
Doublement poétique
Il y a dans les chansons de Daniel Bélanger une poésie à la fois familière et fuyante comme les dernières images d'un rêve au moment du réveil. C'est dans cet entre-deux que les artisans du Cirque du Soleil se sont glissés pour créer Les incouchables, spectacle merveilleusement inspiré que le Cirque du Soleil consacre à la plus discrète des étoiles de la chanson québécoise.
Ce voyage auquel les spectateurs sont conviés est à la fois nocturne et stellaire. On se retrouve dans le Spoutnik de l'Homme-Qui-Ne-Dort-Pas, pris d'assaut par une galerie d'insomniaques affublés de pyjamas étranges, dont l'un évoque ces moutons qu'on compte en espérant s'endormir et d'autres, des personnages de contes de fées. Ensemble, ils iront au bout d'une nuit de danses et de rêves, qui prendra l'allure de chorégraphies et de numéros circassiens épatants.
Ce synopsis, il faut bien l'admettre, n'a pas de quoi surprendre à s'en décrocher la mâchoire. Sachant que l'album le plus aimé et le plus célébré de Daniel Bélanger s'intitule Rêver mieux et que sa matière sonore est parfaitement aérienne, ne pas saisir cette perche tendue comme une évidence n'aurait pas été bien malin. Il suffisait ensuite de se rappeler l'atmosphère d'Opium, son premier succès, où il parle d'insomniaques qui s'amusent, pour confirmer la piste.
La belle surprise, c'est qu'en partant de cette piste attendue, les artisans et artistes du Cirque du Soleil sont parvenus à inventer un spectacle beau, saisissant par moments, d'une poésie émouvante et même teinté d'humour. Ce n'est pas tous les jours qu'on voit un homme coiffé d'un bonnet de nuit faire le DJ sur la couette de son lit ou une bataille d'oreiller au cirque !
Évitant le piège de l'illustration, les numéros circassiens ont ajouté une troisième dimension aux chansons de Daniel Bélanger. On pense à cet équilibriste, perché fin seul, tout en haut d'une échelle au son de Dis tout sans rien dire, morceau qui évoque à la fois la solitude et la folie.
Ou à cet autre tableau de roue Cyr sur Intouchable et immortel, rappelant d'abord la céleste balade à vélo de la chanson et dont la rythmique accentuée a fini par évoquer une boîte de nuit. Parce que la nuit, c'est aussi fait pour danser.
On a aussi eu droit à un spectaculaire numéro de… jonglerie, qui avait des airs de jeu vidéo, sur Sortez-moi de moi, à un saisissant numéro de voltige amoureuse sur Les deux printemps et à des acrobaties à couper le souffle sur Sèche tes pleurs. Le tout baignant dans des éclairages fins et enveloppants d'Étienne Boucher.
Il faut souligner aussi l'habile scénographie de Geneviève Lizotte : le grand cercle qui dominait la scène, côté cour, qui évoquait la vitre du Spoutnik, se transformait aussi en miroir qui permettait de voir les chorégraphies et les acrobaties sous deux angles simultanément durant l'essentiel du spectacle.
Puisque cette série de spectacles hommages à la chanson québécoise présentés depuis quelques années par le Cirque du Soleil à Trois-Rivières repose justement sur la musique, il faut souligner la qualité extraordinaire de la trame musicale de Jean-Phi Goncalves. Ses arrangements ont à la fois réinventé et simplement révélé les richesses rythmiques et mélodiques des chansons de Daniel Bélanger. Pour ceux qui connaissent bien son œuvre, c'était une pure joie.
Il n'est toutefois pas nécessaire de connaître cette imposante – et importante – discographie par cœur pour s'y plaire : la majorité des chansons sont tirées, vous l'aurez deviné, de l'album Rêver mieux. Le reste est principalement tiré des deux disques précédents, Quatre saisons dans le désordre et Les insomniaques s'amusent.
Les incouchables parvient en somme à ajouter de la poésie à l'univers déjà poétique de Daniel Bélanger, sans l'encombrer ni le parasiter. Ce qui est une sorte d'exploit. Le spectacle s'est terminé sur une version renouvelée de Dans un spoutnik où la voix du chanteur parle désormais de « 8 milliards » de solitudes et non plus seulement 6.
Il y a bel et bien du bleu dans Les incouchables, de la nostalgie dans la rêverie, mais bien plus de chaleur humaine que de solitude.
Les incouchables jusqu'au 16 août à l'Amphithéâtre Cogeco de Trois-Rivières
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


La Presse
4 hours ago
- La Presse
Ozzy Osbourne est mort
Simon Beaudry Reprendre racine Un an après avoir quitté Le Vent du Nord, Simon Beaudry a retrouvé le chemin vers la musique. Après avoir chanté sur les scènes d'Amérique du Nord et d'Europe pendant 20 ans, le voilà directeur artistique de Mémoire et racines, le grand festival trad de Lanaudière. La Presse est allée à sa rencontre à Saint-Côme, là où il vit entouré de « son monde » et où il a retrouvé une paix d'esprit à coup de hache.


La Presse
5 hours ago
- La Presse
Reprendre racine
Simon Beaudry, ex-membre du groupe trad Le vent du nord, est le nouveau directeur artistique du festival Mémoire et racines. Un an après avoir quitté Le Vent du Nord, Simon Beaudry a retrouvé le chemin vers la musique. Après avoir chanté sur les scènes d'Amérique du Nord et d'Europe pendant 20 ans, le voilà directeur artistique de Mémoire et racines, le grand festival trad de Lanaudière. La Presse est allée à sa rencontre à Saint-Côme, là où il vit entouré de « son monde » et où il a retrouvé une paix d'esprit à coup de hache. En quittant Le Vent du Nord après de longues années de service, Simon Beaudry avait assuré que la séparation se faisait à l'amiable. Ses camarades disaient eux aussi que leur amitié demeurait intacte. Tout ça est encore vrai. Or, le chanteur et guitariste ne mesurait pas encore, à la fin de 2023, à quel point il était saturé de sa vie de musicien professionnel. Lisez « Cinq spectacles à voir à Mémoire et racines » « Je n'ai pratiquement pas joué de musique pendant environ un an », dit-il, installé dans le studio qu'il partage avec son frère Éric (La bottine souriante, De temps antan, etc.). « J'associais la musique au travail. Le Vent du Nord, c'était intense, on n'arrêtait jamais. J'ai eu besoin de mettre ça de côté. » Le studio des frères Beaudry se trouve près de leur village, Saint-Côme. Il est installé à l'étage d'un hangar, derrière la maison où ils ont grandi et où leur père, Denis, a grandi lui aussi. Les racines, c'est important chez les Beaudry. « Je suis quelqu'un de très famille », confirme Simon. PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE Simon Beaudry (à droite) avec son père Denis Beaudry La famille, c'est aussi la principale raison pour laquelle il a quitté Le Vent du Nord. « Toute sa vie, il a rêvé d'avoir des enfants, dit son père, croisé par hasard au moment de l'entrevue. Là, il en a un et il sait qu'à son âge [Simon a 47 ans], il n'en aura pas des tonnes. Une bonne partie de sa vie est consacrée à son enfant. » Et le jeune père s'est remis en forme en bûchant du bois. Il n'est pas devenu entrepreneur forestier comme son père l'a été, mais il fait le vide en fendant des bûches. Ce n'est pas passionnant, mais c'est satisfaisant quand ça fend. Et tu peux réfléchir à plein d'affaires. Simon Beaudry On comprend que c'est une hache dans les mains qu'il a décanté ses années de tournées, jusqu'à avoir envie de renouer avec la musique, mais différemment. L'ancrage local Simon Beaudry a été nommé directeur artistique de Mémoire et racines, le plus important festival de musique traditionnelle au Québec, à l'automne 2024. « Je me suis fait solliciter par des gens qui me voyaient là, dit-il sans aucune vantardise. Puis, rapidement, je me suis vu là moi aussi. Il y a quand même une suite logique à ma vie de musicien. » Son arrivée à la tête de ce festival est d'autant plus logique qu'au sein du Vent du Nord, les musiciens sont très impliqués dans les affaires du groupe et que le travail d'équipe y est valorisé. « On est toujours plus fort en équipe qu'individuellement, estime le nouveau directeur artistique. C'est le fun que nos idées soient confrontées, pour mener à autre chose. » PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE Simon Beaudry Il n'arrive pas à Mémoire et racines avec l'envie de faire une révolution. Il a toutefois une vision, ancrée dans la région et les gens de Lanaudière. Les environs de Joliette regorgent de groupes amateurs qui ont beaucoup de succès localement, citant notamment Les campagnards, qui peuvent faire « 25 spectacles par an en attirant 500 à 1000 personnes chaque fois ». Il veut leur accorder de l'attention. « Tu ne peux pas ne pas prendre en considération ces groupes-là », juge-t-il. Pas seulement parce qu'ils attirent des gens. « Ils ont le droit d'être là, pense Simon Beaudry. Le public de Mémoire et racines, c'est en bonne partie des gens qui consomment de la musique traditionnelle locale. » La considération que Simon Beaudry a pour sa région et ceux qui l'habitent va plus loin : au début de juillet, il a annoncé briguer le poste de maire de sa municipalité, Saint-Côme. Une fois de plus, l'idée n'est pas de lui. Il a été sollicité et si, au départ, l'idée lui a semblé « farfelue » en raison de son inexpérience en politique, il s'est laissé convaincre. Dans son annonce faite sur Facebook, il dit être guidé par une vision « rassembleuse » pour sa communauté et vouloir faire le pont entre les natifs de Saint-Côme et ceux qui ont choisi de s'y installer récemment. Une affaire de familles Sans être un festival de niche, Mémoire et racines a une personnalité à respecter : c'est un évènement axé sur la musique traditionnelle, et il le restera. Ce qui ne veut pas dire que Simon Beaudry ne va pas étirer l'élastique. Édith Butler se produit en tête d'affiche cet été. Il vise Salebarbes l'an prochain. Il a donc l'œil sur des groupes ancrés dans la tradition, mais capables d'attirer un public vaste, pas nécessairement versé dans la trad. PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE Éric Beaudry, en 2024, dans le studio qu'il partage avec son frère Simon. Il sera au festival Mémoire et racines cet été avec Ni sarpe ni branche. Aussi, il veut ramener l'aspect familial. Pas dans l'esprit du festival, qui l'est déjà, mais sur scène. Cet été, il présente la Famille LeBlanc, du Nouveau-Brunswick. « J'ai aussi les trois sœurs Bordeleau, de Saint-Côme, qui ne sont pas des professionnelles, mais qui sont de super chanteuses. Ces gens-là chantent dans leur cuisine. Je veux ramener ça à Mémoire et racines parce que ce sont des gens comme ça qui font que la tradition reste vivante. » Il fera un peu ça, lui aussi, d'ailleurs. Son frère Éric et lui veulent se produire en duo et développer un projet musical commun. « Il y a quelque chose qui se passe quand je joue avec lui que je ne retrouve avec personne d'autre. On ne veut pas faire 80 spectacles par année, juste une vingtaine peut-être, dit-il. J'ai envie de jouer plus au Québec, de parler et de chanter en français. Pour mon monde. » Consultez le site du festival


La Presse
6 hours ago
- La Presse
Nino et Hen parmi les films du programme compétitif Platform
(Toronto) Un film français sur un jeune homme confronté à un diagnostic dévastateur et un portrait de l'humanité vu par une poule figurent parmi les films du programme compétitif Platform du Festival international du film de Toronto (TIFF). Nicole Thompson La Presse Canadienne Le TIFF a annoncé mardi les candidats pour le prix de 20 000 $, en amont de la 50e mouture du festival qui aura lieu en septembre. Les organisateurs du festival ont également dévoilé les membres du jury qui octroieront ce prix, qui incluent la réalisatrice québécoise Chloé Robichaud. Elle s'attardera aux films du programme aux côtés de l'actrice britannique Marianne Jean-Baptiste et du cinéaste catalan Carlos Marqués-Marcet. Il s'agit également du 10e anniversaire de Platform. La programmatrice Robyn Citizen a expliqué qu'il a été conçu pour mettre en lumière des « visions de réalisateurs audacieuses » à l'avant-garde du cinéma. Cette année, Platform diffusera 10 films représentant 19 pays. La sélection de cette mouture comprend Nino, le premier film de Pauline Loquès, présenté en avant-première mondiale à Cannes plus tôt cette année. Mme Citizen décrit le film comme une étude de caractère sur un jeune homme dans la vingtaine, interprété par l'acteur québécois Théodore Pellerin, atteint d'un cancer et qui réfléchit à la vie en déambulant dans Paris. Le programme comprend également Hen, un film en prises de vues réelles du réalisateur hongrois György Pálfi, qui suit une poule qui échappe à un destin tragique et qui tente de se construire une nouvelle vie. Dorota Lech, programmatrice du TIFF, explique que Hen offre également un regard sur la crise migratoire en Europe au travers du regard de la poule. « C'est en prises de vue réelles. Ce n'est absolument pas animé », a précisé Mme Lech lors d'une visioconférence avec des journalistes la semaine dernière. « Honnêtement, je n'ai aucune idée de comment il a réussi, tant le regard et le comportement de cette poule sont dramatiques. Je suis obsédée par ce film et je suis ravie qu'il soit présenté à Platform. » Le lauréat de Platform sera annoncé lors de la cérémonie de clôture du TIFF, le 14 septembre. Le programme comprend également un film du réalisateur mi'kmaq Bretten Hannam, Sk 'te'kmujue'katik (À la place des fantômes). La production canado-belge mêle des éléments d'horreur et de réalisme magique, mais Mme Citizen indique qu'il s'agit avant tout d'un drame familial. Le film raconte l'histoire de deux frères autochtones qui se retrouvent dans la forêt près de chez eux pour affronter une personne de leur passé, visualisée comme un monstre. Cette année, le programme Platform ouvre avec Steve, un film du réalisateur belge Tim Mielants, avec Cillian Murphy dans le rôle d'un directeur d'un centre de redressement pour garçons.