
Une centaine de ménages inuits menacés d'éviction
Ce qu'il faut savoir Dans le Grand Nord du Québec, 98 % de la population réside dans des logements sociaux.
L'organisation qui gère ces logements vient d'obtenir des jugements d'expulsion contre une centaine de familles pour non-paiement de loyer.
Certains s'inquiètent de voir des locataires évincés échouer dans les rues de Montréal ou dans d'autres logements déjà surpeuplés.
L'Office d'habitation du Nunavik (OHN) gère la quasi-totalité des logements dans la région, en grande majorité inuite : 98 % des 14 000 habitants de la région y habitent. L'isolement entraîne des coûts de construction prohibitifs qui empêchent virtuellement toute maison privée de voir le jour. Être expulsé d'un logement social condamne donc à vivoter ou à s'exiler vers le sud.
Depuis le printemps dernier, l'OHN a obtenu 99 jugements d'expulsion, presque toujours rendus en l'absence des locataires. Il s'agit de la vague la plus importante depuis 2018.
« Notre mission, ce n'est vraiment pas d'évincer des gens », affirme Lupin Daignault, directeur général de l'organisation, en entrevue avec La Presse.
Les jugements obtenus du Tribunal administratif du logement ordonnent aux locataires de quitter leur domicile. Mais le patron de l'OHN assure que seul un petit nombre de locataires sont réellement évincés par un huissier : de 5 à 10 par an dans les dernières années.
On essaie de travailler avec [les locataires] pour essayer de faire en sorte qu'ils démontrent une volonté – ou des efforts minimums – pour améliorer leur situation.
Lupin Daignault, directeur général de l'OHN
« Aussitôt qu'on reçoit un retour de la part des gens, qu'ils démontrent une volonté minimum, ils sont retirés de la liste des évictions » effectuées par un huissier.
Les locataires visés par les jugements d'éviction doivent souvent des milliers de dollars et ont parfois omis de payer leur loyer pendant plusieurs années. « On traite vraiment les cas extrêmes », plaide M. Daignault. « Avoir des gens qui ne veulent pas collaborer, qui ne paient pas, qui n'entretiennent pas leurs logements et qui détruisent même leurs logements alors qu'il y a 800 personnes [inscrites sur la liste d'attente pour un logement] […] on essaie de faire des choix. »
« Une politique sociale irresponsable »
Pour Martin Gallié, professeur de droit du logement à l'Université du Québec à Montréal, ces évictions sont inacceptables.
« C'est une politique sociale absolument catastrophique », déplore-t-il en entrevue téléphonique. « Au nom de la responsabilisation des Autochtones qui soi-disant devraient payer, on essaie d'occulter complètement la responsabilité du gouvernement du Québec qui loge les gens dans des logements complètement surpeuplés, insalubres et dans des conditions complètement dramatiques. »
M. Gallié souligne que les Inuits sont très largement surreprésentés parmi la population autochtone de Montréal.
« Le gouvernement a la responsabilité de s'assurer que les gens aient une solution de relogement avant d'expulser », poursuit-il. « C'est vraiment une politique sociale irresponsable. »
Le professeur de droit dénonce aussi le travail du Tribunal administratif du logement (TAL, ex-Régie du logement), qui rend des décisions d'expulsion à la chaîne, presque toujours en l'absence des locataires inuits.
Les jugements publiés indiquent aussi que les locataires du Nunavik ne semblent jamais déposer de recours contre leur locateur, l'OHN.
« Le Tribunal administratif du logement entend les demandes qui lui sont présentées en tenant compte de la disponibilité des parties », s'est limité à commenter Denis Miron, responsable des communications du TAL.
En 2018, La Presse a rapporté qu'une femme inuite souffrant de surdité s'était donné la mort à Kuujjuaq, quelques semaines après avoir été expulsée de son logement. Sa lettre d'adieu « mentionnait que son geste était volontaire, qu'elle ne se sentait aimée de personne et qu'elle n'avait nulle part où aller », a rapporté le coroner Éric Lépine l'année suivante. Mme Papak avait 55 ans. Elle devait 55 000 $ en loyer impayé.
Deux chambres pour 12 personnes
La pénurie de logements au Nunavik est un problème bien connu depuis longtemps. Un rapport datant de l'hiver dernier indique qu'il manque environ 1040 logements pour loger convenablement l'ensemble de la population actuelle du Nunavik. « Depuis 2021, le déficit a connu une hausse de 16 % », précise la firme Raymond Chabot Grant Thornton dans un document produit à la demande de l'OHN. « À noter que les 500 personnes âgées de 16 à 17 ans ne sont pas prises en compte dans les besoins d'unités mentionnés précédemment. »
Le rapport mentionne que des logements de deux chambres abritent parfois 8, 9, 10, voire 12 personnes dans la région.
L'OHN gère au total quelque 4000 logements pour une population de 14 000 habitants au Nunavik.
Cette surpopulation est citée comme un facteur important pour expliquer le fait que le Nunavik est l'une des seules régions en Occident où la tuberculose – éradiquée ailleurs – est encore très présente.
Le mois dernier, les maires du Nunavik ont d'ailleurs appelé Québec à déclarer l'état d'urgence devant une augmentation importante du nombre de malades : 40 depuis le début de l'année 2025.
« Les Inuits du Nunavik ne sont pas traités comme des citoyens égaux dans le système de santé québécois », ont fait valoir les maires.
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