
Attention au blockbuster constitutionnel de l'automne
Le professeur Louis-Philippe Lampron explique pourquoi il souhaite ardemment que le projet de constitution du Québec de la CAQ prenne pour base la Charte québécoise de 2018.
Louis-Philippe Lampron
Professeur titulaire, faculté de droit de l'Université Laval
L'une des raisons pour lesquelles j'aime l'été, c'est que plusieurs maisons de production cinématographique profitent de la belle saison pour sortir en salle leurs films à grand déploiement qui, dorénavant, contiennent une part importante de remakes. Si l'idée d'aller voir une nouvelle adaptation d'un vieux film suscite parfois ma curiosité, elle me rend systématiquement inquiet lorsqu'il s'agit de refaire l'un des grands classiques du répertoire.
Cet été, le blockbuster que j'attends avec inquiétude est toujours en production. C'est celui du projet de constitution du Québec sur lequel travailleraient actuellement plusieurs membres du gouvernement caquiste, sous la responsabilité du ministre Simon Jolin-Barrette. Pour conclure la métaphore cinéma : je crains que l'appât du gain (politique) des réalisateurs ne bousille la franchise.
Un projet de constitution n'est pas une simple loi
En résumé, ce qui distingue une constitution d'une loi ordinaire, c'est son importance dans l'ordre juridique d'une société et l'importance des principes qui y sont enchâssés. Dans les démocraties libérales, les gouvernements et les législateurs ne peuvent agir que dans la mesure où leurs actes sont conformes aux dispositions constitutionnelles. La Constitution, c'est donc le cadre général qui prévoit, notamment, la répartition des pouvoirs au sein du système politique et qui détermine ce que l'État peut ou ne peut pas faire.
En partant, un processus visant à adopter une constitution ne peut légitimement être abordé comme celui visant l'adoption d'une loi ordinaire, pour laquelle on peut se contenter d'atteindre une majorité de députées et députés de l'Assemblée nationale.
Ce principe a par ailleurs été, fort justement, reconnu par les auteures et auteurs du rapport Proulx-Rousseau sur l'avenir constitutionnel du Québec, qui écrivent que : « dans une perspective d'adhésion, plus les innovations introduites [à la Constitution du Québec] seront importantes, plus il sera important d'élargir le nombre de personnes ou d'organisations mises à contribution1 ». Dans le même sens, lorsque de telles innovations sont proposées, les auteurs du rapport préconisent que leur adoption soit soumise à un processus transpartisan ; qui prend en compte un large éventail d'avis d'experts ; qui met à contribution la société civile, etc.
Malheureusement, force est de constater que le gouvernement de la CAQ n'a respecté aucun de ces principes avant d'intégrer de nombreuses modifications de fond à la Charte québécoise, pilier institutionnel de l'ordre juridique québécois depuis son adoption (à l'unanimité) par l'Assemblée nationale en 1975 et qui sera certainement au cœur du projet de Constitution du Québec.
La Charte québécoise de 2018 : le point de départ des discussions
Depuis son entrée en fonction, en 2018, le gouvernement de la CAQ fait voler en éclats l'usage ayant été respecté, depuis 1977, pour apporter des modifications de fond à la Charte québécoise et qui requérait l'atteinte d'un large consensus politique à l'Assemblée nationale, pour ne pas dire une unanimité. Jusque-là : « Seulement deux des vingt-sept lois portant modification à la Charte, en effet, ont donné lieu à un vote sur division […]. Chaque fois, le nombre de dissidences se limita à un ou deux députés2. »
Ces consensus transpartisans ont été bien loin d'être atteints lors des modifications substantielles apportées indirectement à la Charte québécoise par le projet de loi 21 (2019 : laïcité de l'État), le projet de loi 96 (2019 : protection du français) et le projet de loi 84 (2024 : intégration nationale). Dans les trois cas, l'essentiel des modifications apportées avait par ailleurs pour objectif de donner au gouvernement du Québec des prises plus larges pour justifier des atteintes aux droits et libertés protégés par la Charte québécoise.
Ces modifications n'ayant pas été validées par le processus transpartisan et citoyen préconisé par les auteurs du rapport Proulx-Rousseau, le point de départ d'une discussion politique entourant l'adoption d'une constitution formelle du Québec ne peut donc pas être la version actuelle de la Charte québécoise.
Le gouvernement de la CAQ ne peut faire les choses à l'envers et renforcer, après le fait, la portée des principes – dont plusieurs sont controversés – qu'il a intégrés dans ce document fondateur 3.
Il ne faut pas oublier que le projet d'adopter une constitution formelle pour le Québec pourrait mener à la mise en place d'une procédure de modification renforcée4 (comme la formule du 7/50 pour la modification de la Charte canadienne5), qui rendrait plus difficile de la modifier dans le futur. La mise en place de tels mécanismes constitue toujours un moment dangereux politiquement en ce que cet outil peut être à la fois considéré comme un puissant bouclier, s'il sert à protéger des principes largement consensuels au sein d'une société, et comme une arme redoutable si on l'utilise pour renforcer la force contraignante de principes partisans dont la nature consensuelle n'a jamais été évaluée sérieusement.
Au vu des distorsions politiques permises par notre système électoral actuel, le contenu d'une constitution sera toujours illégitime s'il est imposé sur la base de considérations partisanes d'un gouvernement pour lequel moins de 25 % des électeurs inscrits ont voté, tant en 2018 qu'en 20226.
En peu de mots comme en cent, le point de départ de la discussion sera déterminant pour évaluer les intentions des responsables du projet de constitution à venir : s'il s'agit d'autre chose que de la version de 2018 de la Charte québécoise, nous serons malheureusement bons pour un très mauvais film.
1. Consultez « Ambition. Affirmation. Action. — Rapport du Comité consultatif sur les enjeux constitutionnels du Québec au sein de la fédération canadienne 2024
2. Lisez l'article « Acte fondateur ou loi ordinaire : le statut de la Charte des droits et libertés de la personne dans l'ordre juridique québécois »
3. S'agissant de faire les choses à l'envers, dans « La Loi sur la laïcité de l'État et les conditions de la fondation juridique d'un modèle interculturel au Québec », j'explique en détail pourquoi la manière préconisée par le gouvernement de la CAQ pour adopter la Loi sur la laïcité de l'État constitue un obstacle à un processus légitime d'autonomisation de la Charte québécoise dans le régime fédéral canadien.
3. Lisez « La Loi sur la laïcité de l'État et les conditions de la fondation juridique d'un modèle interculturel au Québec »
4. Possibilité expressément évoquée dans le rapport Proulx-Rousseau, supra, p. 43.
5. Qui exige que tout amendement à cette Charte soit appuyé par le Parlement du Canada et les législatures d'au moins sept provinces représentant au moins 50 % de la population
6. Pourcentage obtenu en divisant les voix obtenues par le gouvernement de la CAQ, lors de ces élections générales, par le nombre de personnes qui avaient le droit de voter à ces élections
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ST-GELAIS, LE QUOTIDIEN Julie Dufour a l'intention de porter la décision en appel. Selon la loi, Julie Dufour perdrait aussi le droit de se livrer à un travail politique, de voter, d'être candidate à une élection et deviendrait inhabile à exercer la fonction de membre de conseil de toute municipalité dès aujourd'hui, et ce, pour une période de cinq ans. Par contre, étant donné que le verdict sera porté en appel, Julie Dufour pourrait conserver son siège et présenter sa candidature à l'élection. La décision portée en appel L'air abattu, la mairesse de Saguenay, Julie Dufour, s'est présentée devant les médias accompagnée de son avocat, Me Charles Levasseur. Celui-ci s'est avoué « déçu » du verdict, malgré l'acquittement de sa cliente sur les deux autres chefs. « Il y a un appel qui sera déposé à la Cour supérieure et la Cour supérieure contrôlera la légalité de la décision du juge Duguay. 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Le DGEQ tient à rappeler à la population que le droit de présenter sa candidature à une élection est un droit fondamental protégé par la Charte des droits et libertés de la personne. « Nos poursuites sont toujours motivées par la recherche de l'intérêt public et nous espérons que cette affaire aura une portée dissuasive pour éviter d'autres situations similaires », déclare la porte-parole. Une version qui « n'est pas crédible » Le juge a qualifié le témoignage de l'ex-député libéral Serge Simard de « percutant ». Il a répété à plusieurs reprises que la version de Julie Dufour quant à sa rencontre avec M. Simard « n'est pas crédible ni vraisemblable ». D'ailleurs, le juge s'est montré plutôt critique concernant les déclarations sous serment de Julie Dufour, déposées par la poursuite. On peut comprendre qu'une personnalité politique puisse donner dans l'enflure verbale, mais beaucoup moins dans le cadre d'une déclaration faite sous serment. Cela la discrédite grandement. 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ST-GELAIS, LE QUOTIDIEN Julie Dufour a l'intention de porter la décision en appel. Selon la loi, Julie Dufour perdrait aussi le droit de se livrer à un travail politique, de voter, d'être candidate à une élection et deviendrait inhabile à exercer la fonction de membre de conseil de toute municipalité dès aujourd'hui, et ce, pour une période de cinq ans. Par contre, étant donné que le verdict sera porté en appel, Julie Dufour pourrait conserver son siège et présenter sa candidature à l'élection. La décision portée en appel L'air abattu, la mairesse de Saguenay, Julie Dufour, s'est présentée devant les médias accompagnée de son avocat, Me Charles Levasseur. Celui-ci s'est avoué « déçu » du verdict, malgré l'acquittement de sa cliente sur les deux autres chefs. « Il y a un appel qui sera déposé à la Cour supérieure et la Cour supérieure contrôlera la légalité de la décision du juge Duguay. 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Crevier et la défenderesse se soient déroulés de la façon mentionnée par ce dernier ». Selon M. Crevier, Julie Dufour lui aurait proposé un poste de négociateur des conventions collectives à la Ville en échange du retrait de sa candidature. PHOTO MARIANE L. ST-GELAIS, LE QUOTIDIEN Jean-Marc Crevier s'est dit soulagé du verdict rendu mercredi matin. Or, le tribunal n'en est pas convaincu hors de tout doute raisonnable, notamment en raison « du conflit ouvert et toujours présent » entre Jean-Marc Crevier et Julie Dufour. Le juge a relevé certaines contradictions dans ses propos, dont la date de sa rencontre avec Julie Dufour, qui diffère de celle avancée par l'ex-mairesse de Saguenay, Josée Néron, dans sa déclaration. De plus, Jean-Marc Crevier rapporte que de nombreuses personnes sont au courant de l'affaire en 2021, dont certains conseillers municipaux. « Pourtant, aucun de ses collègues identifiés, que ce soit Carl Dufour, Jimmy Bouchard ou Michel Tremblay, ne se présente à la barre pour soutenir sa version », soulève le juge. Cas de Jacinthe Vaillancourt Pour ce qui est du chef en lien avec l'ex-directrice de la campagne de Julie Dufour, Jacinthe Vaillancourt, le juge émet des doutes quant à la véracité de son témoignage. « Il convient de souligner l'incertitude qui l'habite après qu'elle apprend, via les médias, l'objet des plaintes concernant messieurs Crevier et Simard. » PHOTO JANIE PELLETIER, LE QUOTIDIEN Le juge entretient des doutes en faveur de Julie Dufour quant au témoignage de Jacinthe Vaillancourt. « Il est surprenant qu'elle ne contacte pas alors directement le DGEQ plutôt que de passer par des intermédiaires, politiquement impliqués, pour faire savoir à l'enquêteur Dufour son désir de lui parler », poursuit-il. Le juge a également tenu compte de la dégradation de la relation entre la plaignante et Julie Dufour, soulignant « qu'une impression d'amertume » se dégage parfois du témoignage de Jacinthe Vaillancourt.


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