
«L'immigration a un coût zéro» : Éric Woerth défend le silence de François Bayrou sur les économies budgétaires
Circulez, il n'y a rien à voir. Éric Woerth soutient les mesures de François Bayrou pour faire face au mur de la dette. Et va même jusqu'à défendre les silences du premier ministre, lequel n'a pas parlé d'immigration lors de sa longue conférence de presse mardi pour trouver 44 milliards d'économie l'an prochain. «L'effort demandé est proportionné et réparti. Et il y aura encore des efforts à faire dans les années qui viennent», a prévenu le député de l'Oise, ancien ministre du Budget de Nicolas Sarkozy, invité d'Europe 1 mercredi soir.
Mais les efforts demandés ne viendront pas de l'épineuse question migratoire, balaie celui qui a présidé la commission des Finances de 2017 à 2022. Et pour cause, selon lui, «l'immigration a un coût zéro». «C'est mesuré par l'OCDE assez régulièrement. Et quand vous regardez un euro dépensé pour l'immigration, en face vous avez une recette de 0,88», avance-t-il en argument d'autorité. On ne chipotera pas sur le fait que 0,88, ce n'est pas 1. De toute façon, évacue-t-il, «il n'y a pas de majorité pour voter quoi que ce soit sur l'immigration». À l'Assemblée nationale, du moins.
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30 milliards, 50 voire 100 ?
L'argumentaire d'Éric Woerth n'est pas loin de rejoindre celui de la Fondation Terra Nova. Sur son site, le think tank progressiste, proche du Parti socialiste, est aussi catégorique que l'ancien ministre sarkozyste : «L'étude menée par l'OCDE démontre que la contribution budgétaire nette totale des immigrés oscille entre -1% et +1% du PIB. Le constat est sans appel : à peu de chose près, l'impact de l'immigration est neutre. Cette analyse est corroborée par le Centre d'études prospectives et d'informations internationales rattaché au premier ministre. Dans une étude publiée en 2022, il a été constaté que l'impact de l'immigration est proche de zéro. L'immigration a donc un impact budgétaire quasiment neutre. Voilà de quoi tordre le cou aux chiffres pharaoniques».
D'autres estimations divergent pourtant de ce «coût zéro». Dans une étude de juin dernier, l'Observatoire français de l'immigration et de la démographie remettait en cause les travaux de Terra Nova, chiffrant à 3,4% du PIB le coût de l'immigration pour la France, soit quelque 100 milliards par an. En cause notamment, le faible taux d'emploi des immigrés en âge de travailler : 62,4 % contre 69,5 % des natifs, selon des chiffres de 2023. Et c'est l'un des pires taux de l'OCDE. Ce piètre résultat, selon son directeur Nicolas Pouvreau-Monti, n'est pas étranger à la structure de l'immigration en France, largement familiale. Il fut d'ailleurs un temps où Éric Woerth voulait supprimer le regroupement familial, mesure portée en 2016 par le candidat Nicolas Sarkozy lors de la primaire du parti LR dont il était alors le secrétaire général.
À lire aussi Comment l'immigration coûte 3,4% de PIB par an à la France
Dans une monographie de 2023 de l'association Contribuables associés, Jean-Paul Gourévitch constatait de son côté que l'immigration engendrait un déficit de 53,9 milliards d'euros par an en France, soit 1,92% du PIB, auquel il fallait ajouter «une pénombre de l'immigration» non quantifiable liée à la difficulté de mesurer toutes sortes d'externalités négatives.
D'ailleurs, Jean-Paul Gourévitch ne remettait pas radicalement en cause les chiffres de l'OCDE, mais appelait à les lire avec attention. «Le scénario A [de l'OCDE] qui se limite à la balance recettes- dépenses publiques laisse apparaître que la contribution des personnes nées à l'étranger représente un apport égal à 1,02% du PIB. Le scénario B prend en compte l'ensemble des biens et services dont bénéficie la population immigrée. Le déficit est alors de 0,85% du PIB. Le scénario C inclut l'ensemble des descendants de première génération et la contribution nette des immigrés devient alors négative de 1,41% du PIB soit 33 milliards d'euros dans l'année étudiée (2018)», observait le chercheur en 2024 dans un entretien à Atlantico.
«Aucune économie sur le coût de l'immigration»
Mais Éric Woerth n'en démord pas ; l'immigration ne doit pas être au programme de la rigueur budgétaire à venir : «C'est le discours du Rassemblement national depuis le début. Pour eux, il faut supprimer l'immigration et vous aurez résolu le problème. C'est le même discours depuis 15 ans. Vous ne pouvez pas jeter l'opprobre sur tous les immigrés de France et de Navarre. Je vous le dis : ça ne coûte pas d'argent. Il faut évidemment resserrer les conditions à un certain nombre de droits, il faut pousser au plus loin pour que les immigrés en situation irrégulière soient exclus du territoire national, il faut faire en sorte que tous les communautarismes ne s'opposent pas aux valeurs de la République, donc il n'y a aucun laxisme de ma part. Mais je vous dis qu'économiquement, on ne peut pas résoudre le problème financier de la France uniquement en appuyant sur le bouton immigration».
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Bruno Retailleau, le président LR et ministre de l'Intérieur, réagissant au plan de François Bayrou, a pourtant montré quelques réticences à exclure l'immigration des considérations budgétaires. «Ce budget doit être juste, et cela, il doit concerner ceux qui cotisent, mais à plus forte raison ceux qui ne cotisent pas, et à encore plus forte raison ceux qui viennent clandestinement sur notre sol», a-t-il résumé, exigeant notamment une réforme de l'Aide médicale d'État (AME). Quant à la présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen, elle a demandé à François Bayrou de «revoir sa copie», regrettant qu'il n'y ait «aucune économie sur le coût de l'immigration». Sinon, ce sera la censure, a prévenu l'ancienne candidate à l'élection présidentielle. S'il n'y a donc pas, selon Éric Woerth, de majorité à l'Assemblée nationale pour traiter de l'immigration, il n'y en a peut-être pas non plus si on écarte d'emblée le sujet.

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