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Parlons des incels sans leur tendre le micro

Parlons des incels sans leur tendre le micro

La Presse09-07-2025
« À plusieurs reprises, des mères de jeunes garçons m'ont confié avoir surpris leurs fils en train de consommer du contenu masculiniste, sans savoir comment les empêcher d'y adhérer », écrit l'auteure.
Spécialiste du mouvement des « célibataires involontaires », l'auteure réfléchit à la meilleure façon de déconstruire leur discours parfois violent
Océane Corbin
Doctorante en communication à l'Université du Québec à Montréal
Partout, le même constat : des extraits de contenus masculinistes, des idées virales issues de la manosphère, et des comptes soigneusement mis en lumière. Depuis qu'un attentat terroriste incel a été déjoué début juillet en France, les médias français ont abondamment commenté l'évènement.
Doctorante à l'Université du Québec à Montréal, j'étudie le mouvement des incels (involuntary celibates) depuis près de trois ans. Le mot incel désigne ces hommes qui souhaiteraient avoir des relations romantiques ou sexuelles avec des femmes, sans y arriver, et qui tiennent souvent le féminisme pour principal responsable de cette situation. Pendant plusieurs mois, j'ai analysé les messages publiés sur un forum incel réputé pour la violence des propos partagés, où les tueurs masculinistes sont adulés.
Dans une récente entrevue radio⁠1, je soulignais déjà la tension que représente le fait de parler de cette communauté : comment informer la population du phénomène sans lui faire de la publicité ? Cette question semble avoir été peu considérée par la plupart des médias français.
Chaînes YouTube largement relayées, ou encore influenceurs masculinistes mis en avant (voire interviewés) : les médias offrent, souvent sans s'en rendre compte, une tribune privilégiée à des idées susceptibles de causer de graves dommages.
La presse écrite ne fait pas exception : « timide », « juvénile », « qui voulait devenir ingénieur », tels sont les mots utilisés dans les premiers articles diffusés par Le Monde⁠2, Le Parisien ou Libération. Alors que les tueurs incels sont systématiquement cités, les victimes, elles, brillent par leur absence.
La manière dont les sujets sont médiatiquement présentés influence drastiquement la façon dont ceux-ci sont perçus par le public. Aujourd'hui, le phénomène des incels continue d'être largement considéré comme un problème individuel, souvent expliqué (et parfois, à tort, justifié) par des facteurs tels que la santé mentale fragile ou la solitude.
La série anglaise Adolescence en est le parfait exemple : en réalisant une petite enquête⁠3 sur le forum après sa diffusion, j'ai pu observer qu'une quantité importante d'utilisateurs étaient en réalité satisfaits de la popularité de la série. Selon eux, cela accroît leur visibilité et leur potentiel de recrutement. « Parfait, ça veut dire que l'inceldom se propage », écrit un utilisateur du forum après la diffusion de la série Adolescence.
Accompagner, oui. Victimiser, non.
À plusieurs reprises, des mères de jeunes garçons m'ont confié avoir surpris leurs fils en train de consommer du contenu masculiniste, sans savoir comment les empêcher d'y adhérer. Je leur réponds généralement qu'il n'y a pas de solution universelle, mais que d'après ce que j'ai pu observer, les condamner immédiatement pourrait en réalité être contre-productif.
En effet, les adolescents qui se sentent interpellés par leurs idées entrent rapidement dans une dynamique de victimisation : une des thèses principales que les incels défendent est que le féminisme serait la cause centrale de leurs difficultés relationnelles.
Cette idée est particulièrement problématique, car elle avance que c'est parce que les femmes sont plus libres – et ont maintenant le choix de fréquenter qui elles veulent, d'ouvrir un compte en banque, et de travailler – qu'ils n'arrivent pas à se mettre en couple.
Avant qu'ils ne basculent dans la radicalisation, il est important de comprendre les visions défendues par le mouvement, les décortiquer, et expliquer en quoi celles-ci sont nocives. Il faut prendre ces hommes au sérieux, sans les excuser.
Pour agir efficacement, il est primordial de présenter la situation telle qu'elle est réellement : un phénomène social complexe, qui nécessite une collaboration entre la recherche, l'intervention, les systèmes de modération et l'éducation. Puisque le problème est structurel, la réponse ne peut venir que d'une action collective.
1. Écoutez « Le phénomène des célibataires involontaires et leur impact sur la société »
2. Lisez « Un masculiniste revendiqué âgé de 18 ans, qui souhaitait commettre un attentat dans la région de Saint-Étienne, a été mis en examen »
3. Lisez « 'Elle l'a bien cherché' : que disent les incels de la série Adolescence ? »
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De la vigne à Cap-aux-Oies

(Cap-aux-Oies) La vigneronne Jeanne Gilbert a relevé le pari audacieux de produire du vin dans Charlevoix. Le domaine Cap-aux-Oies commercialise ses premières bouteilles cet été. Jeanne Gilbert connaît par cœur les paysages accidentés et les points de vue sur le fleuve qui s'enchaînent entre Québec et Les Éboulements. Depuis qu'elle est petite, la vigneronne se rend régulièrement au chalet familial dans Charlevoix. Jamais elle n'aurait imaginé que le petit lopin de terre serait un jour parsemé de vignes. « Je ne voulais pas absolument planter de la vigne dans la vie, confie la jeune femme de 30 ans. C'est le terroir de Cap-aux-Oies qui le proposait fortement. » La parcelle réunit en effet plusieurs conditions propices à la culture de la vigne. La pente est orientée franc sud. Elle est protégée des vents froids du nord par le cap. Le sol est sec et sableux. L'énorme masse d'eau, le fleuve, qui coule au pied des vignes, tempère le climat. PHOTO KARYNE DUPLESSIS PICHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE Jeanne Gilbert, du domaine Cap-aux-Oies J'ai toujours eu envie de faire un retour à la terre, mais je ne savais pas trop comment. J'ai eu un déclic lors d'une année d'études internationales en Espagne. Il y avait beaucoup de cours de géographie et d'économie de la vigne. Jeanne Gilbert, du domaine Cap-aux-Oies Jeanne Gilbert connaissait déjà bien les vins du Québec. Elle a travaillé une dizaine d'années dans plusieurs restaurants où les vins québécois étaient au menu, dont le restaurant Légende et la Buvette Scott, tous les deux situés dans la capitale nationale. Elle était persuadée que l'engouement pour les vins d'ici était là pour de bon. Ainsi, en 2019, elle a planté 3500 vignes sur la terre familiale. PHOTO KARYNE DUPLESSIS PICHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE Le domaine Cap-aux-Oies « Une des premières choses qu'on m'a dites, se souvient Jeanne Gilbert, c'est de ne pas planter de la vigne chez nous. » Les experts croyaient que la saison végétative était trop courte et que le climat était trop froid pour la viticulture. Or, la jeune vigneronne était convaincue du contraire. Elle avait remarqué que les arbres fruitiers sont abondants dans le secteur, une particularité commune à plusieurs régions viticoles. De plus, le hameau de Cap-aux-Oies possède un long passé agricole. Le temps et les essais ont donné raison à la vigneronne. Première vendange Le domaine Cap-aux-Oies possède l'une des plus belles vues dans la province. Les rangées de vignes, perpendiculaires au fleuve, semblent se jeter dans l'océan au rythme des marées. PHOTO FOURNIE PAR LE DOMAINE CAP-AUX-OIES Le domaine Cap-aux-Oies « J'ai beaucoup de bénévoles, car le lieu est très beau », avoue-t-elle. Dans son champ, la productrice a planté des variétés plus résistantes au froid comme le muscat osceola, le marquette, le somerset et quelques viniferas rustiques. Si les vignerons ont généralement une première récolte trois ans après avoir mis les vignes en terre, ce délai a été plus long à Cap-aux-Oies. Jeanne Gilbert a eu sa première vendange « satisfaisante » en 2024. Et ce n'est pas le froid qui a retardé sa production. « J'ai eu plusieurs défis les premières années. Il y a eu de la sécheresse et des maladies, confie-t-elle. C'était peut-être par inexpérience et par malchance. » Dans la petite cave construite en retrait du chalet familial, elle montre avec fierté les 3500 bouteilles qui attendent patiemment les acheteurs. La jeune femme a élaboré quatre cuvées : un blanc, un rosé, un vin effervescent et une boisson pétillante à base de petits fruits récoltés à Cap-aux-Oies. Les vins sont légers, fruités et élaborés avec une philosophie de vin nature. Ils contiennent donc très peu de sulfites. C'était difficile de démontrer le microclimat de mon terroir. Aujourd'hui, j'ai la preuve du contraire. Jeanne Gilbert Ses résultats ont d'ailleurs convaincu des voisins de lui céder une terre agricole en copropriété de deux hectares. Elle compte ajouter de nouvelles vignes à son projet en 2026 et ainsi tripler sa production. PHOTO FOURNIE PAR LE DOMAINE CAP-AUX-OIES Le domaine Cap-aux-Oies Pour ce faire, elle s'inspire de plusieurs vignobles du Québec, dont Camy, qu'elle a découvert lorsqu'elle a effectué son cours de sommellerie. « Fred Camy m'a montré qu'être vigneron, c'est aussi une question de dévouement, de passion, de travail, dit-elle. Ses vins sont très émouvants. » Celle qui rêvait d'une carrière à l'international est désormais bien ancrée dans la communauté de Cap-aux-Oies. Pour favoriser l'économie locale, ses vins sont offerts dans quelques boutiques de Charlevoix. Les vins sont offerts au restaurant Le Sainti, à la boutique La Ferme Éboulmontaise et sur rendez-vous, et à la caisse, au vignoble. Consultez le site du domaine Cap-aux-Oies

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