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A l'EPFL, l'IA Virtuosis évalue la santé mentale en analysant la voix

A l'EPFL, l'IA Virtuosis évalue la santé mentale en analysant la voix

24 Heures7 days ago
Application imaginée à l'EPFL, Virtuosis est déjà utilisée par des entreprises soucieuses du bien-être de leurs employés. Elle pourrait bientôt gagner le domaine médical. Publié aujourd'hui à 16h30
Les deux fondateurs de Virtuosis, Edoardo Giudice et Lara Gervaise, avec l'interface de l'application qui évalue le niveau de stress, d'anxiété et de bonheur.
Florian Cella / Tamedia
En bref:
Le principe de Virtuosis est simple: vous parlez pendant une trentaine de secondes face à votre téléphone et l'application vous indique votre niveau de stress, d'anxiété et de bonheur. C'est la promesse de cette start-up de l'EPFL, désormais basée au Biopôle d'Épalinges, qui mise sur l'analyse de la voix par l'intelligence artificielle pour faire de la prévention en santé mentale.
Lancée il y a deux ans, la technologie a séduit plusieurs entreprises qui se soucient du bien-être de leurs employés. Pour elles, l'utilisation est simple puisqu'elle a été intégrée à Teams, le service de visioconférence de Microsoft. Elle est aussi à disposition du grand public ( app.virtuosis.ai ) avec une interface qui propose un check-up régulier. Enfin, des sportifs de haut niveau commencent aussi à s'y intéresser.
Les fondateurs de Virtuosis, Lara Gervaise et Edoardo Giudice, voient plus loin: «Jusqu'ici, nous nous sommes concentrés sur des aspects non médicaux. Virtuosis permet d'évaluer le bien-être, de prévenir certaines difficultés psychiques et de travailler sa communication. Désormais, nous en faisons aussi un outil de dépistage et de support au diagnostic pour certaines pathologies, en particulier les maladies neurologiques, cardiométaboliques et respiratoires». Comment ça marche?
Quand il décrypte le spectre de la voix, le système passe en revue plusieurs dizaines d'indicateurs, des «biomarqueurs vocaux» tels que la tonalité, le rythme ou la monotonie. «La combinaison de ces paramètres renseigne sur l'état psychique de l'utilisateur ou suggère certaines pathologies, explique Lara Gervaise. Nous savons par exemple que le diabète peut impacter le système nerveux au niveau de la mâchoire et favoriser un reflux acide qui peut abîmer les cordes vocales. Cela induit des changements dans la voix et ils sont détectables.»
D'après les fondateurs, le champ d'application est vaste puisque Virtuosis pourrait repérer les signes avant-coureurs d'une trentaine de maladies psychiques ou somatiques. «Nous obtenons de très bons résultats pour la détection de la maladie de Parkinson. Il est possible de repérer les tremblements dans la voix même lorsqu'ils sont infimes et non perceptibles à l'oreille humaine.»
«Dans le cas de certaines maladies neurologiques, il peut être assez facile de détecter un problème mécanique qui se traduit dans la voix, confirme le professeur Idris Guessous, responsable du Centre de l'innovation des HUG. Pour les troubles psychiques, c'est plus compliqué, il faut analyser la manière dont la personne s'engage dans la discussion. En cas de dépression, la voix sera généralement plus plate, monotone.»
Autre exemple d'utilisation: la détection de la ménopause. «Les changements hormonaux induisent des modifications au niveau du larynx. Ça fait longtemps que la science l'a identifié. Ce qui change avec Virtuosis, c'est que le deep learning (ndlr: procédé qui permet à la machine d'apprendre à partir de grandes quantités de données afin de résoudre des problèmes complexes) permet d'améliorer la fiabilité de la détection», rapporte Lara Gervaise. Encore limitée à la santé mentale
Si l'outil est fiable pour de nombreuses pathologies, pourquoi s'en tenir à la santé mentale et au bien-être dans la version grand public? «D'une part, nous continuons à récolter des données cliniques afin de consolider le système. D'autre part, en termes de santé publique, il faut se demander si c'est pertinent de mettre un tel outil dans les mains de tout le monde», répond Edoardo Giudice.
«Le but n'est pas de court-circuiter le système médical, mais de s'y intégrer. Recevoir un diagnostic sur son écran, sans être accompagné et sans connaître les possibilités de prise en charge, ce n'est pas souhaitable», complète son associée.
Le professeur Idris Guessous est responsable du Centre de l'innovation des HUG. «Si la machine devient capable de reconnaître des émotions en analysant une voix, c'est une très grande avancée», dit-il.
DR
«L'arrivée de l'IA dans le monde médical est une bonne chose, à condition qu'elle ne soit pas là pour remplacer le médecin, mais pour l'accompagner, estime le Pr Idris Guessous. Avec ce logiciel, on constate que la technologie peut investir des domaines que nous pensions réservés à l'humain. Jusqu'ici, l'ordinateur était très fort pour faire des choses qui sont compliquées pour nous, par exemple, résumer rapidement un rapport scientifique de 100 pages. Par contre, il peinait avec des choses qui nous paraissent simples comme détecter des émotions, ce qu'un enfant peut déjà faire. Si la machine devient capable de reconnaître des émotions en analysant une voix, c'est une très grande avancée.» Questions éthiques ouvertes
Comme tous les projets qui combinent intelligence artificielle et données médicales, Virtuosis pose des questions éthiques. Les responsables affirment qu'ils veulent aussi se démarquer sur ce plan-là. Lors d'une visioconférence, par exemple, ils soulignent que le système analyse seulement la voix de celui qui l'active, sans s'attarder sur ce qui est dit et sans se préoccuper de l'image.
Ce qui n'empêche pas forcément les usages malveillants. Pourquoi ne pas imaginer une entreprise qui, pendant un entretien d'embauche, s'en sert pour détecter d'éventuelles vulnérabilités psychiques chez les candidats? «Depuis le début, nous recevons des demandes qui ne sont pas en accord avec nos valeurs ou pour des usages qui ne nous plaisent pas. Nous les refusons systématiquement, assure Edoardo Giudice. C'est aussi pour ça que toute la technologie n'est pas en accès libre. Nous voulons collaborer avec des institutions qui en feront une utilisation positive et nous réfléchissons beaucoup à la manière de limiter les abus. Nous sommes d'ailleurs ouverts à des partenariats avec des fondations ou des organisations à but non lucratif.»
À terme, Virtuosis espère contribuer au renforcement des stratégies de dépistage et à l'amélioration de l'accès aux soins, en particulier dans les régions où les médecins sont peu nombreux. «Dans certains pays, les déserts médicaux entraînent un recours important à la télémédecine. Ce n'est pas une mauvaise chose, mais une maladie comme Parkinson a besoin d'un diagnostic en présentiel. Un outil qui en détecte les prémices et qui donne lieu à une prise en charge précoce peut changer beaucoup de choses pour les patients», vante Lara Gervaise.
Intelligence artificielle
Romaric Haddou est journaliste à la rubrique Vaud et régions depuis 2016. Il couvre en particulier le domaine de la santé. Plus d'infos
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Cela induit des changements dans la voix et ils sont détectables.» D'après les fondateurs, le champ d'application est vaste puisque Virtuosis pourrait repérer les signes avant-coureurs d'une trentaine de maladies psychiques ou somatiques. «Nous obtenons de très bons résultats pour la détection de la maladie de Parkinson. Il est possible de repérer les tremblements dans la voix même lorsqu'ils sont infimes et non perceptibles à l'oreille humaine.» «Dans le cas de certaines maladies neurologiques, il peut être assez facile de détecter un problème mécanique qui se traduit dans la voix, confirme le professeur Idris Guessous, responsable du Centre de l'innovation des HUG. Pour les troubles psychiques, c'est plus compliqué, il faut analyser la manière dont la personne s'engage dans la discussion. 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D'autre part, en termes de santé publique, il faut se demander si c'est pertinent de mettre un tel outil dans les mains de tout le monde», répond Edoardo Giudice. «Le but n'est pas de court-circuiter le système médical, mais de s'y intégrer. Recevoir un diagnostic sur son écran, sans être accompagné et sans connaître les possibilités de prise en charge, ce n'est pas souhaitable», complète son associée. Le professeur Idris Guessous est responsable du Centre de l'innovation des HUG. «Si la machine devient capable de reconnaître des émotions en analysant une voix, c'est une très grande avancée», dit-il. DR «L'arrivée de l'IA dans le monde médical est une bonne chose, à condition qu'elle ne soit pas là pour remplacer le médecin, mais pour l'accompagner, estime le Pr Idris Guessous. Avec ce logiciel, on constate que la technologie peut investir des domaines que nous pensions réservés à l'humain. 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Ce n'est pas une mauvaise chose, mais une maladie comme Parkinson a besoin d'un diagnostic en présentiel. Un outil qui en détecte les prémices et qui donne lieu à une prise en charge précoce peut changer beaucoup de choses pour les patients», vante Lara Gervaise. Cet article vous a plu? Découvrez davantage de contenus dans l'édition actuelle de l'e-paper «Le Matin Dimanche» et dans nos archives. Chaque dimanche matin, retrouvez également votre journal en caissettes près de chez vous. Vous pouvez aussi vous inscrire à notre newsletter. Romaric Haddou est journaliste à la rubrique Vaud et régions depuis 2016. Il couvre en particulier le domaine de la santé. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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