
Cette passata romande valorise surplus de tomates et génie local
Domani Pizza, Marché Cuendet et les fondateurs de l'Espace Amaretto transforment 8 tonnes de tomates du coin chaque été. Avec du goût et de belles valeurs. Publié aujourd'hui à 11h03
À l'Espace Amaretto, Rose, Hippolyte, Térence et Camille vident les tomates cuites de leur eau avant de les passer au moulin.
Chantal Dervey
En bref:
Le reportage à l'Espace Amaretto commence par un soupir. «Pff, ces déchets? On ne sait pas comment les valoriser. En faire des tuiles? Mais bon, la peau et les graines, c'est pas très digeste. En fait, à cause de ça, les Espagnols ont mis hyper longtemps avant de manger les tomates: ils considéraient que c'étaient des plantes ornementales et vénéneuses!»
Les tomates 100% vaudoises et majoritairement bio sont d'abord lavées et découpées, ici par Yohan et Hippolyte, deux étudiants.
Chantal Dervey
Antonino – Nino – Tramparulo a le verbe aussi foisonnant que les idées. L'architecte lausannois s'est lancé dans un énième projet il y a trois ans: transformer des tomates vaudoises en passata. «Maurizio (ndlr: Tempesta, son associé) et moi, on a commencé en famille, avec trois petites machines à main en 2023, avec nos mères, qui avaient chacune la meilleure recette, c'était épouvantable!» Des tomates vaudoises, du plaisir et du goût
Cet été-là, 4 tonnes de tomates sont réduites en quelque 1200 kilos de purée – soit un rendement de 30%. C'est Mathieu Cuendet qui centralise les fournisseurs, des maraîchers vaudois, idéalement en bio. La petite entreprise ne sera jamais vraiment bénéficiaire. Là n'est pas le problème, pour Nino Tramparulo, tant qu'il y a du plaisir, des valeurs et du goût.
Puis elles sont cuites dans une marmite professionnelle, et brassées régulièrement, ici par Camille.
Chantal Dervey
Le plaisir, on le voit sur le visage de l'architecte, est beaucoup lié aux valeurs, véhiculées dès le départ par le projet Amaretto , créé en 2020 par Tempesta, Tramparulo et le comédien Matthias Urban: un lieu protéiforme qui veut rendre toutes les créations possibles, rentables mais pas lucratives. À l'Espace Amaretto, on peut suivre un atelier, manger un repas de soutien, rencontrer des petits encaveurs suisses, assister à un défilé d'upcycling ou à un vernissage de bouquin… Alors pourquoi pas de la purée de tomates?
À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. La durabilité jusque sur la pizza
Tout cela est pensé en termes de durabilité et de circuit court. C'était logique alors que Mario Mattiello, patron de Domani Pizza , petite pizzeria «durable» au Petit-Chêne, entre dans la danse. À l'époque, il produit sa passata vaudoise lui-même dans son petit laboratoire, entre deux services, puis la stocke dans un congélateur communal où il doit l'apporter. «Niveau heures de travail et bilan écologique, c'était pas terrible…» sourit Nino Tramparulo.
La sauce prend entre les deux Napolitains, après que l'ingénieur de formation reconverti dans la restauration a pris l'architecte «pour un fou». L'association Passata vaudoise est créée avec Marché Cuendet et produira toute la sauce utilisée chez Domani Pizza. «C'est cool d'avoir tout le procédé, aussi pour renseigner la clientèle, réagit Térence, étudiant, secrétaire politique et pizzaiolo. En fait, le circuit court, c'est la nourriture du futur!» C'est l'un des cinq étudiants – avec Camille, Rose, Yohan et Hippolyte – présents ce jour-là, rémunérés 20 francs de l'heure.
Une fois les tomates cuites et moulinées, on y ajoute un peu de sel pour la conservation. Camille et Térence remplissent des conserves qui seront ensuite serties et passées deux heures au four vapeur à 100°.
Chantal Dervey
Cette masse salariale est financée à 50% par un soutien de Viva Vaud , plateforme vaudoise qui alloue des aides financières à des projets où plusieurs entreprises collaborent dans un objectif de durabilité. «En fait, chaque facture que nous envoyons durant trois ans nous est remboursée à moitié jusqu'à concurrence de 100'000 francs», explique Nino Tramparulo. La manne a permis à l'association d'investir dans du matériel semi-professionnel, réutilisé à d'autres fins durant l'année. Elle transforme désormais 8 tonnes de tomates et couvre ses frais.
Nino Tramparulo gère le sertissage, ultraimportant pour assurer la conservation optimale de la passata.
Chantal Dervey
Mais à quel prix? «Si on veut payer les gens et les tomates correctement, amortir le matériel, payer l'électricité, être pérenne, on arrive à un prix de 15 francs le litre de passata, indique Nino Tramparulo. C'est cher mais c'est ce que ça coûte.» Pour l'instant, on peut la goûter chez Domani Pizza ou se la procurer au marché à la ferme chez Cuendet.
Tout au long du processus, Nino Tramparulo récolte des données – ici les taux de sucre et d'acidité.
Chantal Dervey
L'idée à terme est d'être certifié. «On récolte un maximum de données et on fait tester nos bocaux par un labo», explique Nino Tramparulo, en reposant le réfractomètre avant de renseigner son tableau Excel sur les taux de sucre et d'acidité. «Ce qu'on aimerait, c'est ouvrir à d'autres petits producteurs, pour leur permettre de vendre en direct sur les marchés, en transformant leurs surplus plutôt qu'en les bradant à des acteurs intermédiaires.» Le mot passe dans les champs de tomates vaudois. Quant au goût, la mère de Nino a tranché: «C'est ta passata, ça, c'est vrai? Elle est très bonne.»
D'autres activités à l'Espace Amaretto Cécile Collet est journaliste à la rubrique vaudoise depuis 2010, et au pôle Vibrations des journaux de Tamedia depuis janvier 2025. Diplômée en sommellerie et régulièrement membre de jurys de concours, elle couvre en particulier l'actualité viticole et gastronomique. Plus d'infos @CcileCol
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