
La vie, l'été
C'est immanquable : chaque été, quelque part au milieu des vacances, je suis frappé par une sorte de blues que je m'explique mal.
Il fait beau, je cours et roule à vélo, j'ai le corps reposé, bronzé, la maison est en ordre – je veux dire : il n'y a rien à peindre ni à réparer –, la cour est en fleurs, les arbres, tout verts, chargés de feuilles, rejoignent le ciel. Les journées sont encore longues, Montréal est tranquille, vidé de la moitié de ses habitants, nous voyons la famille, des amis. Et pourtant, je trouve le moyen de penser à la vie qui passe trop vite, aux enfants qui grandissent, à tout ce qu'il reste à faire. Je vis un petit tumulte intérieur.
Quand je lui fais part de mes états d'âme, ma blonde rigole gentiment : « C'est ton moment philosophique. » C'est vrai que c'est la même chose chaque année.
Il suffit que je m'arrête un peu, que je m'arrête vraiment, pour me demander comment je fais pour courir tout le reste de l'année. Le train est en gare, je l'entends, il s'apprête à repartir, je suis seul sur le quai et me demande si j'ai envie d'y monter.
Pour me changer les idées, je fais dérouler mes fils Facebook et Instagram, il y a des gens heureux, d'autres qui sont en pleine promotion de ceci ou cela, mais aussi, c'est immanquable, une foule d'indignés en permanence qui déchirent leur chemise, pour tout et pour rien.
J'entends parler d'une pub de jeans, qui serait d'un racisme « épouvantable ». Et d'un cochon, oui, un cochon, à LaSalle, Timmy qu'il s'appelle, que l'administration municipale a menacé d'expulsion avant de se raviser. My God, ça va mal. Ils ne prennent jamais de vacances, ces gens-là.
Remarquez, il y a de vraies raisons de s'indigner. Je pense à Gaza, à l'horreur innommable que c'est devenu, à ces enfants qui crèvent de faim, à ce champ de ruines, alors que les grandes puissances appellent – enfin, mais trop tard – Israël à la modération. Ça ressemble à quoi, une famine « modérée », un massacre « modéré » ?
Mon chien, lui, de toute évidence, ne se pose pas ce genre de questions. Il ne sait rien du monde, sinon ce qu'il en perçoit dans l'étroit rayon où il lui est permis d'exister.
Il a faim, il mange. Il est fatigué, il dort. Il veut se réchauffer, il cherche la lumière, se couche sur la chaise de parterre, en plein soleil. Ponyo, qu'elle s'appelle (c'est une femelle), en l'honneur de la petite sirène de Miyazaki.
Je me souviens encore du jour où nous sommes allés la chercher, chez un éleveur de Mascouche. C'était la Saint-Valentin. Les filles étaient rentrées de l'école, nous leur avions annoncé : « Ce soir, nous achetons un chien ! » Elles s'en souviennent encore. Nous aussi. C'était une joie pure, parfaite.
Ma plus vieille en parlait depuis des années. À l'île de la Visitation, pendant une promenade, elle s'était même agenouillée devant une croix – celle qui rappelle la mort du père Viel, noyé dans la rivière des Prairies en ce lieu même, en 1625 – pour demander à Dieu de lui donner un chien.
Et ce jour-là, Dieu, c'était nous. Elle avait choisi le chien le plus tranquille (tu parles), collé sur ses frères et sœurs. Au retour dans la voiture, le chien pleurait, et ma plus jeune, grande sensible, s'était mise à pleurer aussi. Une bête si petite qu'aussitôt arrivée à la maison, elle avait réussi à se cacher dans une de mes bottes d'hiver. Vie fragile.
À l'heure où j'écris ces lignes, le chien est étendu de tout son long, les yeux à demi fermés, l'air d'un bouddhiste zen. C'est son côté shih tzu, j'imagine.
Parfois, il lève la tête, me jette un regard distrait, je me demande s'il pense à quelque chose, ou si c'est le vide, le « rien », qui l'habite. Je l'appelle alors le « petit chien philosophe ». Je connais des gens qui paient cher pour atteindre un tel état de sérénité.
Mais c'est une drôle de bête, prisonnière des extrêmes. Il suffit qu'un autre chien marche sur le trottoir qui borde la cour pour que le mien perde les pédales. J'ai beau alors le rappeler à l'ordre, il jappe, grogne, court de droite à gauche, sautille, veut m'alerter. « Ponyo, veux-tu bien me dire pourquoi tu t'énerves ? » Et c'est encore pire pendant les promenades, quand il croise un semblable : il devient fou.
On dit que certains chiens, trop habitués aux humains, arrivent mal à vivre avec leurs congénères quand ils les retrouvent, ne les comprennent pas, ne savent pas comment interagir – et qui n'a pas vécu la même chose ?
À ces moments-là, je m'excuse auprès de l'autre maître, je traite mon chien de « mésadapté », et parfois même de « cas psychiatrique », une manière d'admettre que je ne l'ai pas bien élevé. Et je n'exagère pas tant. Il y a quelques années, le vétérinaire nous avait conseillé de lui faire suivre une thérapie pour gérer son anxiété. J'avais répondu du tac au tac : « Les maîtres consultent déjà. » Je parlais de notre propre anxiété.
L'anxiété, j'ai passé une bonne partie de ma vie à l'apprivoiser. C'est une bête farouche, peut-être indomptable. Mais il m'arrive de penser qu'elle est l'expression de la vie même, sa vibration la plus intime.
Peut-on vraiment vivre sans être anxieux, sans éprouver, d'une manière ou d'une autre, le manque – de tout ce qu'il reste à faire – et le danger – de tout ce qui pourrait survenir ? N'y a-t-il pas dans ce qui me fait désirer, aimer, écrire, enseigner une part d'anxiété nécessaire ?
Au milieu de l'été, dans cette pause obligée où mon esprit s'agite, je cherche le courage de remonter dans le train. Et je le trouve, au hasard d'une lecture, chez Jean Jaurès : « Le courage, c'est de comprendre sa propre vie, de la préciser, de l'approfondir, de l'établir et de la coordonner cependant à la vie générale. […] Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille1. »
1. Jean Jaurès, Discours à la jeunesse, 1903
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