
Le Castrum Festival transforme Yverdon en espace culturel à ciel ouvert
La 25e édition du festival démarre ce jeudi. Notre sélection de cinq spectacles à ne pas manquer cette année. Publié aujourd'hui à 13h11
Cette année, la place Pestalozzi accueillera trois spectacles (cinq représentations), une déambulation et un DJ set.
REGIS MATTHEY – DR
En bref:
Hybride, dynamique et fédératrice: trois adjectifs pour résumer ce que veut être la 25e édition du Castrum, qui se tient cette fin de semaine à Yverdon. Par la grâce de 39 projets artistiques mêlant danse, cirque contemporain, déambulations, concerts, DJ sets, ateliers, résidences et expositions-installations, le festival pluridisciplinaire va une fois encore transformer la ville en un espace d'exploration ludique et culturel à ciel ouvert.
«Entre rêverie, espoir, deuil et résistance, les artistes se font les porte-voix d'une diversité de discours et dessinent collectivement les contours d'un monde radieux et inclusif», promettent les organisateurs. C'est qu'à la lecture du riche programme, il est difficile de voir les effets négatifs de la situation financière délicate de la manifestation.
Tout juste peut-on remarquer l'absence d'une seconde zone conviviale construite, un peu excentrée. «Oui, la présence est encore plus marquée aux alentours du château où prend place la majeure partie des projets. Mais nous continuons tout de même à rayonner vers d'autres lieux. Certains où nous nous sommes déjà rendus (ndlr: comme le parc des Rives du lac) , d'autres que nous explorons, comme le Jardin Japonais ou Sports 5», explique Luca Bianchetti, administrateur du Castrum. Budget artistique intact
En fait, c'est surtout au niveau du choix des spectacles proposés que Le Castrum Festival s'est montré particulièrement attentif. «Nous avons veillé à ne pas diminuer le budget consacré au cachet des artistes, souligne le directeur, Damien Frei. En revanche, nous avons sélectionné des projets qui ne nécessitent pas la mise en place de structures spéciales et coûteuses.»
Pour aider les spectateurs à faire leurs emplettes, voici cinq rendez-vous à ne pas manquer, du 7 au 10 août, à Yverdon. «Mirage», un jour de fête (danse)
Inspiré de l'image d'un camp de réfugiés en Cisjordanie avec grillages, barbelés et tôles rouillées en toile de fond, ce spectacle de danse laisse augurer de sombres perspectives. Et pourtant. «Plutôt que de plonger le public dans une ambiance morose, ce grand format l'immerge dans une fête collective qui célèbre la vie», relève Damien Frei.
Malgré un propos grave, «Mirage» immerge le spectateur dans une fête collective.
C-Detrez / DR
Certes, le propos reste grave et dénonce l'horreur et l'absurdité de la guerre, mais la compagnie Dyptik (France) emmène tout le monde jusqu'à une apothéose au cours de laquelle le public peine à ne pas chanter et danser avec les chorégraphes.
Terrains de basket du parc des Rives-du-Lac, avenue de l'Hippodrome 3, jeudi 7 (19 h) et vendredi 8 (18 h 45) Gibrana Cervantes (concert)
Violon calé entre son menton et son épaule gauche, Gibrana Cervantes agite son archet et fait glisser ses doigts sur les cordes. Classique, comme le son que la musicienne mexicaine libère. Seule en scène, elle va cependant rapidement transgresser tous les genres, grâce aux amplis et aux effets dont elle sait jouer à merveille. «C'est la raison principale qui nous a conduits à la programmer au temple», souligne Damien Frei. Les sonorités cinématographiques du récital y créent un très beau voyage, qui prend son public aux tripes.
Temple d'Yverdon, place Pestalozzi 1, jeudi 7 août (21 h). Spectacle payant sur réservation .
Gibrana Cervantes fera résonner son violon à l'intérieur du temple d'Yverdon.
DR «Fury Room» (spectacle)
À l'été 2002, l'attraction «Happy End» offrait aux visiteurs d'Expo.02 la possibilité de fracasser des assiettes en porcelaine. Cette expérience jouissive avait pour cadre l'arteplage de Bienne. Vingt-trois ans plus tard, la Biennoise Fanny Krähenbühl inscrit son seul en scène dans une «Fury Room», un espace où l'on peut lâcher ses pulsions en cassant tous des objets. Sa furie destructrice, la comédienne la nappe dans un humour décapant, moyen qu'elle a trouvé pour dénoncer les nombreux travers de notre époque. C'est drôle, bien senti et communicatif, puisque ça donne envie de pouvoir aussi tout balancer contre un mur.
Cour du collège Pestalozzi, rue Pestalozzi 2, vendredi 8 (20 h 30) et samedi 9 (21 h).
La Biennoise Fanny Krähenbühl invite à tout casser.
FRÉDÉRIC PALLADINO – DR Aïta Mon Amour (concert)
Du Village du Monde de Paléo à la cour du château d'Yverdon, il n'y a qu'un pas que le duo marocain Aïta Mon Amour a franchi en moins de deux semaines. Pionnière du rap dans son pays, Widad Mjama s'est associée avec le compositeur et multi-instrumentiste Khalil Epi. Il en résulte un dialogue entre ce passé incarné par la tradition orale séculaire de l'aïta et ce présent, servi par des sons électroniques, des riffs de guitare et des rythmes percussifs. «La puissance de cette musique électro-orientale n'empêche pas d'être pris par les harmonies de cette voix totalement envoûtante», explique Damien Frei.
Cour du château, vendredi 8 (20 h).
Le duo marocain Aïta mon amour fait dialoguer tradition et modernité.
HAZA BENNOUR – DR «Maiador» (melting-pot artistique)
«Maiador», le spectacle haut en couleur proposé par la Cia Delá Praká, incarne la diversité culturelle du Brésil. «Je viens d'y passer quelques mois et «Maiador» représente précisément ce que j'ai vu là-bas», reprend le directeur du festival.
La Cia Delá Praká propose un cocktail de cultures brésiliennes.
TOMAS HUDOLIN – DR
Dans le Nordeste, le maiador est le coin ombragé où le bétail se protège du soleil. Avec ce projet, c'est la samba, le baião et la capoeira qui ont trouvé un refuge. En y ajoutant de la musique jouée en direct, du chant et des acrobaties, la compagnie sert un cocktail tropical inimitable.
Place Pestalozzi, samedi 9 (10 h 30) et dimanche 10 (18 h 15).
D'autres sujets festivaliers Frédéric Ravussin est journaliste à 24 heures depuis 2005 pour qui il couvre l'actualité régionale du Nord vaudois. Au-delà de ces frontières géographiques, il a un intérêt marqué pour les sujets touchant au monde des animaux (les oiseaux en particulier) et au domaine du sport. Plus d'infos @fredravussin
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Faites attention: «Mercredi» va vous crever les yeux en saison 2
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La Cour européenne se penchera sur l'affaire Luc Besson
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Pour Golshifteh Farahani, Locarno déploie le tapis rouge (sang)
Accueil | Culture | Cinéma & séries | L'actrice iranienne, condamnée par le régime des mollahs, irradie dans l'horrifique «Alpha», qu'elle présentait mercredi en ouverture. Interview politique. Publié aujourd'hui à 19h12 Golshifteh Farahani n'a pas pu retourner dans son pays natal depuis 2009 et sa condamnation pour être apparue tête nue en conférence de presse. Rahi Rezvani Glamour et intellect: l'équation si souvent réclamée au Festival de Locarno trouve avec Golshifteh Farahani sa plus belle incarnation. Mercredi soir, la comédienne iranienne recevait un Léopard d'honneur en ouverture de la 78e édition du rendez-vous de cinéma, dont le tapis rouge avait les teintes sanguines d'«Alpha», drame horrifique que l'actrice traverse d'une intensité stupéfiante. Le film de Julia Ducournau, Palme d'or cannoise avec «Titane», sortira le 25 août. Locarno, terre d'exil «La première fois que je suis venue ici, c'était juste après mon exil d'Iran, se souvient Golshifteh Farahani. 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