
Pourquoi la Suisse est un self-service pour les bandes organisées?
La Suisse est prisée des réseaux criminels, notamment français, pour s'approvisionner en armes.
TDG
En bref:
17 juillet. Des malfrats enfoncent la devanture d'une armurerie à Altstätten (SG), brisent les vitrines et repartent avec dix armes de poing. Dans la nuit du 19 au 20 juillet, un stand de tir à Wittenbach, dans le même canton, est cambriolé et plusieurs armes anciennes sont dérobées. Le lendemain, quatorze pistolets sont volés dans une armurerie de la ville saint-galloise de Gossau. Le 21 juillet, en Valais, trois hommes dévalisent une armurerie à Évionnaz, mais abandonnent une large partie du butin après un accident de voiture. Deux suspects ont depuis été appréhendés.
Ces vols – même successifs – sont loin d'être des cas isolés. En 2020 et 2021, des centaines d'armes ont été dérobées dans différents braquages en Suisse, dont un perpétré à Sion, avant de réapparaître en France, notamment. «Ce n'est malheureusement pas un phénomène nouveau», acquiesce Jean-Luc Addor, conseiller national UDC et président du lobby des armes ProTell. «La Suisse est un self-service pour les bandes organisées en provenance des banlieues françaises», affirme le Valaisan. Dans le cas du braquage d'Évionnaz, les suspects sont des ressortissants de l'Hexagone, domiciliés dans la région lyonnaise.
Sur son site internet, l'armurerie valaisanne dévalisée offre un choix de plus de 40 armes à la location.
DR
Pour endiguer ces vagues de cambriolages, Jean-Luc Addor martèle une solution qu'il érige en mantra politique: «Il faut renforcer les contrôles aux frontières et donc augmenter les moyens alloués aux douanes et aux polices cantonales.» «Une solution simpliste»
L'Association suisse des armuriers (ASA), qui gravite autour des mêmes intérêts que ProTell, se range derrière la ligne de Jean-Luc Addor. «Un cambrioleur étranger peut commettre son délit chez nous pendant la nuit et s'enfuir ensuite sans problème par la frontière pour échapper à l'arrestation et à la sanction», estime son président, Daniel Wyss.
L'Office fédéral de la police (Fedpol) confirme une présence accrue de la criminalité organisée française sur le territoire national. «Les groupes identifiés en Suisse proviennent souvent de quartiers situés dans la région lyonnaise, d'Annemasse, de Grenoble, de Montbéliard ou de Saint-Étienne, et commettent des vols, notamment dans des armureries, des escroqueries, du blanchiment d'argent et des attaques à main armée», indique Fedpol. L'office précise que «les cambriolages d'armureries en 2020 et 2021 semblent également liés à ce milieu».
Face à ce constat, le renforcement des contrôles aux frontières est-il le seul rempart à la criminalité transfrontalière, en particulier pour les armureries helvétiques? À gauche, on se montre plus nuancé. «Renforcer la sécurité, oui, mais sans remettre des contrôles systématiques aux frontières», prévient Clarence Chollet, conseillère nationale écologiste. «Suivre la solution simpliste de l'UDC, c'est sortir de Schengen», souligne celle qui plaide pour davantage de moyens, notamment pour les contrôles mobiles.
La Neuchâteloise relève au passage que la coopération transfrontalière est efficace, à l'image du braquage valaisan où le déploiement des policiers suisses et français a conduit à l'arrestation de deux suspects. «Développons ces collaborations», appuie l'élue avant d'ouvrir un débat qui agace les professionnels des armes. «Si ces armureries sont braquées aussi facilement, c'est qu'elles ne sont pas assez sécurisées. En Suisse, on ne considère pas suffisamment les armes comme des objets dangereux.» Démunis face à la violence des braquages?
Après les vagues de cambriolages en 2020 et 2021, la vulnérabilité des armureries suisses avait été pointée du doigt, notamment par la police judiciaire lyonnaise. Le chef de la division criminelle, aujourd'hui patron de la lutte contre la criminalité organisée, s'indignait alors du dispositif sécuritaire des enseignes helvétiques. «Le stock est quasi disponible en temps réel sur le Net, les armes sont exposées et sont accessibles, y compris la nuit, derrière un rideau de fer. Ce n'est pas du tout satisfaisant en termes de sécurité quand on sait le risque que ce matériel représente», lançait Thibaut Fontaine au micro de la RTS. En France, les armes de cette nature sont stockées dans une chambre forte. Et selon Clarence Chollet, «la Suisse devrait imposer les mêmes standards».
Jean-Luc Addor, lui, s'y oppose farouchement. Les armureries sont, dit-il, «extrêmement sécurisées». Mais vulnérables aux assauts d'une rare violence. «Ces criminels sont des professionnels et n'hésitent pas à utiliser des armes, des voitures béliers ou même des explosifs. Un coffre-fort ne changera rien, ils sont en mesure de le forcer. Ou, pire encore, ils pourraient prendre en otage du personnel.» En clair, aux yeux du président de ProTell, «la sécurité absolue n'existe tout simplement pas».
Depuis 2022, la Confédération exige des professionnels de la branche une meilleure sécurisation de leurs commerces. Les armuriers doivent, en substance, conserver leur matériel sensible dans des armoires de sécurité, installer une alarme raccordée à la centrale de la police cantonale et renforcer l'infrastructure des locaux. Ils ont jusqu'en 2027 pour s'y conformer. Une offre d'armes pléthorique en Suisse
Small Arms Survey, basé à Genève, étudie et renseigne les gouvernements sur les questions liées aux armes et la violence armée. Selon leurs projections, au moins 2,3 millions d'armes civiles sont en circulation en Suisse, soit 27,6 armes pour 100 personnes. «Ce sont des estimations. Il est très difficile d'évaluer le nombre exact puisque avant 2008, l'acquisition d'une arme ne nécessitait pas un permis», prévient Luigi De Martino, chef de l'unité de soutien aux politiques et capacités auprès de l'organisation.
Reste qu'il y a proportionnellement «plus d'armes en circulation en Suisse que dans beaucoup de pays européens». La France, par exemple, compte environ 19,7 armes pour 100 habitants. Autrement dit, l'offre helvétique est «importante», si bien qu'elle «peut attirer l'attention de personnes malintentionnées», relève l'expert.
En savoir plus sur les armes et le braquage des armureries? Dimitri Mathey est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2025. Correspondant en Valais, il décrypte les enjeux cantonaux pour la Romandie. Auparavant, il était responsable politique pour «Le Nouvelliste». Plus d'infos @DimitriMathey
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