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L'émissaire américain s'est rendu à Gaza en pleine catastrophe humanitaire

L'émissaire américain s'est rendu à Gaza en pleine catastrophe humanitaire

La Presse19 hours ago
Des Palestiniens transportent des fournitures d'aide qu'ils ont reçues de la Fondation humanitaire de Gaza, dans le centre de la bande de Gaza, le 1 er août 2025.
(Gaza) L'envoyé spécial du président américain Donald Trump a visité vendredi matin un centre de distribution d'aide dans la bande de Gaza dévastée par la guerre, au moment où la pression s'accentue sur Israël face aux pertes humaines dans le territoire palestinien affamé.
l'équipe de l'AFP à Gaza avec Hervé BAR à Jérusalem
Agence France-Presse
Ce qu'il faut savoir L'envoyé spécial du président américain Donald Trump, Steve Witkoff, s'est rendu vendredi dans la bande de Gaza ;
L'ONG Human Rights Watch fustige dans un rapport le système de distribution d'aide mis en place par Israël et les États-Unis via la Fondation humanitaire à Gaza qu'elle qualifie de « piège mortel » pour les Gazaouis ;
La Défense civile à Gaza a indiqué que 11 personnes avaient été tuées vendredi par des frappes aériennes et des tirs israéliens, dont deux près d'un site de distribution d'aide.
En amont de cette visite de Steve Witkoff, l'ONG Human Rights Watch (HRW) a fustigé le système de distribution d'aide mis en place par Israël et les États-Unis via la Fondation humanitaire à Gaza (GHF), devenu selon elle un « piège mortel » pour les Gazaouis.
Après près de 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque sanglante du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, la bande de Gaza est menacée d'une « famine généralisée » selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire.
La Défense civile à Gaza a recensé de son côté 11 personnes tuées depuis le début de la journée par des frappes aériennes et des tirs israéliens, dont deux se trouvaient près d'un site de la GHF en attente d'aide.
Steve Witkoff et l'ambassadeur des États-Unis en Israël, Mike Huckabee, ont visité dans la matinée un centre de cette organisation.
PHOTO AMIR COHEN, REUTERS
Des colis d'aide humanitaire sont largués au-dessus de la bande de Gaza, le 1er août 2025.
« Ce matin, j'ai rejoint […] Steve Witkoff pour une visite à Gaza afin de connaître la vérité sur les sites d'aide [de la GHF] », a indiqué sur X M. Huckabee, publiant une photo le montant au côté de l'émissaire américain.
La GHF a lancé ses opérations fin mai, après près de trois mois de total blocus humanitaire imposé par Israël, écartant le système humanitaire mis en place de longue date par l'ONU.
Depuis, 1373 Palestiniens qui attendaient de l'aide ont été tués dans la bande de Gaza, dont 859 à proximité des sites de cette organisation au financement opaque, « la plupart » par l'armée israélienne, a chiffré vendredi l'ONU.
La Défense civile à Gaza a indiqué que 11 personnes avaient été tuées vendredi par des frappes aériennes et des tirs israéliens dans le territoire palestinien, dont deux qui attendaient près d'un site de distribution d'aide.
Selon le porte-parole de la Défense civile, Mahmud Bassal, cinq personnes ont été tuées dans une frappe aérienne près de la ville de Khan Younès, dans le sud de Gaza, et quatre autres dans une frappe distincte visant un véhicule à Deir el-Balah, dans le centre de Gaza.
Sollicitée par l'AFP, l'armée israélienne a indiqué qu'elle ne pouvait pas confirmer les frappes sans les coordonnées spécifiques de l'endroit.
Deux autres personnes ont été tuées et plus de 70 blessées par des tirs israéliens alors qu'elles attendaient de l'aide près d'un centre de distribution alimentaire géré par la Fondation Humanitaire de Gaza, a encore déclaré à l'AFP M. Bassal. L'armée israélienne n'a pas commenté immédiatement.
« Bains de sang »
Dans un rapport, la HRW a de son côté accusé le système humanitaire « militarisé » mis en place à Gaza d'avoir provoqué de « véritables bains de sang ». « Les meurtres de Palestiniens en quête de nourriture, par les forces israéliennes, sont des crimes de guerre », a-t-elle aussi dénoncé.
L'armée israélienne sollicitée par l'AFP n'a pas réagi dans l'immédiat aux annonces de la Défense civile, de l'ONU et de HRW, mais répète régulièrement faire tout son possible pour limiter les pertes civiles à Gaza.
Selon la Maison-Blanche, la visite de MM. Witkoff et Huckabee vise à mettre en place un « plan pour livrer davantage de nourriture ».
Les deux hommes devaient aussi rencontrer des habitants « pour entendre de leur bouche évoquer cette terrible situation », et faire « un bilan auprès du président […] afin d'approuver un plan final pour la distribution d'aide ».
« La faim a poussé les gens à se tourner les uns contre les autres. Les gens se battent entre eux avec des couteaux », pour tenter d'obtenir quelques colis d'aide, affirmait jeudi à l'AFP Amir Zaqot, à Al-Zawayda (Centre), après un largage aérien d'aide.
PHOTO DAWOUD ABU ALKAS, REUTERS
Les tentes abritant des Palestiniens déplacés dans la ville de Gaza, le 1er août 2025.
M. Witkoff s'était déjà rendu à Gaza en janvier dernier alors qu'un cessez-le-feu était en vigueur entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, avant une reprise de l'offensive israélienne le 18 mars.
Jeudi, il s'est entretenu avec le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, sous pression à la fois en Israël pour tenir ses engagements à détruire le Hamas et libérer les Israéliens kidnappés le 7-Octobre, et à l'étranger pour faire taire les armes à Gaza.
« Position minoritaire »
Également en visite à Jérusalem, le chef de la diplomatie allemande, Johann Wadephul, a déploré une « catastrophe humanitaire à Gaza [qui] dépasse l'imagination ».
Le ministre, dont le pays est un allié indéfectible d'Israël, avait auparavant estimé que ce pays était « de plus en plus en position minoritaire », alors qu'un « nombre croissant de pays, y compris européens, sont prêts à reconnaître un État palestinien ».
Le Portugal a indiqué jeudi envisager de reconnaître l'État de Palestine, suivant l'exemple du Canada, de la France et du Royaume-Uni.
Une telle reconnaissance reste néanmoins largement symbolique en raison du refus d'Israël de la création d'un tel État auquel aspirent les Palestiniens.
Israël a dénoncé une « campagne de pression internationale déformée » venant « récompenser le Hamas ».
Jeudi, le Djihad islamique, un allié du Hamas, a publié une vidéo d'un otage israélien qu'il retient. L'AFP n'a pas pu déterminer l'authenticité de la vidéo, ni la date de son enregistrement. Mais elle a, comme plusieurs médias israéliens, identifié l'otage comme Rom Braslavski, un Israélo-Allemand.
L'attaque du 7-Octobre a entraîné côté israélien la mort de 1219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.
L'offensive de représailles lancée par Israël à Gaza, où le Hamas a pris le pouvoir en 2007, a fait au moins 60 249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza, jugées fiables par l'ONU.
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Une période d'instabilité lourde de menaces
Une période d'instabilité lourde de menaces

La Presse

time28 minutes ago

  • La Presse

Une période d'instabilité lourde de menaces

La silhouette du Dôme rappelle toujours le bombardement atomique du 6 août 1945 à Hiroshima. Yoshito Matsishige, un photographe professionnel, se trouvait à sa résidence à Hiroshima le 6 août 1945 lorsque la bombe atomique larguée par un bombardier américain a explosé à quelques kilomètres de là. Après avoir quasi miraculeusement survécu au souffle de l'explosion, qui lui a donné l'impression d'être « transpercé simultanément par des milliers d'aiguilles », il a pris un appareil photo et s'est précipité dehors. Le Japonais s'est rapidement retrouvé face à un groupe d'adolescentes qui étaient dans la rue au moment de la détonation. Grièvement brûlées, la « peau pendant comme un tapis », elles étaient en train de mourir, a souligné M. Matsishige, dont le témoignage a été conservé par l'Atomic Heritage Foundation. PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Les ruines du bâtiment de promotion industrielle de la préfecture d'Hiroshima, en septembre 1945. Aujourd'hui connu sous le nom de « Dôme de la bombe atomique », le bâtiment a été préservé en tant que monument. PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Combinaison de photos d'archives datant de 1945 montrant la ville dévastée d'Hiroshima avant et après le largage de la première bombe atomique par l'armée de l'air américaine, le 6 août 1945. PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Une bombe atomique similaire à Little Boy, celle larguée sur Hiroshima, en 1945 PHOTO JOSEPH PREZIOSO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Un rapport publié sur le programme de la bombe atomique avant le largage de la bombe sur Hiroshima, et signé par J. Robert Oppenheimer et d'autres participants au programme américain, est exposé lors de sa mise aux enchères à Boston, en mars 2024. PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Les ruines du bâtiment de promotion industrielle de la préfecture d'Hiroshima, en septembre 1945. Aujourd'hui connu sous le nom de « Dôme de la bombe atomique », le bâtiment a été préservé en tant que monument. 1 /4 Au total, plus de 140 000 personnes de la ville ont péri, tuées par l'explosion ou l'impact subséquent des radiations. Le 9 août, la scène se répète à Nagasaki. Cette fois, 75 000 personnes trouvent la mort. Le sentiment d'horreur suscité par les bombardements n'empêchera pas, à la fin de la guerre, les États-Unis et la Russie de se lancer dans une course effrénée à l'armement qui entraînera une multiplication du nombre d'ogives nucléaires. Un sommet de près de 65 000 ogives sera atteint en 1986 avant que le total reparte à la baisse avec la fin de la guerre froide, pour s'établir autour de 12 000 grâce à une série de traités entre les deux superpuissances. Mais l'ère de la réduction des armes nucléaires dans le monde « touche à sa fin », a prévenu en juin Hans Kristensen, un chercheur de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). PHOTO TIRÉE DU COMPTE X DE HANS KRISTENSEN Hans Kristensen, chercheur de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) Au lieu de [la réduction], nous observons une nette tendance à l'augmentation des arsenaux nucléaires, à l'exacerbation de la rhétorique nucléaire et à l'abandon des contrôles d'armement. Hans Kristensen, chercheur de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) Le constat est partagé par Kelsey Davenport, spécialiste de l'Arms Control Association, qui s'alarme de constater que le système mis en place pour empêcher la prolifération nucléaire se trouve aujourd'hui à un dangereux « carrefour » alors que neuf pays détiennent la bombe atomique. PHOTO TIRÉE DU COMPTE X DU KROC INSTITUTE Kelsey Davenport, spécialiste de l'Arms Control Association Il y a un risque réel dans les prochaines années que d'autres États cherchent à se doter de l'arme nucléaire ou arrivent à la conclusion qu'elle est nécessaire à des fins de dissuasion. Kelsey Davenport, spécialiste de l'Arms Control Association De coûteux efforts de modernisation Les cinq pays officiellement autorisés par le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) à disposer d'armes nucléaires (États-Unis, Russie, France, Royaume-Uni et Chine) multiplient les efforts pour renforcer leur force de frappe dans ce domaine, plutôt que la réduire comme ils s'étaient engagés à le faire. Moscou et Washington, qui détiennent près de 3500 des 3900 ogives déployées à l'heure actuelle de manière à pouvoir être utilisées rapidement, mènent notamment d'importants programmes de modernisation qui sont susceptibles, selon le SIPRI, « d'accroître la taille et la diversité de leur arsenal ». INFOGRAPHIE LA PRESSE Le nombre d'armes nucléaires opérationnelles ne baisse plus. L'administration américaine prévoit investir des centaines de milliards de dollars pour adopter par exemple des missiles balistiques intercontinentaux plus performants et intégrer des sous-marins plus sophistiqués. Le dernier traité bilatéral entre les deux pays, qui limite le nombre d'ogives déployées, arrive à échéance en 2026 et aucune discussion diplomatique n'est en cours pour le renouveler. La Chine, qui investit massivement dans le secteur militaire pour s'imposer comme superpuissance, accroît aussi rapidement son arsenal existant de 600 ogives afin de se rapprocher d'ici 2035 du niveau de la Russie et des États-Unis. INFOGRAPHIE LA PRESSE Armes nucléaires dans le monde en 2022 L'Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël, qui n'adhèrent pas au TNP, cherchent aussi à améliorer leurs capacités militaires dans ce domaine. Le pacte au cœur du traité, qui permet aux pays signataires de développer l'énergie nucléaire à des fins civiles en contrepartie de leur engagement à ne pas développer la bombe atomique, est fragilisé par l'évolution du contexte géopolitique. Ali Vaez, un spécialiste de l'Iran rattaché à l'International Crisis Group, pense que les attaques menées récemment par les États-Unis et Israël pour contrer le programme nucléaire de Téhéran « minent la confiance » envers le TNP puisqu'ils envoient le message que ses signataires ne sont pas à l'abri d'opérations militaires. IMAGE ARCHIVES THE NEW YORK TIMES Cette image satellite, fournie par Maxar Technologies, montre les dégâts causés par les frappes américaines sur le Centre de technologie nucléaire d'Ispahan, en Iran. Mme Davenport convient que le régime iranien, qui nie vouloir se doter de la bombe atomique, n'avait pas de raison d'enrichir de l'uranium à un niveau de 60 % s'approchant du seuil militaire, mais précise que le traité ne l'interdit pas. Certains pays ont notamment besoin d'atteindre ce seuil pour opérer des réacteurs nucléaires qui permettent de produire des isotopes à des fins médicales. L'Iran s'interroge maintenant ouvertement sur l'intérêt de demeurer signataire du TNP en relevant que son adhésion ne semble pas assurer sa sécurité et garantir son droit à un programme nucléaire civil. D'autres pays vont retenir que les États-Unis et Israël ont eu recours préventivement et illégalement à la force pour répondre à un programme nucléaire qui ne représentait pas une menace immédiate. Kelsey Davenport, spécialiste de l'Arms Control Association L'épisode, souligne l'analyste, montre que les États-Unis sont disposés à faire fi de leurs engagements internationaux en réponse aux besoins de pays alliés. L'administration Trump met parallèlement en doute des accords de défense avec d'autres alliés comme la Corée du Sud et le Japon qui placent les dirigeants de ces pays face à un dilemme relativement à la nécessité de développer leur propre arsenal. PHOTO VLADIMIR SMIRNOV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Vladimir Poutine est reçu en grande pompe par son homologue Kim Jong-un, lors de la visite officielle du président russe à Pyongyang, au mois de juin l'an dernier, durant laquelle les deux pays ont signé un accord de défense mutuelle. La Russie s'écarte aussi de normes établies de longue date, par exemple en prodiguant son soutien à la Corée du Nord pour développer son programme nucléaire ou encore en évoquant la possibilité de frappes nucléaires dans le cadre de la guerre en Ukraine. « Nous entrons dans une période de plus grande instabilité dans laquelle le risque que des armes nucléaires soient utilisées augmente… Il faut espérer que les esprits vont se calmer et qu'une ouverture politique pourra être trouvée afin de relancer le dialogue et de revenir au contrôle des armements », plaide Mme Davenport.

Borodianka, après l'horreur
Borodianka, après l'horreur

La Presse

time2 hours ago

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Borodianka, après l'horreur

Une résidante de Borodianka passe au milieu du chantier de reconstruction de l'axe principal de la ville, trois ans après sa destruction par les troupes russes. À une quarantaine de kilomètres de Kyiv, la ville de Borodianka a connu l'une des pires destructions de la guerre en Ukraine, en mars 2022. La commune a été le théâtre des pires horreurs commises lors de l'invasion. Sur place, trois ans après, les envoyés spéciaux de La Presse ont rencontré des habitants qui ont vécu l'occupation russe. Encore traumatisés, certains dénoncent une reconstruction qui traîne. Texte : Paul Boyer Collaboration spéciale Photos : Pierre Terraz Collaboration spéciale Les bruits des pelleteuses recouvrent le chant des oiseaux. Les chantiers se succèdent pour reconstruire chaque maison, brique par brique, dans cette banlieue de l'oblast de Kyiv. Assis sur un tas de gravats, trois jeunes profitent des vacances d'été pour gagner de l'argent. Roman, 15 ans, déblaie une route de 8 h à 17 h pour 1000 hryvnias par jour : l'équivalent de 32 $ CAN. « En mars 2022, j'ai dû partir en Pologne avec ma mère et ma sœur car les Russes arrivaient, déballe-t-il, les dents serrées. On est revenus en septembre 2023. J'ai honte d'avoir été chassé par l'ennemi. » Roman, comme la totalité des 15 000 habitants de Borodianka, a dû faire un choix kafkaïen : fuir face à l'invasion des troupes russes ou rester et subir l'occupation. PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Roman, 15 ans (au centre), et ses amis sont volontaires sur le chantier de Borodianka pendant leurs vacances scolaires. La Presse s'est rendue à Borodianka, qui a été occupé du 26 février au 1er avril 2022. La ville a connu les plus grandes destructions de la région de Kyiv. Des frappes aériennes ont pulvérisé huit immeubles d'une dizaine d'étages. Au total : 500 maisons et 32 immeubles ont été détruits. Au moins 200 personnes ont été tuées. Après la libération de la ville, en avril 2022, le président Volodymyr Zelensky a déclaré que la situation à Borodianka était « bien plus horrible » par le nombre de morts qu'à Boutcha. Aujourd'hui, moins de la moitié des 15 000 riverains seraient retournés en ville, selon les chiffres officiels. PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Immeuble résidentiel bombardé dans le centre-ville de Borodianka, le 6 avril 2022. La ville a été occupée six semaines par les troupes russes et détruite à 80 % par les bombardements. Bien que la plupart des habitants aient choisi l'exode, certains ont préféré rester. Sur la place Taras-Chevtchenko, du nom du célèbre poète romantique ukrainien, un homme de 70 ans a été témoin des destructions et exactions. Lorsque les chars entrent dans la ville, Valentin Moïsseïenko ne peut fuir. Sa femme, malade et handicapée, ne peut pas se déplacer. Aucun véhicule n'est en état de marche. Il décide de rester. Je ne pouvais pas laisser ma femme. J'ai survécu, les Russes sont venus dans l'appartement, il n'y avait rien à prendre. Ma femme est morte de faim et de fatigue. Valentin Moïsseïenko Le souffle court, Valentin replonge dans ces journées de mars 2022. Il affirme qu'aucun militaire ukrainien n'était présent pour les défendre, mais seulement une poignée de volontaires. « J'ai compté 45 courageux jeunes hommes qui ont résisté, heure après heure, avec uniquement des armes de poing et des grenades. Ils n'ont pas fait le poids. » PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Valentin Moïsseïenko, 70 ans, a documenté l'occupation russe dans la ville de Borodianka en prenant en cachette des photos et des vidéos. Aujourd'hui, presque trois ans après cet enfer, alors que le pays vit toujours sous les bombardements russes, l'heure est à la reconstruction. Considérée comme l'une des localités les plus détruites du pays, la ville a des allures de chantier à ciel ouvert. Les usines de matériaux, de métaux et de zinc remplacent les boutiques. Des bâtiments préfabriqués ont remplacé les maisons traditionnelles. Là où gisait un immeuble éventré, un bâtiment flambant neuf est sorti de terre. Ici et là, des panneaux placardés où il est écrit « Urgent : nous recherchons des ouvriers ». Les ouvriers s'activent d'arrache-pied pour installer de nouvelles canalisations. Les systèmes d'évacuation d'eau et les égouts n'ont pas été reconstruits en intégralité. Ivan Cherchnov est chef d'un groupe de 25 artisans. Régulièrement appelé pour travailler à Borodianka, il affirme être étonné par la lenteur des reconstructions. PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Le chantier de reconstruction de l'avenue Tsentralna, qui a débuté en avril 2025 et qui fait polémique auprès des riverains, qui se demandent pourquoi reconstruire des routes « que les Russes pourraient réemprunter », alors que certains habitants dorment encore sans fenêtres. « Avant le début des travaux, les gens vivaient dans des conditions désastreuses, dans des maisons sans chauffage ni vitres. C'était inhumain », atteste-t-il près de l'église Saint-Michel. Un panneau indique que les constructions de l'avenue Tsentralna ont débuté en avril 2025, avec une fin prévue pour décembre 2026. Ces reconstructions ont fait couler beaucoup d'encre. En cause ? La lenteur des travaux pour certains, la volatilisation d'une partie des financements pour d'autres. De nombreuses ONG, ainsi que l'État ukrainien, y ont alloué des budgets. Certains chantiers qui devaient finir fin 2024 sont toujours en cours. Néanmoins, sur les 825 infrastructures endommagées ou détruites, 592 ont déjà été restaurées. Borodianka, avant et après la reconstruction PHOTOS PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE En haut : un rond-point dans la ville de Borodianka, le 6 avril 2022, quelques jours après le départ des troupes russes. En bas : le même rond-point, trois ans plus tard, le 22 juillet 2025. PHOTOS PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE En haut : la place Taras-Chevtchenko, en hommage au poète ukrainien, dans le centre de Borodianka, le 6 avril 2022. En bas : la même place rénovée, trois ans plus tard, le 22 juillet 2025. PHOTOS PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE En haut : une dame devant son immeuble bombardé dans la ville de Borodianka, le 6 avril 2022. En bas : le même immeuble, trois ans plus tard, le 22 juillet 2025. PHOTOS PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE En haut : un homme erre dans les rues de Borodianka à la recherche de son neveu, qu'il a perdu de vue en fuyant les bombardements, le 6 avril 2022. En bas : le même endroit trois ans plus tard, le 22 juillet 2025. 1 /4 Adossée sur un banc, Oksana, 68 ans, profite des quelques rayons de soleil du mois de juillet. Son visage s'illumine lorsqu'elle montre une photo de Tomas, son chat, qu'elle a retrouvé après l'invasion. « Il s'était sûrement caché au fond du jardin, c'est un survivant », s'amuse-t-elle. La maison d'Oksana a été partiellement reconstruite après qu'un char ennemi eut tiré à deux reprises sur l'un des murs de son salon. « J'étais dans mon jardin, je n'ai rien eu, balaie-t-elle rapidement. Mais je suis immédiatement partie par l'unique corridor humanitaire mis en place. » Lorsqu'elle rentre, 30 jours plus tard, elle découvre effarée que sa porte d'entrée a été forcée. Les soldats du Kremlin ont saccagé toutes les pièces et volé des objets tels qu'un téléviseur et un réfrigérateur. Oui, un réfrigérateur… Je suis chanceuse, j'ai reçu de l'argent de l'État, mais des voisines n'ont rien eu et dorment toujours avec des trous dans les murs. Oksana PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Travaux en cours sur la route principale de Borodianka, devant un bâtiment résidentiel portant les stigmates des bombardements de 2022 La plupart des habitants rencontrés dénoncent une incohérence, que l'État s'attelle en priorité à rebâtir les axes routiers plutôt que les logements des particuliers. « Si les Russes reviennent, ils emprunteront de nouveau ces routes ! », grimace un passant. Durant l'occupation, le centre culturel de la place Taras-Chevtchenko faisait office de QG des soldats. Notamment la librairie. Encore très émue, Alla, la libraire, accepte d'ouvrir les portes. Le 1er mars 2022, elle fuit en emportant seulement un sac d'habits. Lorsqu'elle revient, le 22 avril 2022, tout est saccagé : les livres gisent par terre, plein de boue et d'excréments, d'autres sont brûlés ou déchirés. PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Alla, 44 ans, dans sa librairie occupée et saccagée par les troupes russes en 2022, à Borodianka Les Russes ont vécu ici. Ils ont utilisé mes livres pour allumer des feux pour se réchauffer, c'était l'hiver. Alla Début 2023, elle reçoit grâce à des cagnottes de donateurs anonymes des fonds pour racheter presque l'intégralité des livres perdus. « On a même de nouveaux ouvrages, de la littérature anglaise », sourit-elle en feuilletant ses livres. Depuis l'invasion, elle a été sur tous les fronts, jusqu'à recevoir l'artiste britannique mondialement connu Banksy en novembre 2022, qui a peint une œuvre dans la ville. Comme la plupart des habitants, Natalia a fui en croisant les Russes, de très près. « Ils étaient devant moi. Je ne les ai pas regardés, je me suis concentrée sur les cadavres sur le trottoir. » Son regret est de n'avoir pas réussi à convaincre sa nièce de partir. « Je ne sais pas à quel point ils lui ont fait du mal. Elle ne peut toujours pas en parler. »

Le juge chargé du procès de l'ex-président Bolsonaro tient tête à Washington
Le juge chargé du procès de l'ex-président Bolsonaro tient tête à Washington

La Presse

time3 hours ago

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Le juge chargé du procès de l'ex-président Bolsonaro tient tête à Washington

(Brasilia) Le juge de la Cour suprême du Brésil chargé du procès de l'ex-président Jair Bolsonaro a affirmé vendredi qu'il allait « ignorer » les sanctions qui lui ont été imposées par l'administration Trump, prévenant que la justice brésilienne ne se plierait pas aux « menaces ». Ramon SAHMKOW Agence France-Presse Voix forte et colère froide, Alexandre de Moraes, magistrat aussi puissant que critiqué, a tenu ces propos lors d'une séance solennelle très attendue du tribunal à Brasilia. Mercredi, le gouvernement américain a annoncé des sanctions contre lui, mais aussi une surtaxe punitive sur des produits brésiliens exportés vers les États-Unis. Motif : une supposée « chasse aux sorcières » contre l'ancien président d'extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022), actuellement jugé pour présumée tentative de coup d'État. Dans son discours, le juge devenu la bête noire du camp Bolsonaro a affirmé qu'il allait « ignorer les sanctions qui ont été imposées et continuer à travailler ». Selon lui, « la Cour suprême sera absolument inflexible dans la défense de la souveraineté nationale et son engagement en faveur de la démocratie ». Mercredi, le département du Trésor américain lui a infligé des sanctions économiques dans le cadre de la loi Magnitsky, utilisée habituellement contre des personnalités étrangères dans des cas d'atteintes aux droits de la personne ou de corruption. Le gouvernement de Donald Trump l'accuse d'avoir profité de sa position pour « cibler des opposants politiques, notamment l'ex-président Jair Bolsonaro, des journalistes, des réseaux sociaux américains et d'autres entreprises américaines et internationales ». Le magistrat, et la Cour suprême en général, ont adopté une posture très ferme en matière de lutte contre la désinformation sur les plateformes. « Ouverts au dialogue » Depuis le début de la crise ouverte par les premières annonces américaines début juillet, Donald Trump et le président brésilien de gauche Luiz Inácio Lula da Silva ne se sont pas parlé. « Il peut me parler quand il veut », a déclaré vendredi le locataire de la Maison-Blanche en réponse à une journaliste. « J'aime le peuple brésilien », a-t-il poursuivi, tout en dénonçant les actions de « ceux qui dirigent le Brésil ». Peu après, Lula a semblé lui répondre en écrivant sur le réseau social X : « Nous avons toujours été ouverts au dialogue ». « Ce sont les Brésiliens et leurs institutions qui définissent les orientations du Brésil », a-t-il insisté. Face aux pressions américaines, le gouvernement brésilien a défendu ces dernières semaines la « souveraineté » du pays. Voyant une « injustice » dans les droits de douane de 50 % infligés à ses exportations à partir du 6 août, malgré de nombreuses exemptions, il mise sur la négociation pour obtenir gain de cause. La question reste de savoir si un contact entre les deux dirigeants va finir par se nouer. Vendredi, des manifestations contre cette surtaxe ont rassemblé quelques centaines de personnes devant l'ambassade des États-Unis à Brasilia et le consulat à São Paulo, ainsi qu'à Rio de Janeiro. Dans la mégalopole São Paulo, des manifestants ont brûlé un portrait de Donald Trump affublé de cornes de diable. Sur une grande banderole vert et jaune, couleurs du Brésil, on pouvait lire : « La souveraineté n'est pas négociable. » « Attaque putschiste » Les sanctions imposées par Washington entraînent notamment le gel des éventuels avoirs détenus aux États-Unis par le juge Moraes, déjà privé récemment de visa dans ce pays. Il « n'a pas de biens aux États-Unis », a dit à l'AFP une source de la haute juridiction. Plus encore qu'au gouvernement Trump, le magistrat s'en est pris vendredi à ceux qui, au Brésil, ont « agi avec lâcheté et traîtrise dans le but de soumettre la Cour suprême à un État étranger ». Sans le nommer, il a ainsi visé au premier chef Eduardo Bolsonaro, fils de l'ex-président, qui a mis entre parenthèses son mandat de député pour exercer à Washington un efficace lobbying auprès de l'administration américaine contre les autorités brésiliennes, et notamment la magistrature. Alexandre de Moraes a aussi soutenu que ceux qui, dans le camp Bolsonaro, cherchent à « stimuler une crise économique » veulent « provoquer une instabilité sociale permettant une nouvelle attaque putschiste ». Dans son procès à la Cour suprême, Jair Bolsonaro est accusé d'avoir conspiré avec de proches collaborateurs pour se maintenir au pouvoir malgré sa défaite au scrutin de 2022 face à Lula. Il risque plus de 40 ans de prison.

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