
« Nous n'étions pas prêts, mais ils nous ont forcés »
La Presse en République démocratique du Congo Le dur retour dans des villages meurtris
« Nous n'étions pas prêts, mais ils nous ont forcés »
Claudine Ayubusa (au centre) a trouvé sa maison constellée de trous à son retour à Sake après un séjour dans un camp de déplacés.
« Nous n'étions pas prêts, mais ils nous ont forcés »
(Sake, République démocratique du Congo) « Voyez, la maison a été endommagée par les bombes », laisse tomber Claudine Ayubusa, en pointant les murs et le toit constellés de trous, dans la modeste demeure qu'elle habite avec ses sept enfants.
Envoyé spécial
Vincent Larouche
Équipe d'enquête, La Presse
Envoyé spécial
Martin Tremblay
La Presse
« J'aurais besoin de tôle, de planches… de nourriture aussi », énumère la veuve de 35 ans, l'air résigné.
Mme Ayubusa et ses enfants vivaient dans un camp de déplacés jusqu'à février dernier. Ils avaient fui leur maison de Sake, une petite localité de la province du Nord-Kivu, en RDC, en raison de la violence des combats qui ont fait rage dans la région ces dernières années. Carrefour stratégique, Sake était âprement disputée dans la guerre que se livraient le gouvernement et l'armée rebelle du M23, appuyée par le Rwanda voisin.
Les chefs rebelles disent avoir pris les armes en réaction aux persécutions de la communauté tutsie, dont plusieurs d'entre eux sont issus, ainsi que pour mettre fin à la mauvaise gestion du pays par le gouvernement établi à Kinshasa, la capitale. Leur offensive leur a aussi permis de contrôler d'importantes ressources minières qui sont exportées vers le Rwanda.
L'hiver dernier, le M23 a étendu son emprise sur l'est de la RDC de façon fulgurante. Il a fait reculer les forces gouvernementales, qui étaient appuyées par des Casques bleus des Nations unies ainsi que par une force multinationale de pays africains. Les rebelles, suspicieux à l'endroit de l'ONU et des groupes humanitaires qui s'occupaient des déplacés, ont ensuite décrété que les gens originaires des zones « libérées » devaient retourner chez eux. Ils leur ont donné 72 heures pour faire leurs bagages et quitter les camps.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Un combattant du M23 monte la garde près de Sake, une localité du Nord-Kivu.
L'opération a été présentée comme un retour volontaire, mais sur le terrain, les gens disent ne pas avoir eu le choix. « Nous sommes de retour à cause du M23. Ils nous ont dit de retourner. Nous n'étions pas prêts, mais ils nous ont forcés », déplore Claudine Ayubusa.
« On ne peut pas dormir dans une maison pareille »
Justin Samyura Musanganja, lui, a laissé ses sept enfants en famille dans la grande ville, à Goma, lorsque l'ordre d'évacuation des camps est tombé. Il loue actuellement une chambre avec sa conjointe chez un voisin, pendant qu'ils tentent de réparer la maison familiale, percée de trous comme un gruyère.
« On ne peut pas dormir dans une maison pareille », se désole-t-il.
D'autant que la résidence a été pillée.
On a perdu tout le matériel, les habits, même les cahiers d'école des enfants.
Justin Samyura Musanganja
Une peu plus loin, Chance Bahati Pupenda se dresse devant une cabane rudimentaire, son bébé accroché à son dos. Veuve elle aussi, elle subvient aux besoins de ses dix enfants en ramassant du bois de chauffage qu'elle vend au bord de la rue. Comme tant d'autres, elle a été forcée de quitter le camp de déplacés pour revenir à la maison avec sa famille. Le hic : en raison de la guerre, il n'y avait plus vraiment de maison. Elle a trouvé le bâtiment presque entièrement détruit.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Les déplacés ont reçu peu d'aide lorsqu'ils ont été forcés de rentrer à la maison.
« Le M23 a dit qu'ils ne veulent pas de camps de déplacés ! Ils ont dit : il y a la paix, alors tous doivent rentrer. Nous n'étions pas prêts, car il n'y avait pas de maison où rentrer », raconte-t-elle. Elle a utilisé des morceaux de bois et des bâches ramenées du camp de déplacés pour rafistoler un abri.
La mère de famille n'idéalise pas pour autant la vie dans les camps : la situation y était aussi difficile, souligne-t-elle. « Tout le monde est tombé malade, même les enfants », dit-elle.
Un cheval de bataille
Pour les rebelles, qui ont fait du retour des déplacés à la maison un de leurs chevaux de bataille, il n'était pas question de garder indéfiniment des centaines de milliers de personnes entassées dans des camps. Il fallait pousser pour un début de retour à la normale, un redémarrage des activités.
« La situation est stabilisée, alors ils retournent dans leurs villages », expose Oscar Balinda, l'un des porte-parole du M23.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Lorsqu'on les a forcés à quitter les camps de déplacés, les résidants de Sake sont partis avec les bâches pour réparer ou reconstruire leurs habitations endommagées par les combats.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Plusieurs résidants ont retrouvé leur maison détruite et logent maintenant dans des abris de fortune.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Les familles ont eu à peine 72 heures pour plier bagage et évacuer les camps où elles vivaient.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE L'ONU déplore que les populations qui ont été dispersées lors de l'évacuation des camps soient aujourd'hui plus difficiles à joindre.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Danse traditionnelle à Sake, un carrefour stratégique qui a été le théâtre de violents combats ces dernières années
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L'ONG Human Rights Watch ne l'entend pas ainsi. Elle a vigoureusement dénoncé les rebelles pour cette évacuation « illégale ».
« L'ordre du M23 d'expulser de force des dizaines de milliers de personnes déplacées de camps pour les envoyer vers des zones sans aucun soutien est à la fois cruel et susceptible de constituer un crime de guerre », a déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse senior de l'organisme, dans un communiqué.
Le coordinateur humanitaire des Nations unies en RDC, Bruno Lemarquis, a quant à lui déploré la disparition de ces endroits où l'aide pouvait facilement être acheminée de façon centralisée aux déplacés.
« Beaucoup d'aide humanitaire, au cours des deux dernières années, était livrée directement sur site, autour de Goma, alors que maintenant, pour tous les gens éparpillés dans des centres collectifs ou qui sont retournés dans leur village d'origine, il faut transformer la manière dont on travaille », a-t-il expliqué dans un entretien publié sur le site de l'ONU.
Il y a des principes qui sont connus : les retours doivent être volontaires, doivent être dignes, doivent être faits dans la sécurité. Ce n'est pas exactement comme ça que ça se passe.
Bruno Lemarquis, coordinateur humanitaire des Nations unies en RDC
Oscar Balinda prend ces critiques avec un grain de sel. Selon lui, les organisations internationales qui offrent des services dans les camps ont parfois tendance à encourager ce modèle, car elles y trouvent aussi leur compte. « Les ONG, les humanitaires, leur gagne-pain, ce sont les déplacés », accuse-t-il.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Les Casques bleus de l'ONU, qui ont combattu sans succès du côté des forces gouvernementales, se font maintenant discrets dans les zones tenues par les rebelles. Ils ne portent plus d'armes en public.
Quant à la Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), dont les soldats se déplacent désormais sans armes dans les zones contrôlées par le M23, lorsqu'ils ne demeurent pas confinés dans leurs bases, son opinion ne semble pas peser lourd.
« La MONUSCO ? Ce sont des touristes », dit en rigolant Oscar Balinda.
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Israël a dénoncé une « campagne de pression internationale déformée » venant « récompenser le Hamas ». Jeudi, le Djihad islamique, un allié du Hamas, a publié une vidéo d'un otage israélien qu'il retient. L'AFP n'a pas pu déterminer l'authenticité de la vidéo, ni la date de son enregistrement. Mais elle a, comme plusieurs médias israéliens, identifié l'otage comme Rom Braslavski, un Israélo-Allemand. L'attaque du 7-Octobre a entraîné côté israélien la mort de 1219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles. L'offensive de représailles lancée par Israël à Gaza, où le Hamas a pris le pouvoir en 2007, a fait au moins 60 249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza, jugées fiables par l'ONU.