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Des options de répit « rares » et « inadéquates »

Des options de répit « rares » et « inadéquates »

La Presse31-07-2025
Diane Gendron veille sur son mari atteint de la maladie de Parkinson depuis 2015. Exténuée, l'aidante naturelle souhaite pouvoir prendre une ou deux semaines de vacances par année. Pour refaire le plein d'énergie. « Mais les options de répit décentes sont quasi inexistantes », déplore-t-elle.
Mme Gendron est aidante naturelle à temps plein. Un rapport du CLSC visant à évaluer les besoins de son mari mentionne que ce dernier est « autonome grâce à la présence constante de sa conjointe ». Tout cela a un prix : « je suis extrêmement fatiguée », souffle Mme Gendron, qui ne peut retenir ses larmes.
En ce lundi matin où elle reçoit La Presse dans sa maison de Rosemont, les pluies diluviennes de la veille ont inondé son sous-sol. Une autre tuile sur la tête de la Montréalaise, qui se dit « au bout du rouleau ».
L'état de son mari Mohamed*, avec qui elle est mariée depuis 33 ans, se dégrade tranquillement. Son corps est de plus en plus rigide. Ses tremblements, de plus en plus prononcés. Les pertes cognitives s'accentuent. Mme Gendron peut parfois s'absenter de la maison, mais jamais plus d'une heure. Et pas tout le temps. « La maladie est fluctuante. Ça dépend des jours », précise-t-elle.
Une fois par semaine, Mohamed, ingénieur de formation, se rend dans un centre de jour pour faire des activités pendant quelques heures. Et une intervenante du CLSC vient les mercredis après-midi pour s'occuper de lui. Mme Gendron en profite pour faire des courses ou aller à ses rendez-vous médicaux. Mais la charge reste immense.
En mai dernier, complètement au bout de ses forces, Mme Gendron s'est tournée vers le CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal pour tenter d'obtenir un répit d'une semaine. Elle voulait prendre des vacances avec ses filles de 18 et 22 ans.
On a offert à Mohamed une place au CHSLD Champlain–Marie-Victorin, un établissement de près de 270 lits dans l'est de la métropole. Mais une visite des lieux l'a refroidie. Mme Gendron décrit des chambres minuscules et sans toilette, des unités sales et vétustes. Elle ne peut se résigner à y envoyer son mari. Elle craint qu'il n'y perde tous ses acquis. Choquée, Mme Gendron a écrit une lettre ouverte en mai pour réclamer plus de lieux de répit au Québec1.
Plusieurs lacunes
Le plus récent rapport de visite du ministère de la Santé au CHSLD Champlain–Marie-Victorin, daté de mai 2024, a relevé plusieurs lacunes dans cet établissement. On peut y lire que « certains membres du personnel ne présentent pas une approche chaleureuse », que les lieux « ne sont pas propres » et « ne sont pas bien entretenus » et que « les activités individuelles et de groupe ne sont pas offertes sur une base quotidienne ». « Je n'y confierais même pas mon chien », lance Mme Gendron.
Le porte-parole du CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal, Luc Fortin, assure « que les soins et services offerts dans cet établissement sont sécuritaires, adéquats et bien adaptés aux besoins des usagers hébergés ». Un « plan d'amélioration » du Ministère montre que des travaux d'entretien ont été réalisés dans les derniers mois et que d'autres démarches sont en cours.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
Diane Gendron s'occupe de son mari à temps plein et dénonce le manque d'options de répit décentes.
Le Groupe Champlain, qui exploite le CHSLD privé-conventionné Champlain–Marie-Victorin, reconnaît que l'établissement a besoin d'importantes rénovations. « La situation est connue du Ministère », indique la porte-parole, Annie Gauthier, qui assure que le manque de chaleur de certains employés, relevé dans le rapport de visite ministériel, est un évènement isolé.
Le CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal, qui s'occupe du dossier de Mohamed, ajoute que les 14 lits de répit offerts sur son territoire « permettent de répondre pleinement à la demande ». « Aucune demande de répit provenant d'usagers admissibles n'a été refusée cette année », indique par courriel Luc Fortin.
1,5 million
C'est le nombre d'aidants naturels et d'aidantes naturelles au Québec.
SOURCE : Institut de la statistique du Québec
Mme Gendron s'est fait offrir une autre option de répit pour son mari à Montréal, le 11 juillet, plus de huit semaines après sa première demande.
Nathalie Déziel, directrice du Regroupement des aidantes et aidants naturels de Montréal, estime que les places de répit à long terme sont « rares » dans la métropole. Et que trop souvent, les lieux sont inadéquats. « Tu veux avoir la tête tranquille quand tu envoies un proche en répit. Mais les CHSLD de répit sont souvent malpropres, vétustes, il manque d'activités… Les gens refusent d'y envoyer leurs proches », dit-elle.
D'aidée à aidante
Mme Gendron a regardé d'autres options de répit pour son mari. Du côté du privé, les coûts sont prohibitifs. Il faut dire que les dernières années ont été très difficiles pour l'enseignante de philosophie au cégep : elle a dû mettre sa carrière sur pause, en 2014, quand on lui a dépisté un cancer du sein agressif avec métastases. Elle s'en est remise en déjouant tous les pronostics.
Mais en 2015, c'était au tour de son mari d'avoir un diagnostic de parkinson. « Depuis le début de mon cancer, Mohamed était mon aidant naturel. Il était super bon. Mais petit à petit, les rôles se sont inversés », raconte-t-elle.
Mme Gendron s'est aussi tournée vers les Maisons Gilles-Carle. Mais la seule maison de ce type à Montréal est actuellement fermée. L'option la plus proche est à… Cowansville.
Sans répit adéquat, je vais devoir envisager de placer mon mari en CHSLD de façon permanente. Ça coûte 13 000 $ par mois à l'État. Il me semble que ce serait plus économique de m'offrir deux semaines de répit par année que de devoir veiller à temps plein sur mon mari.
Diane Gendron, proche aidante
Fondatrice des Maisons Gilles-Carle, Chloé Ste-Marie affirme qu'il est « totalement faux » de dire que le nombre de places de répit est suffisant au Québec. Mme Ste-Marie rappelle qu'en 2018, le gouvernement s'était engagé à ouvrir 20 Maisons Gilles-Carle au Québec. La province en a déjà compté 11. Mais quatre ont dû fermer leurs portes ces dernières années, faute de financement.
En 2024-2025, de nouveaux fonds de 30 000 $ par lit ont été accordés aux Maisons Gilles-Carle, indique Santé Québec. Une maison de huit places doit aussi ouvrir prochainement à Montréal. Santé Québec mentionne que plusieurs autres investissements ont été faits ces dernières années pour améliorer le répit aux proches aidants, notamment dans les centres de jour et pour le service de répit à long terme Baluchon. Et d'autres sont à venir.
Selon Mme Ste-Marie, le développement de maisons de répit doit s'accélérer dès maintenant. « Les aidantes n'en peuvent plus d'aider. Ça prend plus de maisons de répit. Et ce n'est pas juste de la quantité. Ça prend de la qualité aussi. Qui veut aller en répit en CHSLD ? », demande-t-elle.
Mme Ste-Marie rappelle que beaucoup d'aidants naturels n'ont pas l'énergie ni le temps pour réclamer plus de places de répit. Un avis partagé par Diane Gendron « Les gens qui ont besoin de répit, mais qui sont moins à l'aise avec les dédales du réseau ou qui n'ont juste pas l'énergie pour contester, ils font quoi ? », s'interroge-t-elle.
* Mohamed a préféré taire son nom de famille par crainte de représailles.
1. Lisez la lettre ouverte de Diane Gendron
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« Il exerçait un contrôle excessif sur elle »
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« Il exerçait un contrôle excessif sur elle »

Des proches de Simone Mahan lui rendent hommage devant la maison où elle a perdu la vie, en mai dernier. « Il exerçait un contrôle excessif sur elle » Marcellin Koman M'bo, accusé d'avoir tué sa conjointe, aurait exercé un contrôle excessif sur la victime dans les mois précédant le meurtre. Simone Mahan se sentait traquée et espionnée par son mari. La situation s'était envenimée depuis qu'elle avait demandé le divorce, confie le frère de celle-ci. Rien ne préparait Claude Mahan à enterrer sa petite sœur Simone en mai dernier. La mère de famille, préposée aux bénéficiaires, avait 45 ans lorsqu'elle a été retrouvée morte dans son domicile de Châteauguay. PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE SIMONE MAHAN Simone Mahan Son mari des 20 dernières années, Marcellin Koman M'bo, est accusé du meurtre. L'infirmier de 49 ans est actuellement en attente de procès. « Ils avaient plusieurs problèmes dans leur couple. 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Il lui demandait sans cesse où elle était et s'empressait de vérifier si elle mentait, en plus des vérifications routinières de son cellulaire pour savoir à qui elle parlait, affirme le frère de la victime. Leur cercle social se limitait aux gens de leur église et aux amis du mari. Claude Mahan évoque une troublante anecdote. Sa petite sœur avait dit à son mari qu'elle allait faire des courses au Walmart. Il l'aurait alors suivie, se garant dans le stationnement du magasin à son insu pour vérifier si elle s'y trouvait bien. « Elle a été très surprise de le retrouver là », rapporte M. Mahan. PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE Des proches de Simone Mahan s'étaient rassemblés pour une veillée à sa mémoire, fin mai. Marcellin Koman M'bo aurait même demandé à un de leurs enfants de surveiller les allées et venues de la victime en son absence. Il y avait une grande insécurité. Je voyais le contrôle, mais jamais je n'aurais pensé à la violence physique. 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