
Pourquoi le nouvel open air du NIFFF déçoit les cafetiers neuchâtelois
Lors d'une projection du NIFFF, place des Halles, à Neuchâtel.
Etienne Grandjean
En bref:
Le site dédié aux projections open air du Festival international du film fantastique de Neuchâtel (NIFFF) a changé de configuration. Exit l'ancienne structure en gradins qui, tournée vers le lac, occupait depuis l'édition 2018 un bon tiers de la place des Halles, au centre-ville. En lieu et place, un nouvel écran géant, tourné cette fois-ci vers la place, devant lequel les organisateurs du festival alignent, le soir venu, chaises et transats, soit quelque 500 places assises.
La jauge totale est cependant de 800 places environ, grâce à la mise à disposition de leurs terrasses par les restaurateurs, associés à l'événement pour la première fois. À charge pour eux, dès 21 h, de disposer chaises et tables en rangs, et de fermer les parasols, afin que le film soit bien visible. La place elle-même est bouclée par des barrières et il faut un billet de cinéma pour y accéder. Les cafetiers sont donc aussi tenus de prier les clients déjà attablés et non pourvus de billet de lever le camp. Délicat.
NIFFF25 Mathieu Widmer
Lorsqu'il a signé en mai dernier la convention tripartite, entre les restaurateurs, le NIFFF et la Ville de Neuchâtel, Fernando de Oliveira, patron du Bar de la Place, était pourtant très curieux et impatient de participer à cette expérience. Il a déchanté depuis le soir du coup d'envoi du festival, vendredi dernier: «Ce soir-là, je n'ai fait que 240 francs de caisse, soit une perte de presque 600 francs, et le samedi c'était pire, avec 141 francs, contre plus de 1000 francs habituellement, pour une soirée d'été comparable.» Pour cause de pluie et de froid, les soirées de dimanche, lundi et mardi, avec un public logiquement très réduit, n'entrent pas en ligne de compte. Deux enseignes, le Café du Marché et Okapi, axées sur la restauration et plus éloignées de l'écran, ont préféré se retirer du projet et fermer dès 21h.
La terrasse de Fernando est assez petite, une quinzaine de tables. Et, de plus, hormis les vendredis et samedis, il ferme en général à partir de 20 h 30. Le manque à gagner sur toute la durée du NIFFF (4 au 12 juillet) est donc relatif. Mais il n'en va pas de même pour les deux cafés plus importants qui se situent plus près de l'écran, juste avant les rangs de chaises du festival. «Ces deux soirs-là, j'ai perdu environ 15% à 20% de mon chiffre d'affaires», constate Raphaël Di Marco, patron du Charlot. Bière ou billet?
Propriétaire du Prestige, Kalanderi Mentor est franchement remonté, après des pertes de 1500 fr. et 3000 fr. pour vendredi et samedi. «C'était une belle idée sur le papier, mais dans la réalité ça ne marche pas. Ma clientèle du soir est souvent plutôt jeune et va ailleurs, ou, si certains viennent voir le film, il leur reste moins d'argent après avoir payé 22 francs le billet.» Et d'ajouter: «Quand j'ai signé, j'ai dit que je voulais faire le test pour une édition et ne pas m'engager pour plusieurs années. Il faudra vraiment faire le point.»
Les projections de vendredi et samedi étaient pourtant sold out, ou presque. Quelques tables des terrasses, les plus éloignées de l'écran, demeuraient vides, ou clairsemées, mais dans l'ensemble l'affluence était prometteuse. «Le problème, c'est que les festivaliers s'assoient à nos tables, mais ne consomment pas, ou alors juste une boisson au début, qu'ils ne renouvellent pas», regrette Raphaël Di Marco.
NIFFF25
L'absence d'entracte n'incite pas non plus à consommer. «On se montre un peu pendant la projection pour susciter une commande, mais ce n'est pas évident de déranger quelqu'un qui est absorbé par le film», observe Laurence, serveuse au Bar de la Place.
Responsable de l'open air pour le NIFFF, Hugues Houmard rappelle que cette nouvelle configuration a été faite «suite à la demande de certains restaurateurs». L'ancienne structure ne leur convenait pas non plus, barrant la vue sur le lac et empêchant le marché de se dérouler près de leurs terrasses les jeudis et samedis.
«Par ailleurs, nous mettons en place toute l'infrastructure, écran et sono, mais nous nous sommes engagés à ne pas monter de bars, avec boissons et pop-corn, justement pour ne pas les concurrencer.» De plus, cette année le ticket à 22 francs permet l'accès aux deux films open air (21 h 45 et 00 h 15), et non pas un seul. Enfin, certaines séances sont gratuites.
À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Matche NIFFF – Mondial en 2026?
La Ville de Neuchâtel précise pour sa part que les cafetiers «avaient la possibilité de mettre des bars extérieurs à leur terrasse, ce qu'ils n'ont pas souhaité explorer cette année». S'agissant des chiffres d'affaires en baisse, elle estime qu'il convient de «comparer ce qui est comparable, c'est-à-dire les chiffres mensuels et pas seulement deux soirs», et qu'il faudra «tirer un bilan après le NIFFF et voir ce qui peut être amélioré pour l'an prochain». Pour corser le tout, l'édition 2026 coïncidera avec le Mondial de foot, qui voit fleurir les écrans aux terrasses des cafés. Beau bras de fer en perspective entre supporters et cinéphiles. Les cafetiers veulent une subvention
Les trois cafetiers engagés envisagent d'envoyer une lettre commune à la Ville, «notamment pour évoquer la possibilité de subventions pour compenser les pertes», explique Raphaël Di Marco. Un point de vue partagé par le Prestige et le Bar de la Place, Fernando de Oliveira nuançant un peu le propos: «Peut-être pas rembourser l'intégralité des pertes, mais au moins faire un geste.»
NIFFF25
Kalanderi Mentor propose également une autre piste: «Si cette dizaine de jours stratégiques est chaque année passée par pertes et profits en raison de l'open air, que la Ville nous permette de construire, l'hiver, des chalets en dur sur nos terrasses, comme c'est le cas sur la place voisine du Coq-d'Inde, afin de compenser. Nous sommes actuellement en contact régulier avec la Ville et les organisateurs du NIFFF, et nous espérons sincèrement trouver un bon compromis afin que toutes les parties concernées soient satisfaites.»
La Commune souligne «qu'il n'y a pas de compensation financière prévue selon les termes de l'accord avec les acteurs de la place» et que, s'agissant des mesures hivernales, «si elle soutient les acteurs économiques dans la mesure du possible», elle ne peut «pas exaucer les vœux d'un coup de baguette magique».
Le NIFFF fait battre le cœur de Neuchâtel Newsletter
«La semaine neuchâteloise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Neuchâtel, chaque vendredi.
Autres newsletters Ivan radja est journaliste à la rubrique économique depuis 2009. Il suit notamment l'actualité horlogère et le développement des nouvelles technologies vertes. Auparavant, il a travaillé pour Dimanche.ch, L'Express et L'Impartial. Plus d'infos @Radjignac
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


24 Heures
3 hours ago
- 24 Heures
Il a choqué, séduit, clivé puis s'en est allé – On se souvient de Thierry Ardisson
Accueil | Culture | Cinéma & séries | Décédé à 76 ans, le mage controversé des talk-shows de fin de soirée a bousculé les écrans par ses audaces, mais aussi ses excès. Publié aujourd'hui à 19h04 Thierry Ardisson a su imposer son style et sa verve inimitables. Mais ses détracteurs estiment que certaines dérives populistes ont ouvert la voie à d'autres émissions polémiques. AFP En bref: Il est mort, le divin enfant terrible de la télé française. Thierry Ardisson a tiré sa révérence, foudroyé par un cancer du foie, après quatre décennies d'une carrière télévisuelle où les flamboyances et les coups de génie ont aussi côtoyé les abîmes existentiels les plus sombres . De la noirceur, d'ailleurs, qui s'affichait littéralement sur le personnage: celui qu'on surnommait «l'homme en noir» aura rarement quitté son costume anthracite intégral. Un choix vestimentaire dicté par son manque d'imagination pour s'habiller le matin, disait-il, mais surtout par un souci calculé de visibilité: voir Ardisson se pointer à l'horizon, lui et sa silhouette charbonneuse, c'était presque toujours la promesse d'une interview orageuse et d'un coup de houle sur les ondes. Ce natif de Nice fut d'abord un publicitaire surdoué, dans cette France des années 70 ivre de «réclames» en plein boom télévisuel, où les slogans bien affûtés bâtissent des gloires et des fortunes rapides. «Ovomaltine, c'est d'la dynamique», «Quand c'est trop, c'est Tropico», «Lapeyre, y en a pas deux», des refrains signés Ardisson qui ont bassiné des générations de téléspectateurs. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Le mogul de la pub a le sens de la formule, mais il a également le don pour prendre le pouls d'une société qui se fait de plus en plus pop, débusquant les scoops trash de people que son agence vend à la presse écrite. TF1 lui confie dès 1985 l'émission «Descente de police», où le publicitaire devient un interlocuteur musclé face aux personnalités quasi malmenées par cette interview en mode garde à vue. Le règne de «l'homme en noir» Le programme, jugé trop violent, est vite arrêté, mais le phénomène et la recette Ardisson s'installent pour de bon. On le retrouve aux manettes de plusieurs émissions cultes de la décennie, comme «Bains de minuit», présentée depuis une discothèque, sur La Cinq, ou «Lunettes noires pour nuits blanches» sur Antenne 2. Le champagne coule à flots, les interviews se déroulent clope au bec, affalé sur le canapé. Serge Gainsbourg , Mylène Farmer , Béatrice Dalle viennent causer de leurs anges et de leurs démons dans une atmosphère de décontraction jamais osée à la télé française. Dans les années 90, Thierry Ardisson se fait plus rare, enchaîne les projets avortés, mais la fin de la décennie lui offre une renaissance en mode XXL, il démarre «Tout le monde en parle» en 1998, seconde partie de soirée d'un samedi qui vibre désormais au rythme des outrances de l'émission. Thierry Ardisson reçoit l'humoriste Didier Porte dans son émission «Salut les Terriens» sur la chaîne cryptée Canal +, en 2010. AFP L'animateur y importe plusieurs concepts déjà mis en œuvre dans ses programmes de la fin des années 80, comme l'interview à format calibré, avec ses thématiques imposées et ses gimmicks. Entre deux répliques «Magnéto Serge» ou vannes de son snipeur en chef Laurent Baffie, Ardisson invite pêle-mêle rockeurs ou scientifiques, intellectuels de renom ou complotistes prosélytes, faisant de son émission un cocktail parfois explosif et au scénario imprévisible. Comme ce soir où l'actrice Milla Jovovich, interrogée sur son père, se mure soudain dans le silence, puis éclate un verre sur le sol avant de partir en pleurs et en furie du plateau. En 2006, l'annonce de l'arrêt de «Tout le monde en parle» par France 2, officiellement pour une obscure raison contractuelle, fait enrager Ardisson, qui crie à l'assassinat médiatique, accusant les nouveaux boss de la chaîne de renier le ton provoc d'un programme qui, pourtant, cartonne. Le talk-show aux phrases-chocs L'animateur rebâtit un concept assez similaire chez Canal+, intitulé «Salut les Terriens!», puis monte «Les Terriens du dimanche» sur C8 à partir de 2017, des émissions populaires mais qui peineront à retrouver une dimension iconique. Une période récente où celui que Guillaume Durand avait un jour qualifié «d'un des plus grands intervieweurs des trente dernières années» accepte d'échanger les rôles et de davantage se confier, évoquant ses anciennes addictions à la drogue, ses tentatives de suicide, ses opinions politiques aussi. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Le 10 mai dernier, il avait ainsi déclenché une polémique en déclarant, sur le plateau de «Quelle époque!», talk-show du samedi sur le service public issu de la filiation directe de «Tout le monde en parle», que «Gaza, c'est Auschwitz». Une comparaison dont il s'était par la suite excusé. Disparu quelques semaines plus tard, Ardisson est finalement parti comme il est venu: en grand prêtre des messes télévisuelles à scandale. Thierry Wegmüller se souvient d'Ardisson En 2002, l'entrepreneur et patron de clubs sortait un titre sur l'album de Béatrice Ardisson, seconde épouse de l'animateur. Alors en pleine gloire avec le succès de «Tout le monde en parle», l'homme de télé était venu à Lausanne lors de trois soirées organisées par Thierry Wegmüller. «Je me rappelle avoir passé des moments forts sympathiques avec une personne certes haute en couleur mais très intelligente. Ce qui m'avait particulièrement frappé en le côtoyant, c'était sa sincérité et sa capacité à mettre à l'aise les gens. Il était quelqu'un de facile d'accès, loin de toute arrogance. Quand je regarde certaines personnes qu'on dit être ses successeurs à la télé, comme Hanouna par exemple, je trouve qu'Ardisson jouait la provoc mais avec beaucoup plus de finesse.» Autour de la télé et de Thierry Ardisson Nicolas Poinsot est journaliste à la rubrique culture et société. Auparavant, cet historien de l'art de formation a écrit pendant plus de dix ans pour le magazine Femina et les cahiers sciences et culture du Matin Dimanche. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
5 hours ago
- 24 Heures
RIP Thierry Ardisson, les Romands et les assurances: l'essentiel de ce 14 juillet 2025
Accueil | L'essentiel du jour | Assurances maladie: la bougeotte des Romands Tensions à Taïwan: les civils se préparent à une invasion Télévision française: l'animateur et producteur Thierry Ardisson est mort Publié aujourd'hui à 17h12 Une enquête réalisée par Deloitte révèle que les Romands changent plus souvent d'assurance maladie que les Alémaniques, essentiellement en raison des augmentations de primes qui surpassent celles des salaires. En Suisse romande, où les primes sont particulièrement élevées, la caisse unique gagne en popularité. Sur le plan national, 63% de la population y est favorable. Pour 2026, les primes pourraient augmenter de 5%. Pour en savoir plus sur le sujet: lisez l'article détaillé. Les Taïwanais se préparent à une invasion chinoise d'ici à 2027 Face aux risques d'invasion de la Chine, l'armée taïwanaise effectue des exercices inédits, mobilisant 22'000 réservistes. Ce climat de tension pousse la population à se préparer, notamment à travers la popularité croissante des kits de survie. Malgré les divisions politiques internes, les efforts se multiplient pour renforcer les capacités militaires en vue d'une possible attaque en 2027. Pour en savoir plus sur le sujet: lisez l'article détaillé. L'animateur et producteur Thierry Ardisson est mort à 76 ans Figure incontournable de la télévision française, Thierry Ardisson est décédé à Paris des suites d'un cancer du foie. Connu pour ses interviews provocantes et son style irrévérencieux, il a marqué le paysage audiovisuel français par ses émissions emblématiques comme «Bains de minuit» et «Tout le monde en parle». La télévision française perd une de ses icônes les plus controversées et impertinentes. Pour en savoir plus sur le sujet: [texte du lien] Pour en savoir plus sur le sujet: lisez l'article détaillé. Thierry Ardisson, icône controversée de la télévision française. La mort de l'animateur n'est malheureusement pas la mort de ce qu'il représentait: la putasserie médiatique à son meilleur. L'opinion de Boris Senff Euro 2025: la Suisse peut croire au «Miracle de Berne» 2025 La Suisse s'apprête à affronter l'Espagne en quarts de finale de l'Euro 2025, marquant une étape historique pour les Suissesses. Avec une équipe jeune et audacieuse, elles espèrent rééditer l'exploit du «Miracle de Berne» de 1954. Malgré le statut d'ultrafavorites des Espagnoles, la Suisse est prête à créer la surprise, galvanisée par un élan populaire inégalé et une cohésion d'équipe impressionnante. Pour en savoir plus sur le sujet: lisez l'article détaillé. Musique: les confidences de Michel Polnareff avant son arrivée à Sion Michel Polnareff, légende de la chanson française, revient en Europe pour une tournée qui passera par la Suisse cet été. Ayant débuté au piano à un très jeune âge, Polnareff partage ses souvenirs musicaux, ses instruments préférés, et ses réflexions sur sa carrière singulière. Il se confie aussi sur l'état actuel du monde et de la musique, tout en révélant le secret de son éternelle insoumission. Pour en savoir plus sur le sujet: lisez l'article détaillé. Aussi dans l'actu Soutien aux retraités, une motion propose d'avancer le versement des rentes AVS . Le conseiller aux États Mauro Poggia demande qu'elles soient versées à la fin du mois, pour que les retraités puissent payer leurs factures sans devoir avancer l'argent. Keystone L'actu en Suisse romande Leonardo Pescante est rédacteur en chef adjoint de 24heures depuis 2011. Après des études à l'Université de Lausanne en mathématiques et des cours supérieurs de management au CRPM, il a travaillé près de 15 ans à Radio Suisse internationale. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
6 hours ago
- 24 Heures
Festival de culture juive au Cinéma Bio à Carouge: pression, amalgame et menaces
Le directeur du cinéma de Carouge s'excuse de propos maladroits et se dit ouvert à la discussion avec l'équipe de programmation. Metin Arditi propose d'accueillir le festival à l'Auditorium. Publié aujourd'hui à 16h07 La polémique autour de la programmation de films de culture juive au Cinéma Bio et l'amalgame avec la politique d'Israël assombrissent l'air de Carouge. BASTIEN GALLAY / GALLAYPHOTO Le projet de programmation d'un festival de culture juive au Cinéma Bio, discuté par son directeur qui le jugeait «peu opportun» dans le contexte de la guerre à Gaza, créé la polémique à Genève. Se disant «piégé» par des propos rendus publics par la Cicad, Alfio Di Guardo se défend de tout amalgame, tandis que la direction du festival se désole d'un «climat de peur et de pressions» qui aboutissent à la censure. Quoi qu'il en soit, «la 15e édition du Festival international du film des cultures juives de Genève (GIJFF) qui est apolitique depuis toujours continuera.» Contactée par la «Tribune de Genève», c'est Irma Danon, programmatrice du GIJFF, qui l'affirme. «Un débat sans rapport avec les films, c'est non» La Genevoise a en effet été assurée du soutien de l'écrivain philanthrope Metin Arditi , qui a toujours exprimé son opposition à la politique d'occupation d'Israël. «Mettre à disposition l'auditorium, c'est donner leur chance aux artistes. On peut être opposé au sionisme à la Netanyahou et être philosémite», précise l'écrivain genevois. Le Festival pourrait donc projeter sa douzaine de films à l'Auditorium Arditi en mars prochain, en espérant que les travaux en cours, à la suite d'une inondation, puissent le permettre. Reconnaissante envers l'écrivain genevois, Irma Danon se désole qu'« Alfio Di Guardo, directeur du Cinéma Bio de Carouge , qui n'est clairement pas antisémite, ait pu être victime de pressions et fasse l'amalgame entre la culture juive et la politique d'Israël.» Le directeur du Cinéma Bio à Carouge se défend de tout amalgame et se dit «ouvert à la discussion» pour aboutir «sous certaines conditions à la programmation d'une ou plusieurs séances», il propose d'organiser un débat d'actualité, ce que les organisateurs ne souhaitent pas. «Les films de notre sélection parlent d'histoires humaines, aucun n'évoque la situation actuelle au Proche-Orient. Si c'était le cas, on pourrait imaginer un débat», réagit Irma Danon. «Un documentaire et un film de fiction ont été réalisés sur les attaques terroristes du 7 octobre. Ils ne font pas partie de la programmation de cette année. Mais on ne peut pas accepter qu'un débat sans rapport avec les films au programme soit une condition de programmation, une forme de pression ou une manière de nous dédouaner.» Le directeur du cinéma Bio se dit «piégé» et s'excuse Visiblement dépassé par l'ampleur de la polémique «qui ne profite qu'aux extrémistes de chaque camp», le directeur du Bio à Carouge s'est senti piégé. Il l'explique dans un communiqué, s'étonnant que dans le cadre d'un «échange cordial et professionnel» avec l'équipe du Festival, des propos «maladroits aient été mal interprétés et sortis de leur contexte». Ces propos ont été envoyés et relayés par la très dynamique Cicad, sentinelle genevoise, prompte à dénoncer tout antisémitisme. «Ils ne m'ont pas prévenu de cela», regrette Alfio Di Guardo, qui répète qu'il «condamne fermement tout acte antisémite et regrette que des personnes issues de la culture juive aient pu se sentir blessées par ses propos». Dans un communiqué intitulé «Festival du film juif interdit au Cinéma Bio», la phrase qui fâche a été rendue publique par le site de la Cicad. C'est celle-ci: «Le comportement des dirigeants d'Israël jette un voile noir sur toutes les vertus de la culture juive.» Pour Irma Danon, «quand des gens qui n'ont rien d'antisémite en viennent à dire cela, c'est qu'il y a une pression sourde dans l'opinion et plus directe d'activistes qui poussent à l'amalgame. Qui aurait l'idée de demander au Victoria Hall de prendre position contre le régime de Poutine quand il programme un concert de Rachmaninov?», s'interroge-t-elle. Menaces de brûler le cinéma et son directeur Alfio Di Guardo, lui, réfute toute intention d'interdiction et jure ne jamais «faire d'amalgame entre les actes atroces d'un gouvernement criminel et la culture juive». Dans un communiqué, ce lundi, il multiplie ensuite les exemples de sa bonne foi. Il a en effet organisé un ciné-club avec la Communauté israélite de Genève lorsqu'il était adjoint de direction aux Cinémas du Grütli et répondu favorablement à la programmation de «Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan», pour le Festival international du film juif, déjà. Joint par la «Tribune de Genève», Alfio Di Guardo ajoute qu'il a subi «des pressions et a même été accusé de faire la propagande d'Israël lorsqu'il a mis «The Brutalist» à l'affiche du Bio. La semaine dernière, à la suite de la polémique, c'est de l'autre camp qu'«un flot de haine s'est déversé sur moi et sur le cinéma» par le biais des réseaux, confie-t-il. «Quelqu'un au téléphone a menacé de faire brûler le cinéma et son directeur», le poussant à prévenir la police qui a mis en place depuis des rondes de policiers en uniforme près du cinéma et organisé une surveillance discrète d'agents en civil. Dans son communiqué, il rappelle qu'il a condamné sans ambiguïtés «les horreurs commises par les terroristes du Hamas, le 7 octobre 2023», se plaçant «du côté de l'humain». Des propos «désolants» de Nicolas Walder La polémique a rebondi le 12 juillet sur le site avec une réaction de Nicolas Walder, conseiller national Vert et candidat au Conseil d'État genevois après la démission d'Antonio Hodgers. «Je le dis d'emblée, je combats la censure et l'autocensure. Il importe de lutter contre toute forme d'antisémitisme. Les cultures juives doivent pouvoir s'exprimer», commence le Carougeois, qui ajoute: «D'un autre côté, il faut prendre en compte la sensibilité des Carougeois, qui sont horrifiés par les actes de nature potentiellement génocidaire, selon la justice internationale, de l'armée israélienne à Gaza. Dans cette période, ils ne comprendraient peut-être pas qu'on présente positivement la culture juive, malheureusement assimilée par beaucoup aujourd'hui à la politique de Netanyahou.» Des propos «désolants», réagit Irma Danon, organisatrice du festival, déjà surprise qu'aucun politique genevois ne se soit ému de ces nocives confusions. «Cela n'arrive qu'en Suisse romande. En Suisse alémanique, les politiques se lèvent comme un seul homme pour dénoncer cela.» De son côté, la Cicad envisage de porter plainte contre le Cinéma Bio. Contacté, le conseiller administratif carougeois en charge de la Culture, Patrick Mützenberg, indique «prendre la question très au sérieux. Cette histoire d'amalgame m'a choqué. Je veux attendre d'avoir entendu tout le monde pour me prononcer sur les faits et la suite à leur donner. Un rendez-vous est d'ores et déjà fixé avec le Bio début août. J'aimerais également rencontrer la direction du festival et la Cicad. Le sujet sera ensuite remonté au niveau du conseil de fondation. Les subventions de la Ville de Carouge ne peuvent en aucun cas cautionner des choix d'exclusion ou de discrimination.» Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Olivier Bot est rédacteur en chef adjoint depuis 2017, chef de la rubrique Monde entre 2011 et 2017. Prix Alexandre de Varennes de la presse. Auteur de «Chercher et enquêter avec internet» aux Presses universitaires de Grenoble. Plus d'infos Sophie Davaris est rédactrice en chef de la Tribune de Genève. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.