logo
Olivia Rodrigo, une rock star à paillettes

Olivia Rodrigo, une rock star à paillettes

La Presse3 days ago
Qu'elle est cool, Olivia Rodrigo. Plus encore, elle donne l'impression que l'on assiste au sacre d'une nouvelle héritière du rock lorsqu'on la voit sur scène. La chanteuse américaine a offert dimanche à Osheaga le tout dernier spectacle de sa tournée mondiale Guts. Rodrigo a complètement électrisé le parc Jean-Drapeau en cette ultime journée de festivités.
Son rock est teinté d'une bonne couche de pop-punk. Son rock décape. Son rock fait pleurer les festivalières. Son rock est rafraîchissant, il donne de nouvelles lettres de noblesse au genre dont on a trop souvent annoncé la mort. Le rock n'est pas mort, Olivia Rodrigo vous le prouvera, même si sa version à elle est décorée de strass et qu'il exsude une féminité assumée. Elle n'a que 22 ans et, déjà, Rodrigo concocte des hymnes que des dizaines de milliers de personnes ont chantés à l'unisson samedi.
À commencer par obsessed, une parfaite mise en bouche. On aura l'occasion de se défouler pendant ce spectacle, pourquoi ne pas commencer dès les premières minutes ? Ici, sous des jets de feux d'artifice, Olivia Rodrigo déclame sa jalousie pour celle que son amoureux a déjà aimée. « If I told you how much I think about her/You'd think I was in love », chante-t-elle, avant de déclarer : « I'm so obsessed with your ex ».
PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE
Olivia Rodrigo sur scène au parc Jean-Drapeau, dimanche soir
La jeune vedette est vêtue d'un somptueux ensemble scintillant. Derrière la chanteuse, des images d'elle, comme un court métrage, accompagnent la musique. Ensuite, sa ballad of a homeschooled girl, qui n'a rien d'une ballade, a gardé le rythme déchaîné du départ, jusqu'à mener à la très populaire vampire.
Son introduction lente au piano, son crescendo, sa finale enlevante : impossible de ne pas se laisser entraîner par la fougue de l'artiste, qui se diffuse à travers la vaste foule comme un courant électrique.
« Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais c'est le dernier spectacle à vie de la tournée Guts, a-t-elle affirmé en s'installant au piano. Je sais un peu triste que ça finisse. Mais en vous regardant, je me demande : est-ce qu'on aurait gardé le meilleur spectacle pour la fin ? »
Est alors venu le moment de la chanson la plus virale du répertoire d'Olivia Rodrigo, celle que tout le monde a déjà entendue, même sans le savoir, tant elle a été populaire à une époque. Celle, surtout, qui a permis à l'artiste de se rendre où elle est aujourd'hui (de jeune actrice Disney à jeune icône pop-punk). Assise au piano, elle a ainsi interprété drivers license, la chanson de rupture par excellence de l'année 2021.
PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE
La foule pendant le spectacle d'Olivia Rodrigo, dimanche soir
La version piano-voix de l'émouvante traitor a suivi (une autre chanson de rupture, spécialité d'Olivia Rodrigo). Les milliers de lumières de téléphone dans les airs ont fait scintiller le cœur du parc Jean-Drapeau. L'interprète en impose par sa performance vocale. Elle le fera d'ailleurs toute la soirée.
Héritière pop-rock
À tous ceux qui seraient tentés de minimiser l'impact d'Olivia Rodrigo parce que A) c'est une jeune femme, B) son public est majoritairement constitué de jeunes femmes, et C) ses chansons décrivent les expériences des jeunes femmes de son époque : n'oubliez pas que les Elvis, Beatles et Rolling Stones de ce monde ont tous eu une carrière grâce aux jeunes femmes. Celles-ci méritent une ambassadrice comme Olivia, qui, sans testostérone aucune, parvient à créer un engouement monstre, en transposant en chansons ce que beaucoup ont sur le cœur.
PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE
Olivia Rodrigo a complètement électrisé le parc Jean-Drapeau, dimanche soir.
Besoin d'être un peu plus convaincu ? Notez que Robert Smith s'est joint à elle sur scène lors de son spectacle au festival Glastonbury, il y a un mois. Que Weezer a chanté avec elle durant son concert à Lollapalooza cette semaine. Lily Allen, Sheryl Crow et plusieurs autres lui ont également donné leur bénédiction en montant sur scène avec elle durant sa tournée qui se terminait dimanche. Une nouvelle princesse est née. Vive la princesse !
Pas d'invité à Montréal, mais elle n'en a pas besoin de toute façon. Il fallait la voir, durant bad idea right ? et love is embarrassing, se démener sur scène.
Cette dernière est parmi les morceaux les plus pop du répertoire de Rodrigo, elle fait danser en hurlant le désespoir que l'amour peut engendrer (elles étaient nombreuses, autour de nous, à s'égosiller). L'autrice de ses lignes n'en est plus à ses premières peines de cœur d'adolescence, mais nul doute qu'il n'est pas nécessaire d'avoir 20 ans (ni même d'être une fille !) pour se sentir concerné par ses paroles. « God, love is embarrassing/just watch as I crucify myself/For some weird second string loser who's not worth mentioning. »
Guitare acoustique à l'épaule, Olivia Rodrigo s'est ensuite lancée dans pretty isn't pretty (un déchirant morceau sur l'impossibilité d'être assez « parfaite » selon les standards de notre société), suivie de happier, une autre de ses ballades.
Surprise pour les admirateurs de la toute première heure : si elle ne figure pas sur la liste originale des chansons de la tournée Guts, Olivia a offert All I Want pour ce dernier spectacle. La pièce est tirée de la série High School Musical : The Musical : The Series, dans laquelle elle jouait l'un des rôles principaux.
Capable de tout
Elle n'a que deux albums à son actif, Sour (2021) et Guts (2023), mais son spectacle donne déjà le sentiment de n'être qu'une succession de succès, tous aussi accrocheurs les uns que les autres.
PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE
Olivia Rodrigo sur scène au parc Jean-Drapeau, dimanche soir
Le rythme s'adoucit un moment avec enough for you (la chanson préférée de la chanteuse et l'une des nôtres aussi). On danse ensuite un instant pendant so american, on exorcise nos démons à tue-tête sur jealousy, jealousy, avant de se faire chanter la sérénade à nouveau avec lacy et deja vu.
Après un interlude, la seconde partie du spectacle permet à Olivia de réapparaître dans un nouvel ensemble : micro-shorts de cuir, t-shirt rouge et collants résille. Fini les paillettes.
On refait appel aux guitares électriques pour l'énergique brutal, qui nous donne l'impression pendant un instant d'avoir à faire à une version féminine d'un Billy Corgan d'il y a 30 ans (oui, oui, nous nous permettons et assumons cette comparaison). La chanson suggère ce qu'ont déjà fait les Smashing Pumpkins avant elle.
Rodrigo passe de la ballade au power pop-punk sans effort, nous entraînant chaque fois d'un côté ou de l'autre. Il y a quelque chose de fascinant dans la façon dont elle évoque tantôt une certaine Taylor Swift, tantôt une Hayley Williams ou une Lorde, tout en étant tout à fait elle-même, soit une jeune artiste naviguant dans ses relations (avec les autres et avec elle-même) en façonnant une musique profondément personnelle.
All-american bitch, d'ailleurs, qui vient ensuite, est un autoportrait que la chanteuse trace en s'opposant au standard de la société américaine dont elle est issue. Elle demande à la foule de hurler de toutes ses forces, et tous s'exécutent dans un cri de groupe libérateur.
Le giga-succès good 4 u permet de nouveau à la foule de hurler les paroles qu'elle connaît par cœur en direction de la scène, tout en sautillant sur place, tandis qu'Oliva Rodrigo fait de même, micro à la main. La communion atteint son apogée et se prolonge jusqu'à la toute dernière chanson de la soirée, get him back !. « I'm gonna get him so good, he's not even gonna know what hit him/He's gonna love me and hate me at the same time », conclut la vengeresse chanteuse, toujours férocement franche et assumée.
Ses chansons comme exutoire, elle s'est défoulée. Les quelques dizaines de milliers de festivaliers aussi, et c'était électrisant à vivre et à voir. Olivia Rodrigo est une rock star.
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

Rej Laplanche, punk un jour, punk toujours
Rej Laplanche, punk un jour, punk toujours

La Presse

time4 minutes ago

  • La Presse

Rej Laplanche, punk un jour, punk toujours

Il y a 25 ans s'amorçait à MusiquePlus l'émission 123Punk, avec pour animateur un jeune passionné de musique rock caché derrière une planche de skate. Celui que l'on appelle encore aujourd'hui « Rej Laplanche » habite aujourd'hui la région de Québec, où on pouvait l'entendre jusqu'à tout récemment sur les ondes de la station BLVD. Il a annoncé la semaine dernière qu'il quittait son micro, ne se reconnaissant plus dans « la version 2025 » de cette antenne. « Depuis que j'ai annoncé que je quittais BLVD, j'ai reçu des propositions. Je ne sais pas si on va me réentendre à un micro de radio bientôt. Peut-être. Mais le web me tente. J'aime beaucoup le podcast. On verra bien », laisse savoir Rej Laplanche, qui continue d'animer plusieurs festivals de musique rock cet été. À 50 ans, il n'a pas envie de faire de compromis. Sa décision de laisser son émission de radio le prouve bien. Un saut dans le vide qui a quelque chose « d'un peu punk ». Quand on lui fait la remarque, Rej Laplanche, qui mène une vie rangée à la campagne avec sa conjointe de longue date et leurs deux ados, rigole. « Qu'est-ce qui est punk ou pas ? C'est la grande question. Au début des années 2000, il y avait presque des bagarres dans les bars pour savoir ce qui était vraiment punk et ce qui ne l'était pas. Quand on est arrivé avec 123Punk, c'était aussi le grand débat. Pour les puristes, une émission de télévision, par définition, ça ne pouvait juste pas être au punk », se rappelle-t-il. Gars de musique Rej Laplanche aura animé 123Punk pendant près de 10 ans sur les ondes de MusiquePlus. Il garde un très bon souvenir de ses débuts derrière une planche à roulettes à présenter les vidéoclips de NOFX ou des Planet Smashers. « Un stunt », qui se voulait un clin d'œil à Ed the Sock, une marionnette en forme de bas qui animait à MuchMusic, le pendant de MusiquePlus au Canada anglais. Mais pas que… « À l'époque, tous les nouveaux visages en ondes devaient être approuvés par Moses Znaimer, le grand patron de MusiquePlus et de MuchMusic, qui était basé à Toronto. Ça pouvait être long avant de recevoir son autorisation. On n'avait pas le temps d'attendre. Il nous fallait une émission sur le punk. Alors on a eu l'idée de me faire animer derrière une planche de skate. C'était assez punk ça aussi quand on y repense », raconte en riant Réjean Claveau, de son vrai nom. PHOTO ANDRÉ TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE Les VJ version 2004 de MusiquePlus, de gauche à droite : Stéphane Gonzalez, Rej Laplanche, Mélanie Cloutier, Mike Gauthier, Rebecca Makonnen, Chéli Sauvé-Castonguay, Izabelle Desjardins, Valérie Simard, Denis Talbot et Nabi-Alexandre Chartier. L'animateur avait repris son nom de baptême durant les années où il a travaillé à Radio-Canada à Moncton, après son départ de MusiquePlus. Lorsqu'il a déménagé à Québec et qu'il a pris la barre de la matinale de BLVD, en janvier 2021, il est redevenu Rej Laplanche. À l'époque, BLVD était une station rock. Depuis, elle a adopté un format plus proche de la radio parlée, avec une orientation politique marquée à droite, à l'image de sa rivale CHOI Radio X. En entrevue avec La Presse, Rej Laplanche a tenu à préciser que sa décision de quitter la station n'a rien à voir avec sa ligne éditoriale. Il assure aussi partir en bons termes avec les patrons. Ce n'est pas une question de gauche ou de droite. C'est vraiment le format de radio parlée, qui est collé sur l'actualité, qui ne correspond pas à ce que je suis. Rej Laplanche « Moi, il y a un nombre maximal de fois où je peux parler du tramway dans une année. En parler tous les matins, je ne peux juste pas », fait valoir Rej Laplanche, qui reste d'abord et avant tout un gars de musique. Fier VJ MusiquePlus a été son terrain de jeu pendant une quinzaine d'années. Cette chaîne était perçue comme une école par beaucoup de jeunes animateurs, venus y faire leurs preuves dans l'espoir d'être repêchés ensuite par TVA ou Radio-Canada. Rej Laplanche n'a jamais vu les choses de cette façon. Il se souvient d'avoir été courtisé à l'époque par plusieurs radios commerciales et par ICI Musique. La réponse a toujours été non, « même pour 20 000 $ de plus ». PHOTO MARIKA VACHON, COLLABORATION SPÉCIALE Rej Laplanche Rien ailleurs ne me permettait de vivre ce que MusiquePlus me faisait vivre. Si le MusiquePlus que l'on a connu existait encore, j'y serais toujours. Rej Laplanche Or, l'ancienne chaîne de référence des ados québécois n'était plus que l'ombre d'elle-même à la fin. La musique était devenue secondaire. La programmation se composait essentiellement de téléréalités américaines doublées. La fermeture paraissait inexorable depuis l'arrivée de l'internet. Aurait-elle pu être évitée ? Rej Laplanche l'ignore, mais il croit quand même avec le recul que certaines décisions auraient pu être prises différemment. « On a peut-être été trop lents à réagir à l'arrivée du web. Je me souviens d'avoir parlé de YouTube à un patron à l'époque. Il m'avait répondu que ça allait être une mode et qu'on n'avait pas à s'inquiéter », souligne l'animateur, qui doute également que la création de Musimax ait été bénéfique. « Oui, Musimax, c'était bien pour ceux qui voulaient voir un clip de Céline ou de Garou. Mais ça a aussi fait en sorte qu'on a dilué notre contenu musical », regrette celui qui a trouvé difficile son départ de MusiquePlus, il y a 10 ans. Le bon vieux temps Les premières années après son départ, presque personne ne l'abordait pour lui parler de MusiquePlus. « Ça allait tellement mal à la fin. C'est comme si les gens préféraient ne pas y penser », constatait-il alors. Depuis, la fibre nostalgique a repris le dessus. Rej Laplanche dit se faire parler de MusiquePlus presque tous les jours. À croire que la défunte chaîne pourrait renaître de ses cendres. « Si on refait MusiquePlus, ça se passerait sur le web, c'est certain. Mais est-ce que les gens seraient vraiment au rendez-vous ? Oui, ils sont attachés à la marque. La nostalgie est très forte. Mais ont-ils envie de voir une nouvelle mouture de MusiquePlus ? Je ne sais pas », se demande l'ex-VJ.

Un petit périmètre infini
Un petit périmètre infini

La Presse

time2 hours ago

  • La Presse

Un petit périmètre infini

Je désirais partager un inédit issu de mes carnets de Shéhérazade que j'écris depuis longtemps couchée dans ma chambre. J'espérais être arrivée au bout de ma peine comme de mes pages pour en livrer le tout dernier fragment, racontant la joie du bout de mon chemin, manifestant que toute tristesse se traverse. Mais… avec mon corps qui ne collabore pas bien, force est d'admettre que ce dénouement ne s'écrit pas encore. Isabelle Dumais Artiste visuelle, poète et enseignante, collaboration spéciale (Petit corps sans mains aux bras, à petits pas, avance encore. Traverse.) Si j'arrivais à écrire cette sortie du bois de mon corps triste, j'y raconterais la joie de nos égarements et déplacements nécessaires dans l'univers pour y trouver notre place, même si les miens vers ma classe de peinture − qui était, je le croyais, mon vrai lieu − m'ont menée aussi, avant de m'effondrer, jusqu'à cette chambre étroite où maintenant j'écris, un peu. « Il n'y a que ma chambre […] où je suis bien », écrivait Le Clézio dans L'extase matérielle. Cette place « [o]ù les aventures et les voyages commencent et se terminent », ces « quelques mètres carrés, très limités », forment dorénavant vraisemblablement mon lieu. Je n'ai que ma chambre, mais c'est ma chambre à moi (pour citer cette fois Virginia Woolf). Et je suis reconnaissante que ce soit, somme toute, une belle place. Car c'est une chambre avec vue. PHOTO ISABELLE DUMAIS, FOURNIE PAR L'AUTEURE Le fleuve Saint-Laurent Dans leur essai-manifeste Ce qui ne peut être volé, la philosophe Cynthia Fleury et le designer Antoine Fenoglio nomment comme premier élément du bien commun à préserver « la perspective », et l'importance qu'en nos lieux nous puissions toujours « accéder à une vue ». « Voir l'horizon » est une « nécessité journalière » dont beaucoup trop d'êtres sur terre sont scandaleusement privés (et radicalement d'ailleurs, si l'on est aujourd'hui par exemple, mais pas seulement, une femme afghane). Si, pour de longues heures, il n'y a pour moi maintenant que ma chambre, j'aime qu'au troisième étage d'un bloc centenaire, près d'un cimetière, elle m'offre une vue sur des grands cèdres où chantent les oiseaux. Je ne vois pas le fleuve à la fenêtre de ma chambre. Mais par temps gris ouaté de chagrin opaque, je souris d'entendre aussi les cornes de brume des bateaux. Car ma chambre a un fleuve proche. (Petit corps triste, va saluer le fleuve au bout de la rue.) En cinq minutes à peine, mes pieds peinés me rapprochent du bien-aimé ; le Saint-Laurent soudain à mon chevet, la perspective alors s'offre vraiment, change. À deux pas de son torrent calme, je médite, fixe d'abord les vagues dans lesquelles mon corps triste, qui ne l'est alors presque plus, ne plonge pas. C'est qu'en bonne Clarissa Dalloway aimant la vie, je lève ensuite la tête, porte mon attention plutôt sur l'horizon devant. (En fait, j'aime tourner la tête de droite à gauche et constater : le fleuve beaucoup plus étendu que moi.) J'ai un ami qui, lorsque nous allons saluer le fleuve ensemble, aime regarder à droite pour contempler le pont. Il dit rêver avec lui de tout ce qui nous relie au monde. Je prends un moment exemple sur lui, regarde vers l'ouest, rêve de mes liens à prendre soin, bien que cette passerelle me rappelle aussi avec nostalgie tout ce qui me relie à ma vie debout longtemps d'avant. Si je préfère regarder vers l'est, ce n'est toutefois pas que pour regarder ailleurs que dans mon passé au corps encore flamboyant. C'est parce que je sais que par-là, au loin, le fleuve devient mer. Et j'aime en imagination suivre son flot et devenir océan… (Mon fleuve-océan proche ouvre l'espace pleureur de mes bras sans mains.) PHOTO ISABELLE DUMAIS, FOURNIE PAR L'AUTEURE Le fleuve Saint-Laurent En remontant lentement les trois étages vers ma chambre avec vue sur les cèdres seulement, je fais chaque fois une Gatien Lapointe de moi et chante aussi mon Ode au Saint-Laurent, la tête pleine de large. Le Clézio avait compris quelque chose quand il écrivait : « Quelques mètres carrés infinis […] voilà le pays. » Si j'arrivais à écrire ce dernier fragment joyeux de mes carnets, je crois que c'est ce que j'y dirais aussi. Et je savourerais ensuite ma chance de retrouver ma chambre sans papier peint, comme celui-là jaune à motifs de Charlotte Perkins Gilman dans lequel on cherche normalement à se perdre en y plongeant des yeux quand un corps-prison comme le mien est contraint à ne presque plus bouger. Si j'avais une telle tapisserie, je n'y plongerais pas de toute façon, là non plus. Je ne voudrais plus m'évader de ma vie minuscule. Je serais même joyeuse. Puisque j'ai une chambre avec vue et un fleuve-océan proche. Ce petit périmètre infini est mon pays. La beauté est là. C'était jusque-là pour moi inédit. (Et vous ? Comment allez-vous, sur votre tout petit bout de beau pays proche ?) Qui est Isabelle Dumais ? Isabelle Dumais est une artiste visuelle et écrivaine qui vit à Trois-Rivières et a enseigné les arts visuels au cégep de Drummondville. Elle a fait paraître trois livres de poésie aux Éditions du Noroît, dont le plus récent (Les grandes fatigues, 2019) a remporté le prix du Livre de l'année en Mauricie et le prix Gérald-Godin, puis a été finaliste au prix Alain-Grandbois. 1. Lisez la chronique « L'école de la 55 » de Mathieu Bélisle Consultez les autres textes de la série « L'école de la 55 » Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue

Eddie Palmieri, musicien pionnier du latin jazz, meurt à 88 ans
Eddie Palmieri, musicien pionnier du latin jazz, meurt à 88 ans

La Presse

time8 hours ago

  • La Presse

Eddie Palmieri, musicien pionnier du latin jazz, meurt à 88 ans

Eddie Palmieri, musicien avant-gardiste et l'un des artistes les plus novateurs de la rumba et du latin jazz, s'est éteint à l'âge de 88 ans. Sigal Ratner-arias Associated Press Fania Records a annoncé le décès de Palmieri mercredi soir. Gabriela, sa fille, a indiqué au New York Times que son père était décédé plus tôt dans la journée à son domicile du New Jersey des suites d'une « longue maladie ». Le pianiste, compositeur et chef d'orchestre fut le premier Latino à remporter un Grammy Award et en remportera sept autres au cours d'une carrière de près de 40 albums. Palmieri est né à Spanish Harlem, à New York, le 15 décembre 1936, à une époque où la musique était perçue comme un moyen de sortir du ghetto. Il a commencé à étudier le piano très jeune, comme son célèbre frère Charlie Palmieri, mais à 13 ans, il a commencé à jouer des timbales dans l'orchestre de son oncle, pris d'une passion pour la batterie. Il a finalement abandonné l'instrument et s'est remis au piano. « Je suis un percussionniste frustré, alors je me défoule au piano », a expliqué le musicien dans sa biographie sur son site internet. Il a remporté son premier Grammy en 1975 pour l'album The Sun of Latin Music, et il a continué à sortir de la musique jusqu'à ses 80 ans, se produisant en direct pendant la pandémie de coronavirus. Dans une entrevue accordée à l'Associated Press en 2011, lorsqu'on lui a demandé s'il lui restait quelque chose d'important à faire, il a répondu avec son humilité et sa bonne humeur habituelles : « Apprendre à bien jouer du piano […] Être pianiste est une chose. Être pianiste en est une autre. » Les débuts de carrière de Palmieri et son triomphe aux Grammy Palmieri s'est essayé à la musique tropicale en tant que pianiste dans les années 1950 avec l'Eddie Forrester Orchestra. Il a ensuite rejoint le groupe de Johnny Seguí et celui de Tito Rodríguez avant de former son propre groupe en 1961, La Perfecta, aux côtés du tromboniste Barry Rogers et du chanteur Ismael Quintana. La Perfecta fut le premier groupe à intégrer une section de trombone au lieu de trompettes, un phénomène rare dans la musique latine. Grâce à sa sonorité unique, le groupe rejoignit rapidement les rangs de Machito, Tito Rodríguez et d'autres orchestres latins de l'époque. Palmieri produisit plusieurs albums pour les maisons de disque Alegre et Tico Records, dont le classique Vámonos pa'l monte de 1971, avec son frère Charlie comme organiste invité. Charlie Palmieri est mort en 1988. L'approche non conventionnelle d'Eddie surprendrait à nouveau les critiques et les admirateurs cette année-là avec la sortie de Harlem River Drive, dans lequel il fusionnait les styles black et latin pour produire un son mêlant salsa, funk, soul et jazz. Plus tard, en 1974, il enregistra The Sun of Latin Music avec le jeune Lalo Rodríguez. Cet album devint la première production latine à remporter un Grammy. L'année suivante, il enregistre l'album « Eddie Palmieri & Friends in Concert, Live at the University of Puerto Rico », considéré par de nombreux admirateurs comme un joyau de la salsa. Ambassadeur mondial du latin jazz Dans les années 1980, il remporte deux autres Grammy Awards, pour les albums Palo pa'rumba (1984) et Solito (1985). Quelques années plus tard, il fait découvrir la chanteuse La India au monde de la salsa avec la production Llegó La India vía Eddie Palmieri. Palmieri sort l'album Masterpiece en 2000, qui le met en scène avec le légendaire Tito Puente, mort cette année-là. L'album remporte un franc succès critique et deux Grammy Awards. Il est également élu meilleure production de l'année par la Fondation nationale pour la culture populaire de Porto Rico. Au cours de sa longue carrière, il a participé à des concerts et des enregistrements avec les Fania All-Stars et les Tico All-Stars, se distinguant comme compositeur, arrangeur, producteur et chef d'orchestre. En 1988, le Smithsonian Institute a enregistré deux concerts de Palmieri pour le catalogue du Musée national d'histoire américaine de Washington. En 2002, l'Université Yale lui a décerné le Chubb Fellowship Award, une récompense habituellement réservée aux chefs d'État internationaux, en reconnaissance de son travail de construction de communautés par la musique. En 2005, il a fait ses débuts sur la National Public Radio en tant qu'animateur de l'émission « Caliente », diffusée sur plus de 160 stations de radio à travers le pays. Il a travaillé avec des musiciens de renom tels que le timbalier Nicky Marrero, le bassiste Israel « Cachao » López, le trompettiste Alfredo « Chocolate » Armenteros, le tromboniste Lewis Khan et le bassiste portoricain Bobby Valentín. En 2010, Palmieri a confié se sentir un peu seul musicalement en raison du décès de nombreux rumberos avec lesquels il aimait jouer. En tant qu'ambassadeur musical, il a fait connaître la salsa et le latin jazz dans des contrées aussi lointaines que l'Afrique du Nord, l'Australie, l'Asie et l'Europe, entre autres. L'ancienne rédactrice de l'Associated Press, Sigal Ratner-Arias, est l'auteure principale de cette nécrologie.

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store