
Cagoule ou voile intégral: après six mois, la loi antiburqa n'a puni presque personne
À Genève, une affiche détériorée pour l'initiative populaire «Oui à l'interdiction de se dissimuler le visage».
Laurent Guiraud/ Tamedia
En bref:
Cela restera comme l'une des votations les plus émotionnelles de ces dix dernières années en Suisse. Le 7 mars 2021 , la majorité du peuple et des cantons acceptait l'initiative «Oui à l'interdiction de se dissimuler le visage». Même si le texte – lancé par des milieux proches de l'UDC – concernait aussi les hooligans encagoulés, la campagne avait surtout porté sur la question du voile intégral et des craintes suscitées par une certaine vision de l'islam. Raison pour laquelle on parlait à l'époque d'initiative «antiburqa».
Après quatre années de travaux parlementaires, la nouvelle loi, qui concrétise l'initiative, est entrée en vigueur au 1er janvier de cette année. Il est désormais prohibé de dissimuler son visage dans les lieux publics. Selon l a communication du Conseil fédéral de novembre dernier, «toute personne qui contreviendra à l'interdiction sera en règle générale punie d'une amende de 1000 francs au plus», mais dans la plupart des cas, c'est un montant de 100 francs. Voilà pour la théorie; car en pratique, les contraventions sont rarissimes. Trois cas en six mois pour Genève
Nous avons recueilli les données des polices des cantons abritant les cinq plus grandes villes du pays. À Genève, seules trois contraventions ont été enregistrées depuis le début de l'année, toutes en ville. Du côté de Vaud, c'est zéro pour la police cantonale. «Cette réponse ne tient pas compte des éventuelles amendes d'ordre que les polices communales vaudoises auraient pu délivrer», précise-t-elle.
La police bernoise précise quant à elle «qu'il n'y a pratiquement pas eu d'amendes à ce sujet jusqu'à présent». À Bâle, aucune donnée n'est communiquée, la police ne faisant pas de distinction entre les amendes d'ordre.
Quant au canton de Zurich, son service de presse refuse de nous communiquer les derniers chiffres, étant donné qu'une intervention parlementaire est en cours. En avril, la Ville de Zurich ne dénombrait toutefois que quatre contraventions. Et dans tous ces exemples, impossible de faire la distinction entre des personnes encagoulées ou voilées intégralement.
Des touristes arabes traversent la rue à Lucerne. L'image date d'avant la votation.
Urs Jaudas
Ces chiffres sont-ils étonnants? Pas tant que cela. Lors de la campagne de votation, le Conseil fédéral rappelait déjà que le problème de la burqa était marginal en Suisse, et concernait principalement des touristes du golfe arabique. Il faut dire que la Suisse a une expérience en la matière. Le Tessin et Saint-Gall connaissent depuis 2016 et 2019 des législations cantonales similaires.
Or, Saint-Gall nous indique n'avoir infligé aucune amende à ce jour. Quant au Tessin, canton touristique , le problème semble s'être réglé de lui-même. Ce qui laisse envisager un effet dissuasif. «Entre 2016 et 2020, 60 amendes ont été délivrées pour dissimulation du visage, précise la police cantonale. Parmi celles-ci, 32 concernaient des personnes liées au hooliganisme, tandis que 28 concernaient des personnes au visage voilé. Depuis 2020, le Département des institutions n'a plus reçu d'informations de la part des polices municipales, compétentes en la matière.» La défense des valeurs judéo-chrétiennes en Suisse
Face à cette quasi-absence de cas, faut-il se résoudre à constater que cette loi n'en vaut pas la peine? Jacqueline de Quattro (PLR/VD), ancienne conseillère d'État chargée de la Sécurité, a soutenu l'initiative. Pour elle, la discussion ne doit pas être posée en ces termes. «La volonté populaire était claire lors du vote de 2021. Aussi bien la majorité de la population que celle des cantons a voté en faveur de cette initiative pour préserver nos valeurs judéo-chrétiennes. Il s'agit désormais de respecter cette volonté populaire, et pour le faire, il faut appliquer la loi.»
La Vaudoise n'est pas la seule à s'interroger sur la façon dont les forces de l'ordre sanctionnent cette infraction. L'intervention parlementaire en cours de traitement dans le canton de Zurich est précisément liée à ce thème. Les deux élus UDC qui l'ont déposée veulent savoir comment l'interdiction de se dissimuler le visage est appliquée, et si certaines personnes utilisent des masques d'hygiène pour la contourner. Il est en effet possible d'avoir le visage couvert pour des raisons sanitaires. Aucun bilan officiel au niveau suisse
Cette question de l'application de la loi, nous l'avons posée à la Conférence des commandants des polices cantonales. Nous lui avons aussi demandé ce qu'elle pensait des résultats après six mois. Cette dernière botte en touche: «Aucune statistique n'est disponible au niveau suisse. En conséquence, aucun bilan n'est prévu de notre part.»
Jean Tschopp, conseiller national (PS/VD): «L'UDC et ses alliés ont réussi à en faire des tonnes avec une initiative dont on savait dès le départ qu'elle ne résoudrait rien.»
Adrian Moser
Du côté des opposants à l'initiative antiburqa, cette poignée de cas enregistrée était attendue. «Ce que ces chiffres montrent, c'est que l'UDC et ses alliés ont réussi à en faire des tonnes avec une initiative dont on savait dès le départ qu'elle ne résoudrait rien, réagit Jean Tschopp (PS/VD). Les personnes qui portent le voile intégral sont une partie infime de la population qui vit en Suisse.»
Membre de la Commission des institutions politiques, il poursuit: «Aujourd'hui, il ne s'agit pas de refaire tout le débat. Mais cette affaire doit nous rappeler la capacité de ce parti à exagérer – à des fins électorales – des problèmes pratiquement inexistants pour nous détourner de questions bien plus importantes comme la santé ou le pouvoir d'achat.»
Plus sur l'interdiction de se dissimuler le visage Newsletter
«Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde.
Autres newsletters
Florent Quiquerez est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2015. Spécialisé en politique, il couvre avant tout l'actualité fédérale. Auparavant, il a travaillé comme correspondant parlementaire pour les Radios Régionales Romandes. Plus d'infos
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


24 Heures
an hour ago
- 24 Heures
Moniteurs de colo, ils savourent des jours heureux à la vallée de Joux
Entre cabanes dans les bois, débriefings quotidiens, confidences des enfants et boum du jeudi, les moniteurs du Centre Marcel Barbey partagent leur expérience inoubliable. Publié aujourd'hui à 07h33 Les monitrices et moniteurs, tout comme les enfants, reviennent souvent d'une année à l'autre. Généralement, ils n'ont pas plus de 25 ans: il faut avoir la forme pour effectuer ce job. Marie-Lou Dumauthioz En bref: À 2 kilomètres du Lieu, niché au cœur d'un alpage où paissent de charmantes génisses, le Centre Marcel Barbey est un endroit hors du temps. Une parenthèse bucolique où l'on dépose son téléphone portable dans une boîte en début de semaine, où l'on s'en va fabriquer des cabanes dans les bois et où l'on se réveille au son des toupins résonnant dans la vallée de Joux. Là, cinq semaines tous les étés, une cinquantaine d'enfants, principalement originaires de la région morgienne, débarquent en colonie de vacances. Du lundi au vendredi, ils sont encadrés par une équipe de sept moniteurs et de trois animateurs. Ces derniers étant employés à l'année par l'Association scolaire intercommunale de Morges et environs ( Asime ), propriétaire du bâtiment et organisatrice des camps. L'équipe de moniteurs engagés pour une semaine de juillet 2025. De gauche à droite: Valentine, Sofia, Julien, Loïc, Nicole, Marina (assise) et Marie. Marie-Lou Dumauthioz Le lundi, vers 9 h, un car affrété depuis la gare de Morges s'est arrêté devant la bâtisse rénovée en 2018. Une fois le flot d'enfants descendu du véhicule, les choses sérieuses ont pu commencer. «On monte dans les chambres, ils défont leur valise, font leur lit et écoutent les explications des adultes, puis tout le monde part faire une marche autour du centre», énumère Loïc, six saisons au compteur. Le reste de la semaine varie, s'adaptant bien entendu à la météo. Des amitiés qui se tissent d'une année à l'autre Par une matinée de juillet, nous plongeons dans le quotidien de ces attachants moniteurs, souvent étudiants le reste de l'année. «L'un des aspects qui nous motive le plus dans ce job, c'est de revoir les gens rencontrés les années précédentes et qui deviennent des amis au fil du temps», confie Loïc, revêtant un déguisement de pirate, comme le reste de l'équipe ce jour-là. Nicole, dont le costume est inspiré de celui de la déesse Calypso dans «Pirates des Caraïbes», nous prend en aparté. «J'ai travaillé dans plusieurs colos, mais je n'ai jamais vu un endroit aussi bien organisé que celui-ci, appuie la future médecin. Par le passé, ça m'est arrivé qu'on nous donne juste un budget en nous demandant de tout gérer de A à Z! Ici, vu que le cadre (ndlr: les repas, notamment) et les règles de la maison sont fixés par l'Asime, cela réduit les risques de tensions dans l'équipe, par exemple dans le cas où il y aurait des visions contradictoires.» Le chef est aux petits soins pour les enfants et les accompagnants, privilégiant les produits du terroir. Rien que pour une omelette à midi, il faudra casser environ 200 œufs. Marie-Lou Dumauthioz Si la plupart des moniteurs se destinent à des professions dans l'enseignement, le social ou la santé, certains profils sortent du lot. Comme Marie, arrivée directement de Paris où elle termine un doctorat en histoire. Cette complémentarité au sein de l'équipe fait aussi le charme de la semaine. «On est libres d'élaborer le programme selon nos envies et notre inspiration du moment», explique la jeune femme. Cela peut se faire le dimanche soir ou de manière plus anticipée, si les membres de la team sont déjà familiers. Le Centre Marcel Barbey est planté au milieu d'un paysage bucolique, où pâturent des vaches. Marie-Lou Dumauthioz Une chose ne bouge jamais: la boum du jeudi soir. «C'est le meilleur moment, rit Marie. Tout le monde se lâche, danse… les enfants s'en souviennent toujours très bien.» Loïc poursuit, l'air amusé: «On essaie de se mettre à jour sur les musiques actuelles, mais ce n'est pas si évident et on finit toujours par mettre une chanson que personne ne connaît.» Premières amourettes et confidences En cours de repas de midi, partagé sur une terrasse face au Mont-Tendre, une jeune fille s'approche de Marie, les larmes aux yeux. La monitrice l'accompagne à l'abri des regards pour discuter. «Ils nous font confiance et c'est réciproque, glisse-t-elle à son retour. Souvent, les enfants pleurent en partant car ils sont très attachés à nous.» gés de 10 à 14 ans, ces jeunes garderont ces souvenirs de colo gravés en mémoire. «Ils vivent souvent leurs premières amourettes et petites histoires, et nous en parlent volontiers.» Chacun des sept dortoirs porte le nom d'une couleur et est placé sous la responsabilité d'un moniteur. Marie-Lou Dumauthioz Pas toujours évident de définir une limite claire entre «pote» et «figure d'autorité». «On tient à ce qu'ils gardent l'impression d'être en vacances», résume Loïc. Parfois, il faut tout de même hausser le ton et recadrer. Notamment quand c'est le bazar dans l'un des sept dortoirs, portant chacun le nom d'une couleur et placé sous la responsabilité d'un moniteur. La bande se lève un instant de table, le temps de se servir de filets de féra pêchée dans le lac de Joux. Il faut des forces en suffisance pour effectuer ce job: les journées sont intenses et les nuits se font souvent courtes. Débriefer et décompresser Une fois les gamins aux plumes, vers 22 h, les moniteurs entament un débriefing dans une salle de repos garnie de canapés. «C'est le seul moment de la journée où on a le temps de discuter, précise Loïc. Ensuite, on profite d'être ensemble pour décompresser et on se couche souvent vers 1 ou 2 h du matin. C'est un rythme à prendre, mais on s'y fait assez vite.» Dans la maisonnée, le réveil sonne à 7 h 15 tous les matins. Le soir, une fois les enfants couchés, vient l'heure pour les moniteurs de débriefer sur la journée et d'organiser la suite du camp. Marie-Lou Dumauthioz Qu'on soit amateur ou non du film «Nos jours heureux» , sorti en 2006, on ne peut rester indifférent devant l'ambiance unique qui règne dans l'équipe. On pense à Nicole qui, malgré sa rémunération hebdomadaire, se dit avant tout «payée en joie». Ou à Loïc et son impressionnante longévité. «Certains enfants dont je me suis occupé à l'époque sont désormais devenus moniteurs à leur tour. Peut-être que c'est le signe que je me fais un peu vieux…» En colonie de vacances et ailleurs: nos autres séries d'été Newsletter «La semaine vaudoise» Retrouvez l'essentiel de l'actualité du canton de Vaud, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Marine Dupasquier est journaliste à la rubrique Vaud & Régions depuis 2020 et couvre essentiellement la région de Nyon. Sensible aux thématiques locales, elle a effectué ses premières piges au Journal de Morges. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
14 hours ago
- 24 Heures
En France, une riposte citoyenne inédite relance le débat sur une loi agricole
En quelques jours, près de 1,7 million de personnes ont signé la pétition contre la loi Duplomb adoptée début juillet. De quoi rouvrir la discussion sur ce texte polémique. Ariane Hasler - correspondante à Paris Publié aujourd'hui à 18h50 La loi Duplomb divise notamment sur la réintroduction d'un pesticide, tueur d'abeilles. AFP/Valentine CHAPUIS En bref: Ras-le-bol démocratique face à une loi adoptée sans débat, cri de rage face à l'urgence climatique, craintes sanitaires? Tout cela à la fois? Quelles que soient leurs raisons, ils sont près de 1,7 million à avoir signé cette pétition contre la très clivante loi sur l'agriculture, dite loi Duplomb . Et chaque heure qui passe voit le nombre de signataires augmenter sur le site de l'Assemblée nationale. Lancée le 10 juillet par une étudiante de 23 ans, la pétition demande «l'abrogation immédiate» d'une loi qui serait «une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire». Lors du lancement de sa pétition, la jeune femme à l'origine de ce texte commentait: «Aujourd'hui, je suis seule à écrire, mais non seule à le penser.» Deux semaines plus tard, le nombre record de signataires lui donne raison. Mais l'ampleur de cette mobilisation citoyenne peut-elle changer le destin législatif de cette loi? Loi contestée, débat escamoté Au cœur de la bataille que se livrent opposants et partisans du texte, la réintroduction – à titre dérogatoire et sous condition – de l'acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France, mais autorisé en Europe. Un produit dangereux pour la santé et pour la biodiversité , notamment pour les abeilles, disent les opposants. Un outil indispensable pour la culture de la betterave et des noisettes, soutiennent les partisans. Or, les uns et les autres n'ont jamais pu s'affronter dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale puisqu'une motion de rejet préalable a été déposée par les LR, à l'origine du texte, et validée grâce au soutien des macronistes et du RN. Une astuce parlementaire qui a permis aux partisans de la loi de tuer le débat dans l'œuf, de contourner les milliers d'amendements déposés par la gauche et de déléguer l'examen du texte à une commission mixte paritaire. En détournant au passage un outil législatif destiné initialement à l'opposition. Lancée deux jours après l'adoption du texte le 8 juillet, la pétition contre la loi Duplomb semblait initialement une riposte bien faible. Depuis, son succès a ouvert la voie à un débat à l'Assemblée à la rentrée, un droit législatif pour les pétitions qui dépassent les 500'000 signatures. Mais le texte ne sera pas pour autant modifié. À moins que… Un débat pour la beauté du geste? Débattre maintenant qu'il est trop tard, tout le monde est d'accord. Les uns pour continuer à fustiger la loi et demander son abrogation, les autres pour expliquer qu'elle n'aura pas de conséquences ni sur l'environnement ni sur la santé. De son côté, la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a déjà souscrit au principe d'un débat à la rentrée. Mais elle a répété à plusieurs reprises que le texte ayant été adopté, il n'était pas question de l'abroger. Un débat pour la beauté du geste donc, a priori. Députés applaudissant lors de l'adoption de la loi Duplomb sur l'agriculture à l'Assemblée nationale à Paris, le 8 juillet 2025. AFP/Guillaume BAPTISTE Reste que chaque jour qui passe donne un peu plus de poids à une pétition qui visibilise la colère d'une partie des citoyens et des citoyennes face à des débats de société fondamentaux qu'ils ont le sentiment de se faire voler. De quoi obliger le camp présidentiel à trouver une voie médiane entre le succès de cette pétition et le respect de l'adoption de la loi à l'Assemblée. Gabriel Attal, patron du parti présidentiel Renaissance, a ainsi souhaité que le gouvernement saisisse l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), afin qu'elle donne son avis sur le texte en amont de l'éventuel futur débat parlementaire. Initiative soutenue par la ministre de la Transition écologique. Du côté des opposants, et dans l'élan de cette mobilisation citoyenne inédite, d'aucuns se prennent à rêver d'un référendum d'initiative partagée (RIP) qui demanderait l'abrogation de la loi. Ou encore d'un Emmanuel Macron demandant au parlement une deuxième délibération sur le texte, comme le lui permet la Constitution. Dans leur ligne de mire, enfin, la décision que le Conseil constitutionnel doit rendre sur la validité de cette loi au parcours législatif si particulier. Avec, en toile de fond, cette pétition. Une pétition contre la loi Duplomb qui semble bel et bien avoir redonné des ailes à ses opposants. Politique française Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
15 hours ago
- 24 Heures
Incendie: rupture brûlante au camping des Grangettes de Noville
Procès à Vevey – Les juges écartent la piste de l'amant incendiaire au camping Des flammes ont ravagé plusieurs caravanes en été 2024 aux Grangettes, à Noville. Le prévenu a été acquitté. Noémie Desarzens Après une rupture amoureuse, le prévenu aurait bouté le feu à la caravane de son ex-compagne (image d'illustration). Mais il a été libéré de cette accusation. Vanessa Cardoso – 24 heures Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk En bref : L'incendie d'un camping à Noville a détruit deux mobile homes en juillet 2024. Le principal suspect était poursuivi après la découverte de son ex-compagne avec un autre. L'ami du prévenu est retourné en France pendant l'enquête judiciaire. Le tribunal libère l'accusé au bénéfice du doute avec compensation financière. «Les accusations d'incendie reposent sur la thèse du «cocu pyromane», c'est bien trop expéditif.» L'avocat de la défense, Albert Habib, donne le ton à l'ouverture de ce procès en ce lundi matin. Il demande alors de nouvelles réquisitions de preuves, notamment l'avis d'un expert sur la thermodynamique et une nouvelle audition de l'ex-compagne de Julien*, qui a depuis retiré sa plainte. Des demandes rejetées par la présidente de la Cour. Les faits reprochés à ce ressortissant français de 26 ans remontent à l'été 2024. Lors de la nuit du 6 au 7 juillet, le camping des Grangettes à Noville s'est alors fait réveiller par le bruit d'explosions et de flammes. Visible loin à la ronde, l'incendie au bord du Léman a marqué les riverains et les habitants de la région. Ce brasier a réduit en cendre deux mobile homes et en a endommagé au moins neuf autres. «Les caravanes sur ce site sont très proches les unes des autres, détaille la procureure Sophie Rodieux. C'est un miracle qu'il n'y ait eu aucune victime.» La thèse de l'amant jaloux au camping Le prévenu, Julien, est accusé d'avoir intentionnellement bouté le feu à la caravane de son ex-compagne Aurélie*. Un acte ayant entraîné des dommages collatéraux conséquents aux emplacements voisins. À l'origine de ce sinistre, il y aurait une histoire de vengeance. Celle de Julien, qui, très tôt le 6 juillet 2024, après une soirée bien arrosée, surprend sa copine Aurélie en train d'embrasser un autre homme dans leur mobile home. Une altercation éclate alors entre les trois protagonistes, tous très alcoolisés, provoquant l'intervention de la police aux aurores. Une dispute menant à la rupture entre Julien et Aurélie. «J'étais triste et en colère, mais je ne cherchais pas à me venger», précise encore aujourd'hui l'accusé. Ce dernier décide ensuite de s'établir dans le camping-car de son ami Marc*, faisant plusieurs allers-retours dans la caravane de son ex-compagne durant cette même journée, afin de récupérer ses affaires. En fin d'après-midi, les deux amis se rendent au Club Aphrodite de Roche. Le flou demeure à ce stade quant aux faits suivant leur retour au camping, aux alentours de 22 heures. Ce qui est certain, c'est que la caravane d'Aurélie prend feu vers minuit. Julien est réveillé brutalement par la police deux heures plus tard, qui l'arrête manu militari pour le placer en détention. Le père du prévenu: «Mon fils n'est pas un pyromane» Quant à son meilleur ami, Marc a quitté la Suisse pour retourner en France, sur conseil de la mère du prévenu. «Quand on a vu qu'innocent ou non, les gens sont incarcérés en Suisse, on lui a dit de rentrer, glisse son père, présent au procès. Mon fils n'est pas un pyromane. Il est innocent, les faits parlent pour lui. Pourquoi serait-il resté sur place s'il était coupable?» Plusieurs témoins, résidant au camping, dépeignent une relation toxique entre les deux amants, et la mauvaise influence de son ami Marc. En filigrane de cette affaire, il y a donc ce meilleur ami absent. «Soit il est l'auteur de ce sinistre, soit il est au courant des faits, déclare l'avocat de la défense lors de sa plaidoirie. Sa fuite n'est en tout cas pas anodine.» Selon lui, plus que la présomption d'innocence, il est crucial d'effectuer une recherche illimitée de la vérité: «Or, ici, la vérité est compromise par la destruction totale de la caravane d'Aurélie et par les rumeurs propagées au sein du camping, qui nuisent à l'image du prévenu.» Pour le Parquet, Julien a déclenché un incendie dans la caravane de son amie, sans l'ombre d'un doute. «Les témoignages se recoupent et convergent vers la culpabilité du prévenu», poursuit la procureure. Le verdict est tombé ce mardi: le prévenu est libéré avec effet immédiat, au bénéfice du doute. À ces mots de la présidente, Julien s'effondre en larmes. Si le Parquet va faire appel, le jeune homme retrouve sa liberté dès ce mardi soir. Ayant déjà effectué plus d'une année derrière les barreaux, il sera dédommagé à hauteur de 20'000 francs pour ses jours passés en prison. «Compte tenu du verdict, la défense avait raison de dire qu'il s'agit d'une relation passionnelle, mais pas d'un incendie passionnel», conclut l'avocat de la défense Albert Habib. Newsletter «La semaine vaudoise» Retrouvez l'essentiel de l'actualité du canton de Vaud, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Se connecter Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.