
Le mirage américain de Tatiana Aholou
« Je connais beaucoup de filles qui veulent suivre mes pas. Si je peux en aider une seule à éviter ce que j'ai vécu, ça fera déjà toute la différence », statue la coureuse de haies, assise dans la pelouse lors de la Classique d'athlétisme de Montréal, lors d'une longue entrevue.
Adolescente, Aholou fracassait des records au saut en longueur. Chaque nouvelle marque l'établissait comme l'un des espoirs les plus prometteurs de l'athlétisme. Tel Charles Aznavour, elle se voyait déjà.
« Je me voyais être dominante, devenir pro rapidement, gagner les Championnats du monde… Ce n'est pas comme ça que les choses se sont passées », raconte-t-elle.
Elle a fait le saut à l'Université du Kentucky. Quelque temps avant son arrivée, l'entraîneur qui l'avait recrutée au sein de l'établissement a été congédié. La relation d'Aholou avec son remplaçant sera toxique.
« Il était verbalement abusif avec moi. Il me faisait venir dans son bureau pour me dire que je n'irais nulle part. Que j'étais poche. Que je ne sautais pas assez loin », décrit-elle.
PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE
Après de mauvaises expériences dans le circuit universitaire américain, Tatiana Aholou a décidé de changer d'air... et de discipline.
Certains entraîneurs adoptent la ligne dure pour fouetter leurs athlètes. Tatiana Aholou en est consciente. Elle déplore cependant le caractère générique de l'encadrement offert à Kentucky.
Aux États-Unis, l'université, c'est une business. Les entraînements n'étaient pas spécifiques à nos besoins. On nous prenait pour des machines.
Tatiana Aholou
À l'entraînement, la Lavalloise sautait cinq fois par semaine, « sans arrêt ». Cette surcharge lui a entraîné d'importantes blessures aux genoux.
En parallèle, son entraîneur exigeait qu'elle perde du poids.
« On me pesait toutes les semaines. À la fin de ma première saison, je pesais 10 livres de plus. Même si c'était du muscle, on me reprochait d'être trop lourde », relate-t-elle.
De retour à Montréal pour l'été, Aholou a donc perdu 15 livres. Elle s'empêchait de manger pour atteindre les standards de son entraîneur. À la rentrée, il a jugé que ce n'était pas suffisant.
« Il m'a demandé de perdre un autre 10 livres. J'avais 18 ans, et je pesais 130 livres. J'ai un corps de sprinteuse, c'était pourtant normal », dénonce-t-elle.
Je voulais tellement perdre de poids pour être bonne, mais c'est l'inverse qui est arrivé. J'étais si maigre que je n'arrivais plus à performer.
Tatiana Aholou
Après deux saisons, Aholou a eu besoin d'un changement d'air. Elle a donc largué Kentucky pour Iowa State. Mais ses problèmes, qu'elles espéraient laisser derrière elle, l'ont suivie.
« J'ai commencé à avoir des enjeux de santé mentale. J'étais isolée et déprimée. C'était comme si j'étais devenue mon sport. C'est tout ce qui me définissait. Et comme le sport allait mal, j'allais mal », décrit-elle.
« J'ai commencé à prendre des pilules pour dormir et des antidépresseurs. Pourtant, je n'avais jamais eu besoin de ça, à Montréal », affirme-t-elle.
Avant sa deuxième année, Aholou a contacté Iowa State. En mauvais état mentalement, elle se sentait incapable de reprendre le collier. L'établissement l'a mise devant un ultimatum.
« Soit je compétitionnais, soit je perdais ma bourse, indique-t-elle. À ce moment-là, je me suis dit que c'était fini pour moi, l'athlétisme. Je n'en pouvais plus. »
Révélation
De retour au Québec, Aholou s'ennuyait de la compétition. « J'ai vécu la vie normale, d'être à la maison, d'aller à l'école et je n'aimais pas ça. La structure de ma vie d'athlète me manquait », raconte-t-elle.
Après un an d'inactivité, en 2023, elle a donc pris contact avec l'entraîneur Alfredo Villar-Sbaffi. Mentalement, elle était mûre pour un retour. Mais ses genoux, eux, ne pouvaient plus supporter la charge reliée aux sauts en longueur.
PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE
Tatiana Aholou à la Classique d'athlétisme de Montréal au début du mois d'août
« C'est là que j'ai découvert les haies. Et que ma vie a changé », s'enthousiasme l'ancienne du Collège Stanislas.
Son premier entraînement a révélé l'ampleur de son talent. « Je n'avais jamais vu quelqu'un bouger comme ça par-dessus les haies, même au niveau international », assure Alfredo Villar-Sbaffi, qui compte pourtant 30 ans de carrière.
À sa première compétition, Aholou a inscrit le quatrième temps de l'histoire du Québec. Elle a terminé au troisième rang, à ses premiers Championnats canadiens.
Malgré son brio inespéré, Aholou a raté son laissez-passer pour les Jeux olympiques de Paris. D'un point de vue externe, une qualification aurait été exceptionnelle, seulement un an et demi après avoir appris une nouvelle discipline. Mais Aholou, elle, était complètement démolie par ce revers.
Ç'a été vraiment difficile à avaler. Tout le monde voit le sourire des athlètes qui réussissent, qui se qualifient, mais personne ne voit les larmes de ceux qui ne s'y rendent pas.
Tatiana Aholou
En expliquant sa peine, Aholou pointe les gradins du Complexe Claude-Robillard, où nous nous trouvons. C'est à cet endroit qu'elle a appris qu'elle serait exclue du cycle olympique.
« Elle a pleuré toutes les larmes de son corps », se souvient son entraîneur.
« Dans les jours suivants, je lui ai rappelé la douleur qu'elle avait eue. Je lui ai dit qu'elle devrait commencer à faire des choses qui lui déplaisaient, si elle ne voulait plus revivre cette tristesse », explique Villar-Sbaffi.
Aholou devait améliorer son endurance. Sprinteuse naturelle, elle peine à maintenir la cadence en fin de course. Ses entraînements sont douloureux. Ils se tiennent sur de longues périodes, de longues distances.
« Chaque fois qu'elle souffre, qu'elle est fatiguée, je lui pointe les estrades. Et elle travaille deux fois plus fort », se réjouit son entraîneur.
Tribune recherchée
Les dividendes de ces efforts pleuvent cette saison. Elle a terminé le 100 m haies du Championnat d'athlétisme d'Edmonton en 12,77 secondes, à quatre centièmes de seconde du standard pour les Mondiaux de 2025. Cette marque, qui la place dans l'élite mondiale, a été réalisée lors d'une performance imparfaite, ce qui laisse croire à son équipe que le meilleur est à venir.
Sans oublier qu'Aholou compétitionne aux haies depuis moins de trois ans.
« Je cours contre des filles qui font cela depuis l'âge de 12 ans, rappelle-t-elle. Je me sens toujours en mode rattrapage. »
PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE
Tatiana Aholou
En discutant avec Tatiana Aholou, on réalise qu'elle perçoit souvent le verre à moitié vide, une rareté dans le monde du sport. Avant ses courses, son visage est sombre, voire agressif. On imagine un caractère taciturne.
Tout pour détonner avec la réelle personnalité de la jeune femme, enthousiaste, pétillante. L'observation provoque ses éclats de rire.
« C'est intense, les haies. Quand je regarde les 10 haies, je vois 10 erreurs potentielles. La marge d'erreur est énorme : si j'en frappe une, toute ma course peut être détruite », détaille l'athlète verbomotrice.
Si Tatiana Aholou démontre autant d'enthousiasme en entrevue, c'est parce qu'on lui offre rarement la chance de se prêter à l'exercice. Elle estime qu'il s'agit seulement de son deuxième entretien depuis le début de l'année.
« Je commence à percer, mes résultats s'améliorent, mais en termes de visibilité, rien ne change », déplore-t-elle.
Au Québec, aucune entreprise ne lui a offert de commandite. Aucune agence de promotion de la province ne l'a contactée, si bien qu'elle s'est entendue avec Gateaway Sports, une agence établie à Londres et à Miami.
« Pourtant, j'adore dire que je viens de Montréal, que je suis Québécoise. Je me sens un peu rejetée », lâche Aholou.
Pour gagner de la visibilité, il n'y a rien de tel que les résultats. En ce sens, Aholou aura la chance de briller. Une participation à la finale des championnats continentaux, prévus à la mi-août, lui permettrait d'accéder aux Mondiaux, qui se tiendront un mois plus tard, à Tokyo.
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2 hours ago
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L'autre chemin d'Emrick Fotsing
« Le jour où j'ai marqué mon premier but chez les pros, Jesse Marsch était au stade », nous raconte le jeune Emrick Fotsing. Et juste comme ça, l'aventure de la pépite québécoise avec le Vancouver FC, en Première Ligue canadienne (PLC), a pris tout son sens. Fotsing, qui a grandi à Mascouche, est un ancien de l'Académie du CF Montréal. Il a été l'un de ses joueurs les plus prometteurs, allant jusqu'à participer à l'un de ses stages à Bologne, l'autre club de Joey Saputo. « On mangeait avec [Riccardo] Calafiori, Thiago Motta, ils nous parlaient ! En termes d'expérience, c'était vraiment top. » Malheureusement, sans contrat professionnel avec la première équipe du CFM – comme son ancien coéquipier Alessandro Biello, par exemple –, sa route avec le Bleu-blanc-noir s'est arrêtée en tant que capitaine chez les U18. Une fin qui s'explique entre autres par la dissolution de l'équipe réserve des moins de 23 ans du CF Montréal, qui évoluait en Ligue1 Québec jusqu'en 2024. 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3 hours ago
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Maya Labad prête à se battre pour un poste
Arriver à un camp d'entraînement sans contrat n'est certainement pas une situation idéale. Surtout pas lorsqu'il reste très peu de contrats à distribuer. Maya Labad admet que la perspective de se retrouver dans cette situation avec la Victoire de Montréal peut être « un peu stressante », mais on comprend rapidement qu'elle n'en perd pas le sommeil pour autant. La Mascouchoise de 23 ans a été repêchée au cinquième tour par la Victoire en juin dernier. Une sélection qui s'est accompagnée d'une compréhensible exaltation pour la seule Québécoise à avoir entendu son nom ce jour-là… mais qui vient avec une certaine dose d'inconnu. Le hockey féminin nord-américain, en effet, ne possède pas de système de développement comme chez les hommes. À défaut de se tailler un poste avec le grand club, les plans B ne passent pas par le hockey. On notera que les camps de la LPHF s'ouvrent plus tard en automne que ceux de la LNH, et que de l'eau peut encore couler sous les ponts. Qu'importe, Maya Labad est fin prête à se battre pour un poste. « Ce n'est pas quelque chose de nouveau pour moi », a-t-elle souligné, samedi dernier, en marge de la Classique KR, évènement caritatif dont les profits ont été versés à la Fondation des Canadiens pour l'enfance. « C'est quelque chose que j'ai fait chaque fois que je suis allée aux camps d'Équipe Canada », a rappelé celle qui a gagné une médaille d'argent au Mondial U18 en 2020 et qui a fait partie, au cours des dernières années, du programme national de développement. PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE Maya Labad à la Classique KR, samedi dernier « C'est sûr que c'est un peu stressant de ne pas savoir ce qui va arriver, mais en même temps, je ne suis pas la seule dans cette situation-là. C'est vraiment une fois au camp que je vais pouvoir me prouver et me tailler une place. On est toujours en train de lutter pour un poste, au fond. » Selon un décompte du Hockey News, la Victoire aurait déjà 18 joueuses sous contrat sur une possibilité de 23, et ce, alors qu'aucune des cinq athlètes repêchées en 2025 n'a encore paraphé d'entente. Cela donne une idée de l'ampleur du défi qui attend Maya Labad et ses collègues qui voudront être de la formation 2025-2026. Jeu physique Ce qui est certain, c'est que l'attaquante a « hâte que ça commence ». La phrase peut sembler convenue, mais elle prend tout son sens quand on sait que Labad a disputé son dernier « vrai » match en mars dernier. Les Bobcats de l'Université Quinnipiac, son équipe des quatre dernières saisons, se sont alors inclinés en quarts de finale de la conférence ECAC. Depuis son retour au Québec, elle s'entraîne près de chez elle dans la couronne nord de Montréal et a rejoint, il y a quelques semaines, la ligue Living Sisu, dans laquelle quatre équipes s'affrontent dans un format trois contre trois. Cela lui permet déjà de côtoyer une quinzaine de joueuses de la LPHF, dont de futures coéquipières, qui passent l'été dans la métropole. Toutes l'ont accueillie à bras ouverts. Affronter Marie-Philip Poulin lui a par ailleurs confirmé qu'elle aime mieux « jouer avec elle que contre elle », raconte-t-elle en riant. « C'est une leader incroyable », constate-t-elle, impressionnée de constater à quel point l'attaquante étoile est « complète et humble ». Cette expérience lui donne un avant-goût du calibre de jeu qui l'attend, un atout pour une joueuse qui, comme elle, arrive des rangs universitaires. PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE Marie-Philip Poulin (29) et Brianne Jenner (19), de la Charge d'Ottawa, pendant un match de séries éliminatoires de la Victoire de Montréal, en mai dernier Au cours des deux premières saisons de la LPHF, nombreuses ont été celles qui ont été prises de court par le jeu physique. À ce compte, Maya Labad promet qu'elle ne sera pas intimidée. Par le passé, dit-elle, on l'a comparée à Caroline Ouellette – ce qui n'est pas le pire des compliments quand on sait que sa compatriote est aujourd'hui au Temple de la renommée du hockey. « À cause de ma grandeur et de mon jeu physique », explique celle qui, à 5 pi 7 po, est toutefois plus petite que Ouellette. « Notre force, ce n'est pas les habiletés : c'est le tir, le coup de patin et le jeu physique », ce qui tombe plutôt à point dans une ligue qui met autant en valeur cet aspect du jeu. Malgré tout, Maya Labad ne formule pas de promesses et ne met pas la charrue devant les bœufs. Elle sait à quel point le défi qui l'attend est corsé. « Mon but, c'est de faire l'équipe, insiste-t-elle. Après, on verra. »


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Plaque qui commémore l'invention du Mulligan au Country Club de Montréal, à Saint-Lambert Rarement aura-t-on vu une si grande fierté à contrevenir aux règles. Au Country Club de Montréal, on ne revendique pas seulement la création du Mulligan, cette deuxième chance permettant aux amateurs de s'humilier à nouveau et aux plus assidus de vivre dans le déni. On la célèbre. Le Mulligan est connu partout sur la planète golf. Il permet aux joueurs, lors de leur premier coup de la partie, de tenter un deuxième coup de départ, en cas d'échec. Tout le monde connaît quelqu'un qui pousse le concept sur l'ensemble d'une partie, au coup d'approche, ou même sur les roulés… Eh bien, semble-t-il que ce concept faussant la réalité sur les cartes de pointage et faisant rager les groupes attendant patiemment à l'arrière ait été inventé au club de golf situé à Saint-Lambert, au milieu des années 1930. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE David-Étienne Bouchard, directeur du Country Club de Montréal Peu de gens savent que ç'a été créé ici. Je suis certain qu'il y a plusieurs amateurs de golf qui passent sur l'autoroute juste à côté et qui ignorent cette histoire. David-Étienne Bouchard, directeur du Country Club de Montréal Route épuisante L'accès au Country Club de Montréal est réservé à ses 750 membres. Vaut mieux sortir le chéquier pour y obtenir une adhésion. Dans le stationnement, on trouve des Audi, des Mercedes et même une Ferrari. À l'époque où le Mulligan aurait été créé, vers 1930, rares étaient les propriétaires de voiture. David Bernard Mulligan en faisait partie. Vice-président et directeur général de l'hôtel Windsor, à Montréal, l'Ontarien a possédé une puissante voiture de quatre cylindres et 33 chevaux. Comme il était le seul membre motorisé de son quatuor, il faisait office de conducteur désigné. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Le Country Club de Montréal, à Saint-Lambert PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Le Country Club de Montréal, à Saint-Lambert PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Le Country Club de Montréal, à Saint-Lambert PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Le Country Club de Montréal, à Saint-Lambert 1 /3 Seul le pont Queen Victoria Jubilee – aujourd'hui connu sous le simple nom de Victoria – liait Montréal à la Rive-Sud. L'emprunter s'avérait un chemin de croix. À l'époque, la chaussée n'était pas faite de béton, mais de morceaux de bois. Ceux-ci s'usaient rapidement et créaient des bosses. PHOTO PROVENANT DE LA COLLECTION DE LEIGHTON H. COLEMAN III, PETIT-FILS DE DAVID B. MULLIGAN Les hôteliers Vernon Grandison Cardy et David Bernard Mulligan attablés au club de golf Laval-sur-le-Lac, le 24 octobre 1929, jour du krach boursier Comme la plupart des joueurs aujourd'hui, nos héros arrivaient à la hâte au premier départ. Secoué par la conduite difficile vers le club, David Mulligan était épuisé. Il mettait du temps à retrouver ses esprits. Si bien que son premier coup de la journée dérogeait souvent des standards auxquels il avait habitué ses camarades. Une bonne fois, M. Mulligan en a eu assez. « J'ai été tellement choqué de manquer mon coup de départ que je me suis penché pour poser une autre balle. Mes trois amis me regardaient, perplexes », a-t-il raconté au journaliste Don Mackintosh, dans une chronique publiée en 1985. Par indulgence, ou peut-être par crainte de devoir rentrer à pied, les trois golfeurs ont accepté la manœuvre de leur conducteur. « Après cela, il est devenu une règle non écrite dans notre quatuor qu'il était possible de faire un coup supplémentaire au premier coup », a indiqué M. Mulligan en 1985. Manque d'entraînement Près de 100 ans plus tard, le Mulligan fait partie intégrante de la plupart des parcours de golf. Comme c'est le cas des inventions les plus géniales, il y a encore des débats sur sa paternité. Le Canada et les États-Unis se disputent encore l'invention du téléphone. Les Warwickois et Drummondvillois s'époumoneront toujours au sujet de la poutine. Et le New Jersey réclame la création du Mulligan. Celui-ci aurait été inventé par John A. Buddy Mulligan, aussi au milieu des années 1930, à l'Essex Fells Country Club. Comme il était le seul employé du club, on raconte que M. Mulligan avait beaucoup de pain sur la planche. Rarement avait-il l'occasion d'exercer son élan. Étant donné son manque d'entraînement, le premier coup de Mulligan partait la plupart du temps en courbe, et aboutissait dans les arbres. Ses ratés provoquaient les rires de ses partenaires, l'ancien joueur de la PGA Dave O'Connell et le journaliste Des Sullivan. « Écoutez, c'est une arnaque. Vous vous entraînez toute la matinée pendant que je travaille. 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Finalement, la pandémie est arrivée, ça ne s'est jamais passé », raconte David-Étienne Bouchard. Même sans tournoi pour célébrer le Mulligan, le Country Club de Montréal honore quotidiennement son invention. Près du premier départ, une plaque inaugurée il y a 15 ans relate l'histoire de son fondateur présumé, David Bernard Mulligan. Gageons que plusieurs golfeurs se consolent en la regardant, après un 18 trous horrible, en se rappelant que les coups manqués existent depuis plus d'une centaine d'années.