat s'impose. Le duo n'en est pas à sa première coloc, ni à sa dernière. « Le rugby nous a unis, mais notre amitié va bien au-delà, raconte l'arrière-ailier de la Section. On s'est connus à l'âge de 10-12 ans, au moment des premières sélections départementales. En benjamins, je dirais. Je venais de Peyrehorade, Léon venait de Mont-de-Marsan. Je jouais ouvreur et lui numéro 8. J'ai une vidéo d'une sortie de mêlée où je devais essayer de le plaquer. Je l'ai revue il n'y a pas longtemps, mais je vais la garder pour moi. »
« Etre en tournée chez les All Blacks avec son meilleur pote, c'est extraordinaire »
Théo Attissogbe, arrière-ailier des Bleus
Léon a appris le rugby à droite et à gauche, au gré des affectations de son entraîneur de père, David, en poste aujourd'hui à Brive. Le plus gros de son cursus s'est passé au Stade Montois, le club que va finir par rejoindre Attissogbe, à l'adolescence. Chez les Darricarrère, père et fils, on n'a aucun mal à imaginer les débats d'idées sur le rugby, à table, matin, midi et soir. Et chez les Attissogbe ? « Mon père a joué à Sainte-Livrade. Il a arrêté sa carrière, donc il a bien changé, mais il jouait ailier et apparemment il courait vite », indique celui qui a déjà inscrit cinq essais avec les Bleus en sept sélections.
« Entre Léon et moi, ça a tout de suite matché, surtout quand j'ai rejoint "Mont-De", se souvient Attissogbe. C'est là qu'on a été associés ensemble au centre pour la première fois. On avait des profils complémentaires, ça marchait. J'étais à l'internat à Mont-de-Marsan et les vendredis soir, je dormais chez Léon. Sa famille m'avait déjà accueilli auparavant, quand on était tous les deux partis au Top 100 (rassemblement des meilleurs jeunes organisé par la FFR). Et maintenant on est là, tous les deux. Être en tournée chez les All Blacks avec son meilleur pote, c'est extraordinaire. »
Attissogbe profite de l'occasion pour lancer de grands remerciements à Mont-de-Marsan : « Les gens se reconnaîtront, mais je leur dois beaucoup. Toutes ces personnes qui ont participé à mon bien-être et à mon épanouissement. Ma famille et moi leur serons toujours reconnaissants. »
« C'est limite bizarre, mais regarder jouer Théo, ça me met un peu la pression. »
Léon Darricarrère, centre de Clermont
Aux antipodes, Darricarrère et Attissogbe n'ont pas tellement pu profiter du décor et de ses merveilles naturelles. « On s'est un peu promenés, on a joué au golf », énumère le Palois. « Au golf, j'ai un index un peu erroné, mais pas trafiqué, promis. Je vais le dire fièrement (rire) : 20.8. On a aussi fait pas mal les boutiques. On n'est pas de grands fashionistas, mais à notre échelle, on essaie de se débrouiller. On se donne des conseils. On ne se chambre pas, on se soutient. »
Dans les couloirs de l'hôtel, en tendant l'oreille, on a une chance de trouver leur numéro de chambre. « On a acheté deux enceintes à Wellington et la musique tourne beaucoup chez nous, dès le réveil, dit Darricarrère. Du rap US, des anciennetés. On écoute beaucoup "Fashion Designa" (de Theodora) mais aussi "Boulbi" de Booba. »
Peu de gens le savent, mais dans le cadre des tournées du quinze de France, il existe une jurisprudence « série télé », remontant à l'absence, en 2018, sur la photo d'équipe officielle en costumes, de Camille Chat et Fabien Sanconnie, compagnons de chambrée absorbés par le visionnage de Game of Thrones au point d'en oublier le rendez-vous. « On a une histoire comme ça avec Léon, on la racontera dans quelques années, se marre Attissogbe. C'est encore trop frais. Pendant cette tournée, on a mis en place une petite routine, comme en Argentine l'an dernier. On regarde des séries de télé-réalité tous les deux, avec Killian Tixeront. On rigole bien. »
Cet été, comme en Argentine, Attissogbe a été de tous les tests. Quand Darricarrère, lui, attend que son tour vienne. « C'est limite bizarre, mais regarder jouer Théo, ça me met un peu la pression. » « Dans la chambre, on essaie de rester légers sur la situation, de se faire des blagues, même si au fond de lui, je sais que Léon est compétiteur et qu'il a envie de jouer, décrit Attissogbe. Ça va arriver. Si je joue, Léon va déconner pour me chasser le stress, et s'il ne joue pas, je vais avoir tendance à parler d'autre chose. » Attissogbe-Darricarrère ensemble sous un maillot bleu, c'est pourtant un investissement rentable. « On a joué deux fois contre l'Irlande avec France Développement, à 7 aussi, et on est invaincus. »
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