
Guerre en Ukraine: Derrière le sommet Trump-Poutine, deux armées à bout de souffle
Les présidents Donald Trump et Vladimir Poutine se sont rencontrés vendredi à Anchorage en Alaska pour des pourparlers de paix sur l'Ukraine.
ANDREW HARNIK/GETTY IMAGES/AFP
En bref:
Quel genre de paix le président ukrainien Volodymyr Zelensky se verra-t-il proposer ce lundi à Washington? Donald Trump est resté très évasif après sa rencontre avec Vladimir Poutine vendredi en Alaska. Aucun accord n'a été conclu. Il resterait quelques points à négocier et un important point de contentieux à résoudre.
Lequel? On sait que le maître du Kremlin veut voir l'Ukraine céder 20% de son territoire et renoncer à une adhésion à l'OTAN et à l'Union européenne. On sait aussi que l'Ukraine refuse de signer avec la Russie en l'absence de solides garanties de sécurité de la part des États-Unis et des alliés occidentaux.
Surtout, derrière toute cette agitation diplomatique, les deux armées ennemies en sont-elles arrivées à un point tel que la négociation devient plus avantageuse que le combat? Entretien avec Adrien Fontanellaz, spécialiste des conflits contemporains au Centre d'histoire et de prospective militaires de Pully. Il vient de publier chez Infolio «L'armée ukrainienne. Une histoire militaire et immédiate 1991-2025».
Que vous inspire le sommet Trump-Poutine en Alaska?
À ce stade, pas grand-chose. Aucun accord ni cessez-le-feu n'a été annoncé. Donald Trump a juste dit qu'il restait peu de points à négocier et qu'il n'y avait selon lui qu'un seul point de désaccord important. Ensuite, sur Fox News, il a précisé que la fin de la guerre dépend maintenant du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Il n'y a rien là de très neuf, à part le fait qu'il a offert une formidable victoire symbolique à Vladimir Poutine. Le président russe, recherché par la Cour pénale internationale, a été reçu en tête à tête par le président de la première puissance mondiale. Et cela, sans faire de concessions.
Donald Trump n'a donc rien gagné en organisant ce sommet?
Avant l'ère Trump, les présidents se rencontraient plutôt pour entériner un accord négocié au préalable par leurs diplomates. Mais ce n'est plus la règle à la Maison-Blanche. Durant son précédent mandat, le président Trump avait déjà rencontré Kim Jong-un lors d'un sommet qui n'avait débouché sur rien.
Adrien Fontanellaz, spécialiste des conflits contemporains au Centre d'histoire et de prospective militaires de Pully. Il vient de publier chez Infolio «L'armée ukrainienne. Une histoire militaire et immédiate 1991-2025».
DR
On sait que Poutine voudrait voir Kiev céder des territoires et renoncer à l'aide occidentale. Quelle est la situation sur le front?
L'évolution de la guerre a bien sûr un impact direct sur le jeu diplomatique. Si l'une des parties est en déroute, cela réduit d'autant ses marges de négociation. Actuellement, la situation est complexe. Pour simplifier, je dirais que les deux adversaires sont très usés, mais que les Ukrainiens sont plus vulnérables que les Russes.
L'armée ukrainienne est à bout?
Les Ukrainiens ont deux problèmes. Le premier, c'est qu'ils sont très dépendants de l'aide militaire occidentale. Or, Donald Trump ne cesse de couper puis rouvrir le robinet. Les Européens ont quant à eux mis longtemps à monter en puissance. Le deuxième problème correspond aux dysfonctionnements, comme le népotisme, qui touchent les strates les plus élevées de la chaîne de commandement ukrainienne.
Heureusement, c'est en partie compensé au niveau opérationnel par l'action très professionnelle d'officiers expérimentés et par la débrouillardise générale des Ukrainiens, qui ont l'habitude de pallier les faiblesses étatiques. Mais c'est épuisant et cela signifie concrètement des pertes humaines qui auraient pu être évitées. Par exemple, quand une unité est progressivement encerclée par les forces russes, l'autorisation de retraiter vient souvent très tard, car personne en haut lieu ne veut endosser cette responsabilité. Je pense aussi aux défaillances du système de recrutement.
Les Ukrainiens ont-ils du mal à recruter?
Oui, l'armée a beaucoup de peine à compenser les pertes qu'elle subit, avec comme conséquence un affaiblissement croissant des unités de combat, et au final, les fantassins envoyés au front savent que leurs chances de survie sont ténues. Par ailleurs, certains camps d'entraînement sont excellents, d'autres sont très mauvais et les recrues envoyées sur le front ont tout à apprendre. Le résultat, c'est que les unités les plus professionnelles et les mieux connectées à la société attirent sans difficulté des volontaires, tandis que les unités moins solides restent vulnérables. Celles-là deviennent la cible privilégiée des Russes, ce qui les affaiblit d'autant plus. Tout ceci est de notoriété publique en Ukraine car publié dans les médias ukrainiens ou encore dénoncé par des officiers ukrainiens sur les réseaux sociaux.
Donald Trump et Vladimir Poutine sont restés impassibles vendredi face au feu de questions des journalistes lors de la conférence de presse suivant leur sommet en Alaska.
SERGEY BOBYLEV/POOL/AFP
Les Russes sont donc en meilleure posture?
Moscou n'a pas de problème de recrutement. Même si l'armée russe perd au moins deux fois plus de soldats que les forces ukrainiennes, le réservoir de population est beaucoup plus important et, même s'il a fallu augmenter les primes, il y a suffisamment de volontaires pour remplacer les pertes et continuer à attaquer. Les sanctions internationales n'ont pas non plus causé à ce jour un effondrement de l'économie russe.
En revanche, le Kremlin ne peut pas compenser toutes les pertes matérielles de son armée. Son industrie ne produit par exemple qu'une trentaine d'avions de combat par année. L'armée russe a dû ainsi ponctionner les vieux stocks soviétiques, mais ceux-ci s'épuisent et l'aide nord-coréenne semble avoir atteint un plafond. On constate ainsi que moins de blindés sont utilisés, comme s'il fallait les «économiser» tandis que la supériorité russe en artillerie s'est beaucoup réduite.
Dans ces conditions, Poutine va-t-il pouvoir continuer cette guerre?
Vladimir Poutine sait qu'il ne peut pas poursuivre cette guerre éternellement. Pour l'instant, il dispose d'une «fenêtre de supériorité» qu'il peut exploiter en poussant à bout les Ukrainiens en espérant un effondrement de l'adversaire, mais celle-ci va inévitablement se refermer à un moment. C'est pourquoi le maître du Kremlin n'est peut-être pas indifférent au jeu diplomatique.
L'Ukraine peut-elle tenir encore longtemps?
L'armée n'est pas défaite même si le risque d'un effondrement simultané de plusieurs unités très affaiblies est bien présent. Les dysfonctionnements déjà évoqués coûtent cher, mais peuvent aussi rapidement être traités s'il y a une forte volonté politique, ce qui pourrait se traduire par une amélioration de la situation sur le front, alors que l'aide européenne et la production d'armes ukrainiennes continuent à s'accroître.
Si les États-Unis forcent le président Zelensky à signer un accord sans vraies garanties de sécurité, ceci serait vécu comme une trahison de la part de l'Occident. Et la guerre reprendrait vraisemblablement à l'issue d'une paix boiteuse. Il est aisé d'oublier que l'Ukraine est sous attaque depuis 2014 et que les accords de Minsk n'ont pas empêché la Russie de l'envahir en février 2022. Beaucoup d'Ukrainiens sont prêts à tout pour que leurs enfants n'aient pas à revivre ça.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


24 Heures
an hour ago
- 24 Heures
Washington partagée face au déploiement de la Garde nationale ordonné par Trump
Depuis l'annonce de Donald Trump, lundi 11 août, du déploiement de la Garde nationale dans la capitale américaine, les habitants sont partagés entre incompréhension et attentisme. Alexis Buisson - Envoyé spécial à Washington Publié aujourd'hui à 20h12 La Garde nationale patrouille désormais dans les rues de Washington, sur ordre de Donald Trump. Getty Images via AFP En bref: Les articles ABO sont réservés aux abonnés. S'abonner Déjà enregistré.e ou abonné.e? Se connecter


24 Heures
2 hours ago
- 24 Heures
Sommet Trump-Poutine: des documents confidentiels oubliés dans une imprimante en Alaska
Huit pages marquées du sceau du Département d'État américain, découvertes dans un hôtel d'Anchorage, ont mis au jour des informations inédites et potentiellement sensibles. Publié aujourd'hui à 18h14 Donald Trump et Vladimir Poutine vendredi à Anchorage en Alaska. Keystone C'est une erreur aussi triviale qu'inquiétante: huit pages marquées du sceau du Département d'État américain ont été retrouvées vendredi matin dans l'imprimante en libre accès d'un hôtel d'Anchorage, a révélé la radio publique américaine ce week-end. Elles contiennent des détails sensibles du sommet tenu la veille entre Donald Trump et Vladimir Poutine sur la base militaire Elmendorf-Richardson. Ces documents, vraisemblablement rédigés par des membres de l'administration américaine et laissés par inadvertance dans le centre d'affaires de l'Hôtel Captain Cook, détaillaient les horaires précis, les lieux des réunions ainsi que les coordonnées téléphoniques de plusieurs responsables américains. La Maison-Blanche minimise On rembobine. Vers 9 heures vendredi, trois clients de l'établissement, situé à une vingtaine de minutes de la base militaire d'Elmendorf-Richardson où s'est tenue la rencontre bilatérale, ont trouvé les pages oubliées dans une imprimante publique. L'un d'eux a transmis des photos du document à NPR, sous couvert d'anonymat par crainte de représailles. DR Face à ces révélations, la Maison-Blanche a minimisé l'affaire. Samedi, la porte-parole adjointe, Anna Kelly, a qualifié le document de simple «menu de déjeuner» et a assuré qu'il n'y avait eu aucune faille de sécurité. Le Département d'État n'a pas réagi aux sollicitations des journalistes. La première page précisait l'ordre des réunions prévues, avec les noms exacts des salles de la base militaire. Elle indiquait également que le président Trump avait l'intention d'offrir à son homologue russe une statue de bureau représentant un aigle à tête blanche, symbole national américain. Plan de table et menu du dîner Les pages suivantes contenaient une liste de treize hauts responsables américains et russes, assortie des coordonnées téléphoniques de trois membres du personnel américain. Pour faciliter les échanges, le document proposait également une transcription phonétique des noms russes, incluant une indication sur la prononciation des noms, dont celui de Poutine. D'autres pages détaillaient le déjeuner prévu «en l'honneur de Son Excellence Vladimir Poutine». Un plan de table indiquait que Trump et Poutine devaient s'asseoir face à face. Le président américain devait être entouré de six responsables, dont le secrétaire d'État, Marco Rubio, le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, et la cheffe de cabinet, Susie Wiles. Côté russe, Poutine devait être accompagné notamment de son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et de son conseiller, Yuri Ushakov. Le menu prévu – finalement annulé – se composait d'une salade verte, d'un choix entre filet mignon et flétan «olympia» et d'une crème brûlée en dessert. D'autres couacs Pour Jon Michaels, professeur de droit à UCLA et spécialiste de la sécurité nationale cité par NPR, cette découverte illustre une sérieuse négligence: «C'est une preuve supplémentaire de la désinvolture et de l'incompétence de l'administration. On ne laisse pas des documents dans une imprimante, c'est aussi simple que cela.» Cette affaire s'ajoute à une succession récente de maladresses sécuritaires. Plus tôt dans la semaine, un groupe de discussion sur une messagerie de responsables de l'immigration avait accidentellement intégré un inconnu lors d'échanges sur la traque d'un criminel. En mars, des responsables de la sécurité nationale avaient, eux, par erreur, ajouté un journaliste à une conversation sur l'application Signal concernant des frappes militaires imminentes au Yémen. Guerre en Ukraine Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Emmanuel Borloz est à la tête du Digital Desk de Tamedia, responsable des contenus numériques pour «24 heures», «la Tribune de Genève» et «le Matin Dimanche» depuis novembre 2024. Plus d'infos @ManuDeepBlue Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
8 hours ago
- 24 Heures
Droits de douane: les dessous de la discussion houleuse entre Donald Trump et KKS
Pression sur la présidente de la Confédération et mépris total de Donald Trump de ses propres ministres… le «SonntagsBlick» révèle des détails concernant le fameux coup de fil du 31 juillet. Publié aujourd'hui à 12h54 Selon les révélations du «SonntagsBlick», ce n'est pas Karin Keller-Sutter qui a initié le fameux coup de fil avec Donald Trump le 31 juillet dernier. KEYSTONE/Anthony Anex En bref: Il n'aura fallu que trente-quatre minutes pour réduire à néant des mois d'efforts diplomatiques. Le «SonntagsBlick» révèle de nouveaux détails concernant le coup de fil entre Karin Keller-Sutter et Donald Trump. Ce fameux échange, la veille de la fête nationale, qui s'est soldé par un droit de douane de 39% à l'encontre de la Suisse. Le journal dominical alémanique a tenu d'emblée à corriger une information: l'appel du 31 juillet n'a pas été initié par la ministre PLR , mais par le représentant américain au Commerce, Jamieson Greer. Ce dernier est désigné par le «SonntagsBlick» comme «l'observateur secret de la Suisse au sein du gouvernement américain». Sentant le vent tourner en défaveur de Berne, il en a informé le ministre de l'Économie, Guy Parmelin, en lui recommandant d'appeler d'urgence Washington. «Je m'en fiche d'eux!» Une fois le contact établi entre Karin Keller-Sutter et Donald Trump, le président américain a bel et bien été impressionné par le fait que l'histoire suisse remonte à 1291. Mais le ton a rapidement changé, comme l'avaient déjà rapporté les médias. Le président américain n'a pas du tout apprécié que la présidente de la Confédération lui rappelle le protocole d'accord entre Washington et Berne , discuté entre le Conseil fédéral et les négociateurs américains responsables, dont Jamieson Greer. «Je m'en fiche d'eux!» a répliqué le locataire de la Maison-Blanche, rapporte encore le «SonntagsBlick». Autre révélation du journal: lors de l'entretien, Donald Trump a formulé des demandes financières directes à la présidente de la Confédération. Il a notamment évoqué les 600 milliards de dollars d'investissements de l'Union européenne, les présentant non pas comme des investissements, mais comme une sorte de cadeau. «Qu'est-ce que vous me payez, vous?» a alors demandé le milliardaire. Interrogée par le journal dominical, le porte-parole de la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter n'a pas souhaité commenter. À lire aussi Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Simone Honegger a rejoint la rubrique vaudoise depuis août 2021. Auparavant, elle a travaillé à la radio LFM et passé quatre ans à Berne à couvrir la politique fédérale pour les radios régionales romandes. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.