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Le spectacle d'un chanteur MAGA annulé à Québec

Le spectacle d'un chanteur MAGA annulé à Québec

La Presse23-07-2025
Après Moncton et Charlottetown, c'est maintenant au tour de la Ville de Québec de révoquer le permis pour la tenue du spectacle du chanteur controversé Sean Feucht, associé au mouvement MAGA (Make America Great Again).
Le rockeur chrétien Sean Feucht devait donner un concert vendredi soir sur le site d'ExpoCité, administré par la Ville de Québec, dans le cadre de sa tournée Let Us Worship Revive in 25 visant à « sauver le Canada ».
D'emblée, élus municipaux et organismes de Québec s'y sont opposés. Mercredi après-midi, la Ville a finalement annoncé que le concert n'aura pas lieu sur ses terrains.
« À partir du moment où l'on a compris ce qui se passait, on a pris la décision qui s'imposait », a expliqué à La Presse l'attaché du maire de Québec, Bruno Marchand, Cedrik Verreault.
« La présence d'un artiste controversé n'était pas mentionnée dans le contrat conclu entre ExpoCité et le promoteur du concert prévu sur son site ce vendredi. Avec les nouveaux éléments qui ont été portés à son attention, ExpoCité a décidé de résilier le contrat », a justifié la Ville de Québec, dans une déclaration écrite.
Le concert prévu vendredi à Québec est le quatrième d'une tournée de 11 concerts à travers le Canada menée par l'organisme chrétien Burn Canada dont Feucht était la tête d'affiche.
Sean Feucht a été candidat républicain aux élections de 2020. Sur ses réseaux sociaux, il s'est notamment prononcé contre la communauté LGBTQ+, le droit à l'avortement et la théorie critique de la race.
Plusieurs spectacles annulés
Québec n'a pas été la seule à empêcher le spectacle. C'est d'abord à Halifax, en Nouvelle-Écosse, que Parcs Canada a annoncé en début d'après-midi mercredi sa décision d'annuler le concert qui devait avoir lieu sur le site historique national de York Redoubt.
Tout de même, the show must go on. Rapidement, les organisateurs ont choisi un autre endroit pour le premier concert de la tournée, soit un champ dans la région rurale de Shubénacadie, à environ 60 kilomètres au nord d'Halifax. L'adresse choisie est celle de Lighthouse Ministries, une organisation chrétienne de la région.
Quelques heures plus tard, les Villes de Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, et de Moncton, au Nouveau-Brunswick, ont elles aussi annulé les concerts du chanteur controversé, citant la sécurité publique comme motif et la tenue de possibles manifestations.
À l'heure où ces lignes étaient écrites, les concerts prévus en Ontario (Ottawa et Toronto) et dans l'Ouest canadien (Winnipeg, Saskatoon, Edmonton, Kelowna, Abbotsford) avaient toujours lieu avec l'aval des autorités.
Feucht dénonce le « stratagème du diable »
« Je n'ai jamais ressenti un tel niveau de résistance depuis 2020. C'est le même stratagème du diable. Il veut que le peuple de Dieu se taise, rentre chez lui, mette son masque et reste tranquille », a lancé Sean Feucht dans une vidéo sur son compte Instagram. « Moïse ne l'a pas fait. […] Le Canada non plus », renchérit-il.
Voir la vidéo de Sean Feucht sur sa page Instagram Lien vers Instagram
« Voici ce que l'ennemi tente d'arrêter partout au Canada. Mais une ÉGLISE AUDACIEUSE ne recule pas », a-t-il déclaré dans une autre vidéo, ponctuée de sons d'aigle et d'une musique entraînante, publiée plus tôt mercredi.
« @parks. canada LET US WORSHIP » (Parcs Canada, LAISSEZ-NOUS PRATIQUER NOTRE CULTE), peut-on lire parmi les quelque 300 commentaires sous cette publication.
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Jamais assez des Belles-sœurs
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La Presse

timean hour ago

  • La Presse

Jamais assez des Belles-sœurs

Marie-Denise Pelletier, au centre, est l'interprète de Germaine Lauzon dans cette nouvelle production. Derrière elle, on reconnaît Marie Michèle Desrosiers (à droite) et, à gauche, Natalie Choquette et Lunou Zucchini. Que reste-t-il à dire au sujet des emblématiques belles-sœurs de Michel Tremblay, qui a rejoint les interprètes sur scène, mercredi soir, à la salle Wilfrid-Pelletier ? Peut-être faut-il commencer par préciser que cette version symphonique n'apporte pas grand-chose à l'exceptionnelle comédie musicale créée il y a 15 ans par René Richard Cyr et Daniel Bélanger. Que ce n'est pas bien grave non plus : avec ou sans grand orchestre, cette prise de parole demeure forte et émouvante. On n'imagine plus, aujourd'hui, le choc provoqué par Les belles-sœurs à sa création, en 1968, au Rideau vert. Ceux qui y étaient sont de moins en moins nombreux. Ceux qui n'y étaient pas ne connaissent de cette grande commotion que ce qu'on en dit encore à l'école ou ce que révèlent les archives de l'époque. On reconnaît encore en ces femmes des tantes qui ne sont plus aujourd'hui que des souvenirs d'enfance, mais on a désormais une distance avec le propos de la pièce et son contexte. Avec sa langue, aussi. On ne parle d'ailleurs plus vraiment de « joual » pour désigner notre façon de parler français, même si on se reconnaît toujours dans ces mots-là. Ce joual, celui de Tremblay, n'est-il pas de toute manière une construction littéraire ? Une invention ou, au minimum, une extraordinaire réinvention, évoquant toute une classe sociale sinon un peuple entier ? Tout ça pour dire que, malgré tout ce qui nous sépare désormais de Germaine Lauzon, de ses sœurs, de ses belles-sœurs et de ses voisines, toutes réunies pour un party de collage de timbres primes qui vire mal, cette nouvelle production inspirée de la comédie musicale résonne encore très fort. Que même si le monde a changé – pas complètement, mais quand même – l'œuvre n'a rien perdu de sa part comique ni de sa part tragique. De sa portée, en somme. Des femmes René Richard Cyr était dans la salle, mercredi, tout près de Michel Tremblay, mais c'est Lorraine Pintal qui dirige cette nouvelle version symphonique de Belles-sœurs, dirigée par la cheffe Dina Gilbert. Notons d'emblée que de voir une femme au pupitre, dirigeant l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières, a valeur de symbole puisque le spectacle met en scène une distribution 100 % féminine. À une exception près : l'auteur et dramaturge Simon Boulerice était aussi sur scène dans un rôle de « maître de cérémonie » devant aider le public peu familier avec la pièce à ne pas perdre le fil de l'histoire. PHOTO DANAHÉE PLOUFFE-DUBÉ, FOURNIE PAR GSI MUSIQUE Michel Tremblay fait le baise-main à Marie-Denise Pelletier après la première de Belles-sœurs symphonique, mercredi, à la salle Wilfrid-Pelletier. C'est d'ailleurs lui qui apparaît le premier pour mettre la table : il peint le portrait du « petit Michel » de la rue Fabre, fasciné par les livres et enivré par la lecture, entouré des femmes de sa famille, qu'il écoute sans qu'elles ne s'en rendent compte, emmagasinant des histoires, une manière de parler et des élans théâtraux qui lui serviront plus tard dans son œuvre. Sans être complètement inintéressante, cette introduction est écrite et livrée d'une manière si infantilisante que c'en est presque gênant. On sait pourtant ce dont Simon Boulerice est capable, même dans l'hommage : ce qu'il avait écrit il y a deux ans pour Beau Dommage, qui recevait le prix Artisan de la fête nationale, était inspiré et éloquent. La grande différence entre cette production symphonique et la précédente, qui date de 2014, est qu'elle ne s'appuie sur une majorité de femmes connues d'abord comme chanteuses et non comme actrices. Marie-Denise Pelletier mène le spectacle dans le rôle de Germaine Lauzon, entourée entre autres de Luce Dufault, Marie Michèle Desrosiers, Joe Bocan, Judi Richards, Natalie Choquette, Catherine Major, Lulu Hugues et quelques autres. De la comédie musicale de 2010, il ne reste plus que Kathleen Fortin qui prête sa voix exceptionnelle à Des-Neiges Vermette, la demoiselle esseulée. Des imperfections gommées par la beauté La première de mercredi ne fut pas de tout repos. Le spectacle a été perturbé par des problèmes de sonorisation qui empêchaient de savourer les textes. Il est en effet arrivé plus d'une fois qu'une interprète commence à chanter alors que son micro-casque n'avait pas été allumé… Alerte au pupitre, Dina Gilbert a travaillé très fort à faire le lien entre l'orchestre et les chanteuses, de manière éviter les décalages tout en donnant les élans nécessaires aux arrangements de Simon Leclerc. Elle a réussi, pour l'essentiel, à donner une belle cohésion à l'ensemble. PHOTO DANAHÉE PLOUFFE-DUBÉ, FOURNIE PAR GSI MUSIQUE Luce Dufault (au centre) brille dans le rôle de Pierrette Guérin, la « fille de mauvaise vie ». À gauche, sa fille Lunou Zucchini (Lise Paquette) et Laetitia Isambert-Denis (Linda Lauzon). Marie-Denise Pelletier a donné du corps à sa Germaine Lauzon, portant avec adresse Gratis, le premier solo de la soirée, une chanson pas si facile à chanter. Dorothée Berryman a perdu le fil durant La noce, une chanson impossible faite d'une énumération de noms, mais elle s'est bien rattrapée et le morceau a levé rendu au chœur. Et bien que ce genre de spectacle repose d'abord sur la force de l'ensemble, on ne peut pas ne pas souligner l'interprétation de Luce Dufault, en pleine maîtrise jusque dans la fragilité. Quelle voix et quelle interprète ! La mise en scène de Lorraine Pintal, assez minimale, était habile dans les circonstances, mais ne pouvait pas égaler les tableaux géniaux créés par René Richard Cyr au Théâtre d'Aujourd'hui dont on garde encore des images fortes – sa version cinéma aussi est pétillante, si vous n'avez pas encore le plaisir de la voir. Enfin, il faut souligner l'apport inestimable de la vedette discrète de la soirée : Daniel Bélanger et ses mélodies. Quinze après la création de Belles-sœurs, titre officiel de la version « théâtre musical », on savoure encore ses trouvailles, l'adresse avec laquelle il passe de la mélancolie au sourire en coin, s légèreté colorée et son sens du drame. On reste habité par les thèmes musicaux de ce spectacle-là longtemps après avoir quitté la salle Wilfrid-Pelletier. Jusqu'au 2 août à la salle Wilfrid-Pelletier, puis du 28 au 30 août au Grand Théâtre de Québec Consultez la page de l'événement

Foglia, le lecteur
Foglia, le lecteur

La Presse

time5 hours ago

  • La Presse

Foglia, le lecteur

Pierre Foglia est le journaliste sportif qui aura le plus parlé de littérature dans un journal. En tout cas, c'était le seul qui me faisait ouvrir le cahier des sports à l'époque du papier, justement pour ça : pour ses références constantes à ses lectures, qu'il mêlait à la vie de tous les jours, comme aux évènements de l'actualité. Lire était aussi naturel et essentiel pour lui que respirer, ça se sentait dans chacun de ses textes. Je n'en avais rien à foutre du Tour de France (encore aujourd'hui), mais je lisais Foglia, peu importe ses sujets. Pour la bouffée d'air frais au travers des nouvelles. Pour sa poésie, même s'il se gardait bien d'être un « pouète ». Une seule phrase positive de Foglia sur un livre dans une chronique dopait les ventes plus que toutes les critiques dithyrambiques réunies et changeait souvent la vie d'un auteur. L'effet Foglia était bien réel en librairie. Pourtant, ce n'était pas un critique officiel, seulement un lecteur avide qui faisait partager ses goûts avec franchise, et c'était mille fois plus efficace que n'importe quelle analyse ou ces fameux « coups de cœur » qui le faisaient chier. Un sceau d'approbation à lui seul ; « Foglia a aimé » était un argument de vente et on le citait sur les couvertures. Même qu'une fois, il s'était fâché contre Mélanie Vincelette, une éditrice qu'il aimait beaucoup, parce que son nom était apparu en gros sur la couverture de La fiancée américaine d'Éric Dupont, publié chez Marchand de feuilles en 20121. Quand il a annoncé sa retraite en 2015 dans une chronique, il est vite passé sur le sujet pour plutôt dévoiler les 100 livres préférés de ses lecteurs, à qui il avait demandé de lui envoyer leurs listes, et qui lui avaient répondu en masse2. « Je crois être pour quelque chose dans quelques-uns de vos choix les moins convenus, écrivait-il. Cela n'est pas surprenant non plus, cela fait 40 ans que je vous invite à lire moins de Coelho et de Millenium. Il me revient de vous avoir chaudement recommandé La fiancée américaine, Les années, Les Bienveillantes, L'équilibre du monde… Merci pour L'équilibre du monde. Vous ne soupçonnez pas comme cela me fait plaisir de le retrouver dans notre top 20. » Pierre Foglia aura fait lire bien du monde, parce qu'il estimait que tout le monde devrait lire. Une citation de lui qui a beaucoup circulé à l'annonce de sa mort disait ceci : « Je crois profondément que l'avenir de l'Homme et de sa fiancée ne se joue pas à la Bourse, à l'Université, dans un Parlement, dans un journal, dans un laboratoire de recherche. « Je crois profondément que l'avenir de l'humanité se joue, chaque jour, dans la classe d'un prof de philo qui donne un cours sur le libre arbitre à de futurs plombiers, de futurs flics, coiffeuses, infirmiers, informaticiennes et vendeurs de chars usagés. » J'étais petite dans mes souliers la première fois que Foglia est venu me parler dans la salle de rédaction. Il était déjà un monument de la presse écrite. De cette cohorte de l'âge d'or qui avait fait ses classes avant l'internet, et qui a donné les Nathalie Petrowski, Louise Cousineau, Claude Gingras ou Réjean Tremblay. Des personnages. Nous avions jasé de livres, bien sûr. Foglia respectait mon travail, il me demandait mon avis, c'était le plus beau des compliments. Le fait d'être une rouquine a dû aider à me rendre sympathique aussi. Je ne lui suggérais jamais trop un titre, ça aurait pu mal virer pour son auteur, car il pouvait être vraiment bitch. Il ne fallait pas insister avec Foglia, certains qui l'ont fait s'en sont mordu les doigts. Ça arrivait au détour de nos échanges, qui tournaient toujours autour des livres ou du cinéma. Je me souviens de son adoration de Dogville de Lars von Trier, et aussi qu'il avait niaisé ses lecteurs pendant des mois à leur dire qu'il n'avait toujours pas vu Les invasions barbares de Denys Arcand (ce qui était faux). De son admiration sans bornes pour Annie Ernaux, qu'il m'a fait découvrir. « Vous êtes Charlie ? Moi aussi, mais je suis d'abord Annie Ernaux3. » Je lis les hommages de mes collègues, ça me fait pleurer et ça me donne le vertige, parce que Foglia, c'est une époque. Tout le monde a son anecdote avec lui, la mienne est un mauvais coup. Un jour de bulle au cerveau, j'ai proposé à mes patrons un canular pour le 1er avril, je suis encore surprise qu'ils aient accepté. Mon fiancé et moi avions écrit un faux reportage sur un groupe de jeunes admirateurs de l'écrivain Charles Bukowski qui se pétaient le foie avec l'alcool en hommage à leur mentor. C'était l'un des auteurs fétiches de Foglia qu'on visait et nous avions fait exprès de le piquer dans l'article, parce qu'il avait souvent souligné que Bukowski était un écrivain avant d'être un ivrogne. Il était venu me voir au bureau en furie. « Mais c'est qui, ces jeunes débiles ? » Il a tellement ri quand je lui ai appris que c'était une joke. « Oh les cons ! », qu'il m'avait dit en me donnant une bine sur le bras. Ce fou des livres n'a jamais voulu en publier, et ce n'est pas faute d'avoir été courtisé pour le faire. Il a finalement cédé pour ses chroniques du Tour de France (Le Tour de Foglia), mais vous ne trouverez pas d'autres recueils de ses textes en librairie. Depuis l'annonce de son décès, je ne compte plus le nombre de gens qui racontent avoir découpé ses chroniques pour les conserver, et il n'y a pas une semaine qui passe sans qu'un lecteur de La Presse déplore son absence, dix ans après sa retraite. Son regard unique nous manque. On n'a jamais pu se lasser de Foglia parce qu'il s'est concentré uniquement sur ses chroniques qu'il peaufinait comme un malade. Il refusait les entrevues, ne faisait pas de radio, pas de télé. Il était un peu le Réjean Ducharme de la chronique, même que pendant un temps, on le voyait de dos sur sa photo dans le journal. C'est en évitant de se disperser qu'il s'est rendu précieux. De Foglia, j'ai retenu un truc en particulier : toujours avoir un calepin de notes avec soi. C'est ainsi qu'il construisait ses chroniques, parfois pendant des semaines, en notant tout, une blague, une image, une idée, une information, une citation. Derrière chacun de ses textes, un travail immense, un souci d'orfèvre. Cet ancien typographe maniait les mots comme un athlète de haut niveau. Écrire était sa plus grande discipline, qu'il avait apprise auprès des plus grands écrivains. Un bon chroniqueur est toujours un bon lecteur. J'ai gardé ses courriels qui étaient signés « envoyés de mon toaster ». Dont celui qu'il m'avait écrit quand je me suis retrouvée dans le tremblement de terre en Haïti en 2010, alors que j'y étais pour faire un reportage sur Dany Laferrière et un festival littéraire. Une phrase, toute simple, en guise d'encouragement : « J'ai toujours pensé que la littérature est un sport dangereux. » 1. et 3. Lisez « Bonheurs » 2. Lisez « La liste mon vieux, une dernière »

L'observateur des petits mouvements du cœur
L'observateur des petits mouvements du cœur

La Presse

time7 hours ago

  • La Presse

L'observateur des petits mouvements du cœur

Pierre Foglia participant à un panel au Salon du livre de Montréal en 1983, en compagnie de Lysiane Gagnon (à gauche) et de Lise Payette (au centre) Foglia. Juste le nom provoque des émotions diverses chez les gens : joie ou panique. Personne ne pouvait prévoir ce qu'il allait lire à la page 5 du cahier A de La Presse quand le locataire s'appelait Foglia. Très peu de gens aussi savaient qu'il fallait oublier le g dans Foglia, je l'ai appris mais ça ne m'empêche pas de prononcer ce g fantôme. Je ne sais pas comment il s'est arrangé avec ce petit inconvénient identitaire dans son quotidien. Ce qui est sûr, c'est que nul n'était à l'abri de cet œil perçant qui vous voyait venir de loin. Dany Laferrière Membre de l'Académie française Un jour il vous portait aux nues, et le lendemain il pouvait vous disséquer sur une table de marbre. Une main qui caresse ou une guillotine qui tombe. En fait, ce n'était pas si simple, car il n'était pas aussi prévisible que la plupart des chroniqueurs qui sévissent ici ou ailleurs. On doit admettre que Foglia est de calibre international. Entre ces deux situations précitées (la main ou la guillotine), il y avait une variété de nuances possibles. Et son style, ce style décapant mais capable de langueur en même temps, l'empêchait d'être ringard. Si on écarte l'aisance, l'esprit (pas les mots d'esprit), l'ironie et ce talent fracassant, que trouve-t-on ? Un bonhomme qui fait du vélo, répond à son courrier avec son genou, s'occupe de ses chats ou de son jardin, ne déteste pas les potins, et cherche minutieusement un nouveau restaurant en ville pour y emmener sa fiancée. En fait, un vieux conservateur avec une âme d'anarchiste, ce qui donne un libertaire. De plus, il ne cesse de « vitupérer l'époque ». Plutôt moraliste que moralisateur. Lui, Foglia, sa bête noire, c'était la vulgarité, pas la vulgarité selon les honnêtes gens, non, il avait une vision particulière de la chose qu'il a exposée maintes fois dans ses chroniques. Pour éviter cette boue, il se sauvait par une porte dérobée. Mais ne lui parlez pas de style proprement dit, il détestait le mot. Est-ce pourquoi il vouait une telle admiration à Bukowski, celui des Contes de la folie ordinaire, de L'amour est un chien de l'enfer, même s'il lisait rarement de la poésie ? On doit comprendre alors que cette grâce d'écriture était apparente, mais qu'en réalité, il souffrait le martyre, comme son vieux pote Bukowski. Une fois, au Caffè Italia, j'ai décidé de savoir ce qu'il en était du style à ses yeux, car il est selon moi un écrivain de premier ordre. Son usage du joual, même si différent, est aussi important pour notre poétique que celui de Ducharme. Si Ducharme s'enivre de cette contre-culture, lui reste sobre mais efficace. Entendant le mot « style », il a commencé par secouer vigoureusement la tête en signe de dénégation, comme fait ma petite-fille quand elle refuse une bouchée. Il a martelé qu'il n'était qu'un chroniqueur qui doit faire, selon le contrat, trois papiers par semaine et qu'il n'avait pas le temps pour frimer. Son style ? Il y va direct, flanquant des coups par-ci par-là, gueulant ce qu'il a à dire et se taisant au point final. C'est la première version ? je lui demande. Après, je corrige les fautes, fait-il de cette voix aigrelette qu'il détestait tant. Justement, Foglia, tu viens de décrire ton style, et cette facilité exige beaucoup de métier, et une sorte de détermination. Le jeu de tête reprend : non, non, je n'ai pas de style. Mon rapport avec ma petite-fille m'a appris qu'il ne faut jamais contredire les enfants, les fous et Foglia. J'ai pris un autre chemin lui demandant à quel moment il avait compris que c'était ainsi qu'il devait écrire. Il est resté un long moment silencieux avant de me demander si j'avais lu Les années d'Annie Ernaux. Ah, voilà, le style, me dis-je, il saute les réponses intermédiaires, ce qui accélère la conversation. Cette vitesse subite crée une vibration si particulière dans l'atmosphère qu'elle donne envie de lire par-dessus l'épaule de Foglia. Il vous met constamment en état de désir. En ce moment il y a quelqu'un qui vient de se lever au milieu de l'article pour sortir de sa bibliothèque Les années et le feuilleter un long moment, se mettant ainsi en intimité avec l'homme qui lui a fait connaître, au fil du temps, tant d'écrivains. Mais Les années n'est peut-être pas le livre qu'il préfère de cette romancière, car je le soupçonne de lire en cachette La place qui parle du père d'Ernaux ou Une femme où elle met en scène sa mère. PHOTO RÉMI LEMÉE, ARCHIVES LA PRESSE Pierre Foglia devant les bureaux de La Presse, en 2004 Foglia, qui nous est apparu un jour pour écrire sous nos yeux ahuris puis éblouis le grand roman de notre vie quotidienne, est resté jusqu'à aujourd'hui cet être mystérieux qui s'était emparé de notre esprit, puis de notre cœur. Nous savons que sa mère était revêche, le genre qui a toujours travaillé dur, et ne laisse rien passer autour d'elle. Et son père à la fois timide et doux. Il ressemble à sa mère physiquement, mais il a la timidité de son père. Et sa douceur aussi. Ce chroniqueur, qui peut parfois être très violent, se croit toujours juste. Pour le clouer au lit, il suffit de lui faire savoir qu'il vous a fait mal – le dire simplement et sincèrement. Ah, un autre point pour le style : il croit que la vraie morale se trouve dans la musique de la langue, et qu'il ne peut pas être méchant si sa musique rejoint le sens commun. En un mot si ça sonne juste. Est-ce pourquoi il refuse les mondanités, ou même de rencontrer les gens, si ce n'est pas pour devenir un ami ? On peut compter ses amis sur les doigts d'une main, d'ailleurs il en fait les comptes de temps en temps dans le journal. Tous des inconnus, sauf ce chroniqueur sportif dont la mort l'avait fracassé. On comprend la situation si on sait qu'Holden Caulfield, le narrateur perturbé par un trop-plein de sensibilité de L'attrape-cœurs, le roman de Salinger, est son personnage littéraire préféré. Son seul échec en tant que chroniqueur était cette idée qu'il croyait pourtant bonne de se rendre chez les gens pour les voir vivre, et noter leurs petits mouvements du cœur. On est moins libre dès qu'on voit un visage de trop près. Depuis, il a pris définitivement sa distance avec les acteurs de son théâtre de poche. Quand il a compris qu'il allait rester jusqu'à sa retraite à La Presse, il a travaillé son souffle comme un marathonien. Le style, c'est la survie pour cet apprenti typographe, tout étonné mais nullement impressionné de passer chez les lettrés. Chaque année il fait un article pour se rappeler qu'il n'est qu'un artisan tout en se désolant de cet art perdu du plomb. C'est son côté gauche prolétarienne. Il adore le sport parce que les résultats sont clairs. Le cent mètres, la boxe, le cyclisme. Le temps se compte en secondes. On perd une miette de concentration et on se retrouve K.-O. C'est l'une des plus durables passions de sa vie, mais aussi ça lui permet de quitter le monde intellectuel ou politique pour retrouver la grande foule. La vie, quoi ! Mais tenir une chronique durant plus de 40 ans, c'est long et épuisant. On se répète parce que la vie est bourrée de répétitions. À force, les lecteurs connaissent nos habitudes. Il prenait un mois par an (deux semaines ici, une autre là) et la grogne montait très vite. Qu'est-ce qu'il fait ? Où est-il encore allé ? Il n'y a pas que le vélo dans la vie. Cette façon de le réclamer sans ménagement n'est pas pour lui déplaire, car c'est exactement ce qu'il voulait être pour ses lecteurs : un objet essentiel comme le téléphone, ou une habitude comme le café du matin. Un élément de la nature comme la pluie d'été. Il a réussi à se fondre dans le paysage. Mais le style sur une telle longueur, je n'ai pas encore compris comment ça fonctionne. Foglia est fils d'ouvrier qui sait que pour durer, il ne faut surtout pas se presser, tout en donnant l'impression d'aller plus vite que quiconque. Faire le mort pour mieux rebondir : il a dû peaufiner cette technique des cyclistes du Tour de France. Sans trop ruser aussi, car la ruse nous use avec le temps. S'arranger pour imposer son rythme. La ville peut bien s'exciter à propos d'un film, d'un livre, d'un jeune prodige musical sauf s'il s'agit de Plume Latraverse, Foglia en parlera quand ce sera le temps. Le présent ne se fait pas uniquement avec les évènements. Finalement, il se sentira toujours proche des échappées et des ruptures de ton de Céline, et de son humour terrifiant qui cache malgré tout un cœur palpitant. Je crois tout de même qu'il s'était arrêté à son premier roman : Voyage au bout de la nuit. Alors comment s'organisait-il pour affronter ce monstre, le temps ? Il s'est fragmenté en mille figures qui sont tant de chapitres d'une vie qui ne fut pas aussi amusante qu'on croit, car le chroniqueur devait rester immobile à se gratter la tête pour faire cette chronique où nous trouverons sûrement un mot, une phrase, un silence, une métaphore qui nous aidera à sourire une partie de la journée. J'ai failli oublier son sujet le plus obsédant. Il n'en parlait jamais longuement, mais il y revenait toujours. Au Caffè Italia, ce jour-là, je me suis arrêté juste avant de lui poser cette question vulgaire à force de familiarité : et la mort ? Ah, la belle de Cadix, comme il l'appelait dans sa page. Finalement, il a échappé au cancer du côlon qui l'effrayait tant. Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue

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