
La grande contagion
C'est la première idée qui m'est venue en tête en apprenant au début de la semaine qu'un mouvement d'extrême droite vient de faire une grande percée au Japon, un pays qui semblait largement immunisé contre le phénomène jusqu'à maintenant.
Sanseito, une formation qui a émergé pendant la pandémie de COVID-19 et s'est fait connaître pour ses vidéos anti-vaccins et conspirationnistes sur YouTube, a changé la donne lors de l'élection de la Chambre haute japonaise du 20 juillet. L'organisation, qui n'avait qu'un seul élu à ce jour, soit son chef, en a soudainement 15.
La coalition au pouvoir, formée par le Parti libéral-démocrate (PLD) conservateur et son plus petit partenaire centriste, Komeito, se retrouve soudainement minoritaire au Sénat, tout comme à la Chambre basse. Une rareté dans ce système politique dominé depuis sept décennies par le PLD.
Du coup, le Japon se joint à un cercle sans cesse grandissant de pays du G7 où l'extrême droite et la droite populiste se taillent une place de choix. Cette mouvance tentaculaire est au pouvoir aux États-Unis et en Italie. Elle a fait un immense bond en avant lors des dernières élections législatives en France et en Allemagne, où le Rassemblement national et l'Alternative für Deutschland sont respectivement arrivés premier et deuxième au suffrage universel.
En Grande-Bretagne, où un gouvernement travailliste est aux commandes depuis un an, le parti populiste pro-Brexit de Nigel Farage, Reform UK, arrive loin devant tous les autres partis avec 28 % des intentions de vote, selon les plus récents sondages.
Dans le club sélect des démocraties industrialisées qu'est le G7, le Canada semble être dorénavant le dernier épargné. Dans une étude statistique de Nanos datant du 11 juillet, le Parti populaire du Canada de Maxime Bernier n'attire que 2 % de l'électorat canadien.
Cependant, l'exemple japonais devrait nous rappeler que certaines idées politiques peuvent se propager très vite. « On ne s'attendait pas à [une telle percée de l'extrême droite] au début de la campagne électorale. Ça s'est joué en deux ou trois semaines », note Yves Tiberghien, directeur du Centre du Japon à l'Université de Colombie-Britannique, où il est aussi professeur de science politique.
Avant l'élection, Sanseito était une formation marginale. Son chef, Sohei Kamiya, a d'abord cherché à se faire élire au sein du PLD – en vain – avant de devenir une figure de la droite conspirationniste pendant la pandémie. Souvent comparé à Donald Trump, il lui a emprunté plusieurs thèmes. Il utilise le slogan « les Japonais d'abord », estime qu'un « État profond » est aux commandes du monde et pourfend les « mondialistes ».
« Il rajoute sans cesse des sujets dans sa palette politique. Kamiya est révisionniste au sujet du rôle du Japon dans la Seconde Guerre mondiale, il est pro-armée, il est contre l'égalité des genres et anti-LGBTQ, mais c'est en saisissant le sujet de l'immigration que lui et son parti sont montés dans les sondages au cours des dernières semaines », note Yves Tiberghien.
« Pourtant, c'est un cas de fabrication d'un sujet exporté de l'extérieur », ajoute-t-il, rappelant que le Japon compte peu d'immigrants – soit 3 % de la population – et que cette immigration récente est choisie, temporaire et travaille à plein régime dans un pays vieillissant et en plein déclin démographique.
Mais à quoi bon la vérité quand on peut accuser les immigrants de monopoliser le tiers de l'assistance sociale, de contribuer à l'augmentation de la criminalité et de causer l'inflation sans avoir à fournir la moindre preuve ? « Dans les dernières semaines, les grands médias japonais, qui n'ont jamais soutenu Sanseito, ont dit que tout cela n'est pas vrai, mais les gens qui votent pour Sanseito ne lisent pas ces médias », remarque pour sa part Benoît Hardy-Chartrand, professeur à l'Université Temple Japon, joint à Tokyo.
Les deux experts voient dans le soutien surprise à Sanseito l'expression d'un mécontentement à l'égard de l'élite politique japonaise.
L'économie stagne, l'inflation a frappé fort depuis 2024. Le prix du riz a doublé en 12 mois, mais les salaires n'augmentent pas. En général, la population japonaise est apathique politiquement, mais certains se sont sentis interpellés par ce parti, qui, comme tous les partis populistes, offre des solutions faciles à des problèmes complexes.
Benoît Hardy-Chartrand, professeur à l'Université Temple Japon
Comme ailleurs dans le G7, l'extrême droite au Japon a particulièrement fait mouche chez les moins de 30 ans.
Il faudra attendre la prochaine élection japonaise pour voir si cette nouvelle extrême droite – qui a peu en commun avec l'ancienne qui rêvait de remettre l'empereur au pouvoir – consolidera ses soutiens dans l'électorat japonais. Mais une chose est sûre, sa présence sur l'échiquier a déjà un impact sur les actions du gouvernement. Tout comme la popularité du Rassemblement national et de l'Alternative für Deutschland a incité les partis traditionnels de leurs pays à adopter des positions plus dures sur l'immigration, Sanseito a inspiré au PLD la création d'un « groupe de travail qui combattra les crimes et les comportements nuisibles des ressortissants étrangers ». Même si le problème est inexistant.
Et elle est là, la principale contagion de l'extrême droite. En imposant des sujets fictifs et toxiques dans le débat politique. En les martelant dans la tête des électeurs à force de répétitions.
Pas besoin de vaccin pour s'en prémunir. Il faut avoir le courage de résister aux fausses sirènes.
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