
Derrière le calme du lac de Tseuzier, une vigilance de chaque instant
Mis en service en 1957, le barrage de Tseuzier s'appuie sur les épaules solides que forment les rives des gorges de la Liène. Ce sont elles qui ont bougé en 1978, fissurant l'ouvrage.
Florian Cella / Tamedia
En bref:
Les éboulements survenus à Blatten, dans le haut val de Bagnes, ou plus récemment, près de la Grande Dixence le démontrent sans équivoque: la montagne, mise sous surveillance, bouge.
Le randonneur qui profite du paysage sauvage qu'offre le barrage de Tseuzier et des nombreux itinéraires alentours – autour du lac, le long du bisse de Sion ou encore en direction du col des Eaux Froides – ne la remarque pas nécessairement. La cicatrice en forme de V, bien visible sur le mur haut de 156 m, rappelle pourtant que l'ouvrage situé sur les hauts d'Ayent et d'Icogne a lui-même fait les frais de ces aléas.
En octobre 1978, des sondages ont lieu, en vue du creusement du tunnel du Rawyl, qui doit assurer une liaison autoroutière entre Berne et le Valais. Ces travaux provoquent un tassement du massif: les berges des gorges de la Liène, sur lesquelles le barrage-voûte s'appuie, se resserrent de 6 cm et le socle rocheux qui le soutient s'affaisse de 12 cm, endommageant l'ouvrage.
En nous guidant dans les entrailles du barrage mis en service en 1957, Samuel Lamon s'arrête devant les instruments qui ont permis aux exploitants de l'époque de constater le problème. Trois pendules sont suspendus dans les galeries, du haut du mur à sa base, à la manière de fils à plomb. «Ils servent à mesurer les mouvements du barrage, explique l'ingénieur responsable de la production et de la maintenance au sein de la société exploitante Oiken . Contrairement aux idées reçues, un barrage est construit en béton sans armature métallique. L'ouvrage bouge de 10 à 11 mm en fonction du niveau de remplissage du lac. Si les relevés de ces pendules sortent de cette norme, une alerte est automatiquement lancée.»
Le réseau de fissures colmatées est encore visible sur le parement.
Florian Cella / Tamedia Surveillance et compréhension
Depuis 1978, les instruments ont évolué: «Ils permettent par exemple de transmettre des données en temps réels au centre de conduite qui pilote les aménagements, alors que des relevés manuels étaient nécessaires à l'époque», illustre Samuel Lamon. Mais le principe de la surveillance reste le même: «Nous cherchons à comprendre tous les phénomènes physiques qui se produisent, en apparence comme dans les profondeurs des fondations du barrage.»
Un vaste réseau de points de mesure a été disséminé dans la structure même, ainsi que dans tout le bassin-versant, dans un rayon de 10 km. «Tous les cinq ans, nous menons une campagne de relevés géologiques, sur dix jours», poursuit l'ingénieur.
Samuel Lamon présente les différents appareils de mesures qui permettent de s'assurer de la stabilité de l'ouvrage.
Florian Cella / Tamedia
Chaque année, les pierres tombées des rives des gorges sont également recensées. Des manomètres surveillent en permanence la pression de l'eau dans la roche. Dans les galeries, les débits d'eau, qui proviennent des infiltrations dans le béton et dans la roche, sont récoltés et mesurés. S'ils sortent des normes, les exploitants cherchent immédiatement à en déterminer la raison.
Dans la maison des barragistes, une exposition détaille le déroulement de l'événement de 1978 et les données récoltées depuis. Un graphique montre que les débits d'eau observés sont allés decrescendo ces dernières décennies. «La situation se normalise, mais le phénomène géologique qui a provoqué le tassement est toujours actif et est surveillé attentivement», signale Samuel Lamon.
L'ouvrage situé sur les communes d'Ayent et d'Icogne n'est pas le seul à faire l'objet d'une telle vigilance. «L'Office fédéral de l'énergie fixe un cadre très strict et les protocoles à respecter en matière de surveillance et d'alerte.»
Plongée dans les entrailles de Tseuzier, sur les hauts des communes valaisannes d'Ayent et d'Icogne.
Florian Cella / Tamedia
La crainte d'un raz-de-marée géant qui noierait le Vieux-Pays en cas de rupture reste très présente dans l'esprit des Valaisans. Est-elle fondée? «L'être humain a une certaine capacité à imaginer le pire, réagit Samuel Lamon. Mais cela nous aide à élaborer des scénarios pour prévenir de catastrophes. Parmi ceux que la Confédération nous demande d'étudier figure celui d'une rupture franche du barrage: un peu comme s'il disparaissait d'un coup. Ce n'est pas une hypothèse plausible, mais elle est prise en compte dans l'élaboration des protocoles de sécurité.»
À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Changement climatique et nouveaux scénarios
Reste que face au changement climatique, ces scénarios sont appelés à évoluer. «Les ingénieurs doivent par exemple aujourd'hui intégrer le fait que la température des parements visibles du barrage augmente, ce qui a une incidence sur le comportement du béton.»
La multiplication des épisodes pluvieux violents n'est pas non plus sans conséquence. «Les orages en juillet, août, septembre, on connaît. Nous gardons toujours un volume de sécurité, qui permet de les absorber dans le lac. En revanche, on voit de plus en plus d'orages en hiver, au moment où le lac est à son plus haut niveau.» Là encore, une marge de sécurité est gardée et, en cas de crue extrême, un système permet d'évacuer le trop-plein. «Nous pouvons turbiner, voire vidanger la retenue par la vanne de fond, en cas d'urgence.»
Les gorges de la Liène étant très encaissées, la vague provoquée aurait le temps de se lisser avant d'atteindre la plaine, rassure Samuel Lamon, qui évoque la surveillance: «Dans tous les cas, une crue n'est pas subite: il y a des signes avant-coureurs. Avant de vidanger pour une raison où une autre, nous devons avertir la population. En réalité, les barrages sont plutôt une sécurité contre les crues, car ils permettent de jouer un rôle de tampon.»
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David Genillard est journaliste depuis 2007 au sein de la rédaction de 24 heures, chargé plus spécifiquement, depuis 2025, de la couverture du Valais romand. Auparavant, il a travaillé durant plus de 15 ans à la rubrique Vaud & Région, où il a notamment couvert l'actualité du Chablais et des Alpes vaudoises. Il a également participé en 2021 au lancement de l'hebdomadaire Riviera-Chablais Votre Région, partenaire de 24 heures. Plus d'infos
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