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Ce que les Philippines m'ont appris sur le Québec

Ce que les Philippines m'ont appris sur le Québec

La Presse5 days ago
Des habitants de Mandaluyong City, dans la banlieue de Manille, aux Philippines, écoutent une diffusion publique d'un match de boxe télévisé, en juillet dernier.
Un récent voyage au pays d'origine de ses parents a nourri la réflexion de Kevin Majaducon sur ce qui définit l'identité et l'appartenance à un peuple.
Kevin Majaducon
Ancien conseiller politique et ancien candidat du Bloc québécois
Ces dernières semaines, j'ai décidé de parcourir les Philippines. Un pays chargé d'histoire, tout comme le Québec. C'est là que mes parents sont nés et que mes grands-parents vivent encore. Un pays d'où je tire mes racines, mais que je redécouvre avec un regard adulte.
Je me souviens de mes voyages d'enfance avec mes parents. Cette fois, je suis venu seul. Et sans le filtre familial, le pays s'est dévoilé autrement. Moins idéalisé, mais plus vrai.
Rapidement, je me suis demandé : qu'est-ce que cela signifie, être filipino ? J'ai vite compris, après des visites dans les musées et des conférences d'universitaires, que ce n'était ni la couleur de la peau, ni la maîtrise parfaite de la langue, ni même la citoyenneté sur un passeport. Être philippin, c'est d'abord une façon d'appartenir à une communauté, à une histoire, à une économie, à un espace commun. C'est participer, dans le quotidien, à la vie d'un peuple.
En voyant cette identité vécue de manière aussi organique, j'ai pensé à chez moi. À ce que cela signifie, aussi, être québécois.
Souvent, on réduit cette appartenance à des critères linguistiques ou culturels. Et pourtant, comme aux Philippines, l'essentiel se joue ailleurs : dans la contribution réelle à la société. Être québécois, ce n'est pas seulement parler français ou chanter du Félix Leclerc ou écouter du Leonard Cohen.
C'est enseigner dans nos écoles, soigner dans nos hôpitaux, construire nos routes, servir dans nos commerces, protéger nos rues, pêcher dans nos eaux. C'est payer ses impôts et croire que chacun mérite de vivre dignement, peu importe ses revenus ou son accent.
Un parallèle fort
C'est dans cette logique d'inclusion active que j'ai trouvé un parallèle fort entre mes deux identités. Un parallèle qui ne gomme pas les différences, mais qui les relie autour de la même idée : on appartient à un peuple parce qu'on choisit d'y contribuer.
Au fil de mon séjour, j'ai été frappé par la simplicité et la chaleur des gens. Une générosité du quotidien. Une solidarité sans spectacle. Dans un pays parfois éprouvé, la résilience semble faire partie de l'ADN national.
Et malgré les difficultés, les gens continuent de croire en l'avenir ; non pas de manière naïve, mais avec cette conviction que la dignité ne se négocie pas.
Je me suis aussi interrogé sur le mouvement inverse : ces Nord-Américains ou Européens qui choisissent de s'installer ici, aux Philippines, à la recherche d'un mode de vie plus doux, plus humain. Qu'est-ce qui pousse quelqu'un à adopter une terre comme la sienne ?
Peut-on réellement habiter un pays si l'on ne comprend pas son histoire ? Si l'on ne participe pas à ses luttes, à ses choix collectifs ?
Durant les siècles de colonisation espagnole, le concept même d'« être philippin » n'existait pas encore au sens moderne. C'est José Rizal, figure centrale du nationalisme philippin, qui l'a incarné et théorisé. Inspiré par les écrits du philosophe Johann Herder, Rizal affirmait que la nation ne repose ni sur la race ni sur le sang, mais sur la reconnaissance d'une histoire commune et d'une culture partagée. Être philippin, disait-il, c'est se reconnaître dans cette communauté de destin, même sans lien biologique.
De la même manière, que nous ayons du sang philippin ou français, nous sommes québécois si nous choisissons de l'être, chaque jour, dans nos gestes, nos engagements et notre solidarité envers la société québécoise.
L'appartenance n'est pas une donnée fixe. C'est un acte vivant, renouvelé au quotidien.
Je ne suis pas venu aux Philippines pour chercher mes origines. Je les connaissais déjà. Mais ce voyage m'a appris que l'identité n'est pas une essence figée : c'est une fidélité active. Une façon d'habiter le monde avec ceux qui nous entourent.
On ne porte pas un peuple dans les veines, mais dans la voix avec laquelle on choisit de dire nous.
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