
Un ethnologue dans sa tribu
Pascale Fournier, Ad. E.
Professeure titulaire à la Section de droit civil de l'Université d'Ottawa et directrice fondatrice de l'Observatoire des droits humains à l'ONU
« Je suis fasciné comme un ethnologue dans une tribu », avait affirmé Pierre Foglia dans un entretien intime avec son fils Manuel.
Il avait tout dit.
Raconter des histoires. Toutes sortes d'histoires. La violence et les rapports de force. La séduction et le jeu des petites vérités. Le Tour de France et le monde des roues qui tournent. La mort d'un père et le processus migratoire. Parce que les histoires, c'est aussi la vie. Dans tout ce qu'elle comporte de beau, d'anodin, de porteur, de simpliste, d'hypocrite, de gigantesque et de minuscule, en même temps, d'un même souffle. Parce que les histoires, elles nous rassemblent, elles nous ressemblent. Elles cachent au loin, comme une certitude, un gage d'universalité.
C'est ce regard curieux, incisif, souvent indiscret qui lui permettra de poser les questions difficiles, de nous offrir une vue transversale de la réalité. Comme un ethnologue dans une tribu.
S'il le faisait avec l'emploi d'un « Je » espiègle, avec la subjectivité désarmante du narrateur, c'était aussi pour créer un lien, pour produire une proximité.
« As-tu lu Foglia ce matin ? »
Son monde intime, pittoresque même – ses chats, sa fiancée, ses voisins, son vélo –, le rendait si familier, sans artifice, comme aurait pu l'être un frère ou un ami. Pierre était justement ça, un frère et un ami. À travers lui, grâce à sa plume, on pouvait se comprendre, rire avec complicité, reprendre ses anecdotes et ses images colorées pour y greffer notre réalité. Sa chronique devenait brutalement nôtre, l'espace d'un moment, dans ce lieu partagé et protégé qu'est l'écriture.
Foglia était un traducteur de sens, parfois irrévérencieux, souvent conscient des risques que sa prose suscitait : « Prendre des risques. Pas de risques, pas d'artiste », disait-il à Manu.
Parce que l'artiste, lui, sait qu'on ne parle jamais qu'une seule langue. Que c'est précisément la multiplicité des mots qui permet l'infinie richesse des dialectes. Foglia s'attardait avec acuité et précision à cette pluralité de sens, de possibilités. À le lire, on touchait notre humanité commune ; on libérait notre parole individuelle.
Lire Pierre Foglia, c'était le suivre en marchant sur cette ligne fine et spectrale qui savait prendre des risques, faire réagir, pousser le discours officiel qui ne prétend qu'affirmer, relater, prouver. Remettre la subjectivité là où l'objectivité réclame une vénération absente de critiques. Comme dans un éclat de lumière, il faisait confiance à son interlocutrice, pour qu'elle écrive, elle aussi, des histoires.
« Pourquoi écrire ? », lui demande son fils Manu dans ce superbe échange père-fils.
« Pourquoi je privilégie l'écrit, c'est parce que c'est le plus accessible. »
Démocratiser le savoir, donc, pour amoindrir le gouffre entre la culture populaire et la culture d'élite. Pour transporter la connaissance dans une avalanche de salons. Pour évoquer la nécessité de poser, à notre tour, à notre manière, les questions difficiles. Jusqu'à leur extrême limite. Jusqu'à ce que la démocratie soit digne de ce nom. Voilà pourquoi on écrit. Voilà pourquoi on rêve d'écrire comme Foglia.
Dans un milieu universitaire qui appelle de plus en plus à la vulgarisation de la science, à la justice de proximité, Foglia est plus pertinent que jamais. Être un ethnologue dans une tribu, c'est aussi une posture, une démarche citoyenne qui permet de cultiver le doute, de vulgariser le savoir, d'incarner une pédagogie nouvelle – comme le mirage d'une autre langue.
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