
«Les douze leçons à tirer de la guerre des douze jours»
Hamid Gharavi est avocat aux barreaux de Paris et de New York, spécialisé en arbitrage international et dans le règlement des différends impliquant les États.
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La première leçon à tirer de la guerre qui a opposé Israël et les États-Unis à l'Iran est le coup porté au droit international avec cette conception de la guerre préventive datant de la guerre juste de Saint Thomas d'Aquin au 14e siècle. La seconde est la perversion des débats, conséquence de l'isolement de l'Iran. Il y a aussi les diatribes irréfléchies des dirigeants Iraniens et la théâtralisation de leur enrichissement d'uranium. Ils ont commis l'erreur d'alarmer et de fédérer contre eux. Le climat anti-Iranien était tel que toute discussion était devenue quasi-impossible. Le cocktail s'est révélé explosif.
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Troisièmement, les dirigeants tiennent leur pouvoir d'une révolution, renforcé dans la foulée par la guerre Iran-Irak, les sanctions et menaces, et risquent désormais de se nourrir de la violation de leur souveraineté, des morts et blessés, des infiltrations et des infrastructures endommagées. Quatrièmement, la guerre fédère moins, mais les Iraniens, même épuisés par l'effondrement de l'économie, leur isolement, et le recul des libertés, conservent leur réflexe de défiance face à ce qu'ils vécurent comme une agression. Cinquièmement, les élans hégémonistes du président américain et ses désirs de renommer le Golfe Persique rendent difficile la conquête des cœurs et la confiance en Iran. Sixièmement, la chronologie du volet nucléaire est claire. L'Iran est partie au traité de non-prolifération. Il a signé en 2015 un accord nucléaire que le président Trump a déchiré en 2018. Enfin, il y avait la renégociation et un sixième tour prévu que l'attaque a saboté sous prétexte du dépassement de l'ultimatum des 60 jours fixé par Trump et sous l'impulsion de sa stratégie de la négociation par la force.
Septièmement, l'Iran n'est pas invité à négocier mais à capituler. On lui demande de renoncer à tout enrichissement alors que le traité de non-prolifération ne l'exige pas. Huitièmement, tout cela avec l'historique des Américains, à l'origine du coup d'État de 1953 qui a contribué à la révolution iranienne et à son élan précisément d'indépendance. Neuvièmement, Israël et l'Iran ont bien fait d'arrêter avant que la situation ne dérape. Il s'agit d'un conflit entre des fractions de la gouvernance de chaque État qui aurait pu gagner les populations si les civils et infrastructures avaient été davantage touchés. Dixièmement, la république islamique a tenu. Surprise et malmenée par la nature et l'ampleur de l'attaque, elle a pu riposter avec une technologie moderne qui a fait mal à Israël tout en calibrant une riposte mesurée aux bombardements américains ouvrant la voie à la désescalade. Et les Iraniens ne se sont pas soulevés. Le président Trump en a pris note. Il s'est aussi souvenu des déboires américains en Irak et la Libye et de sa base MAGA. Il n'a donc pas cédé à la chimère d'un changement de régime à la Netanyahou.
L'équilibre des relations internationales est aussi à revoir pour sortir de l'isolement et des liaisons dangereuses d'autant plus que lutter ainsi contre Israël et prendre de front l'Occident ne découle pas de la volonté du peuple iranien ou de son histoire
Onzièmement, si les alliés russes et chinois des Iraniens ont condamné les attaques, ils n'ont pu l'empêcher. Ni ont-ils bougé. Quant à l'Arabie saoudite, les avions Israéliens semblent avoir pu la survoler, malgré son rabibochage avec l'Iran. La dernière leçon est la limite que connaît désormais le pouvoir Iranien et sa nécessité de se réformer. Tout d'abord pour son peuple. Il n'y a pas que les bombes ennemies qui font mal. Qui dit solidarité en temps de guerre ne dit pas adhésion. Les débats lors des dernières élections portaient déjà sur le besoin de refléter une meilleure synthèse des courants dans la gouvernance, les relations internationales et les projets sociétaux prévus par la révolution inachevée de 1979. Il y a aussi le pouvoir économique. La voix des Japonais et Allemands a toujours été entendue malgré leurs restrictions militaires. Or, l'économie iranienne est dévastée, malgré ses richesses humaines, naturelles, culturelles et historiques.
À lire aussi «La guerre de 12 jours» : comment Trump, belligérant et négociateur, a annoncé un cessez-le-feu entre Israël et l'Iran
L'équilibre des relations internationales est aussi à revoir pour sortir de l'isolement et des liaisons dangereuses d'autant plus que lutter ainsi contre Israël et prendre de front l'Occident ne découle pas de la volonté du peuple iranien ou de son histoire. À l'Iran de ne pas prendre un virage encore plus sécuritaire et isolationniste mais de négocier la levée des sanctions, en contrepartie de son maintien dans le traité de non-prolifération, dont la suspension vient d'être amorcée par le parlement, et prendre l'initiative d'une réforme des libertés et de l'ouverture à d'autres composantes de la société aux côtés du clergé et des forces armées afin de réserver à tous, y compris les laïcs et les femmes, une juste place et que tout le monde soit, comme l'a relevé le président Iranien, à sa place. À l'Occident aussi d'acter que les Iraniens ne céderont pas leur indépendance. L'Iran mené par le nationalisme sur lequel le Guide Supreme a dû s'appuyer récemment pourra alors retrouver sa place. Et la région paix et stabilité.
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27 minutes ago
- Le Figaro
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Leur dernière rencontre datait du 28 juin 2019. Les deux dirigeants vont bientôt se rencontrer à nouveau afin de trouver une solution pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Ils ne se sont pas vus depuis six ans : Donald Trump pourrait rencontrer Vladimir Poutine en chair et en os dans les prochains jours pour tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie. Voici ce que l'on sait de ces possibles retrouvailles. Publicité Un «accord de principe» Leur dernière rencontre remonte à juin 2019 en marge d'un sommet du G20 au Japon, lors du premier mandat du président républicain. Jeudi, Donald Trump s'est dit prêt à voir Vladimir Poutine tandis que le Kremlin a annoncé qu'un «accord de principe» pour une rencontre «dans les prochains jours» avait été trouvé. Le président américain a repris contact en février avec son homologue russe après son retour à la Maison Blanche, dans l'espoir d'arrêter rapidement la guerre déclenchée en 2022 par l'invasion russe de l'Ukraine. Mais, face au blocage des négociations entre Moscou et Kiev, il s'est montré de plus en plus frustré face à Vladimir Poutine, lui lançant un ultimatum pour trouver une issue au conflit, sous peine de nouvelles sanctions américaines. Alors que cet ultimatum doit expirer vendredi, les efforts diplomatiques se sont accélérés cette semaine et l'émissaire de Donald Trump, Steve Witkoff, a été reçu mercredi par Vladimir Poutine au Kremlin. Le lieu pas encore décidé Vladimir Poutine a affirmé jeudi 7 août, aux côtés de son homologue émirati qu'il recevait à Moscou, Mohammed ben Zayed, que les Émirats arabes unis pourraient accueillir sa rencontre avec Donald Trump. Mais cette possibilité n'a, pour l'heure, pas été confirmée par Washington. Un responsable américain à la Maison-Blanche, s'exprimant sous couvert de l'anonymat, a indiqué jeudi que le lieu de la réunion n'avait pas encore été décidé et que celle-ci pourrait intervenir la semaine prochaine. Publicité Interrogé jeudi dans le Bureau Ovale, Donald Trump n'a pas fourni plus d'éléments sur le lieu d'une rencontre. Et concernant le maintien ou non de son ultimatum lancé à Moscou, qui doit expirer vendredi, le président américain a esquivé: «Cela va dépendre de Poutine, on va voir ce qu'il va dire.» «Très déçu», a-t-il enchaîné, semblant parler de son homologue russe. En juillet, il s'était déjà dit «déçu» à plusieurs reprises par le chef du Kremlin. Présence de Zelensky ? Pour le président ukrainien, une rencontre entre lui et Vladimir Poutine est une «priorité». Il estime qu'il «est légitime que l'Ukraine participe aux négociations» dans un format tripartite. Mais le dirigeant russe refuse de voir son homologue ukrainien, estimant que les «conditions» ne sont pas réunies pour un tête-à-tête: Moscou juge qu'une telle rencontre n'a de sens qu'en phase finale des négociations de paix. Quant à Donald Trump, sa réponse a été limpide: sur la question de savoir s'il pensait que Vladimir Poutine devait d'abord s'entretenir avec Volodymyr Zelensky avant de le rencontrer lui, le président américain a répondu «non». Les deux dirigeants «aimeraient me rencontrer, et je ferai tout ce que je peux pour arrêter la tuerie», a-t-il ajouté. Le chef de l'État ukrainien s'est entretenu jeudi au téléphone avec Donald Trump, une conversation à laquelle avaient pris part plusieurs dirigeants européens. Zelensky a demandé que les Européens soient inclus dans les négociations de paix sur l'Ukraine, desquelles ils ont jusqu'à présent été tenus à l'écart malgré les efforts de Paris, Berlin et Londres. Positions irréconciliables Entre la Russie et l'Ukraine, les positions sont encore aux antipodes. Le dernier cycle de négociations directes à Istanbul en juillet n'avait débouché que sur un nouvel échange de prisonniers et de dépouilles de soldats. Parallèlement, la Russie poursuit ses attaques aériennes mortelles sur l'Ukraine, où elle grignote chaque jour du terrain sur le front. Publicité Moscou réclame que l'Ukraine lui cède quatre régions partiellement occupées (celles de Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson), en plus de la Crimée annexée en 2014, et qu'elle renonce aux livraisons d'armes occidentales et à toute adhésion à l'Otan. Des exigences inacceptables pour Kiev, qui veut le retrait des troupes russes et des garanties de sécurité occidentales, dont la poursuite des livraisons d'armes et le déploiement d'un contingent européen, ce à quoi s'oppose la Russie. L'Ukraine demande aussi, de concert avec ses alliés européens, un cessez-le-feu de 30 jours, auquel se refusent les Russes.


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