
Recruter avec le cœur plutôt que la tête
Dans les derniers jours, des histoires de radicalisation1 et de comportements indécents de la part de militaires sur les réseaux sociaux2 ont terni l'image des Forces canadiennes. Mais au-delà des manchettes peu flatteuses, un autre problème plus discret mine le recrutement : on peine à trouver le ton juste pour attirer les jeunes en quête de défis.
Eric Sauvé
Ex-officier des Forces armées canadiennes et consultant en renseignement, sécurité et défense
Récemment, une tout autre image des Forces m'est apparue en défilant sur les réseaux sociaux : celle d'un exercice militaire rigoureux. Des soldats canadiens sautaient d'un hélicoptère dans un lac avec tout leur équipement de combat. Une photo en particulier m'a frappé : une jeune femme émergeait de l'eau, ruisselante, sac au dos, le regard déterminé, le doigt sur le pontet – elle avait l'air franchement badass.
PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L'ARMÉE CANADIENNE
Exercice militaire des Forces armées canadiennes
Spontanément, j'ai republié deux de ces photos avec ce commentaire : « C'est avec des images comme ça qu'on va attirer les jeunes dans les Forces. Pas avec des #Emploi. »
La réaction a été immédiate. Des amis, anciens militaires, habituellement discrets en ligne, ont commenté coup sur coup : « Mets-en ! », « Ben oui ! », « C'est clair ! », « 100 % d'accord ! ».
Et pourtant, depuis des années, les campagnes de recrutement des Forces armées canadiennes misent surtout sur des arguments rationnels : sécurité d'emploi, bon salaire, régime de retraite, équilibre travail-vie personnelle. Bref, #Emploi. On vend l'armée comme un employeur fiable.
Cette année, j'ai lu que certains quotas étaient remplis, voire dépassés. Mais il manque encore 13 000 militaires dans les Forces. Il y a lieu de se poser la question : est-ce qu'elles attirent les bonnes personnes – et vont-elles rester ?
Par curiosité, j'ai demandé à des amis toujours en uniforme pourquoi on mettait autant l'accent sur le bon salaire et la stabilité. On m'a répondu essentiellement que « c'est ce que les données disent ». Et au sein de la Défense, on se targue de prendre des décisions fondées sur des données probantes.
Je ne remets pas ça en question. Mais dans ce cas précis, je pense qu'on fait fausse route.
Pas une job comme une autre
Se joindre aux Forces, ce n'est pas juste choisir une job comme une autre. L'armée n'est pas un simple emploi de neuf à cinq ni un plan de retraite bien ficelé. C'est un engagement, un choix de vie.
Si on veut recruter des gens prêts à se dépasser, il faut aller chercher cette étincelle en eux. Pas en s'adressant à leur tête, mais à leur cœur.
L'armée américaine l'a compris depuis longtemps avec son célèbre slogan Be all you can be, peut-être le meilleur slogan militaire de tous les temps. Court, inspirant, et vrai.
Les sondages ne disent pas tout. Ils ne mesurent pas les élans intérieurs. Ils ne captent pas ce qui anime un jeune de 17 à 20 ans au moment décisif où il ou elle choisit un chemin de vie.
Je sais de quoi je parle, j'en ai trois à la maison dans cette tranche d'âge. Je les vois chercher. Pas seulement un emploi, mais un sens, un appel. Ils veulent être utiles, se dépasser, faire partie de quelque chose de plus grand. Ils cherchent aussi une tribu, une camaraderie sincère, née dans la boue, sous la pluie, dans les rires partagés après une journée d'enfer.
Ce n'est pas une liste d'avantages sociaux qui va allumer cette flamme. C'est une image de soi projetée dans l'action. Un appel au dépassement, à l'aventure, à faire des choses difficiles. À la force intérieure qu'une carrière militaire peut révéler.
Un jeune ne s'engage pas dans les Forces parce qu'il a vu une grille salariale. Il s'engage parce que des images sont venues le chercher. Parce qu'il s'est imaginé là, en uniforme, dans l'action. Parce que la campagne de recrutement l'a percuté au cœur plus qu'à la tête.
C'est justement après avoir vu à la télé un soldat sauter à l'eau à partir d'un hélicoptère que j'ai décidé, à 16 ans, d'aller pousser la porte du centre de recrutement. On me dira que les jeunes d'aujourd'hui ont changé. Peut-être. Mais je suis prêt à parier qu'ils sont aussi animés par le même appel à l'action que nous l'étions il y a quelques décennies.
Je ne prétends aucunement être un expert en marketing. Alors, oui, si c'est ce que les données disent, continuons à parler de stabilité et de carrières variées. Mais si on veut vraiment rebâtir nos Forces, il va falloir allumer une flamme.
1. Lisez « Quatre hommes liés à l'armée : ils voulaient créer une zone de non-droit »
2. Lisez « Ottawa soldiers under investigation for Facebook group filled with hate speech and nude photos » (en anglais)
Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


La Presse
an hour ago
- La Presse
Loi C-5 sur les projets d'intérêt national
La dépendance de l'Alberta aux hydrocarbures entraîne tout le pays dans son sillage et Mark Carney fait un pari risqué en reculant sur les exigences environnementales, estiment les auteurs. Johanne Whitmore Chercheuse principale, Chaire en gestion du secteur de l'énergie, HEC Montréal François Delorme Professeur agrégé, département d'économique à l'École de gestion, Université de Sherbrooke Le premier ministre Mark Carney tente de rallier les chefs autochtones autour du projet de loi C-5, une réforme législative controversée qui vise à accélérer les autorisations fédérales pour des « projets d'intérêt national » — pipelines, mines, ports. Présentée comme un outil de résilience économique face aux tensions avec les États-Unis, cette loi s'apparente de plus en plus à un cheval de Troie au service des intérêts fossiles de l'Alberta. Pour que le projet de loi C-5 ait une quelconque légitimité dans un monde contraint par les réalités climatiques, il doit s'attaquer à un problème plus fondamental : la dépendance structurelle de l'Alberta aux redevances pétrolières. Sans une remise en question de ce modèle économique carboné, toute tentative de conciliation entre développement et durabilité reste illusoire. Le piège des redevances pétrolières Les services publics de l'Alberta reposent largement sur les revenus du pétrole et du gaz, créant une dépendance fiscale qui fausse les politiques nationales. Pour maintenir ces flux financiers, la province doit continuellement étendre son secteur fossile, enfermant le Canada dans une trajectoire économique à forte intensité carbone. En 2025, les revenus pétroliers et gaziers représentent encore près de 28 % du budget albertain. Malgré sa richesse, l'Alberta critique souvent le programme de péréquation, oubliant que ses contributions élevées proviennent de revenus fossiles et d'un régime fiscal allégé. Son taux maximal d'imposition sur le revenu est de seulement 15 %, contre 20,5 % en Colombie-Britannique et 25,75 % au Québec. Cette structure rend les services publics albertains vulnérables aux fluctuations des prix de l'énergie et compromet la stabilité budgétaire à long terme. Il est temps de revoir les règles Pour satisfaire l'Alberta, M. Carney a reculé sur plusieurs politiques environnementales : suppression de la taxe carbone, relance de projets de pipelines sous bâillon législatif, reniement d'engagements climatiques. Ce virage contredit ses appels antérieurs à une économie fondée sur des valeurs humaines plutôt que sur les forces du marché. Par souci de cohérence, il devrait reconnaître les sacrifices consentis par les Canadiens au cours des dernières décennies, notamment le financement du pipeline Trans Mountain à hauteur de 34 milliards, les incitations massives pour la capture et le stockage du carbone et les coûts croissants des catastrophes climatiques – incendies, inondations, vagues de chaleur – exacerbés par l'inaction politique. C'est maintenant à l'Alberta de faire preuve de bonne volonté. Carney doit conditionner tout nouveau mégaprojet énergétique à une diversification économique réelle. Cela permettrait de briser la dépendance aux redevances pétrolières et de mettre fin à une dynamique où l'Alberta tient le reste du pays en otage dans la lutte contre la crise climatique. Loi C-5 : un recul démocratique Le projet de loi C-5 permet au gouvernement fédéral de contourner les lois environnementales et les droits autochtones au nom de l'« intérêt national ». Il n'impose aucune obligation d'évaluer l'impact climatique des projets avant leur approbation — une omission grave à l'heure où le Canada subit les effets dévastateurs de la crise climatique. Son adoption précipitée, sans consultation publique significative, suscite une opposition croissante. Des chefs autochtones ont quitté les récentes rencontres, dénonçant un processus de façade et menaçant de poursuites judiciaires. Une vision pour une réforme fiscale durable Le Canada a besoin d'un nouveau modèle économique — un modèle qui respecte les limites scientifiques et place le bien commun au cœur des décisions. Cela implique de réformer le système fiscal albertain pour réduire sa dépendance aux redevances pétrolières. La diversification n'est pas qu'une stratégie économique avisée : elle est essentielle à la stabilité à long terme. Les services publics doivent être financés équitablement partout au pays, indépendamment de la richesse en ressources naturelles d'une province. Sortir de la dépendance aux énergies fossiles exige un leadership audacieux et une réforme fiscale alignée sur le climat. Ce n'est qu'à cette condition que le Canada pourra bâtir une économie tournée vers l'avenir, fondée sur les limites biophysiques définies par la science — et non l'inverse. Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


La Presse
2 hours ago
- La Presse
Ottawa menace de retirer à Toronto une partie du financement du logement
Toronto a signé une entente avec le gouvernement fédéral fin 2023, qui prévoit la construction de près de 12 000 nouveaux logements sur trois ans. Ottawa menace de retirer à Toronto une partie du financement du logement (Ottawa) Affirmant que la Ville ne tient pas sa promesse d'accroître la densité, le ministre fédéral du Logement, Gregor Robertson, menace de retirer une partie du financement du logement à Toronto. La Presse Canadienne Dans une lettre adressée à la mairesse de Toronto, Olivia Chow, plus tôt cette semaine, M. Robertson a exprimé sa déception face à la récente décision de restreindre les endroits où il sera possible de construire six logements ou plus sur un même lot. Le mois dernier, le conseil municipal de Toronto a accepté un compromis prévoyant que certains quartiers adhèrent au cadre des sixplex, tandis que d'autres auraient la possibilité d'y adhérer ultérieurement. PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE Le ministre fédéral du Logement, Gregor Robertson Le ministre Robertson soutient que cette décision va à l'encontre de l'accord conclu entre Toronto et le gouvernement fédéral dans le cadre du Fonds pour accélérer la construction de logements, un outil utilisé par Ottawa pour encourager les villes à construire rapidement davantage de logements. Toronto a signé une entente avec le gouvernement fédéral fin 2023, qui prévoit la construction de près de 12 000 nouveaux logements sur trois ans et un financement fédéral de 471 millions. Dans sa lettre, le ministre fédéral encourage la mairesse Chow à réexaminer la décision concernant les sixplex au cours des cinq prochains mois et prévient que Toronto pourrait perdre une partie de son financement pour le logement si la Ville ne respecte pas les objectifs de l'accord initial.


La Presse
4 hours ago
- La Presse
Début des observations sur la peine pour Lich et Barber
Début des observations sur la peine pour Lich et Barber (Ottawa) Une procureure a déclaré qu'elle requérait des peines sévères pour les organisateurs clés du « convoi de la liberté », Tamara Lich et Chris Barber, en raison des dommages considérables causés à la communauté par les trois semaines de manifestations qui ont eu lieu au centre-ville d'Ottawa en 2022. David Baxter La Presse Canadienne L'audience sur la peine de Lich et Barber s'est amorcée mercredi matin, plusieurs mois après que les deux ont été reconnus coupables de méfait. Deux jours ont été réservés pour que les parties présentent leurs observations sur la peine. Le ministère public réclame une peine de sept ans d'emprisonnement pour Mme Lich et de huit ans pour M. Barber, qui a également été reconnu coupable d'avoir incité d'autres personnes à désobéir à une ordonnance du tribunal. Diane Magas, l'avocate de Barber, a qualifié la proposition de peine de la Couronne de « cruelle et inhabituelle ». Elle a fait valoir à la juge la nature de plusieurs peines pour méfait découlant des manifestations massives qui ont eu lieu lors du sommet du G20 de Toronto en 2010, dont une peine de six mois pour une personne ayant plaidé coupable d'avoir brisé les vitres de deux véhicules de police. L'avocat de Lich, Lawrence Greenspon, n'a pas encore présenté ses observations. Barber a comparu virtuellement mercredi devant le tribunal, tandis que Lich y assiste en personne. Lich et Barber étaient des figures clés du « convoi de la liberté », un rassemblement lors duquel des manifestants ont occupé le centre-ville d'Ottawa pendant trois semaines à partir de la fin janvier 2022 pour protester contre les obligations de vaccination et d'autres mesures liées à la pandémie de COVID-19. La manifestation a pris fin lorsque le gouvernement fédéral a invoqué la Loi sur les mesures d'urgence pour la première fois de son histoire. Le convoi a été évacué du centre-ville d'Ottawa lors d'une opération policière de trois jours qui a commencé le 18 février. La juge Heather Perkins-McVey, de la Cour de l'Ontario, a expliqué qu'elle avait reconnu Mme Lich et M. Barber coupables de méfait parce qu'ils avaient régulièrement encouragé des gens à se joindre à la manifestation ou à y rester, tout en sachant les effets néfastes qu'elle avait sur les résidents et les commerces du centre-ville d'Ottawa. PHOTO SPENCER COLBY, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE Chris Barber Barber a également été reconnu coupable d'avoir incité d'autres personnes à désobéir à une ordonnance du tribunal en leur disant d'ignorer l'injonction d'un juge ordonnant aux participants du « convoi » de cesser de klaxonner. Lich n'a pas été accusée de cette infraction. La procureure de la Couronne, Siobahn Wetscher, a déclaré qu'elle requérait ces peines en raison des actes de Lich et Barber, et non de leurs convictions politiques. Me Wetscher a déclaré que, même si Lich et Barber étaient venus à Ottawa avec de nobles intentions, ils ont continué d'encourager les gens à participer aux manifestations, même lorsqu'il leur était devenu impossible d'ignorer les conséquences pour les résidants et les commerces du centre-ville. La juge Perkins-McVey a déclaré qu'il était difficile d'établir des comparaisons entre les manifestations du G20 et la manifestation du convoi, car les crimes commis à Toronto étaient des « méfaits à l'ancienne ». Elle a souligné que si quelqu'un brise une vitre de 400 $, les dommages ont un coût tangible, tandis que ceux causés par la manifestation du convoi sont moins tangibles. Elle a ajouté que cela rend plus difficile la décision sur la peine, une décision qu'elle ne prend pas à la légère. Me Wetscher a déclaré que, bien que la manifestation n'ait pas été violente, elle n'était pas pacifique. Elle a lu un résumé des déclarations des victimes, dont celle d'une personne travaillant dans une église du centre-ville d'Ottawa qui a dit se sentir encore mal à la vue de gros camions arborant des drapeaux canadiens. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Le « convoi de la liberté » a occupé le centre-ville d'Ottawa pendant trois semaines en 2022. Cela a provoqué quelques rires dans la tribune. Me Wetscher a ajouté que le Service de police d'Ottawa a déclaré que le maintien de l'ordre lors de la manifestation avait coûté 55 millions, tandis que la Ville d'Ottawa a estimé ses propres coûts liés au convoi à plus de 7 millions. La procureure a fait valoir que, même si Lich et Barber ne sont pas responsables de chaque dollar dépensé pour la manifestation, ces chiffres donnent à la juge une idée de l'impact de la manifestation. Des dizaines de personnes ont rempli la salle d'audience pour assister aux procédures. Non coupables de certaines accusations Lich et Barber ont été reconnus non coupables d'intimidation, d'avoir conseillé à d'autres de commettre des gestes d'intimidation, d'entrave à la police et d'avoir conseillé à d'autres de faire entrave à la police. La juge Perkins-McVey a déclaré que l'intimidation comporte un caractère menaçant ou violent. Elle a précisé que Lich et Barber ont tous deux appelé à plusieurs reprises les manifestants à rester pacifiques tout au long de la manifestation. En ce qui concerne l'entrave à la police, la juge Perkins-McVey a indiqué que les deux accusés avaient été arrêtés sans incident et étaient en détention avant le début de l'opération policière principale visant à dégager le centre-ville d'Ottawa. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Vue aérienne du « convoi de la liberté ». Les accusations d'incitation à commettre des méfaits ont été suspendues à la demande de la Couronne. Dans un procès distinct, celui de Pat King, un autre organisateur du « convoi », le ministère public avait requis une peine de 10 ans de prison pour méfait et désobéissance à une ordonnance du tribunal. M. King a été condamné en février à trois mois d'assignation à résidence, 100 heures de travaux d'intérêt général dans une banque alimentaire ou un refuge pour hommes et un an de probation. Il a bénéficié d'un crédit de neuf mois pour le temps déjà passé en détention avant sa condamnation.