
Le message à retenir de l'élan souverainiste des jeunes
Le message à retenir de l'élan souverainiste des jeunes
Qui l'eût cru ? Alors que Donald Trump menace d'annexer le Canada, la souveraineté du Québec redevient à la mode chez les jeunes.
Selon des sondages CROP et Léger, presque la moitié (47 % pour CROP, 48 % pour Léger) des jeunes de 18-34 ans voteraient Oui à un référendum sur l'indépendance du Québec, 20 points de plus qu'il y a un an.
Ces chiffres doivent être pris avec un grain de sel, car l'échantillon est faible et la marge d'erreur élevée. Mais on ne peut pas ignorer la tendance qui se dessine, d'autant que les jeunes sont souvent des précurseurs en politique. Ce sont eux qui ont amorcé la vague orange de Jack Layton, eux qui ont appuyé Justin Trudeau les premiers.
Il faut donc porter attention au message des jeunes, qui ont un poids démographique et électoral appréciable.
La cohorte des 18-34 ans représente 21 % de la population du Québec, presque autant que les baby-boomers qui ont largement dominé la pyramide des âges pendant des décennies.
Mais il reste difficile d'expliquer le regain de popularité de la souveraineté chez les jeunes, dans un contexte où les anciens moteurs qui propulsaient le souverainisme manquent de carburant.
La défense du français et de la culture québécoise ?
Ce n'est pas ce qui galvanise les jeunes, si l'on se fie à une enquête diffusée par l'Institut de la statistique du Québec, cette semaine. Cinéma, télévision, radio, livres… de toutes les cohortes, ce sont les jeunes qui s'intéressent le moins au contenu québécois. Et de loin. Chez les jeunes, le contenu anglophone a la cote.
L'idéal de la social-démocratie ?
Aujourd'hui, les contribuables ont l'impression de ne pas en avoir pour leur argent, alors les services publics craquent de partout.
Le désir de prendre le contrôle de sa destinée ?
On n'est plus à l'époque où les anglophones contrôlaient le Québec.
Alors, qu'est-ce qui a fait bouger l'aiguille ? Peut-être le dépit des jeunes face à leur avenir…
Les jeunes sont les principales victimes de la détérioration récente du marché du travail.
Chez les 15-24 ans, le taux de chômage atteint presque 15 % au Canada, un sommet depuis 2010. Et ça pourrait se corser avec l'intelligence artificielle qui menace les postes des premiers échelons.
Déjà que les jeunes n'arrivent plus à acheter une maison à cause de l'explosion des prix de l'immobilier qui a permis à leurs aînés de s'enrichir. Déjà qu'ils subissent de plein fouet la hausse des loyers qui touche moins ceux qui ont un logement depuis longtemps.
Financièrement coincés, les jeunes peuvent avoir l'impression que les partis fédéralistes, au pouvoir depuis des années à Ottawa comme à Québec, n'ont pas pris leurs problèmes assez au sérieux.
Même si Mark Carney promet de doubler la construction d'habitations, la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) prévoit plutôt que les mises en chantier vont fondre jusqu'en 2027 et se retrouver 13 % en dessous du niveau de 2024.
Par ailleurs, le premier ministre s'est empressé d'éliminer la taxe carbone fédérale dès son arrivée au pouvoir. Il parle de faire du Canada une puissance énergétique, ce qui plaît à l'Alberta, mais cadre mal avec les valeurs des jeunes, pour qui la protection de l'environnement est un enjeu existentiel.
Cela peut expliquer leur désillusion face au système en place.
Reste que la souveraineté du Québec est une avenue bien périlleuse face aux menaces de Donald Trump. Il vaut mieux se serrer les coudes que de se déchirer, et faire le jeu du président des États-Unis.
Justement, l'appui à l'indépendance a chuté chez les Québécois plus âgés, depuis le début de la guerre tarifaire. Mais les jeunes hommes – plus antisystèmes – peuvent avoir l'impression qu'un Québec indépendant défendrait mieux leurs intérêts spécifiques, comme la gestion de l'offre.
Au-delà de ces considérations, les jeunes peuvent être inspirés par la victoire du Parti québécois (PQ) aux trois dernières élections complémentaires.
Le chef Paul St-Pierre Plamondon suscite un enthousiasme qu'on ne retrouve pas dans les autres partis.
Il a le flair de parler de sujets qui touchent les gens, comme le temps d'écran chez les jeunes. Et en promettant un référendum dès son premier mandat, il a eu le courage de remettre à l'agenda une option qui sentait la nostalgie.
L'idée peut être attirante pour les jeunes qui n'ont pas vécu les tensions politiques et les chicanes familiales des référendums – 1995… ça fait 30 ans.
Brandir l'épouvantail de la souveraineté ne sera donc pas suffisant pour faire peur aux électeurs tentés de voter péquiste. D'ailleurs, 30 % de ceux qui appuient le PQ voteraient Non en cas de référendum, ce qui est inhabituel.
Mais brandir la souveraineté ne sera pas suffisant non plus pour répondre aux aspirations des jeunes qui ne sont pas assez naïfs pour croire que l'indépendance résoudra tous les enjeux auxquels ils sont confrontés au quotidien.
Le « livre bleu » que le PQ doit présenter d'ici le début de 2026 sera donc un test important.
Mais tous les partis – souverainistes ou pas – devraient réfléchir sérieusement à ce qu'ils proposent aux jeunes.
Pour se renouveler, il faut plus qu'un remaniement ministériel à la Coalition avenir Québec ou qu'un changement de chef au Parti libéral et à Québec solidaire. Il faut du contenu.
L'heure est venue de redéfinir un État providence où les promesses de la Révolution tranquille ne deviendront pas un fardeau insoutenable pour les générations futures.
Il faut rendre le Québec plus productif, inclusif, équitable et vert.
Il faut un nouveau contrat social où les jeunes trouvent leur compte.

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44 minutes ago
- La Presse
L'achat de proximité, un choix éminemment politique
À l'occasion de la première Semaine de l'achat de proximité, l'auteur invite les citoyens à s'engager autant dans leurs emplettes que dans leurs choix politiques. Olivier Legault Directeur général de Rues principales Depuis plus de 10 ans, je sillonne le Québec pour rencontrer celles et ceux qui font vivre nos cœurs de villes et villages. J'ai vu des boulangeries ouvertes à 5 h du matin et des ateliers encore allumés à 23 h. Des vitrines réinventées, des trottoirs animés, des coins de rue qui reprennent vie après des années de silence. J'ai vu des visages aussi. Derrière chaque commerce, un humain qui a décidé de s'investir sur ce bout de rue commerciale. Quelqu'un qui croit qu'un centre-ville peut encore être un lieu d'échange, de fierté, d'avenir. Et pourtant. On peine encore à les reconnaître pour ce qu'ils sont : nos bouts de territoire les plus précieux, des moteurs puissants de développement économique, social, culturel et environnemental. Acheter à proximité, ce n'est pas qu'un geste romantique. C'est un geste résolument stratégique. C'est miser sur le cœur de nos communautés. Acheter à proximité, c'est un geste politique. Un commerce indépendant injecte 63 $ sur 100 $1 de revenu dans l'économie locale, contre 12 $ pour une multinationale. Un centre-ville rapporte jusqu'à trois fois plus à une municipalité qu'une zone périphérique et contribue ainsi à diminuer le fardeau fiscal de tous les citoyens. Les centres-villes sont plus sobres en carbone, plus riches en mixité, plus générateurs d'emplois au pied carré que bien des zones industrielles. Notre bout de territoire le plus précieux, vous doutez ? Quelle autre option permet d'agir sur les fronts de l'environnement, de l'économie locale, du patrimoine, de l'identité, de la communauté, de la crise du logement, du développement touristique, tout en contribuant à un modèle d'affaires plus pérenne pour nos collectivités ? Oui, tous ces fronts ont leurs particularités, mais ils peuvent être intégrés au sein d'une même planification territoriale à l'échelle d'un quartier. Oui, intégrer toutes ces dimensions vient avec son niveau de complexité. C'est pour cela qu'une coordination des différents ordres de gouvernement est nécessaire. Faire sa part, en deux actes Si vous faites partie des 67 % de Québécois qui sont favorables à un soutien gouvernemental des centres-villes, des artères commerciales et des noyaux villageois 2, les prochaines élections municipales et provinciales seront l'occasion de poser les vraies questions. Quel rôle donnerons-nous à nos cœurs de collectivités dans nos politiques et nos plans de développement ? Que mettrons-nous en place pour faciliter, encourager, soutenir l'entrepreneuriat local ? Et surtout, quels leaders choisirons-nous pour porter ces ambitions ? Nous avons toutes et tous un rôle à jouer. Par nos choix de consommation, bien sûr. Mais aussi par les voix que nous portons jusqu'aux urnes. Parce que la richesse ne réside pas uniquement dans les gros projets. Elle se tisse à petite échelle, dans les petites, moyennes et grandes villes. Et c'est cette richesse-là, cumulative, humaine, enracinée, qui finit par bâtir un Québec plus fort. Entamons un mouvement collectif. Afin de démontrer notre soutien envers nos cœurs de collectivités, nous vous encourageons à participer à la toute première Semaine de l'achat de proximité, du 18 au 24 août prochain, et à en parler autour de vous. Nous vous invitons à marcher dans vos rues. À écouter vos commerçants. À jouer aux touristes et voir le potentiel qui vit juste là, au coin de chez vous. Jusqu'à voter, en novembre prochain, pour des représentants qui auront l'économie d'ici au cœur de leurs préoccupations. Ce que nous faisons ensemble cette semaine, ce n'est pas un simple élan symbolique. C'est un pas vers un avenir plus résilient, plus humain, plus local. Un avenir qui ne se construit pas à 1000 kilomètres. Mais ici même, à quelques pas de chez soi. 1. Consultez le rapport « The Economic Impact of Local Business » (LOCO BC 2019, en anglais) 2. Consultez la fiche « Pour des cœurs de villes dynamiques » Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


La Presse
4 hours ago
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Comme un ado face à un père abusif
L'auteur et animateur de balado Stephen Marche veut faire comprendre aux Américains à quel point leur président a mis les Canadiens en colère. Voici en français le texte qu'il a récemment fait paraître dans le New York Times 1. Stephen Marche Animateur du balado Gloves Off et auteur de The Next Civil War Le Canada traverse une ère de colère aiguë, soutenue, profonde et persistante. La source en est le président Trump ; l'objet en est les États-Unis. Le président, commandant de l'armée la plus puissante que le monde ait connue, a déclaré à plusieurs reprises qu'il avait l'intention d'affaiblir l'économie canadienne en vue d'une annexion. Les Américains, d'après ce que je peux constater, ne semblent pas prendre cette possibilité au sérieux, même si le président a entrepris la tâche sérieusement récemment en imposant des droits de douane de 35 %. La menace américaine sur notre souveraineté, si soudaine, si insensée, est en train de remodeler la vie canadienne. Partout dans le monde, tandis que les États-Unis se retirent de l'ordre mondial qu'ils ont créé, les nations revoient leurs priorités, réforment leurs institutions et, par conséquent, transforment leurs identités. D'ici 2027, le budget militaire du Japon aura augmenté de 60 % en 5 ans. L'Allemagne, elle aussi, doit se remilitariser, bien qu'elle ait du mal à trouver des gens prêts à s'engager volontairement ; la stigmatisation de la guerre a marqué plusieurs générations là-bas. Le Brésil a déjà commencé à commercer avec la Chine en monnaie chinoise, évitant tout contact avec les États-Unis. Ce sont tous des changements radicaux dans la façon dont ces pays existent, dans ce qu'ils sont. Mais c'est peut-être au Canada que le changement est le plus profond. En réponse aux menaces américaines, le Canada est au milieu de la plus grande explosion de nationalisme de l'histoire du pays, bien plus importante que le nationalisme des années 1960. À l'époque, en particulier au Canada anglais, l'identité canadienne avait émergé et s'était exprimée à travers les livres, la musique et la CBC, ainsi que par des politiques officielles de bilinguisme et de multiculturalisme. Pendant tout ce temps, le Canada s'intégrait économiquement et militairement aux États-Unis. Aujourd'hui, l'Ontario et le Québec ont interdit toutes les ventes d'alcool américain. Plus des deux tiers des Canadiens prévoient d'acheter moins de produits américains à l'épicerie cette année. Les voyages canadiens vers les États-Unis restent en forte baisse, même si cela a peut-être moins à voir avec la résistance politique qu'avec le fait que les États-Unis ont clairement indiqué que les étrangers sur leur territoire peuvent être soumis, sans recours, à la détention, et peut-être même à la violence. PHOTO DAVID DEE DELGADO, ARCHIVES REUTERS Des agents fédéraux de l'immigration masqués attendent pour procéder à des détentions au tribunal américain de l'immigration à Manhattan, à New York, début août. Des deux côtés de la frontière, on espère que cette antipathie économique sera temporaire. (Rien ne remplace le bourbon.) Mais la deuxième administration Trump a fait émerger une vérité plus durable à propos des États-Unis : ce n'est plus un pays qui respecte ses accords. M. Trump a violé l'accord de libre-échange qu'il avait lui-même conclu lors de son premier mandat. Vous ne devriez faire affaire avec de telles personnes que si vous y êtes obligé. Selon un sondage de février, 91 % des Canadiens veulent moins dépendre des États-Unis comme partenaire commercial. S'extirper des États-Unis La question est de savoir comment nous extirper des États-Unis, et à quel point ce sera douloureux. « Notre ancienne relation avec les États-Unis, une relation basée sur une intégration en constante augmentation, est terminée », a déclaré le premier ministre Mark Carney lors de son discours de victoire. « Le système de commerce mondial ouvert soutenu par les États-Unis – un système sur lequel le Canada s'est appuyé depuis la Seconde Guerre mondiale, un système qui, bien qu'imparfait, a contribué à apporter la prospérité à un pays pendant des décennies – appartient au passé. » Cet éloignement des États-Unis n'est pas seulement une position du Parti libéral. « J'étais – je pense qu'il est juste de le dire – probablement le premier ministre le plus pro-américain de l'histoire du Canada », a récemment déclaré Stephen Harper, qui a dirigé le pays de 2006 à 2015, à la Midwestern Legislative Conference, une réunion transfrontalière d'élus américains et canadiens, avant de reconnaître qu'il avait conseillé au gouvernement libéral actuel de se diversifier aussi rapidement que possible. « Nous ne pouvons tout simplement pas être dans une position à l'avenir où nous pouvons être menacés de cette façon. » PHOTO BLAIR GABLE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE L'ancien premier ministre Stephen Harper, en mai. L'ex-dirigeant a dit avoir recommandé au gouvernement de Mark Carney de diversifier ses partenariats économiques dans le tumulte provoqué par l'administration Trump. La première livraison de gaz naturel liquéfié du Canada vers l'Asie est arrivée en Corée du Sud à la mi-juillet. La Chine achète notre pétrole brut plutôt que celui des États-Unis. Voilà l'avenir du Canada. Au-delà du commerce, c'est le discours sur l'annexion qui a le plus profondément changé la perception que les Canadiens ont d'eux-mêmes. L'armée canadienne a été conçue, presque exclusivement, pour remplir les engagements contractés auprès de nos alliés. Pour cette raison, elle est petite et d'élite – un peu plus de 70 000 soldats. Défendre les frontières du pays n'a jamais été une question à laquelle il a fallu beaucoup réfléchir. Je comprendrais si les Américains, à ce stade, considéraient la possibilité d'une annexion comme trop extravagante pour être prise au sérieux. Mais les États-Unis se sont montrés capables des possibilités les plus extravagantes. Il y a un an, l'idée que des Marines seraient déployés à Los Angeles pour soutenir des agents masqués qui ne s'identifient pas toujours aurait été considérée comme une fiction dystopique. La devise des États-Unis est passée de « Nous croyons en Dieu » à « Rien n'est vrai, tout est permis ». PHOTO JILL CONNELLY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS Des manifestants confrontent des Marines déployés devant un bâtiment fédéral à Los Angeles, lors d'un rassemblement contre les raids du Service de l'immigration et des douanes des États-Unis (ICE), le 4 juillet dernier. Lorsque les pays s'éloignent de la démocratie, l'invasion des voisins est généralement le type de justification que les dirigeants autocratiques utilisent pour suspendre leurs propres lois. Parlez-en aux Ukrainiens. Si M. Trump a effectivement l'intention de se présenter pour un troisième mandat, une « urgence » à la frontière nord est exactement le type de prétexte pour la suspension des normes constitutionnelles dont il pourrait avoir besoin. En réponse à cette menace, deux options sont actuellement discutées au nord de la frontière. La première concerne les armes nucléaires. La seconde concerne une force de défense civile. C'est l'approche qu'ont adoptée les Finlandais qui vivent collés à la Russie, un voisin beaucoup plus grand qui s'effondre par intermittence sous le poids d'un gouvernement incompétent et explose vers l'extérieur avec une ambition impérialiste. Le Canada a une longue tradition de conscription pendant les crises et les guerres mondiales, mais ce n'est pas un pays qui raffole de son armée. Un nouvel état d'esprit L'état d'esprit du Canada change, et le changement est autant culturel qu'économique ou politique. Depuis les années 1960, les élites canadiennes ont tiré profit de l'intégration avec les États-Unis. Des tireurs d'élite ont combattu avec les forces américaines. Des scientifiques ont travaillé dans des laboratoires américains. Des écrivains ont écrit pour des publications new-yorkaises. Des acteurs ont connu le succès à Hollywood. M. Carney lui-même était un représentant de cette intégration à titre de président du conseil d'administration de Bloomberg L.P., le géant de l'information financière et des données, aussi récemment qu'en 2023. PHOTO MARK SCHIEFELBEIN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS Mark Carney écoute Donald Trump s'exprimer lors d'une photo de groupe au sommet du G7, en juin, à Kananaskis, en Alberta. Alors que l'Amérique démantèle ses institutions une par une, ce lien se dissout. La question n'est plus de savoir comment arrêter de nous comparer aux États-Unis, mais comment échapper à leur emprise et à leur destin. Justin Trudeau, l'ancien premier ministre, parlait autrefois du Canada comme d'un « État postnational », où l'identité canadienne passait au second plan derrière la nécessité de réparer les torts historiques et diverses formes vagues de vertu ostentatoire. Ces absurdités sont terminées. Selon plusieurs sondages, le multiculturalisme est de loin ce qui rend le pays unique. Dans un monde qui s'effondre sous le poids de haines stupides et appauvrissantes, c'est cela, le projet national spécifiquement canadien. Même après la COVID-19 et l'échec de la création d'infrastructures adéquates pour les nouveaux Canadiens, qui ont conduit à un recul de l'immigration, le Canada a toujours l'un des taux de naturalisation les plus élevés au monde. Ce pays a toujours été pluriel. Il a toujours contenu de nombreuses langues, ethnies et nations. Le triomphe du compromis face à la différence est le triomphe de l'histoire canadienne. Cela semble être un idéal qui vaut la peine d'être défendu. Le Canada est maintenant coincé dans une double réalité. Dans une récente enquête du Pew Research Center, 59 % des Canadiens ont désigné les États-Unis comme la principale menace pour leur pays, et 55 % des Canadiens ont désigné les États-Unis comme son plus important allié. C'est à la fois une contradiction intenable et une réalité qui définira probablement le pays dans un avenir prévisible. Le Canada est divisé des États-Unis, et les États-Unis sont eux-mêmes divisés. La relation entre le Canada et les États-Unis repose sur ces lignes de faille. Margaret Atwood était, et reste, l'icône ultime du nationalisme canadien des années 1960 et aussi l'une des grandes figures prophétiques de la dystopie américaine. « Premièrement, haïr tous les Américains est stupide », m'a-t-elle dit dans Gloves Off, un balado sur la façon dont le Canada peut se défendre contre les nouvelles menaces américaines. « C'est tout simplement idiot parce que la moitié d'entre eux serait d'accord avec vous », et « même un bon nombre d'entre eux regrettent maintenant leur choix ». De nombreux Canadiens, et sans doute aussi de nombreux Américains, espèrent que cette nouvelle animosité s'estompera avec la fin du mandat de l'administration Trump. « Je ne peux pas cautionner la rhétorique de notre président », a récemment déclaré la gouverneure du Maine, Janet Mills, lors d'un voyage en Nouvelle-Écosse. « Il ne parle pas en notre nom quand il dit ces choses-là. » Sauf que si. L'actuel ambassadeur des États-Unis au Canada, Pete Hoekstra, est le genre d'homme qu'on envoie dans un pays pour l'indisposer. Durant le premier mandat de Trump, le département d'État a dû s'excuser pour des remarques offensantes qu'il avait faites et qu'il avait d'abord niées. Il a également affirmé cet été que l'administration considérait les Canadiens comme « méchants et désagréables ». De telles insultes de la part de ces gens sont un gage d'honneur. PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE L'ambassadeur américain Pete Hoekstra et son épouse, Diane Johnson, écoutent leur hymne national lors d'une fête organisée à l'occasion du 4 Juillet à Lornado, la résidence de l'ambassadeur des États-Unis à Ottawa. Mais c'est le système américain – pas seulement sa présidence – qui est en train de s'effondrer. Du côté canadien de la frontière, il est évident que la gauche américaine capitule. Aucune institution américaine, aussi riche ou privilégiée soit-elle, ne semble disposée à faire le moindre sacrifice au nom des valeurs démocratiques. Si le président est Tony Soprano, les gouverneurs démocrates qui supplient les touristes canadiens de revenir sont des Carmela. Ils désapprouvent du bout des lèvres, mais ne peuvent croire que quiconque remette en question leur décence alors qu'ils essaient de tirer leur épingle du jeu. Le Canada est loin d'être impuissant dans ce nouveau monde ; nous sommes instruits et ingénieux. Mais nous sommes isolés comme jamais auparavant. Notre moment actuel de redéfinition nationale est différent des nationalismes précédents. Il s'agira de connecter le Canada plus largement plutôt que de rétrécir son horizon. Nous pouvons démontrer que le multiculturalisme fonctionne, qu'il est toujours possible d'avoir une société ouverte qui ne se déchire pas, où les divisions entre libéraux et conservateurs sont réelles et profondes, mais ne dégénèrent pas en violence et en haine. Le Canada devra également servir de trait d'union entre les démocraties du monde, sur une ligne qui s'étend de Taïwan et de la Corée du Sud, puis traverse l'Amérique du Nord jusqu'à la Pologne et l'Ukraine. Le Canada vit la deuxième administration Trump comme un adolescent qu'un père violent a mis à la porte. Nous devons grandir vite et nous ne pouvons pas revenir en arrière. Les choix que nous faisons maintenant auront une importance éternelle. Ils révéleront notre caractère national. La colère est une émotion utile, mais seulement comme point de départ. Nous devons accepter le fait que désormais, notre pouvoir ne viendra que de nous-mêmes. 1. Lisez le texte original « 'Profound and Abiding Rage' : Canada's Answer to America's Abandonment » (en anglais ; abonnement requis) Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


La Presse
5 hours ago
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Un combat inégal face à la châtaigne d'eau
Depuis plusieurs années, des organismes mènent une campagne d'arrachage de la châtaigne d'eau dans la baie de Carillon à Saint-André-d'Argenteuil. Elle pousse comme de la mauvaise herbe et se répand sur plusieurs lacs et rivières dans le sud du Québec. En venir à bout paraît presque une mission impossible, mais plusieurs organismes de bassin versant mènent néanmoins une bataille acharnée contre la châtaigne d'eau, une plante exotique envahissante réputée parmi les plus coriaces. « Ça pousse tellement vite ! On a beau l'arracher, ça pousse encore plus vite que tous nos efforts pour la faire disparaître », lance Marlène Herzog, technicienne en environnement au Conseil des bassins versants des Mille-Îles, le COBAMIL. « Ça », c'est la châtaigne d'eau, une plante exotique envahissante, qui porte bien son nom dans la baie de Carillon, au lac des Deux Montagnes, à l'ouest de Montréal. La plante forme un immense tapis vert dans la baie, qu'on peut même apercevoir sur des images satellites. Cette plante est particulièrement nuisible à la biodiversité. Elle occupe l'espace si rapidement qu'elle ne laisse presque pas de place aux plantes indigènes dans un cours d'eau. Elle réduit la lumière nécessaire à la croissance des autres plantes et diminue le niveau d'oxygène dans l'eau. Sa présence peut empêcher la baignade ou la pêche. Elle figure sur la liste des espèces exotiques envahissantes floristiques jugées prioritaires au Québec. Avec son collègue David McConnell, Marlène Herzog coordonne une équipe d'une dizaine de personnes cet été, qui mène une intense campagne d'arrachage de la châtaigne d'eau. PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE L'équipe du COBAMIL affectée à l'arrachage de la châtaigne d'eau dans la baie de Carillon Mais à l'image de l'Hydre de Lerne, ce serpent à plusieurs têtes de la mythologie grecque, la châtaigne d'eau est un adversaire redoutable, constate M. McConnell. « Peu importe les efforts qu'on y met, ça ne fait que grossir », dit-il, faisant le même constat qu'Hercule, le fils de Zeus, qui voyait deux têtes de serpent repousser après en avoir coupé une avec son épée. Depuis 2020, les différentes équipes du COBAMIL ont tout de même arraché 182 tonnes de plants dans la baie de Carillon, soit l'équivalent d'une très grosse baleine bleue. Ces données n'incluent pas le bilan de 2025 qui sera réalisé à la fin de l'été. La campagne d'arrachage se poursuit néanmoins même si les efforts déployés semblent parfois vains. « Il y a des zones où il n'y avait pas de châtaignes d'eau et il y en a dorénavant », constate Marlène Herzog. « Il faut généralement repasser plusieurs fois au même endroit pour arracher des plants pour espérer arriver à un résultat », ajoute David McConnell. Un tapis vert Mais comment une plante peut-elle donner autant de fil à retordre ? Un seul plant de Trapa natans, le nom scientifique de la châtaigne d'eau, peut produire jusqu'à 15 rosettes et chaque rosette peut donner entre 10 et 20 noix, qui peuvent survivre jusqu'à 10 ans au fond de l'eau. « Une seule noix, c'est 200 à 300 nouveaux plants qui vont apparaître », précise David McConnell. PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE Un seul plant de châtaigne d'eau peut produire jusqu'à 15 rosettes et chaque rosette peut donner entre 10 et 20 noix. Chaque noix représente de 200 à 300 nouveaux plants. En 2023, le tapis vert formé par Trapa natans occupait une superficie de 35 hectares, soit l'équivalent de 50 terrains de soccer. Mais depuis, elle a progressé et occupe une zone encore plus importante, précise Marlène Herzog. Le COBAMIL estime qu'il y a des dizaines de millions de rosettes de châtaigne d'eau dans la baie de Carillon. La plante bénéficie également des changements climatiques, qui créent des conditions de plus en plus favorables à sa croissance grâce à des eaux plus chaudes. Si la tâche semble presque impossible, c'est surtout parce que l'arrachage manuel est loin de suffire avec une espèce aussi prolifique. À l'été 2021, les efforts ont permis de retirer 17 tonnes de plants, mais le bilan s'est nettement amélioré en 2022 avec l'utilisation pendant tout l'été d'une faucardeuse, une machine spécialement conçue pour retirer des plants aquatiques. PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE Lors du passage de La Presse, un mécanicien a dû ramener la faucardeuse au bord du lac des Deux Montagnes pour tenter une réparation. À la fin de l'été 2022, 119 tonnes de châtaignes d'eau ont été arrachées, un bilan qui n'a pas été égalé depuis. « On a commencé avec la faucardeuse en 2021, mais 2022 a été la seule année où on a pu s'en servir pendant tout l'été sans avoir d'ennuis mécaniques », note Marlène Herzog. Au moment de la visite de La Presse, la faucardeuse n'a pu être utilisée en raison d'un bris mécanique. L'appareil devrait probablement être remplacé, croit David McConnell. Elle a plus de 20 ans et elle se brise souvent. Mais une nouvelle faucardeuse, ça coûte au moins 200 000 $. David McConnell L'appareil a été acheté pour 20 000 $ et près de 70 000 $ ont été investis en réparations, signale le directeur général du COBAMIL, Raphaël Goulet. Arrachage à la main Ce jour-là, donc, l'équipe a procédé à l'arrachage des plants à la main. Habillés de pantalons de pêcheur, les employés du COBAMIL avancent lentement à travers un tapis de châtaignes d'eau, qu'ils retirent une à une avant de les déposer dans un canot. PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE Équipés de pantalons de pêcheur, les membres de l'équipe du COBAMIL arrachent à la main les plants de châtaigne d'eau qu'ils déposent dans un canot. Les plants seront ensuite transférés dans un conteneur, qui prendra le chemin du site d'enfouissement une fois plein. Pas question de l'envoyer au compostage : on craint que des graines puissent aller contaminer d'autres cours d'eau. Dans les zones où l'eau est trop profonde pour y marcher avec des pantalons de pêcheur, à défaut de recourir à la faucardeuse, la seule option est d'utiliser une fourche ou un râteau pour arracher la châtaigne d'eau. PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE À bord d'un ponton transformé en barge, Marlène Herzog (à droite) et David McConnell arrachent des plants de châtaigne d'eau à l'aide d'un râteau. Pendant que nous sommes sur l'eau à bord d'un ponton transformé en barge, David McConnell y va d'une démonstration. Il utilise son râteau pour accrocher plusieurs plants et il tire ensuite pour les ramener sur le pont. La racine d'un seul plant peut facilement faire 5 mètres de long. « On se fatigue rapidement avec cette technique », lance David. Le COBAMIL bénéficie d'un financement du ministère québécois de l'Environnement jusqu'en 2030, mais Marlène Herzog et David McConnell ne voient pas comment ils pourront venir à bout de cette plante sans renforts. « Il nous faudrait deux faucardeuses à temps plein pour arriver à l'éradiquer », avance Marlène Herzog.