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Acquisition des F-35: le prix fixe promis par Viola Amherd n'a jamais été garanti

Acquisition des F-35: le prix fixe promis par Viola Amherd n'a jamais été garanti

24 Heures3 days ago
Les expertises relatives à l'achat des avions de combat révèlent que le Conseil fédéral a été mal conseillé. La Commission de gestion va enquêter. Publié aujourd'hui à 08h23
La Suisse a longtemps cru à un prix fixe pour l'achat de 36 avions de chasse F-35.
Giuseppe Lami
En bref:
L'affaire paraissait un peu trop facile. Le Département de la défense (DDPS) a payé cher le cabinet d'avocats zurichois Homburger pour des consultations qui n'avaient pour but que de confirmer ce que l'on pensait avoir négocié: un prix fixe pour l'achat de 36 avions de combat F-35.
En 2022, c'est cet argument du prix fixe qui a permis à l'ancienne ministre de la Défense Viola Amherd de convaincre la Commission de la politique de sécurité (CPS), puis le parlement, d'approuver l'acquisition des jets. La CPS indiquait ainsi dans un communiqué qu'après consultation de divers documents, elle considérait que les incertitudes juridiques liées au prix étaient levées.
De son côté, Priska Seiler Graf (PS/ZH), présidente de la CPS, a dénoncé l'attitude du parlement dans ce dossier. Elle y voit une «négligence coupable». Et à la lecture des expertises, il est difficile de lui donner tort. Naïveté du Conseil fédéral
Dès le départ, le Département fédéral de la défense doutait de la validité du prix fixe. Il a donc mandaté le cabinet Homburger pour réaliser plusieurs expertises. Deux d'entre elles, datées du 30 novembre 2023 et du 11 septembre 2024, ont été rendues publiques mercredi, lorsque le Conseil fédéral a admis que le prix fixe de 6 milliards de francs, promis par Viola Amherd, ne pourrait pas être tenu . Il en coûtera 650 millions à 1,3 milliard de plus.
Le prix de 6 milliards, promis par Viola Amherd, s'est avéré être un mirage.
Philipp Schmidli
Le cabinet américain Arnold & Porter (A&P) a également été sollicité pour une analyse, datée du 1er mars 2024. La deuxième expertise du cabinet Homburger s'appuie sur ce rapport.
La lecture de ces documents ne laisse guère de place au doute. En 2022, la Suisse a signé le contrat en croyant naïvement que le prix fixe était garanti. Mais dès le 1er mars 2024, il était clair que celui-ci n'avait aucune valeur contraignante.
Dans son premier rapport, le cabinet zurichois écrit au sujet des F-35: «Les hausses de prix ne sont, à notre avis, pas autorisées, sauf si les circonstances venaient à changer.»
Toutefois, une note dans le document précise que le rapport n'a été établi que pour ArmaSuisse et qu'«aucun tiers ne doit s'y fier». L'expertise du cabinet zurichois n'inspirait visiblement pas une confiance totale, puisque la Confédération a jugé nécessaire de mandater A&P pour une expertise complémentaire. A&P ignorait les raisons de cette demande.
«À date de ce mémorandum, nous ne savons pas si le gouvernement américain a fait une demande d'augmentation de prix ni si le gouvernement suisse évalue le risque d'une telle demande à l'avenir.»
Cabinet Arnold & Porter Ce que disent les Américains
Tout pays qui souhaite acheter du matériel militaire auprès d'une entreprise américaine doit obligatoirement passer par le gouvernement des États-Unis. La procédure, appelée «Foreign Military Sale» (FMS), encadre de manière stricte la vente d'armes à l'étranger. Les transactions sont tripartites. Dans le cas des F-35, le Conseil fédéral a passé commande auprès du gouvernement américain, qui a ensuite transmis la demande au constructeur Lockheed Martin.
Le gouvernement américain ne peut enregistrer aucune perte et les recours judiciaires sont exclus.
Cabinet Arnold & Porter
La Suisse a commandé 36 avions de combat F-35, ainsi que des munitions et diverses prestations. Le cabinet A&P explique: «En résumé, dans le cadre des contrats FMS, la règle veut que le gouvernement américain s'efforce de fournir le matériel militaire et les services au prix estimé figurant dans les documents contractuels. Cependant, comme le droit américain interdit à l'État fédéral d'enregistrer une perte dans une transaction FMS, tout surcoût est automatiquement répercuté sur le client étranger.» En clair, le prix fixe ne s'applique pas aux munitions et aux prestations diverses achetées par la Suisse. Tout recours devant un tribunal est exclu
Pour les avions, la situation est plus complexe. Le rapport précise que «les documents contractuels relatifs au F-35 prévoient des dispositions spéciales stipulant que les appareils doivent être livrés à un prix fixe convenu». Toutefois, selon le droit américain, ce principe n'est appliqué que de manière exceptionnelle. C'est uniquement le cas lorsque le gouvernement américain est lui-même à l'origine de surcoûts. Selon le rapport, ce cas de figure «ne devrait pas se présenter dans le cas du F-35».
Si une hausse de prix devait avoir lieu, deux positions s'affronteraient. «D'un côté, Washington invoquerait le droit américain, qui lui interdit d'enregistrer une perte sur une transaction FMS; de l'autre, le gouvernement suisse soutiendrait que les dispositions relatives au prix fixe, contenues dans les documents contractuels FMS, sont contraignantes.»
Un tel différend serait probablement réglé par la voie diplomatique. En cas de litige, le gouvernement américain resterait propriétaire des avions. Les documents FMS interdisent tout recours devant un tribunal ou un médiateur externe.
En résumé, les documents contractuels excluent tout recours judiciaire. Il est donc impossible d'imposer un prix fixe. Le Contrôle fédéral des finances avait déjà soulevé ce point il y a deux ans. Ce que la Suisse a signé
Le cabinet A&P apporte plus de précisions. En plus du contrat proprement dit, la Suisse a signé une «Letter of Offer and Acceptance (LOA)», dans laquelle il était question d'un prix fixe. Mais dès la première page du contrat, il est indiqué que ce prix n'est qu'une estimation. De plus, selon le cabinet A&P, dans la section 4.4.1, la Confédération a reconnu que «le gouvernement suisse paiera au gouvernement américain le coût total des objets du contrat, même si ces coûts dépassent les montants estimés dans la LOA».
En outre, la section 7.2 de ce document engage le gouvernement américain et le gouvernement suisse à «régler tout différend relatif à la LOA par des consultations bilatérales», et à ne pas porter l'affaire devant une cour internationale.
Les juristes d'A&P en concluent que «la Suisse a de bons arguments pour considérer que la LOA et ses dispositions relatives au prix fixe sont contraignantes, mais il n'est pas certain qu'elle puisse les faire valoir». En effet, le document impose un règlement à l'amiable et interdit tout recours à des tiers ou à un tribunal arbitral. D'où la nécessité d'une «solution diplomatique». L'issue est toutefois prévisible, puisque «le droit américain interdit au gouvernement américain d'enregistrer une perte dans une transaction FMS».
Comment expliquer alors que, dans sa deuxième expertise datée du 11 septembre 2024, le cabinet Homburger affirme encore qu'aucun surcoût n'est à prévoir? Par ailleurs, le rapport ne mentionne ni le fait que le gouvernement américain ne peut légalement assumer d'éventuels surcoûts ni l'interdiction de tout recours devant un tribunal.
On y retrouve en revanche l'indication selon laquelle «aucun tiers ne doit se fier au document». Dès la semaine prochaine, la Commission de gestion du parlement se penchera sur les leçons à tirer de ce fiasco.
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