
La fois où Rick Hughes a rencontré Ozzy aux toilettes
Rick Hughes faisait des rénovations chez lui, mardi après-midi, quand sa fille est venue lui annoncer qu'un de ses héros, Ozzy Osbourne, avait rejoint l'éternité du royaume des ténèbres. « Et ça faisait longtemps que je n'avais pas pleuré en apprenant la mort d'une personnalité publique. »
Bien qu'il soit davantage associé à Robert Plant, sans doute grâce à sa belle gueule, Rick Hughes a toujours également considéré Ozzy Osbourne comme un modèle. À l'époque où son groupe Sword jouait du mardi au dimanche à la Mustache, légendaire club hard rock situé à quelques pas du vieux Forum, il puisait dans trois répertoires : ceux de Led Zeppelin, d'AC/DC et de Black Sabbath.
PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Ozzy Osbourne en janvier 1985 au festival Rock in Rio au Brésil
Et c'est dans les toilettes de la Mustache que Rick Hughes aura eu l'occasion d'exprimer au prince de la noirceur toute son admiration. « Disons qu'à cette époque-là, on était beaucoup à passer beaucoup de temps dans les toilettes », raconte en riant celui qui a mis une croix sur l'alcool et la drogue il y a maintenant 22 ans.
C'est le 27 avril 1984 que s'arrêtait au Forum de Montréal la tournée Bark at the Moon, un spectacle que Rick n'allait certainement pas manqué. Mais le soir d'avant, c'est à la Mustache que vous pouviez trouver le jeune homme, pour la simple et bonne raison qu'il s'agissait de son deuxième salon. Et aussi, ce n'est pas un détail, parce que la rumeur voulait qu'Ozzy et ses mauvais compagnons viennent faire un tour.
Une rumeur fondée : le 26 avril 1984, un Oz très intoxiqué-son état naturel à l'époque-massacre quatre tounes avec l'aide de son guitariste Jake E. Lee. « I'm sorry I'm singing like an asshole but I'm stoned », balbutie-t-il dès le départ durant Suicide Solution.
« Il avait fini par arriver très tard, se souvient Rick. J'ai tout fait pour le rencontrer et à un moment donné, je l'ai croisé aux toilettes. Évidemment que moi, autant que lui, on volait haut comme des cerfs-volants, mais je me rappelle lui avoir dit qu'il était mon idole. Il avait viré ça en joke en me répondant : 'Tu choisis vraiment mal tes idoles.' »
Ozzy Osbourne, le 11 octobre 1995 à l'Auditorium de Verdun PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE
PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE
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S'il a souvent vu Ozzy sur scène durant les années 1980 et 1990, Rick Hughes était un peu trop jeune pour assister à la première visite montréalaise de Black Sabbath, le 16 juillet 1971 à la Place des Nations, quelques jours avant la parution du troisième album du groupe, Master of Reality. Le prix des billets ? 2 $
IMAGE TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK ARCHIVES DE MONTRÉAL
L'affiche du spectacle de Black Sabbath à Montréal en 1971
Dans les pages de La Presse, le journaliste René Homier-Roy se montre moins enthousiaste que le reste des quelque 25 000 spectateurs. « Sur scène, les membres de Black Sabbath rappellent de façon un peu caricaturale les Stones d'une autre époque, écrit-il au sujet de ceux avec qui Ozzy a inventé la musique métal.
« Mais leur soliste, qui bouge mal et malencontreusement, n'arrive pas à la cheville d'un showman aussi étonnant que Mick Jagger. Ses mouvements se bornent d'ailleurs à souligner de façon dramatique et comme au crayon noir les accents plus intenses du texte ou de la musique. Qui l'un et l'autre s'en passeraient. »
Une vraie voix
Était-ce sa réputation aussi sulfureuse que surfaite de dégustateur de chauve-souris ? Ou, celle, caricaturale, de papa gâteux incapable de parler autrement qu'en lettres attachés ? Chose certaine, le personnage d'Ozzy avait fini, dans l'œil des néophytes du moins, par occulter l'artiste novateur et visionnaire. Ozzy Osbourne est « un grand chanteur », insiste pourtant Rick Hughes.
Et pour appuyer ses propos, notre interlocuteur nous offre au bout du fil, à pleins poumons, les premières mesures de Symptom of the Universe, tiré du sixième album de Black Sabbath, Sabotage (1975).
Extrait de Symptom of the Universe de Black Sabbath
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« C'est haut, ça, ce que je viens de faire là ! Même chose pour Crazy Train. Les gens ont parfois pensé qu'Ozzy n'avait pas une grande voix, parce qu'il attirait l'attention sur tout, sauf sa voix. Mais il y a plein de ses tounes qui sont impossibles à chanter, parce que c'est dans des tonalités super hautes. T'essaieras de chanter Diary of a Madman, tu vas voir. »
Extrait de Diary of a Madman d'Ozzy Osbourne
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Ozzy aimait tellement ce qu'il faisait, il était tellement heureux d'être sur scène. Et il avait du power. Il n'aurait pas eu de micro que tout le monde l'aurait entendu quand même.
Rick Hughes
En novembre dernier, Rick Hughes a tourné à Burbank en Californie le vidéoclip à paraître du premier extrait de son prochain album. Ses accompagnateurs ? Nul autre que le trio historique qui appuyait Ozzy sur son disque live Speak of the Devil : Brad Gillis à la guitare, Rudy Sarzo à la basse et Tommy Aldridge à la batterie.
PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE BRAD GILLIS
Tommy Aldridge, Rick Hughes, Brad Gillis et Rudy Sarzo
« Je ne sais quoi te dire d'autre que je capotais ben raide, conclut le rockeur québécois. Et que pendant que j'étais avec eux, je pensais à Ozzy. »
Lisez notre décryptage sur le dernier concert de Black Sabbath

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La Presse
7 hours ago
- La Presse
« As-tu lu Foglia ? »
Vous avez été nombreux à témoigner de l'empreinte profonde laissée par les chroniques de Pierre Foglia dans vos matins – et dans vos vies. De génération en génération, son ton unique et son regard lucide se sont transmis comme un héritage précieux. Vous nous avez raconté ce qu'il vous a appris, comment il a influencé votre parcours, éveillé votre pensée, touché votre cœur. Florilège d'hommages à une plume inoubliable. La fameuse page A5 Comme mon père avant moi, j'ai été une lectrice assidue de la chronique de Foglia. Aujourd'hui, malgré qu'il ait quitté la page A5 depuis 10 ans, j'utilise encore certains de ses textes pour travailler la lecture avec mes patients, juste pour le plaisir de retrouver son style inimitable et les images magnifiques qu'il pouvait générer par ses écrits. Merci pour les heures de bonne lecture, Monsieur Foglia ! Ariane Tosti Sublimer le banal Avec ses écrits, Pierre Foglia avait ce don de rendre captivant même le quotidien le plus banal. Artiste du mot avant d'être chroniqueur, ce fin observateur de la vie, de l'homme et de sa fiancée savait comme personne trouver l'angle mort des choses et le mettre merveilleusement en lumière avec sa plume unique. Ce que j'aimais particulièrement de lui était sa capacité à résumer un évènement, un moment, un être en une phrase simple, évocatrice, imagée, percutante et pertinente. Le genre de tournure qui à la fois ravit l'œil et fait longtemps écho dans la pensée. Encore aujourd'hui, je me rappelle cette perle qu'il a pondue pour décrire mieux que quiconque la mort de Gilles Villeneuve en 1982 ainsi que le pilote lui-même : « Il a voulu gagner un huitième de seconde et ça lui a coûté l'éternité. » Comment ne pas devenir accro quand on lit des phrases pareilles ? Christian Séguin S'ennuyer du Courrier du genou Première activité immuable en me levant, lire Foglia. Il m'a fait rire, sourire, réfléchir, pleurer. Il m'a émue plus d'une fois. Il a suscité pas mal de discussions à la maison. Quel grand écrivain ! Et que dire de son Courrier du genou ? Un sublime chef-d'œuvre ! Lui et ses chroniques m'ont manqué énormément. De savoir qu'il nous a quittés pour toujours est un immense deuil ! Myriam Houde On ne brûle pas du Foglia ! Mon beau-frère et mon neveu ont épinglé les chroniques de Foglia sur un mur de la cabane à sucre familiale. Il est interdit de les brûler avec les autres pages de La Presse pour attiser le feu, tous les helpers les relisent en attendant les coulées de sirop. Bernard Richard De génération en génération J'ai commencé à lire Foglia alors que j'étais un jeune adolescent. Mes parents, fidèles lecteurs de La Presse, parlaient souvent de ses chroniques. « As-tu lu Foglia ? », se lançaient-ils au déjeuner ou à un autre moment de la journée afin de « commenter ses commentaires ». Je me demandais bien ce qu'ils lui trouvaient, à ce vieux con… Étant camelot pour La Presse, je m'attardais surtout à la lecture des sports et des articles de Robert Duguay (comprenez-vous ?). C'est à l'occasion de la parution de l'une de ses chroniques sur le Tour de France que j'ai vraiment commencé à lire Foglia. Bien qu'il parlait peu de la course, il me fascinait par ses « tranches de vie » alors qu'il parlait des difficultés de se loger à proximité des étapes et des confitures de mirabelles qu'il dégustait dans les petits villages qui parsemaient sa route entre le départ et l'arrivée de la Grande Boucle. Peu à peu, on en apprenait un peu plus sur la France, sur les paysans qu'il côtoyait dans les étapes et sur la réalité des suiveurs du Tour. Cette description de l'envers du décor était encore plus intéressante que le compte rendu des courses. Une fois le Tour terminé, je me suis mis à consulter le cahier A de manière plus assidue afin d'y lire Foglia. Ses chats, sa fiancée, ses balades à vélo dans la campagne environnante et ses visites au Vermont étaient un plaisir coupable à 5 h 30 du matin, juste avant mon départ pour la distribution des journaux. Son métier de typographe, ses suggestions de livres, ses parents, sa jeunesse et ses descriptions du quotidien m'ont fait réfléchir sur l'état des choses et, surtout, bien rire. Un bon matin, un peu épuisé en revenant de ma distribution du samedi (elle était lourde avec tous les encarts, mon vieux), j'ai dit à mes parents : « Avez-vous lu Foglia ? » Vous auriez dû voir leur tête ! C'était maintenant à mon tour de lancer les débats et de commenter ses commentaires. Foglia a donc été, pour moi, un compagnon matinal qui m'a aidé à développer mon esprit critique, qui m'a ouvert les yeux sur la richesse de l'autre, qui m'a fait comprendre l'importance des petites choses et des gestes du quotidien et, surtout, qui me permettait de communiquer plus facilement avec mes parents à cet âge où on ne sait plus trop comment le faire. Merci, mon vieux, et bonnes retrouvailles avec Bob ! Jocelyn Côté Un chat baptisé en son honneur J'avais 18 ans. J'avais quitté le cégep et je travaillais dans un hôtel trop peu achalandé. Les soirées étaient longues, alors je tournais les pages des journaux. Un soir, je m'arrête sur un texte de Foglia. Le vocabulaire est coloré, la culture vaste et nourrie, l'humour singulier et efficace. Je suis tombée amoureuse et… je suis retournée aux études : géo, politique, français… J'avais soudain envie de lire, de connaître, d'apprendre, de savoir, d'avoir un esprit critique, une opinion. Je voulais suivre. J'ai longtemps eu (peut-être l'ai-je encore ?) une enveloppe plastifiée dans laquelle je collectionnais ses articles découpés. Je pensais être la seule à faire ça ; je découvre que nous étions nombreux. (Mais, peut-être suis-je la seule à avoir baptisé un chat en son honneur ?) Par ses textes aussi divertissants qu'intelligents, Foglia m'a séduite, m'a ouverte au monde et m'a un peu révélée à moi-même. Ce n'est pas rien… C'est même BEAUCOUP. Merci, Monsieur Foglia. Isabelle Lussier, rouquine « Si la Lune avait des moustaches, elle ressemblerait à Jacques Parizeau » Au début des années 1990, j'habitais en Angleterre et l'internet n'était pas encore accessible à la population générale. À cette époque, j'étais un avide lecteur des chroniques de Pierre Foglia, depuis plusieurs années déjà. Pour éviter un sevrage indésirable, ma maman au Québec prenait soin de me découper ses textes dans La Presse et me les faisait parvenir par la poste, à coup de 30 ou 40 à la fois, classées par date de parution et soigneusement pliées dans une enveloppe brune. En ouvrant l'enveloppe, j'avais l'impression d'être un soldat dans les tranchées en 14-18, affamé et trempé, recevant d'outre-Atlantique un colis contenant une livre de bacon, un peigne, des aspirines, du tabac à chiquer et du café frais. Je revivais. J'ai lu et relu les textes de Foglia pendant 35 ans et les sonorités de sa prose résonnent encore dans ma bibliothèque intérieure. Des mots qui naviguent à travers la psyché des gens en racontant des choses essentielles chaque fois. Foglia, c'est l'écrivain complet. Celui qui arrive à faire réfléchir, rire et pleurer, les trois en même temps, le même jour, à l'intérieur d'un même texte de 1000 mots. C'est rare en ta. C'est plus que rare. C'est exceptionnel de jongler avec autant de capacités littéraires, sans devenir confus ou étourdissant. « Si la Lune avait des moustaches, elle ressemblerait à Jacques Parizeau », donc. Une des chroniques que j'avais lues en Angleterre en 1992 commençait avec cette métaphore hilarante en lien avec l'ancien premier ministre du Québec. Je ne me souviens plus du texte qui suivait, mais je désirais m'en servir comme exemple, aujourd'hui, pour souligner que Foglia avait non seulement l'art de la chute, mais qu'il savait aussi mettre la table pour accrocher son lectorat. Sans qu'il ne s'en doute jamais, il m'a enseigné trois choses fondamentales à mes yeux dans l'art du storytelling : l'importance combinée de l'accroche et de la chute d'un texte, l'importance d'être concis et précis, mais surtout, l'importance de cultiver le besoin impérieux de raconter ces mille petits riens qui se glissent dans les angles morts du quotidien ou qui disparaissent derrière ce qui est éclatant ou tonitruant. Des petits riens qui révèlent pourtant des histoires extraordinaires qui font que… la vie, c'est la vie, mon vieux. Fred Dompierre


La Presse
7 hours ago
- La Presse
Au grès du feu
Les nuances fumées des céramiques d'Emmanuelle Roque résultent d'une cuisson au feu dans un baril d'acier. Dépourvus de glaçure et donc poreux, ses vases peuvent uniquement accueillir des fleurs séchées. Lorsque des esprits curieux se penchent sur ses vases et sculptures aux nuances terreuses, Emmanuelle Roque aime préciser que c'est le feu qui décide de l'apparence de ceux-ci et les rend uniques. Grâce à l'enfumage, un mode de cuisson des céramiques issu de la nuit des temps et apprivoisé en autodidacte, la jeune Québécoise renoue intimement avec ses racines mexicaines. Styliste brillante pour des studios d'architecture et de design d'intérieur, Emmanuelle Roque cultive dans l'ombre une passion pour la céramique. Avec l'arrivée des beaux jours vient un besoin existentiel, depuis cinq ans : celui de rejoindre la campagne de l'Estrie ou de la Mauricie pour donner aux pièces façonnées dans son appartement-atelier du Mile-Ex, à Montréal, leur fini fumé singulier. Brun, noir ou gris cendré selon l'alchimie qui s'opère dans le baril d'acier qui sert de laboratoire à ses expérimentations artistiques. Et dans lequel elle ajoute parfois des feuilles, du sel ou du café moulu. Je cherche à avoir des contrastes de couleur. J'aime que le résultat obtenu grâce au feu soit inégal. Il m'arrive d'ailleurs d'y remettre une céramique si ce n'est pas le cas. Emmanuelle Roque Le relief de ses vases et sculptures confiés aux flammes change aussi au cours de cette opération merveilleuse et délicate. Terre patrie C'est sur le balcon de sa mère à Montréal, lors de l'été 2019, qu'Emmanuelle s'initie à la cuisson de ses céramiques, façonnées au colombin, selon la technique de l'enfumage dont l'origine remonte au néolithique. « J'ai découvert ma recette à travers mes expériences. Au début, j'avais des fissures dans mes céramiques ; j'ai connu beaucoup de pertes », raconte-t-elle. PHOTO ALEX LESAGE, FOURNIE PAR EMA CERAMICS Une fois séchée, l'argile des vases et sculptures peut être peaufinée à l'aide d'un grattoir lisse pour supprimer des imperfections. PHOTO ALEX LESAGE, FOURNIE PAR EMA CERAMICS Un grattoir en acier dentelé permet d'égaliser la surface d'une pièce d'argile fraîchement façonnée et de corriger des irrégularités. PHOTO ALEX LESAGE, FOURNIE PAR EMA CERAMICS Après une première cuisson dans un four de céramiste, les créations d'Emmanuelle Roque sont déposées dans un baril d'acier pour un enfumage qui leur donnera leurs teintes et textures particulières. PHOTO ALEX LESAGE, FOURNIE PAR EMA CERAMICS La céramiste aime ajouter des brindilles, des feuillages et parfois du sel et du café au feu dans son baril avant de laisser la nature faire son œuvre. PHOTO ALEX LESAGE, FOURNIE PAR EMA CERAMICS Après une journée de patience, les céramiques peuvent être retirées du baril pour révéler leur beauté brute. PHOTO ALEX LESAGE, FOURNIE PAR EMA CERAMICS Une fois séchée, l'argile des vases et sculptures peut être peaufinée à l'aide d'un grattoir lisse pour supprimer des imperfections. 1 /5 Mais elle conserve précieusement les fragments de ses créations et entreprend, au fil de son cheminement artistique, de partir à la découverte de la culture du Mexique, le pays de son père, où elle a passé ses vacances au cours de ses jeunes années. Elle s'intéresse en particulier au travail des potières d'Oaxaca qui ont recours au feu pour fabriquer les objets usuels du quotidien (plats, bols, pichets…) et dont elle part à la rencontre. L'isolement dans un chalet familial à la campagne au retour d'un voyage au Mexique au printemps 2020, qui la mènera à séjourner six mois au vert, lui permet de donner corps à sa première collection. Intitulée Stone, elle témoigne de sa passion pour les pierres. « En voyage, j'ai toujours adoré cueillir des roches », confie la céramiste qui a découvert récemment, lors d'un séjour aux îles Canaries, que son nom de famille évoquait justement celles-ci en espagnol. PHOTO ALEX LESAGE, FOURNIE PAR EMA CERAMICS Emmanuelle Roque profite de ses voyages et de ses randonnées dans la nature québécoise pour rechercher de l'argile sauvage dans le lit des rivières. Où qu'elle aille, elle observe les formations rocheuses, les photographie et récolte des pierres qu'elle intègre à sa pratique. Un bout de roche volcanique rougeâtre (le tezontle) rapporté du Mexique lui permet par exemple de recréer la texture de la pierre sur ses pièces d'argile et de grès. Nous avons beaucoup de formations rocheuses au Canada. Chaque fois que je visite une nouvelle province, je découvre des montagnes qui ont leurs propres silhouettes et textures, cela m'inspire énormément. Emmanuelle Roque En éclaireuse Chaque balade le long d'une rivière l'encourage aussi à partir à la recherche d'argile sauvage, dont elle conserve précieusement quelques échantillons dans son atelier et consigne les particularités en vue de futures créations. « Tout se fait organiquement. Cette évolution naturelle et le lâcher-prise qui accompagne la cuisson de mes créations caractérisent ma pratique », remarque Emmanuelle, qui rentre d'un voyage à Terre-Neuve et se prépare à partir dans une île au milieu du Saint-Laurent. PHOTO ALEX LESAGE, FOURNIE PAR EMA CERAMICS Certaines céramiques de la collection Stone ont un aspect lunaire qui en font des objets intemporels. Elle s'intéresse depuis un moment aux reliefs formés par les fossiles qu'elle rêve de pouvoir reproduire dans un projet aux contours encore flous. Elle aimerait aussi collaborer avec des architectes et designers d'intérieur. Elle présentait d'ailleurs, début juillet, une petite mosaïque de tuiles fumées à l'exposition Jeux d'été du collectif Ensemble, à Montréal. Elle met également la dernière main, avec l'Atelier Fomenta, à des appliques murales en argile aux teintes terreuses qui éclaireront un nouveau restaurant mexicain montréalais. Un heureux présage. Consultez le site d'Ema Ceramics


La Presse
12 hours ago
- La Presse
L'estampe en trois mouvements
La Biennale internationale d'estampe contemporaine de Trois-Rivières se tient cet été et nous fait découvrir plusieurs artistes exceptionnels. En voici trois, trois Québécoises dont le travail est très différent l'un de l'autre et qui, pourtant, ont des liens de parenté artistiques forts, qui vont au-delà de l'estampe. Elmyna Bouchard, Ce que nous devenons « Je ne sais pas comment vous allez le recevoir », avoue Elmyna Bouchard, que nous avons rencontrée à l'Imprimerie, un centre d'artiste où elle travaille à Montréal. En fait, parfois, Elmyna Bouchard ne sait même pas ce que cette pièce qu'elle entame deviendra, finalement. Par exemple, cette culotte qui est faite d'une multitude de petites impressions. Au départ, l'artiste pose les petites étampes sur le papier, une à une. Et puis, l'œuvre fait son œuvre et s'impose. « C'est comme du tissage ou du tricot », explique-t-elle. À Trois-Rivières, on découvre ses lithographies qui représentent, en tout ou en partie, des objets du quotidien. Ils sont magnifiés. Parfois par la technique, comme c'est le cas pour la fameuse culotte, ou par des textures qui viennent de cette fascination qu'Elmyna Bouchard entretient face à l'ordinaire. « Parfois, je regarde le jus de betterave », nous lance-t-elle dans son atelier, presque comme un conseil – celui de prendre le temps d'observer le beau dans tout. On peut difficilement ne pas le voir dans son travail qui est empreint d'une grande sensibilité. Les objets du quotidien peuvent prendre une autre dimension quand on vieillit et que chacun de nos mouvements devient plus lourd, plus difficile. Ce constat a nourri sa réflexion. Accepter ce que nous devenons peut être difficile. L'artiste a aussi un travail dans le domaine de la santé mentale, ce qui lui a donné une grande pudeur face à l'autre, face à nous. Elle aime mieux évoquer que d'illustrer crûment. D'où cette réception qui appartient à chaque personne qui croise ses œuvres. IMAGE FOURNIE PAR ELMYNA BOUCHARD Avec ces œuvres, Elmyna Bouchard a remporté le prix Loto-Québec pour la démarche écoresponsable de la Biennale. Elmyna Bouchard a entrepris une démarche écoresponsable dans sa pratique artistique, il y a environ sept ans. Elle utilise des matériaux moins toxiques. « L'écoresponsabilité, c'est faire des efforts, dit-elle. Si tu peux trouver un remplacement, tu le prends. » Les solutions viennent souvent des grandes entreprises, dans l'imprimerie par exemple, qui doit éliminer les solvants toxiques de ses procédés. Comme si on avait besoin d'une autre raison pour expliquer ce coup de cœur pour son travail. À la Biennale, les œuvres d'Elmyna Bouchard sont exposées à l'Ancienne gare ferroviaire de Trois-Rivières. Valérie Guimond, Ce qui nous façonne PHOTO FOURNIE PAR L'ARTISTE Valérie Guimond « En gravant le bois, je crée une empreinte qui dévoile sa chair brute. » C'est le cœur du travail de cette artiste. Creuser pour dévoiler. Valérie Guimond est chef atelier en sérigraphie et gravure à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Trois de ses œuvres sont présentées à la Biennale. Il s'agit de grands panneaux de bois, gravés. Son travail aborde l'hypersexualisation, celle qui est insidieuse. C'est un thème qui est important pour elle et qu'elle expose d'une manière efficace et peu commune. On ne peut pas rester insensible face à ses trois grands panneaux, sombres. On y voit une jeune fille entourée d'une aura faite des coups de ciseaux, francs. On est ici dans le deuxième degré. L'artiste explique qu'avec le temps lui est venu, naturellement, le besoin de faire confiance aux gens qui voient son travail. Et qui le reçoivent comme ils peuvent ; comme ils veulent. « Toutes les réponses sont bonnes quand on regarde une œuvre », dit-elle. Valérie Guimond a entamé un cycle de travail il y a une décennie alors que sa fille avait 8 ans. Ses questionnements ont interpellé la mère. Son travail a évolué en parallèle de ce qui façonnait son propre enfant. Cette série Pas même un clignement est une sorte de finalité, la fin d'une époque de grandes transformations. La forme surprend. On ne s'attend peut-être pas à ce genre de pièces dans une foire consacrée à l'estampe. PHOTO EMMANUEL AUCLAIR, FOURNIE PAR L'ARTISTE L'œuvre de Valérie Guimond montre des personnages grandeur nature. « L'estampe, c'est une grande famille qui inclut plusieurs techniques, explique Valérie Guimond, en entrevue téléphonique. Mais ce qui les rassemble, c'est qu'il va y avoir une matrice qu'on va encrer. L'impression est souvent sur du papier. » C'est donc le début du processus qui nous est ici présenté. « J'ai conçu ces œuvres-là pas pour être des matrices, précise l'artiste, mais des œuvres finies. » Les œuvres de Valérie Guimond sont exposées à la Galerie du parc de Trois-Rivières. Stephanie Russ, Ce que nous gardons PHOTO FOURNIE PAR L'ARTISTE Stephanie Russ Que conservons-nous de notre passé ? Qu'est-ce que cela dit de nous ? Stephanie Russ s'intéresse aux objets que nous gardons de notre enfance, avec les années. À leur valeur, plutôt sentimentale pour plusieurs. C'est le décès du père de l'artiste qui est le point de départ de cette démarche. Stephanie Russ devait disposer d'une grande quantité d'objets. Plusieurs pièces étaient brisées. « Ces objets me rappelaient mon père », précise l'artiste qui enseigne au département des médias imprimés de l'Université Concordia. PHOTO FOURNIE PAR L'ARTISTE Ars Longa Vita Brevis contient plusieurs œuvres avec des techniques diverses, dont la lithographie. « Qu'est-ce qu'on fait avec ces objets-là ? Est-ce qu'on a une responsabilité de les garder ? De les passer aux autres ? » Elle a entrepris un processus pour faire des archives visuelles avec les objets. La démarche était très personnelle pour Stephanie Russ. Face au résultat, on peut penser que ça risque d'inspirer plusieurs visiteurs, touchés par cet acte de mémoire. C'est une réflexion concrète face à notre propre patrimoine matériel, celui qui souvent ne vaut rien de plus que toute l'émotion qui nous lie à lui. Ce qui est souvent énorme. À la Biennale, les œuvres de Stephanie Russ sont exposées à la Galerie du parc. La Biennale internationale d'estampe contemporaine de Trois-Rivières se déroule jusqu'au 7 septembre. Consultez le site de la Biennale internationale d'estampe contemporaine de Trois-Rivières