
En Bretagne, le style marin coule à flots
Chaque été, c'est la même scène. De Carnac à Quimper, entre deux galettes complètes et un coup de vent force 6, la Bretagne voit débarquer ses vacanciers. Ciré jaune flambant neuf, bottes Aigle sans une trace de boue, marinière encore étiquetée… Ils arpentent les pavés de Saint-Malo, les criques de Crozon ou les sentiers de la Côte de Granit Rose comme s'ils y étaient nés. Le décor change mais la silhouette reste la même. L'image du Breton se porte, et s'achète.
Entre hommage et panoplie
La marinière s'impose comme le vêtement phare de la région. Elle agit comme un totem : on la revêt comme on revendiquerait un attachement symbolique, eût-il été temporaire. À Trégastel, dans une boutique multimarques, on se prépare chaque année à ce raz-de-marée textile. «C'est la pièce iconique, sans aucun doute», confie Lysiane, la responsable. «On en vend énormément dès que les vacanciers arrivent. Le modèle le plus prisé ? Le classique : rayures bleu marine sur fond blanc, ou l'inverse. Certains cherchent une version un peu plus chic, façon amiral à la Jean Paul Gaultier. D'autres veulent simplement une pièce made in Bretagne.»
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Difficile de parler style breton sans évoquer le ciré, indispensable contre la météo locale. Jaune pour les puristes, bleu marine pour les plus urbains, il se décline aujourd'hui dans des teintes pastel, des coupes ajustées, des doublures rayées. On est loin du vêtement de marin utilitaire : le ciré s'est embourgeoisé, stylisé. À tel point qu'on le croise désormais aussi sur les quais de Nantes que sur les quais du métro parisien.
Les bottes Aigle, elles aussi, ont quitté le potager et la pêche à pied pour devenir un accessoire branché. Et quand elles ont déjà fait leur petit effet sur la plage ou dans la file de la boulangerie, il reste l'autre incontournable du vestiaire breton : le pull marin, dense, râpeux, indémodable.
Tout le monde veut avoir l'air breton, mais pas à n'importe quel prix
«Il y a une vraie appétence pour les belles pièces, observe la commerçante de Trégastel. Le pull marin 100 % laine fonctionne très bien. Le Minor reste une référence, pour ceux qui veulent de la fabrication locale. Après, pour les budgets plus serrés, on travaille aussi avec des marques portugaises, qui proposent du coton de qualité. Parce que tout le monde veut acheter du made in France, mais tout le monde ne peut malheureusement pas se le permettre… » Derrière ces choix vestimentaires, une vérité persiste : tout le monde veut avoir l'air breton, mais pas à n'importe quel prix. Ni financier, ni stylistique.
Car cette adoption enthousiaste frôle parfois l'uniforme. À peine débarqués, les vacanciers s'équipent intégralement du kit breton. Une esthétique que certains locaux accueillent avec scepticisme.
«Autant mettre une étiquette 'touriste' sur le front»
Jeanne, 44 ans, graphiste à Brest, oscille entre amusement et lassitude : «C'est toujours les mêmes. On dirait un festival. C'est sympa, mais ils poussent un peu loin l'expérience. J'ai vu un type en ciré alors qu'il faisait 25 degrés et grand soleil.» Étienne, 53 ans, patron d'une PME, est plus sec : «C'est ahurissant. C'est comme si j'arrivais à Paris avec un béret sur la tête et une baguette sous le bras.»
Ne pas empiler les clichés comme on coche une checklist. Une seule pièce suffit.
JOEL LAITER
Mais faut-il pour autant bouder ce désir d'ancrage ? Élise, 27 ans, serveuse à Brest, lève un sourcil à chaque marinière trop neuve. «Oui, c'est souvent un peu trop.» Elle n'adhère pas franchement, mais elle comprend l'élan. Alors, elle nuance : «Ce que je leur dis, parfois, c'est de ne pas tout mettre en même temps. Sinon autant marquer 'touriste' sur le front.» Elle note d'ailleurs que les plus « stylés » sont ceux qui piochent avec parcimonie. Une marinière, oui, mais portée avec une veste en jean et des baskets usées.
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Le style dans le vent (et la bruine)
Le conseil des locaux est unanime : mieux vaut s'inspirer que singer. Ne pas empiler les clichés comme on coche une checklist. Une seule pièce suffit. Deux, au maximum. Passé ce seuil, on frôle le déguisement.
Et surtout, faire vivre les vêtements. Se salir un peu. Froisser la marinière. Garder son ciré ouvert. Laisser les bottes s'user. Bref, revenir à l'essentiel. Parce qu'en Bretagne, tout le monde vous dira qu'il fait beau l'été. Heureusement, le style, lui, ne ment pas.
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