
Féminicide à Saint-Malo : la victime avait déposé deux plaintes contre son ex-compagnon avant d'être tuée
Cette nuit-là, à Saint-Jouan-des-Guérets (Ille-et-Vilaine), Tatiana Mevel, âgée de 36 ans, est égorgée par son ex-compagnon (38 ans), dans la rue devant chez elle, en présence de ses deux filles de 15 et 17 ans. Le suspect avait ensuite pris la fuite.
Selon Le Télégramme, qui rapporte les informations révélées par le parquet, le soir du meurtre, la victime, qui passait la soirée chez elle avec ses deux filles, a aperçu son ex-conjoint en bas de son immeuble. Elle serait ensuite descendue de son appartement pour aller à sa rencontre de son ancien compagnon.
C'est dans ce contexte qu'une altercation a alors éclaté entre l'homme de 38 ans et Tatiana Mevel, accompagnée de l'une de ses filles. Quelques instants plus tard, il a asséné deux coups de couteau qui s'avéreront mortels au cou de la mère de famille.
[3/4] Cécile Vallin, les secrets d'une disparition
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Deux plaintes déposées
Le hic, comme souvent dans ces drames, c'est que l'ancienne employée municipale de Saint-Jouan-des-Guérets avait déjà déposé deux plaintes à l'égard de son ancien partenaire, révèle le parquet.
Une première, avait été déposée le 18 juillet dernier, au commissariat de Saint-Malo, dans laquelle la trentenaire indiquait s'être séparée de son conjoint en début de mois. Elle se disait harcelée de nombreux messages par téléphone et en se présentant régulièrement à son domicile. Les faits étaient alors qualifiés de « harcèlement » par les enquêteurs, même si Tatiana Mevel affirmait ne pas avoir été victime de violence physique, verbale ou sexuelle, ni de menace de mort de la part de son ex.
Le 2 août, une seconde plainte avait été enregistrée par la gendarmerie de Châteauneuf-d'Ille-et-Vilaine car elle suspectait son ancien compagnon d'avoir dégradé son véhicule. Le jour du drame, les deux enquêtes étaient encore en cours.
L'ex abattu par un gendarme
Après avoir commis son geste irréparable, le suspect en fuite avait été pris en chasse par les forces de l'ordre, en direction de son logement à Taden, dans les Côtes-d'Armor.
Rattrapé par les forces de l'ordre, le fuyard avait adopté une attitude menaçante à leur encontre, armé d'une machette, d'après les résultats des investigations. Après un tir à impulsion électrique sans résultat, confirmé par l'autopsie, l'un des gendarmes l'a abattu de deux coups de feu.
L'agent en question avait alors été placé en garde à vue. Aux termes de l'enquête de l'Inspection générale de la gendarmerie (IGPN), le parquet a décidé de le remettre en liberté. Les investigations se poursuivent, indique également le parquet ce mardi.
Tatiana Mevel laisse derrière elle trois enfants, deux adolescentes de 15 et 17 ans, ainsi qu'un fils de 8 ans. La garde des deux filles présentes pendant les faits a été confiée à l'aide sociale à l'enfance locale.
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Le Parisien
4 minutes ago
- Le Parisien
Le conducteur ivre qui a tué un enfant de 6 ans roulait trop vite et à contresens dans un rond-point
Les circonstances de l'accident tragique qui a coûté la vie à un enfant de six ans à Méru (Oise) se précisent. Dans un communiqué, Frédéric Trinh, le procureur de la république de Beauvais, a dressé le déroulé précis des instants ayant précédé les faits. Ce mercredi 13 août, en fin d'après-midi, la voiture du chauffard responsable de la mort de l'enfant roulait « à trop vive allure » lorsqu'il a emprunté le rond-point de la Manufacture, à proximité de la gare de la commune du sud de l'Oise. Cinq personnes à bord du véhicule À cet instant, 5 personnes se trouvent à bord du véhicule. Toujours selon Frédéric Trinh, le chauffard s'y engage alors « en sens inverse » avant de monter sur un trottoir. Le choc avec le jeune enfant de six ans qui passait par là est inévitable. Prise en charge immédiatement par les secours et héliportée vers le centre hospitalier d'Amiens (Somme) en urgence absolue avec un pronostic vital engagé, la jeune victime a finalement succombé à ses blessures 24 heures plus tard, ce jeudi 14 août. Placé immédiatement en garde à vue, le mis en cause, qui est soumis à un test d'alcoolémie, présente un taux mesuré « à 0,64 mg par litre d'air expiré », soit plus de deux fois le taux limite autorisé (0,25 mg). « L'exploitation des caméras de vidéoprotection et les déclarations des nombreux témoins ont rapidement permis de clarifier le déroulement des faits, confirmé par le conducteur lui-même lors de ses auditions », précise le procureur de la république. Le placement en détention provisoire requis par le parquet Présenté à un juge d'instruction ce vendredi, le mis en cause devrait rapidement être mis en examen. Plus tôt, le parquet de Beauvais avait ouvert une information judiciaire pour les chefs « d'homicide routier aggravé par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité et par l'état d'ivresse », « mise en danger d'autrui » et « défaut de maîtrise ». « Le placement en détention provisoire du mis en cause sera requis par le parquet », ajoute Frédéric Trinh. Il s'agit des deuxièmes poursuites pour « homicide routier » engagées à l'encontre d'un conducteur dans le département de l'Oise. À la fin du mois de juillet, un automobiliste de 27 ans à l'origine d'un carambolage mortel coûtant la vie à un homme de 66 ans à Creil sur la RD201 en direction de Senlis, a ainsi été placé sous contrôle judiciaire dans l'attente de son procès fixé au 13 octobre. Le délit « d'homicide routier », dont la création était fermement soutenue par les familles de victimes d'accidents de la route, avait été adopté mardi 1er juillet dernier par le Parlement. Les peines maximums encourues pour avoir commis l'infraction d'homicide routier aggravé par deux circonstances sont, notamment, de dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.


Le Figaro
34 minutes ago
- Le Figaro
Indignation après l'abattage d'un arbre planté en hommage à Ilan Halimi
Une enquête a été ouverte à Épinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, pour retrouver l'auteur de cet acte à caractère antisémite. De l'olivier planté dans le jardin communal d'Alcobendas, à Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), il ne reste plus qu'un tronc de quelques dizaines de centimètres de haut. Le reste de l'arbre, mis en terre en hommage à Ilan Halimi il y a presque quinze ans, gît à proximité de la plaque commémorative. « Aucune autre dégradation n'a été constatée » sur ce lieu, situé au-dessus des berges de la Seine, tout près de l'hôtel de ville, indique une source policière. La scène a été découverte jeudi matin, à 9 heures, par des agents de l'établissement public territorial Plaine Commune, dont Épinay-sur-Seine fait partie. Immédiatement, Hervé Chevreau, le maire sans étiquette de cette ville d'un peu plus de 50.000 habitants, a porté plainte pour dégradation de bien public. Pour l'édile, il ne fait aucun doute que cet acte de vandalisme revêt un caractère antisémite. À lire aussi Olivier d'Ilan Halimi coupé : «Ils peuvent abattre un arbre, nous replanterons», condamne Aurore Bergé Publicité L'olivier, symbole de paix et d'espoir, avait été planté en 2011 pour rendre hommage à Ilan Halimi, jeune Français juif de 23 ans, ciblé parce qu'il était « juif, donc riche », selon les préjugés antisémites de Youssouf Fofana et de son « gang des barbares ». Il avait été séquestré et torturé pendant 24 jours en janvier 2006 dans une cité de Bagneux (Hauts-de-Seine) par une vingtaine de tortionnaires qui comptait obtenir une rançon. Découvert un peu moins d'un mois plus tard nu, bâillonné et menotté au bord d'une voie ferrée de Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l'Essonne, où l'avaient abandonné ses bourreaux après l'avoir poignardé et brûlé à l'essence, le jeune homme était mort pendant son transfert à l'hôpital. Présenté comme le « cerveau » de ce meurtre antisémite, Youssouf Fofana a été condamné en juillet 2009 à la réclusion criminelle à perpétuité assortie de 22 ans de sûreté. «C'est le tuer une deuxième fois» À l'époque, le calvaire d'Ilan Halimi avait suscité une vive émotion dans toute la France. Près de vingt ans plus tard, l'abattage de cet arbre, planté pour lui rendre hommage, résonne comme une volonté de « le tuer une deuxième fois », a réagi le chef de l'État, Emmanuel Macron, sur X. Le parquet de Bobigny a ouvert une enquête pour « destruction de bien destiné à l'utilité ou la décoration publique », confiée à la sûreté territoriale du 93, pour faire la lumière sur cette profanation qui a eu lieu vers 2 heures du matin. À cette heure-là, la présence de témoins oculaires est peu probable. Des voisins ou des passants auraient-ils pu entendre le bruit d'une tronçonneuse ? Aucun outil n'a été retrouvé près de l'arbre abattu, indique le parquet. « Le parc est dépourvu de caméra de surveillance, mais le parking situé à proximité immédiate en compte trois », précise une source policière. Selon nos informations, les images enregistrées ont déjà pu être consultées par un officier de police judiciaire. « Au milieu de la nuit, on aperçoit une silhouette avec un sac escalader les grilles, mais le lieu est très végétalisé, très boisé, l'identification formelle pourrait être compliquée », a commenté le maire, contacté par nos confrères du Parisien, qui ont révélé l'affaire. En attendant les suites de l'enquête pour identifier l'auteur et connaître les raisons qui l'ont poussé à commettre cet acte de vandalisme, le président de Plaine Commune, Mathieu Hanotin, s'est « d'ores et déjà engagé à ce qu'un nouvel arbre commémoratif soit replanté dans les meilleurs délais ». La ville de Sainte-Geneviève-des-Bois, où Ilan Halimi avait été retrouvé agonisant, en avait fait de même après que deux arbres plantés en sa mémoire, dont l'un portait sa photo, avaient été vandalisés et sciés le 11 février 2019. L'arbre pour Ilan Halimi, vivant rempart contre l'oubli, a été fauché par la haine antisémite François Bayrou, premier ministre Les réactions politiques n'ont pas tardé à affluer pour dénoncer l'abattage de l'arbre d'Épinay-sur-Seine, alors que la haine antisémite a explosé en France depuis l'attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023. « La nation n'oubliera pas cet enfant de France mort parce que juif. Tous les moyens sont déployés pour punir cet acte de haine. Face à l'antisémitisme : la République, toujours intransigeante », a affirmé Emmanuel Macron sur X. « L'arbre pour Ilan Halimi, vivant rempart contre l'oubli, a été fauché par la haine antisémite, a accusé le premier ministre, François Bayrou. Nul crime ne peut déraciner la mémoire. La lutte jamais achevée contre le mortel poison de la haine est notre devoir premier. » Une condamnation unanime La ministre de l'Éducation nationale, Élisabeth Borne, a regretté l'abattage d'un « symbole d'espoir face à la barbarie ». « Le détruire est un acte infâme de haine et d'antisémitisme d'une lâcheté absolue. Nous sommes face à un affront à notre mémoire collective et aux valeurs de la République. Les auteurs devront répondre de leurs actes. » Le président de l'UDR, Éric Ciotti, a de son côté fustigé « un abominable symbole de l'explosion de l'antisémitisme dans notre pays autant qu'une infâme attaque contre la mémoire du martyr d'Ilan Halimi ». Publicité À gauche, l'eurodéputé Raphaël Glucksmann, coprésident de Place publique, a rendu hommage à « Ilan Halimi, victime perpétuelle des barbares », « pourchassé désormais par-delà la mort ». « Paix à son âme et lutte sans relâche contre les ordures antisémites, ceux qui les excusent et leur pavent la voie », a-t-il asséné. Quant à Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, il a déclaré : « Honte au profanateur antisémite qui a dû penser que cet acte était d'un courage infini… » C'est émouvant que l'État, la mairie, les citoyens se mobilisent pour dire que ce n'est pas juste un arbre qui a été coupé, c'est une espérance qu'on a cherché à saboter Haïm Korsia, grand rabbin de France Présent à Épinay-sur-Seine après la découverte de l'olivier tronçonné, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, a dit trouver « émouvant que l'État, la mairie, les citoyens se mobilisent pour dire que ce n'est pas juste un arbre qui a été coupé, c'est une espérance qu'on a cherché à saboter ». Il a ensuite prié avec d'autres membres de la communauté juive devant la stèle en hommage à Ilan Halimi. Quelque 504 actes antisémites ont été relevés en France entre janvier et mai 2025, soit une augmentation de 134 % par rapport à la même période deux ans plus tôt, selon des chiffres diffusés début juillet par le ministère de l'Intérieur. Malgré une baisse de 24 % par rapport à 2024, le niveau reste « très élevé ».

L'Équipe
2 hours ago
- L'Équipe
« C'est valorisant de courir sur un site visité par des passionnés du monde entier » : visite du seul stade dessiné par Le Corbusier
Autant l'annoncer d'emblée, Charles-Édouard Jeanneret dit Le Corbusier (1887-1965) père du modernisme architectural, concepteur révolutionnaire de la Villa Savoye à Poissy dans les Yvelines et de la Cité radieuse de Marseille, n'était pas le genre de gars avec qui on avait envie de boire une bière. Il se montrait raide avec ses clients et ses collaborateurs, misogyne, malaisant au plan politique. Son opportunisme le fit tanguer (très) à droite dès les années 1930, draguant le régime de Vichy sous l'Occupation, ou bien (très) à gauche si le sort d'une de ses unités d'habitation qui ont fait sa renommée planétaire, tel le Centrosoyus de Moscou, érigé au moment où Staline entame son bail de dictateur sanguinaire (1928), en dépendait. La saga du Stade de France La seule chose qu'on ne pourra jamais reprocher à celui dont l'Unesco a classé l'intégralité de l'oeuvre à son patrimoine mondial le 17 juillet 2016 en tant que « contribution exceptionnelle au mouvement moderne » est d'avoir anticipé il y a un siècle la façon dont les citadins veulent vivre aujourd'hui, entre la nature et les éléments. Baignée de lumière, la Cité radieuse de Marseille se fond dans le bleu de la Méditerranée. À la Villa Savoye, il a mis en scène une maison qui abolit spectaculairement les frontières entre extérieur et intérieur. L'ancien disciple d'Auguste Perret, le reconstructeur du Havre d'après-guerre, avait une conception hygiéniste de l'habitat. Sans être un ardent pratiquant lui-même, il considérait le sport comme un facteur de régénérescence physique et morale, en phase avec la pensée dominante des années 1930. En 1936, « Corbu » eut une idée radicale : raser le centre de Paris pour y ériger des tours d'habitation géantes, histoire que l'air circule. En parallèle, il fit parvenir des plans au sous-secrétariat d'État à la Santé publique chargé de l'Organisation des Loisirs et des Sports du Front populaire. Ceux d'un complexe olympique d'une capacité de 100 000 spectateurs. Le seul stade signé le Corbusier en France Paradoxalement, le seul stade en France qu'il a dessiné de sa main ne dispose que de 4 500 places. On le trouve à Firminy, dans le département de la Loire. Ses habitants, qu'on appelle les Appelous, s'y sont massés le 22 juin 2024 pour voir passer la flamme olympique. Lors de cette fête populaire, combien au sein de cette cité ouvrière à forte densité de population immigrée, marquée par de violentes émeutes en 2009, où la commune voisine de La Ricamarie est restée détentrice du record de France du nombre de débits de boissons par nombre d'habitants année après année, combien donc ont conscience, en posant leurs fesses sur les bancs en béton, de faire corps avec un pan de l'histoire de l'architecture ? Tous. Firminy est piquouzée au Corbusier. Matrixée au Modulor, la silhouette humaine standardisée d'1,83 m servant à calibrer la structure d'une unité d'habitation. Le Corbusier ou le produit d'appel idéal pour le rayonnement de la cité qui compta jusqu'à 25 000 habitants quand Creusot-Loire employait tout un bassin de population. La big, big star locale. Tout Appelou qui se respecte a appris à nager à la piscine André-Wogenscky, le bras droit du grand homme. Tous les collèges de la ville sont montés en cortèges visiter l'unité d'habitation. La Maison de la culture leur appartient corps et biens. Réchauffée par ses couleurs primaires, on y vient pour danser, peindre, assister à des expositions ou des concerts. Posée sur un socle de grès houiller massif, on y a une vue d'ensemble sur le stade (en béton) derrière laquelle se profile l'église Saint-Pierre (en béton) qui fait comme la cheminée d'un transatlantique géant. « Le stade est très joli, très bien agencé malgré son âge » Elise Fournel, lycéenne et licenciée au club d'athlétisme de Firminy Le béton de « Corbu ». Mythique. Comme à Poissy où, un an après sa construction, les propriétaires engagent un procès contre l'architecte car il pleut dans leur chambre, une partie de la façade de la Maison de la culture a menacé de s'effondrer en 1962. L'étanchéité : intemporel caillou dans la chaussure du Corbusier (et des locataires). Mieux valait prendre son temps pour qu'un ciment, enfin de bonne qualité, prenne. Entamée en 1973, la construction de l'église Saint-Pierre a été achevée en 2006. Celle du stade d'athlé a duré un peu moins : quatre ans, entre 1966 et 1969. Si à Poissy le flux des visiteurs tient de la déambulation dévote, Ali Hadj, 36 ans, gérant du Café du Mail, situé à deux cents mètres du stade, garde des souvenirs guillerets de la Semaine de l'enfance qui se déroulait là avant les grandes vacances. « Les centres aérés de Firminy se rejoignaient pour des festivités autour du sport. Je n'en avais pas conscience puisque j'avais dans les 10-12 ans, mais toutes les classes sociales se mélangeaient : ceux qui avaient la vie aisée, ceux qui avaient la vie moins aisée. » Claude Bardy, 86 ans, ancien entraîneur à l'ACO (l'Athlétic Club de l'Ondaine), le club d'athlétisme du coin, a vécu les travaux en privilégié : « Je travaillais moi-même dans le bâtiment. Les patrons nous envoyaient visiter. "Corbu", c'est spécial. Une façon de vivre autrement. Avant, il y avait une école au dernier étage de l'unité d'habitation. Avec ma 4L, j'allais chercher mes jeunes qui habitaient là-haut. On partait aux Championnats de France. » Élise Fournel, lycéenne à Albert-Camus, a été marquée par le confort des appartements : « Autrefois les gens n'avaient pas forcément des logis aussi bien réalisés avec une chambre pour chacun, une salle de bains, la vue depuis sa terrasse. » Licenciée à l'ACO, elle pratique le 400 et le 800 m. « Le stade est très joli, très bien agencé malgré son âge. Il reste agréable à utiliser. C'est valorisant pour nous de courir sur un site comme celui-ci, visité par des passionnés du monde entier. » Des matches amicaux de Saint-Etienne L'inauguration, en 1971, aurait plu à l'iconoclaste archi. Sur cette terre de football, à quinze kilomètres de Geoffroy-Guichard, les Appelous se voient proposer un match de rugby entre Béziers et Narbonne. Il en est passé des clients au Corbusier. Les Verts de Saint-Étienne pour une série de matches amicaux comme cette rencontre face au Dinamo Bucarest en 2000. À la fin des années 1980, un tournoi international juniors de football prend place sur le site classé Monument historique (et toujours le seul dans sa catégorie). Sur le terrain, ça gueule en anglais, portugais, danois, algérien, italien. Hafida Gadi-Richard s'est entraînée dans les couloirs de la piste d'athlé pour décrocher son titre de championne de France de semi-marathon en 2002. Le soir du 26 juin, le deuxième des trois meetings du Challenge Loire renvoyait aux belles heures du sport en vallée de l'Ondaine. Quatre-vingt-cinq records personnels y sont tombés. Dans la semi-obscurité, Julien Rabaca, de l'ACS Monistrol, remportait la finale du 3 000 m en 8'23''. Trois jours plus tard, transportés par hélicoptère, les poteaux d'éclairage validés par les architectes des bâtiments de France permettraient d'y voir plus clair. Des puristes, ces gens-là. Pointilleux comme pas permis. « Ici, on a toujours une forme de bataille entre les architectes des bâtiments de France, soucieux de faire respecter la règle corbuséenne, et les pratiquants qui veulent faire leur sport », sourit Didier Chastel, responsable du stade, également manager de la section athlétisme. « Un stade signé Le Corbusier, ça ne se gère pas comme n'importe quel autre. » Olympiades, utopie architecturale née dans l'euphorie des JO de Grenoble Maire de Firminy, Julien Luya a appris à composer avec les bâtiments de France : « Ils ont leur conception de la préservation du patrimoine. » Il prend l'exemple de l'éclairage. « Les dessins d'origine comportaient des mâts d'éclairage aux quatre coins du stade. On dit que Le Corbusier était rigide. Au contraire, il avait intégré que les progrès de la technique puissent modifier certains de ses bâtiments et il ne s'en offusquait pas. C'est en cela que nous avons plaidé auprès des bâtiments de France pour installer des mâts éclairant puissamment mais qui coûtent moins cher que si nous avions dû les reproduire à l'identique. » Des détails peuvent agacer Didier Chastel : « Rien n'avait été prévu pour le stockage du matériel à l'exception d'une petite cabane. Où est-ce qu'on range les haies ? Et les tondeuses à gazon ? » Reprenant les points essentiels de l'architecture corbuséenne, la piscine, de l'autre côté des tribunes, s'en sort-elle mieux ? Le fait qu'elle soit actuellement en pleins travaux ne plaide pas en sa faveur d'autant qu'elle l'a été régulièrement depuis sa mise en fonction en 1971. Dans les entrailles du bâtiment, la corrosion est une source d'inquiétude permanente avec 15 000 m3 d'eau qui exercent une pression d'enfer sur le béton pas très armé du Corbusier. Des morceaux entiers se décrochent des parois si on les gratte avec les doigts et il a plu aussi directement dans le grand bassin. La piscine, lieu de rencontre des nageurs et des visiteurs D'habitude résonnent ici les cris des gamins dévalant les toboggans à eau, ajoutés sans dénaturer l'espace. En ce moment, des échafaudages occupent le bassin de 25 m vide et montent à la hauteur du plongeoir de 5 mètres. Même comme cela, les immenses surfaces vitrées, les escaliers type coursive, le bleu et le jaune de « Corbu » mêlés à l'orange cher à Wogenscky, signataire définitif de l'oeuvre en 1970, nous replongent dans l'atmosphère de Playtime, le long-métrage de Jacques Tati (1967). Gilles Villeneuve (un homonyme du pilote canadien de Formule 1) dirige la piscine. Son « Corbu », il le gère au jour le jour. « Cette piscine est une pièce rare de nos jours, mais la question qui se pose aussi est de savoir si elle est bien adaptée. » La force mais aussi la principale faiblesse de la piscine résident dans ce béton à haute teneur historique, on l'a vu, mais qui n'autorise des transformations qu'à la marge. « Chaque fois qu'on veut apporter des améliorations, il faut passer par le patrimoine (la direction générale des patrimoines et de l'architecture). Nous avons des dépenses d'énergie énormes. 325 000 euros en 2023, rien que pour l'électricité. On pourrait disposer des panneaux photovoltaïques sur le toit mais le caractère patrimonial du site nous l'interdit. » Il pointe les leds au plafond : « Avec les normes architecturales fixées, ils nous ont coûté trois fois plus cher que pour une installation classique. » Le directeur se félicite en revanche du faible prix d'entrée pour un bâtiment situé en plein centre-ville et géré à 100 % par la municipalité, une rareté au moment où les centres aqualudiques privés poussent comme des champignons en périphérie des cités : 2 euros hors abonnement pour ses concitoyens, 5 euros pour les autres. « On n'a peut-être pas un bassin à débordement, on s'accroche à des goulottes, mais c'est le prix à payer pour nager dans du Corbusier. Et c'est un lieu vivant. L'an dernier, on a accueilli 43 classes de primaire. Le club des Dauphins, lui, repart fort avec 280 licenciés » Gilles Villeneuve, directeur de la piscine de Firminy « On n'a peut-être pas un bassin à débordement, on s'accroche à des goulottes, mais c'est le prix à payer pour nager dans du Corbusier. Et c'est un lieu vivant. L'an dernier, on a accueilli 43 classes de primaire. Le club des Dauphins, lui, repart fort avec 280 licenciés. La piscine fait partie d'un circuit touristique. Après être passés à l'église Saint-Pierre, les gens font un stop chez nous. On a deux sortes de public : les nageurs et les visiteurs. » On lève le nez. Des dizaines de corbeaux survolent la pelouse du stade. Symbolique fugace. Pourquoi Charles-Édouard Jeanneret-Gris s'était-il rebaptisé « Le Corbusier » ? Du côté de sa mère, il comptait un trisaïeul belge dénommé Lecorbésier et il éprouvait aussi un faible pour les corbaques (il signait « couah ! couah ! » ses courriers personnels). Le gars qui peignait à poil dans son 240 m2 situé au 24 de la rue Nungesser-et-Coli dans le XVIe arrondissement parisien, d'où il disposait d'une vue plongeante sur le Parc des Princes, avait propension à se laisser gagner par son intransigeance. Ainsi, le 12 janvier 1936, il assiste, du haut de son appartement-atelier, à la branlée infligée à l'équipe de France lors par les Pays-Bas (1-6) d'une rencontre amicale. Plus que les trois buts de Beb Bakhuys, c'est le tableau d'affichage du stade qui coince. « Les chiffres étaient si sales qu'avec ma lorgnette j'arrivais à peine à les lire. Triste tenue de maison », écrit-il dans Quand les cathédrales étaient blanches (1937). Il en rajoute une couche sur l'horloge du Parc des Princes : « Elle est recouverte par la publicité d'un chocolat ; deux autres cinquièmes du tableau proclament les vertus d'un cirage à chaussures. On a vendu sa dignité pour gagner quatre sous, cela au nom des étrangers qui viennent participer ici aux joutes internationales décisives, où la France hisse son drapeau à côté de celui des nations rivales. Sale nature d'esprit. Relâchement. Bassesse. » Fichu bonhomme !