
Randonnée dans les îles Chausey, tout au bout de la Manche
Si les îles Chausey sont les seules des îles normandes à avoir échappé aux griffes avides de la Perfide Albion, c'est qu'elles n'étaient même pas mentionnées sur la carte dont disposaient les Anglais lors du traité de Paris de 1763 ! Aujourd'hui les cartes marines sont un peu plus précises et dévoilent une ribambelle de noms de cailloux trouvés par des pêcheurs à l'imagination fertile ou à la vue défaillante : le Lézard, l'Éléphant, la Petite Mauvaise, la Massue, la Bonne Femme sans oublier le Grand Puceau et sa Turlutte...
Les courants alambiqués, le marnage astronomique pouvant atteindre 14 mètres et les marées fulgurantes peuvent rapidement transformer ce chaos de roches saupoudré de vasières et de bancs de sable en cauchemar pour le plaisancier du dimanche. Chaque été voit son lot de voiliers échoués ou fracassés. Pour rejoindre la Grande Île, mieux vaut embarquer sur la vedette de Granville pour découvrir l'esprit léger, guidé par les dauphins, cette chorégraphie d'écueils coiffés de varechs encore humides, de chenaux au bleu profond et de croissants sablonneux d'une blondeur polynésienne.
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La randonnée en pratique
Facile > 8 km > 3 h > +30 m/-30 m > Balisage jaune > Point GPS : 30U 586163.415 / 5414015.080
Carte IGN n° 1214ET - Granville Iles Chausey
Départ depuis la Grande Cale
L'Anse des Blainvillais.
CHRISTOPHE MIGEON
À peine accosté, le navire déverse à terre son flot de passagers qui bientôt débordent, inondent la cale et s'écoulent vers les plages alentour comme des poissons libérés d'un chalut. Par les sentiers côtiers qui sillonnent les tapis d'obione et d'aster maritime, ils partent rejoindre des criques sauvages dérangées seulement par le piaillement des huîtriers pie et le va-et-vient des crabes.
Grande Île, à peine plus d'un kilomètre de long, n'a récolté son épithète que par faute de concurrence. Si au cœur de l'été, elle peut compter 500 habitants et presque un millier de bateaux, seule une dizaine de personnes acceptent d'y affronter l'hiver et ses terribles conditions. Et encore, la plupart disposent d'une maison sur le continent. Mais quittons le village pour gagner le grand sud...
Vers la tour Lambert
La tour Lambert, l'une des deux qui servait d'amers pour séparer les territoires de pêche normand et breton.
Christophe Migeon
Une curieuse petite structure pyramidale émerge bientôt des genévriers. Au XIXe siècle, la Tour Lambert était avec la Tour Baudry à une centaine de mètres de là, l'un des deux amers destinés à séparer clairement la baie du Mont-Saint-Michel en deux zones de pêche et mettre un terme aux algarades émaillées d'abordages sauvages et de coups de mousquet qui avaient régulièrement lieu entre Normands et Bretons. Les tours tiennent leur nom des deux premiers gardes jurés qui patrouillaient le secteur afin d'apaiser les tensions entre Granvillais et Cancalais.
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Aujourd'hui les choses se sont un peu calmées, mais les pêcheurs de Chausey sont toujours aussi mal embouchés. C'est tout juste si on parvient à soutirer deux-trois borborygmes de ces insulaires aux humeurs de congre. Ils sont encore une demi-douzaine à jeter leurs lignes de casiers au pied des cailloux à marée basse. Ici, tout le monde en pince pour le homard. Pour éviter les rotations inutiles, les crustacés sont remisés dans des viviers au milieu du Sound, le chenal qui longe l'est de Grande Île, pour être vendus gaillards et fringants à la criée de Granville.
Cœur de granit
Un phoque veau marin.
CHRISTOPHE MIGEON
Derrière la tour carrée de la maison-phare de 1847, le sentier longe la plage de Port-Marie où la plupart des touristes sont venus déposer leur serviette. Vers l'intérieur de l'île, des chemins creux bordés de charmes et de noisetiers font oublier la mer et ressuscitent des portions de bocage séparées par des murets de pierres sèches.
De grands pans de roche mis à nu rappellent que Chausey n'est pas riche que de crustacés à gros bras. Pendant des siècles, son granit - ou plutôt sa graniodiorite - a essaimé dans toute la Normandie et bien au-delà : abbatiale du Mont Saint-Michel, manoirs du Cotentin, quais des ports de Dieppe et de Londres, trottoirs du Paris haussmannien... tous ont été bâtis avec cette roche grenue riche en mica et feldspath de 540 millions d'années. Les derniers carriers sont partis dans les années 1950 après la reconstruction du port de Saint Malo.
Château et coquillages
Le château de Louis Renault.
Christophe Migeon
Devant la plage de Port-Homard (ça ne s'invente pas!), on ne manquera pas de remarquer une grande bâtisse, aussi massive qu'austère. Cette ancienne forteresse du XVIe siècle a été restaurée par Louis Renault dans les années 1920. L'industriel a tenu à faire creuser juste devant une piscine d'eau de mer. Le château Renault ne se visite pas, car il appartient à une des familles de la Société civile immobilière (SCI) propriétaire de la majorité de la partie privée de l'île.
Un peu plus haut, sur la plage de Grande Grève où les bateaux de pêche jadis venaient se faire rafistoler la coque, quelques pêcheurs à pied armés de râteaux et de griffes tentent de débusquer le bivalve sous l'œil indigné des sternes et des goélands.
Retour au village
L'embarcadère.
Christophe Migeon
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Pour éviter de rater le dernier bateau de la journée, les touristes éviteront de se rendre à la «discothèque l'Igloo», supposée se trouver près du sémaphore à plus de deux kilomètres de l'embarcadère. Ce désopilant canular, exploité par des générations d'îliens facétieux, fait paraît-il encore quelques victimes chaque année.
Loin des boules à facettes, le sentier revient sagement longer l'anse des Blainvillais. C'est là qu'au mitan du XVIIIe siècle, un nommé Pierre Régnier, originaire de Blainville et corsaire de son état, délogea les derniers Anglais qui avaient eu l'impudence de s'installer sur ce joyau de la Couronne de France et entama une brillante activité de « barilleur ». Ainsi nommait-on les brûleurs de varech.
Un dernier coup d'œil juste derrière la Grande Cale sur la maison de la vedette locale, le peintre de marine et écrivain Marin-Marie, mort en 1987, et il est temps de larguer les amarres pour retrouver le continent.
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