« Ça ne peut plus durer » : le club d'Avoine se déchire après des témoignages contre les entraîneurs
Elle pensait rétablir sa vérité, expliquer pour quelles raisons, à 18 ans, elle avait choisi de quitter le club d'Avoine-Beaumont où elle a grandi pendant quatorze ans, jusqu'au sacre olympique de l'été dernier. Mais c'est une brèche immense que Kaylia Nemour a dessinée.
Depuis la semaine dernière, communiqués et témoignages affluent, qui défendent le club, ou dénoncent ses supposées dérives. Tous s'accordent sur un point, conscients que l'enquête préliminaire menée depuis trois ans par la gendarmerie de Chinon doit rendre un verdict : « Ça ne peut plus durer. »
« Je n'oublierai jamais ce que j'ai vécu » : Kaylia Nemour explique les raisons qui l'ont poussée à quitter Avoine-Beaumont
Le comité de soutien du club d'Indre-et-Loire, suivi par 972 personnes, a ainsi « réaffirmé son engagement et son soutien à ses entraîneurs, Marc et Gina Chirilcenco ». Vincent Pinaud, beau-frère de Marc et nouveau président du club, a certifié que le couple était « juste des entraîneurs exigeants qui se sont perpétuellement adaptés à l'évolution de la gymnastique et des gymnastes, en proposant individuellement à chacune d'elles un parcours correspondant à ses envies et à ses capacités, en parfait accord avec les parents ».
Plusieurs familles ont embrayé, à l'image d'Emmanuel Pontlevoy dont la fille Claire participa à la qualification olympique de la France pour les Jeux de Tokyo, obtenant une 5e place par équipes aux Mondiaux de 2019. Dans un long texte, il s'indigne contre la Fédération française de gymnastique, écrivant notamment : « Claire ne bénéficie d'aucun accompagnement de cette fédération, que ce soit sur le plan médical ou pour sa reconversion. » Pourtant, après que la gymnaste encore adolescente s'était gravement blessée au genou pour la seconde fois, c'est à l'Insep qu'elle a été opérée, a effectué sa rééducation. Elle n'a jamais repris la compétition, mais a été prise en charge par la FFgym, avec des aides financières dépassant les 18 000€ annuels jusqu'en 2023.
« Je n'ai jamais reçu d'insulte, de parole déplacée, d'humiliation, de main portée »
Youna Dufournet au sujet de ses anciens entraîneurs
Dans un entretien à la Nouvelle République, Youna Dufournet prend aussi le parti de ses anciens entraîneurs. La médaillée de bronze mondiale au saut de 2009, blessée lors d'une chute mémorable aux Championnats de France suivants alors que Marc Chirilcenco avait ouvert grands les bras sous les barres asymétriques, avait pourtant été exfiltrée de son club. Aujourd'hui, si elle estime que « le sport de haut niveau, c'est très difficile », devinant qu'il s'agit de savoir « jusqu'où l'athlète est capable d'aller pour réussir, jusqu'où il peut accepter la souffrance physique, de dépasser ses limites à outrance (...) », elle assure n'avoir « jamais reçu d'insulte, de parole déplacée, d'humiliation, de main portée ».
Marc Chirilcenco, l'entraîneur du club d'Avoine-Beaumont, réagit aux attaques dont il fait l'objet ainsi que sa femme
De nombreuses autres gymnastes, leurs parents ou entraîneurs formateurs ont une tout autre vision. Certains se sont réunis dans un groupe intitulé Balance_ta_gym sur Instagram (1776 followers). Partie d'Avoine pour l'Insep en 2023, Maëva Guéry évoque aussi avoir été « manipulée, rabaissée, humiliée ». Quant à Chloris Foucat, elle écrit : « Ce qui est dit dans les médias n'a rien de nouveau : j'avais alerté la fédération dès le mois de mai 2022 sur les mauvais traitements que je subissais de la part de mes entraîneurs. (...) Sans une once d'égoïsme, j'avais dénoncé ce que vivaient les autres gymnastes et quitté Avoine le mois suivant (...). » La jeune fille, encore mineure alors, avait essuyé « un déferlement de messages haineux ».
Aujourd'hui, une technicienne qui souhaite garder l'anonymat et avait confié sa gymnaste à Avoine nous a aussi raconté : « Gina Chirilcenco avait prévenu que ce serait dur de passer de 10 à 35 heures par semaine, elle me tenait au courant, me disait : "Elle survit". »
« Dans un courrier envoyé lundi au major de gendarmerie, ma fille reprend tout ce qu'elle a vécu : la pression, l'épuisement physique et psychologique, les blessures non soignées, la mise en danger quand elle devait courir une heure sous 40° C sans boire »
Une mère de gymnaste
Son athlète, joyeuse et timide adolescente, ne se plaignait pas. Pourtant elle a commencé à pleurer au quotidien. « Gina me disait qu'elle était trop difficile, avec un mauvais comportement, ce n'était pas à elle de s'adapter, la gymnaste devait se plier aux autres et tenir la cadence, explique-t-elle. Un jour, elle m'appelle au boulot en me hurlant dessus parce que ma gymnaste était tombée sur la tête et qu'elle l'avait punie trois heures au vestiaire. J'ai répondu que j'étais à cinq heures de route, et qu'il faudrait plutôt vérifier qu'elle est consciente. En un an, la malheureuse a eu des blessures sans jamais voir un médecin, Gina lui disait que c'était à ses parents de l'emmener passer une radio. »
Embauchés par le club, plusieurs entraîneurs ont démissionné, certains disant « ne pas vouloir cautionner davantage les agissements, les cris de Marc et Gina Chirilcenco ». Une mère ajoute : « Dans un courrier envoyé lundi au major de gendarmerie, ma fille reprend tout ce qu'elle a vécu : la pression, l'épuisement physique et psychologique, les blessures non soignées, la mise en danger quand elle devait courir une heure sous 40 °C sans boire. »
Gina Chirilcenco suspendue provisoirement après l'interview de Kaylia Nemour dans « L'Equipe »
Et comme d'autres, elle a exposé le quotidien de sa fille. Jusqu'à cinq gymnastes étaient hébergées chez les Chirilcenco d'abord, puis dans une maison qu'ils louaient à côté de la leur. Les parents versaient environ 550 € de pension par mois. « Mais elles devaient prendre leur douche au gymnase, même quand l'eau était froide en plein hiver, et elles ne mangeaient pas à leur faim », s'indignent plusieurs parents.
Certains espèrent une nouvelle enquête administrative qui pourrait aboutir au retrait des cartes professionnelles des entraîneurs (les deux précédentes les ont blanchis), d'autres une condamnation de la justice. Plusieurs familles envisagent ainsi de déposer une plainte collective pour éviter que l'enquête judiciaire ne soit abandonnée.
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