
Le vélo, c'est beau quand ça monte
Seraing, Belgique — Je peux changer d'idée ? Je ne suis plus aussi certain de la victoire de l'Américain Lance Armstrong dans ce Tour de France. Non, non, il n'a montré aucun signe de faiblesse hier. Mais je l'ai trouvé bien seul dans cette bataille des Ardennes menée tambour battant par le train rose des neuf Telekom.
Je peux changer d'idée ? Jan Ullrich n'est pas le gros bébé geignard, plein de pâtisseries et de choucroute que je vous décrivais dans mon premier papier. Je l'ai trouvé drôlement affûté dans la côte des Forges, à 35 kilomètres de l'arrivée, quand Armstrong s'est soudain porté en tête, provoquant aussitôt une cassure. La première passe d'armes du Tour. Si Armstrong voulait savoir, il sait. Non seulement Ullrich n'a pas cédé un pouce, mais il a fait donner la garde aussitôt : un, deux, trois, cinq, neuf Telekom en tête du peloton. Armstrong n'avait même pas son ombre pour l'accompagner. Le fidèle Hamilton, diminué par une blessure. était en queue de peloton. Invisibles aussi Heras et Rubeira, engagés à prix d'or pour accompagner l'Américain quand ça monte.
Et ça monte les Ardennes. Pas longtemps, mais assez sauvagement. Demandez à Marc Wauters, le maillot jaune qui s'est pris six minutes et demie dans les dents. Tout comme Casagrande. En même pas 30 kilomètres, des gros dégâts.
Bien sûr, un coup lancés, les Telekom se sont dit, allez hop, on y va jusqu'au bout, pour Zabel. C'est comme ça qu'Erik Zabel a remporté sa seconde étape en trois jours. En restant bien assis sur le porte-bagages d'Ullrich et compagnie. Il a giclé à 200 mètres de l'arrivée. Un doigt dans le nez, l'autre en l'air pour dire qu'il avait gagné, comme si on l'avait pas vu.
La semaine qui a précédé le Tour, la presse européenne a fait grand cas d'une bouderie de Zabel mécontent qu'on l'ait privé, pour ce Tour, des services de son poisson-pilote, l'Italien Fagnini. Un poisson-pilote, c'est un coureur qui, dans les trois derniers kilomètres, fraie un passage au sprinter vedette et lance le sprint. Fagnini est le meilleur au monde pour ce travail. « Sans Fagnini, je ne gagnerai pas une seule étape dans ce Tour », ronchonnait Zabel. Il en a déjà gagné deux sur trois. C'est juste pour vous dire qu'il n'y a pas que les journalistes qui disent n'importe quoi.
Bref, une belle étape qui nous a appris plein de choses. Qu'Ullrich est affûté. Qu'Armstrong est peut-être mal entouré. Qu'il faudra compter avec Christophe Moreau, très à l'aise hier… Avec Beloki, et avec un autre qu'on a un peu oublié, le leader de la Kelme, Santiago Botero, très en vue aussi, hier.
Cette étape nous a appris aussi que les Italiens se foutent carrément du monde. Il n'y en aura pas un dans les trente premiers à Paris. On a appris que les gros baroudeurs comme Museeuw, Boogerd, Dekker, et le champion du monde Vainsteins, qui ont brillé ce printemps dans les classiques courues sur ces mêmes routes, dans ces mêmes côtes, sont en cure de désintoxication en queue de peloton.
On a appris, mais on s'en doutait depuis la veille, que le public belge est complètement fou de vélo. Au sommet de la côte du Mont-Theux, la foule avait envahi la chaussée comme dans les grands cols alpins, ne laissant qu'un étroit passage aux coureurs.
On a appris enfin, mais ça je le sais depuis toujours, que le vélo, c'est bien plus beau quand ça monte.
Roue libre
LE MONDE EST PETIT – À Anvers, j'ai fait quatre fois le tour de la ville avant de trouver une chambre à l'hôtel Campanile, près de l'aéroport. L'hôtel était plein de suiveurs du Tour, gens de la caravane, motards qui ouvrent la route, confrères journalistes et une équipe de coureurs : ceux de la Lampre. Me voilà dans l'ascenseur, tout encombré de mes bagages, il est dix heures du soir, je n'ai pas soupé et je dis au jeune homme qui est dans cet ascenseur avec moi – je devine que c'est un coureur même si je ne sais pas lequel – je dis : « Finalement, le Tour de France, c'est bien moins dur en vélo ». Il rit.
Francéze ? il me demande.
Non, Canadien.
Ah Canadien. Z'ai oune ami au Canada. À Montréal. Il fabrique des vélos.
Pas Marinoni ?
Si ! Marinoni ! Aspetta… Vous connaissez Giuseppe Marinoni de Rovetta ? Et d'ajouter en italien : C'est quand même incroyable, dans un ascenseur ! Vous connaissez Marinoni ?
Ben oui, c'est mon ami aussi.
Je l'ai revu au petit déjeuner, hier matin. Il avait une poche de glace sur le genou. Il s'appelle Marco Serpellini, dossard 171. Son père courait avec Marinoni en Italie. Quand Marinoni est venu au Canada, il a essayé d'amener Serpellini avec lui. Ça n'a pas marché. Serpellini a eu trois fils. Ils ont été tous les trois champions d'Italie. Marco, celui qui est en ce moment dans le Tour de France, a aussi été champion du monde junior. Il en est à son quatrième Tour de France. Il a bien mal commencé celui-ci. Tombé dans la première étape. Tombé dans la seconde. Assez durement touché au genou et à la hanche. Il est déjà à 22 minutes. Il va essayer de gagner une étape. Ils disent tous ça…
La Lampre n'a pas amené une grosse équipe. Ils viennent de gagner le Tour d'Italie avec Simoni, leur année est faite, sont surtout contents d'être passés miraculeusement à travers le scandale qui a marqué le fin du Giro. M'étonnerait qu'ils fassent des grosses vagues au Tour de France. Les coureurs ont dû être avertis de bien rincer leur bidon. Non non, je n'ai pas parlé de ça avec le petit Marco. Le fils d'un ami d'un ami, vous me prenez pour qui ? Je sais vivre quand même.
À L'INSU DE LEUR PLEIN GRÉ – La question la plus populaire chez les suiveurs du Tour en ce moment n'est pas : qui gagnera le Tour ? La question est : où les flics vont-ils faire leur descente ?
J'ai une idée. À Sarran.
Sarran est une toute petite ville de Corrèze de 2500 habitants où le Tour fait étape cette année pour la seule et unique raison que Monsieur et Madame Chirac y tiennent château. Même que madame Chirac est la mairesse de Sarran. Le Tour est chiraquien dans son essence et dans ses accointances, son directeur, Jean-Marie Leblanc, étant un familier du couple présidentiel.
Comme vous le savez, si le président des Français est à droite, le gouvernement de Lionel Jospin est socialiste. Même que la ministre des Sports, Marie-George Buffet, qui mène vigoureusement la lutte contre le dopage en France, est carrément communiste.
Si j'étais à sa place… si elle avait pour deux sous de malice, elle enverrait les flics dans la cour du château.
Comme vous le ne savez peut-être pas, il y aura des élections présidentielles au début de l'an prochain en France. M. Chirac brigue un second septennat. Il ouvre sa campagne en recevant le Tour au château…
Je le trouve bien intrépide.
AUJOURD'HUI – Huy-Verdun, 215 km, une première moitié raboteuse, mais les coureurs auront en tête l'exercice (haï de tous) du lendemain : le contre-la-montre par équipes. Bref, une étape au rabais, pour les équipes qui n'ont pas de leader à mener en carrosse le lendemain. La Lampre, pourquoi pas ? Allez Marco. Marinoni part justement pour l'Italie demain. Il va rencontrer ton père à Rovetta. Ça leur ferait de quoi parler.
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


La Presse
6 hours ago
- La Presse
L'ascension de Magdeleine Vallières Mill
Le Tour de France Femmes a offert tout un spectacle en 2025 et l'équipe de la Québécoise Magdeleine Vallières Mill a été au cœur de celui-ci. Patrick Caisse La Presse Canadienne Bien que la meneuse de l'équipe, la Française Cédrine Kerbaol, ait terminé huitième du classement général en raison d'une chute lors de l'ultime étape, les coureuses d'EF Education-Oatly ont démontré une combativité hors pair. Vallières Mill a notamment aidé Kerbaol à se positionner dans le top 5 au cumulatif avant d'amorcer la neuvième et dernière journée de la Grande Boucle. « On est vraiment contentes, a indiqué la Sherbrookoise de 23 ans lors d'un entretien avec La Presse Canadienne depuis l'Espagne. C'est sûr qu'on est déçues de la dernière étape, mais je pense qu'on a fait du super bon travail et qu'on s'est beaucoup améliorées. « Il y a eu beaucoup d'apprentissages. Sans cette chute-là, on aurait réalisé notre objectif, qui était le top 5. On aurait peut-être même fini en quatrième position. On peut quand même être fières de notre Tour de France. » La Canadienne Alison Jackson a elle aussi participé au spectacle en prenant part à deux longues échappées. Arborant son chandail de championne canadienne, Jackson a également mis la table pour la sprinteuse Noemi Rüegg lors de la troisième étape. Vallières Mill a pour sa part pris le 18e rang au classement général. Bien que ce soit le meilleur résultat canadien de l'histoire du Tour de France Femmes, elle y attache peu d'importance. « Si j'avais couru pour moi, j'aurais fini plus haut (au classement), mais ce n'est vraiment pas ça le but quand tu peux avoir un podium au cumulatif (avec Cédrine), a-t-elle expliqué. « Je ne regarde vraiment pas mon résultat personnel à la fin du Tour. C'est le classement de notre meneuse qui m'importe. Je n'avais pas d'objectif personnel. » Il demeure néanmoins que la Québécoise retire une certaine fierté d'avoir pu rivaliser avec les meilleures coureuses lors des étapes les plus difficiles, en particulier la huitième, qui s'est terminée par l'ascension de l'impitoyable Col de la Madeleine, une montée de 19,6 km qui est sans répit. « Oui, j'étais contente d'être capable de suivre les meilleures grimpeuses, a-t-elle dit. Habituellement, c'est difficile pour moi d'être là dans les longues bosses, donc j'étais contente de voir que j'avais le niveau pour être là cette année. « C'est surtout d'y arriver au Tour de France, quand tout le monde est au sommet de sa forme. C'est certain que c'est positif pour l'avenir. Je m'améliore et j'ai hâte de voir la suite. » À 23 ans seulement et avec une telle prestation au Tour de France Femmes, Vallières Mill a toutes les raisons d'être enthousiaste pour les années à venir. La championne de 2025, la Française Pauline Ferrand-Prévot, est âgée de 33 ans. Ses deux principales rivales du Tour, Demi Vollering et Katarzyna Niewiadoma, ont respectivement 28 et 30 ans. Bientôt dans le rôle de meneuse ? Les performances de Vallières Mill au Tour de France ne sont pas passées inaperçues au sein de son équipe, si bien qu'elle pourrait se retrouver dans le rôle de meneuse dans quelques jours à peine. La Québécoise participera au Tour de Romandie, en Suisse, du 15 au 17 août. Et si tout va bien d'ici là, EF Education-Oatly pourrait lui confier les rênes de l'équipe. « Ça va dépendre de ma forme dans une semaine, mais il y a des chances que je puisse avoir une opportunité là-bas, a dit Vallières Mill. « C'est certain que ce serait spécial. J'aimerais ça voir ce que ça donne quand j'y vais pour moi, question de me donner une idée de mon niveau en ce moment. Ce serait un bon test. » L'an dernier, la double championne du monde Lotte Kopecky avait gagné le Tour de Romandie, six secondes devant Vollering. Puis, en 2023, Vollering avait triomphé, six secondes devant Niewiadoma. « Ce n'est pas le Tour de France, où gagner une étape peut changer une carrière, mais c'est quand même une bonne course avec un niveau relevé », a conclu Vallières Mill.


La Presse
a day ago
- La Presse
Le vélo, c'est beau quand ça monte
Cette chronique a été publiée le mercredi 11 juillet 2001, en page S9. Nous la republions sans altérer les mots que l'auteur a utilisés à l'époque. Seraing, Belgique — Je peux changer d'idée ? Je ne suis plus aussi certain de la victoire de l'Américain Lance Armstrong dans ce Tour de France. Non, non, il n'a montré aucun signe de faiblesse hier. Mais je l'ai trouvé bien seul dans cette bataille des Ardennes menée tambour battant par le train rose des neuf Telekom. Je peux changer d'idée ? Jan Ullrich n'est pas le gros bébé geignard, plein de pâtisseries et de choucroute que je vous décrivais dans mon premier papier. Je l'ai trouvé drôlement affûté dans la côte des Forges, à 35 kilomètres de l'arrivée, quand Armstrong s'est soudain porté en tête, provoquant aussitôt une cassure. La première passe d'armes du Tour. Si Armstrong voulait savoir, il sait. Non seulement Ullrich n'a pas cédé un pouce, mais il a fait donner la garde aussitôt : un, deux, trois, cinq, neuf Telekom en tête du peloton. Armstrong n'avait même pas son ombre pour l'accompagner. Le fidèle Hamilton, diminué par une blessure. était en queue de peloton. Invisibles aussi Heras et Rubeira, engagés à prix d'or pour accompagner l'Américain quand ça monte. Et ça monte les Ardennes. Pas longtemps, mais assez sauvagement. Demandez à Marc Wauters, le maillot jaune qui s'est pris six minutes et demie dans les dents. Tout comme Casagrande. En même pas 30 kilomètres, des gros dégâts. Bien sûr, un coup lancés, les Telekom se sont dit, allez hop, on y va jusqu'au bout, pour Zabel. C'est comme ça qu'Erik Zabel a remporté sa seconde étape en trois jours. En restant bien assis sur le porte-bagages d'Ullrich et compagnie. Il a giclé à 200 mètres de l'arrivée. Un doigt dans le nez, l'autre en l'air pour dire qu'il avait gagné, comme si on l'avait pas vu. La semaine qui a précédé le Tour, la presse européenne a fait grand cas d'une bouderie de Zabel mécontent qu'on l'ait privé, pour ce Tour, des services de son poisson-pilote, l'Italien Fagnini. Un poisson-pilote, c'est un coureur qui, dans les trois derniers kilomètres, fraie un passage au sprinter vedette et lance le sprint. Fagnini est le meilleur au monde pour ce travail. « Sans Fagnini, je ne gagnerai pas une seule étape dans ce Tour », ronchonnait Zabel. Il en a déjà gagné deux sur trois. C'est juste pour vous dire qu'il n'y a pas que les journalistes qui disent n'importe quoi. Bref, une belle étape qui nous a appris plein de choses. Qu'Ullrich est affûté. Qu'Armstrong est peut-être mal entouré. Qu'il faudra compter avec Christophe Moreau, très à l'aise hier… Avec Beloki, et avec un autre qu'on a un peu oublié, le leader de la Kelme, Santiago Botero, très en vue aussi, hier. Cette étape nous a appris aussi que les Italiens se foutent carrément du monde. Il n'y en aura pas un dans les trente premiers à Paris. On a appris que les gros baroudeurs comme Museeuw, Boogerd, Dekker, et le champion du monde Vainsteins, qui ont brillé ce printemps dans les classiques courues sur ces mêmes routes, dans ces mêmes côtes, sont en cure de désintoxication en queue de peloton. On a appris, mais on s'en doutait depuis la veille, que le public belge est complètement fou de vélo. Au sommet de la côte du Mont-Theux, la foule avait envahi la chaussée comme dans les grands cols alpins, ne laissant qu'un étroit passage aux coureurs. On a appris enfin, mais ça je le sais depuis toujours, que le vélo, c'est bien plus beau quand ça monte. Roue libre LE MONDE EST PETIT – À Anvers, j'ai fait quatre fois le tour de la ville avant de trouver une chambre à l'hôtel Campanile, près de l'aéroport. L'hôtel était plein de suiveurs du Tour, gens de la caravane, motards qui ouvrent la route, confrères journalistes et une équipe de coureurs : ceux de la Lampre. Me voilà dans l'ascenseur, tout encombré de mes bagages, il est dix heures du soir, je n'ai pas soupé et je dis au jeune homme qui est dans cet ascenseur avec moi – je devine que c'est un coureur même si je ne sais pas lequel – je dis : « Finalement, le Tour de France, c'est bien moins dur en vélo ». Il rit. Francéze ? il me demande. Non, Canadien. Ah Canadien. Z'ai oune ami au Canada. À Montréal. Il fabrique des vélos. Pas Marinoni ? Si ! Marinoni ! Aspetta… Vous connaissez Giuseppe Marinoni de Rovetta ? Et d'ajouter en italien : C'est quand même incroyable, dans un ascenseur ! Vous connaissez Marinoni ? Ben oui, c'est mon ami aussi. Je l'ai revu au petit déjeuner, hier matin. Il avait une poche de glace sur le genou. Il s'appelle Marco Serpellini, dossard 171. Son père courait avec Marinoni en Italie. Quand Marinoni est venu au Canada, il a essayé d'amener Serpellini avec lui. Ça n'a pas marché. Serpellini a eu trois fils. Ils ont été tous les trois champions d'Italie. Marco, celui qui est en ce moment dans le Tour de France, a aussi été champion du monde junior. Il en est à son quatrième Tour de France. Il a bien mal commencé celui-ci. Tombé dans la première étape. Tombé dans la seconde. Assez durement touché au genou et à la hanche. Il est déjà à 22 minutes. Il va essayer de gagner une étape. Ils disent tous ça… La Lampre n'a pas amené une grosse équipe. Ils viennent de gagner le Tour d'Italie avec Simoni, leur année est faite, sont surtout contents d'être passés miraculeusement à travers le scandale qui a marqué le fin du Giro. M'étonnerait qu'ils fassent des grosses vagues au Tour de France. Les coureurs ont dû être avertis de bien rincer leur bidon. Non non, je n'ai pas parlé de ça avec le petit Marco. Le fils d'un ami d'un ami, vous me prenez pour qui ? Je sais vivre quand même. À L'INSU DE LEUR PLEIN GRÉ – La question la plus populaire chez les suiveurs du Tour en ce moment n'est pas : qui gagnera le Tour ? La question est : où les flics vont-ils faire leur descente ? J'ai une idée. À Sarran. Sarran est une toute petite ville de Corrèze de 2500 habitants où le Tour fait étape cette année pour la seule et unique raison que Monsieur et Madame Chirac y tiennent château. Même que madame Chirac est la mairesse de Sarran. Le Tour est chiraquien dans son essence et dans ses accointances, son directeur, Jean-Marie Leblanc, étant un familier du couple présidentiel. Comme vous le savez, si le président des Français est à droite, le gouvernement de Lionel Jospin est socialiste. Même que la ministre des Sports, Marie-George Buffet, qui mène vigoureusement la lutte contre le dopage en France, est carrément communiste. Si j'étais à sa place… si elle avait pour deux sous de malice, elle enverrait les flics dans la cour du château. Comme vous le ne savez peut-être pas, il y aura des élections présidentielles au début de l'an prochain en France. M. Chirac brigue un second septennat. Il ouvre sa campagne en recevant le Tour au château… Je le trouve bien intrépide. AUJOURD'HUI – Huy-Verdun, 215 km, une première moitié raboteuse, mais les coureurs auront en tête l'exercice (haï de tous) du lendemain : le contre-la-montre par équipes. Bref, une étape au rabais, pour les équipes qui n'ont pas de leader à mener en carrosse le lendemain. La Lampre, pourquoi pas ? Allez Marco. Marinoni part justement pour l'Italie demain. Il va rencontrer ton père à Rovetta. Ça leur ferait de quoi parler.


La Presse
a day ago
- La Presse
« Je n'ai même pas pleuré »
Cette chronique a été publiée le mardi 5 octobre 1999, en page S2. Nous la republions sans altérer les mots que l'auteur a utilisés à l'époque. C'était hier vers midi, dans Trévise ensoleillée. Une foule avertie se pressait aux barrières. Geneviève Jeanson s'est arrachée de l'auvent de départ. Une moto lui ouvrait le chemin dans le dédale des ruelles médiévales… « Je redoutais beaucoup la première courbe à droite mais après, tout s'est passé comme dans un rêve. Je ne comprenais rien de ce que disait André (André Aubut, son entraîneur) dans mon petit récepteur qui grichait trop, mais vers la fin j'ai presque rattrapé une des favorites, la Hollandaise qui était partie une minute avant moi, et j'ai compris que j'avais roulé très vite. Les spectateurs, plusieurs avec un chrono à la main, me faisaient signe de pousser plus fort encore, j'étais à bloc, j'avais des super jambes, quand j'ai franchi la ligne d'arrivée j'ai regardé le cadran, yé ! » En un peu moins d'un quart d'heure, à plus de 45 kilomètres heure, Geneviève Jeanson, une gamine de 17 ans de Lachine, est devenue hier championne du monde junior du contre-la-montre, première médaille d'or canadienne de l'histoire du cyclisme sur route. Même Steve Bauer n'a jamais été champion du monde. – « Contente ? – Je n'ai même pas pleuré ! J'ai rêvé souvent ces derniers temps que je serais championne du monde, je me voyais sur le podium en train de pleurer, mais je n'ai même pas pleuré. Mon entraîneur pleurait. Ma mère aussi. Mon père sautait partout… Dites-moi, M. Foglia pensez-vous qu'on parlera de ma victoire dans le journal de demain ? » Elle était de retour à son hôtel de Vicenza quand on s'est parlé. La voix enjouée d'une gamine de 17 ans qui avait déjà passé à autre chose : « Si vous faites un article, pouvez-vous, s'il vous plaît, saluer mon amie Geneviève Goulet ? – Promis. Mais parle-moi de toi un peu. Qu'est-ce tu vas faire aujourd'hui ? – Là là tout de suite ? Je m'en vais rouler. – Tu viens de gagner le championnat du monde et tu t'en vas rouler ? T'es comme les Russes au hockey des années 70, ils venaient de planter les Canadiens et ils allaient jogger. Tu fêtes pas ? – Si, si, je fête ce soir. Un souper avec mes parents, mon entraîneur et sa femme. Peut-être un peu de champagne. Comment avez-vous su que j'avais gagné ? Internet ? – Non. Par Simone Marinoni à la première heure ce matin. Avant tout le monde. Ton entraîneur a téléphoné à M. Bedwani qui dirige ton club à Laval (les Espoirs de Laval), ce bon monsieur Bed comme vous l'appelez a téléphoné chez Marinoni, mais il était tellement ému qu'il ne pouvait pas parler, il est parti à pleurer et Simone Marinoni lui disait : faut pas pleurer comme ça M. Bedwani, qui c'est qu'est mort donc ? Tu vois, tu fais brailler tout le monde. T'as eu des fleurs ? – Superbes. J'ai eu aussi une magnifique montre Tissot en argent. Et bien sûr le maillot arc-en-ciel de championne du monde. C'est mon plus beau cadeau, ce maillot, et en même temps la seule petite ombre à mon bonheur parce que je ne peux pas le mettre pour aller rouler. – Trop petit ? – Non, il est à manches longues. Il fait bien trop chaud ici pour rouler en manches longues. – Comment te sens-tu pour la course sur route de vendredi ? – Confiante aussi, mais ce n'est pas pareil. C'est une loterie, la route. Contre la montre, il n'y a pas de hasard. » Onze secondes, c'est le mince écart qui sépare Geneviève de la deuxième, la Française Juliette Vandekerkove, déjà championne du monde de poursuite sur piste qui se vantait la semaine dernière qu'elle allait tout rafler à Trévise. Onze secondes, une par kilomètre. Rien à voir avec la chance. Méticuleusement entraînée par André Aubut, ex-athlète et entraîneur de canoë-kayak, très porté sur la musculation et l'entraînement fractionné (intervalles), Geneviève Jeanson était venue reconnaître le parcours dès l'an dernier, connaissait les onze tournants par cœur, s'entraîne depuis deux semaines en Italie. Bref, ces onze secondes ne doivent absolument rien au hasard. 17 ans, étudiante au cégep André-Laurendeau, têtue, super organisée, bien entourée, bien entraînée (en marge du milieu du cyclisme et c'est peut-être mieux comme ça), Geneviève est désignée aujourd'hui même, sur le site de Velonews, par un des meilleurs journalistes de vélo (John Wilcokson), comme la nouvelle Jeannie Longo. Eh bien ! j'espère bien que non, mon vieux. Jeannie Longo a sans doute été une grande championne, mais elle a été aussi une des plus formidables têtes de vache de l'histoire du sport, et si la petite Jeanson devait devenir une autre Longo, fini le vélo pour moi, je me convertis à la nage synchronisée. Aujourd'hui La course – Contre-la-montre filles élite. Une boucle de 25,85 km. Parcours plat et très technique. Les Canadiennes – Lyne Bessette, 24 ans, de Knowlton. Coureuse professionnelle pour l'équipe américaine Saturn. De loin la meilleure cycliste canadienne. Fructueuse et longue saison. Spectaculaires progrès dans le contre-la-montre cette année. Sur un parcours plus sélectif que celui d'aujourd'hui, sans doute une des cinq meilleures au monde. Clara Hughes, 27 ans, de Winnipeg, deux médailles de bronze à Atlanta, dont celle du contre-la-montre ; médaille d'argent aux Mondiaux en 95 en Colombie ; en assez bonne forme pour une fille qui revient à la compétition après deux ans d'interruption (blessée à un talon) ; le parcours, très plat, l'avantage contrairement à Bessette. La menace – La Lithuanienne Diana Ziliute, actuellement la meilleure cycliste au monde sur tous les terrains. Les spécialistes du contre-la-montre l'Allemande Kupfernagel, la Russe Zabirova. La Hollandaise Van Moorsel, et toujours, et encore l'indestructible Jeannie Longo qui vient de fêter ses 83 ans. Pronostics – Lyne Bessette dans les cinq premières. Clara Hughes dans les dix premières. Hier – Inscrit de dernière minute pour le contre-la-montre des Espoirs (coureurs de moins de 23 ans), Charles Dionne, de Saint-Rédempteur, a terminé 45e à un peu plus de trois minutes du vainqueur, l'Espagnol José Gutierrez. Demain – Contre-la-montre élite hommes. Le titre est promis d'avance ou presque à Jan Ullrich, récent vainqueur du Tour d'Espagne. Un seul Canadien dans cette épreuve, le vieux (35 ans) Eric Wohlberg.