
Le prochain grand virage de l'agroalimentaire
Depuis des décennies, l'industrie alimentaire se prépare à nourrir une planète surpeuplée, mais son plus grand défi pourrait bien être celui d'une population pas aussi nombreuse que prévu.
Le changement climatique constitue aujourd'hui la menace la plus pressante pour le secteur agroalimentaire. Des agriculteurs aux transporteurs, tous doivent s'adapter à des conditions extrêmes : sécheresses, inondations, incendies, saisons de culture déréglées. Chaque maillon de la chaîne d'approvisionnement voit sa résilience mise à rude épreuve.
Mais une autre menace, plus lente et plus insidieuse, émerge : la dépopulation.
L'industrie agroalimentaire repose sur une logique simple : une population croissante entraîne une demande accrue en aliments, en diversité et en valeur. Ce postulat a guidé les stratégies du secteur pendant des décennies. Mais que se passe-t-il quand cette base de consommateurs commence à diminuer ?
Plus de 60 pays connaissent déjà un déclin démographique, selon l'ONU, un chiffre qui doublera dans les 25 prochaines années. Le Japon, l'Italie, la Corée du Sud, la Bulgarie et d'autres voient leur population baisser d'année en année, d'après l'OCDE. Baisse des taux de natalité, vieillissement de la population, pénuries de main-d'œuvre et pressions fiscales redessinent l'économie mondiale.
Même le Canada ne pourra pas échapper éternellement à cette tendance. Les politiques migratoires évoluent, et la croissance de la population mondiale ralentit, voire s'inverse dans plusieurs régions.
Longtemps, le monde a craint la surpopulation et ses effets sur la sécurité alimentaire. Aujourd'hui, la réalité est inversée : comment maintenir un système agroalimentaire robuste avec moins de consommateurs et moins de travailleurs ?
Jusqu'ici, la faim mondiale était moins liée à une pénurie d'aliments qu'à des problèmes de distribution. La peur de manquer de nourriture relevait davantage de la politique que de l'agriculture. Désormais, la question clé devient : comment préserver une économie alimentaire innovante quand la demande faiblit ?
Le cas canadien illustre bien ce paradoxe. Si notre population augmente encore, c'est grâce à l'immigration, selon Statistique Canada. Notre taux de fécondité continue de chuter. Derrière les débats publics sur les prix des aliments et l'accessibilité, un enjeu plus profond s'installe : l'insécurité nutritionnelle.
En 2024, un ménage canadien sur huit vivait dans l'insécurité alimentaire, d'après une étude de l'Université de Toronto, un chiffre probablement sous-estimé. Ce phénomène ne se limite pas à la faim : il implique un accès insuffisant à des aliments sains, une mauvaise qualité nutritionnelle et des conséquences majeures sur la santé.
Un problème souvent ignoré dans ce contexte est la malnutrition liée à la maladie. Elle touche tous les groupes d'âge et est fortement corrélée à l'insécurité alimentaire et aux maladies chroniques. Le Groupe de travail canadien sur la malnutrition estime qu'un enfant canadien sur trois, et jusqu'à un adulte sur deux hospitalisés, est déjà mal nourri à son admission. La maladie aggrave la malnutrition, qui elle-même affaiblit la santé, créant un cercle vicieux coûteux et dangereux.
Ce défi va s'intensifier avec le vieillissement de la population et la montée des maladies chroniques. Il ne s'agit plus seulement de nourrir la population, mais de lui offrir une alimentation qui prévient et accompagne les soins de santé.
La malnutrition est désormais un problème systémique qui illustre les limites de notre façon de penser l'alimentation.
Que signifie tout cela pour le secteur agroalimentaire ?
Le marché devient de plus en plus hétérogène. L'approche « taille unique » ne fonctionnera plus. La croissance passera par l'innovation, la spécialisation et une offre adaptée aux besoins nutritionnels des consommateurs. Il faudra offrir moins de calories, mais de meilleure qualité.
Les politiques publiques devront aussi évoluer. L'accent mis sur l'accessibilité et l'abordabilité doit s'élargir à la sécurité nutritionnelle – c'est-à-dire garantir un accès constant à des aliments qui soutiennent la santé et préviennent les maladies. Il ne s'agit pas d'un changement de vocabulaire, mais d'un changement de paradigme.
Nous devons passer d'un modèle centré sur la croissance à un modèle fondé sur la résilience, la qualité et la santé. Cette transition ne sera pas simple, mais elle est nécessaire. Sinon, nous risquons de maintenir un système alimentaire inadéquat face aux réalités démographiques et nutritionnelles émergentes.
L'avenir de l'alimentation ne se mesurera plus seulement en tonnes, mais en bien-être par personne.
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3 days ago
- La Presse
Des fruits et légumes d'ici à prix réduit
Quels sont les produits québécois et canadiens à prix réduit dans les supermarchés cette semaine ? Fruits et légumes Les récoltes de fruits et légumes du Québec et du Canada se poursuivent. On trouve les fraises en panier de 1 L à 2,99 $ chez Maxi. Pour de la fraîcheur à votre table, la laitue en feuilles verte ou rouge ainsi que la laitue romaine se vendent 0,85 $ chez Super C. Pour du croquant sous la dent, le céleri est offert à 0,99 $ chez IGA. En smoothie, les bleuets en chopine se vendent 1,49 $ chez Super C. Le maïs est enfin arrivé : celui de deux couleurs se vend 0,44 $ l'unité chez Maxi. Viande et volaille Pièce délicieuse au barbecue, le filet de porc du Québec, en format économique, est offert à 4,99 $ pour 454 g, 11,00 $ le kilo, chez IGA. Pour un repas entre amis, on trouve les ailes de poulet du Canada en format économique à 4,00 $ pour 454 g, soit 8,82 $ le kilo, chez Provigo. Les poitrines de poulet avec dos, en format économique, se vendent 3,99 $ pour 454 g, 8,80 $ le kilo, chez Metro. Produits laitiers Pour se sucrer le bec, les friandises glacées Drumstick, préparées au Canada, sont offertes à 4,94 $ par boîte de 4 ou 6 cornets chez Super C. Pour garnir votre pizza ou agrémenter votre sandwich, le fromage Sélection, en format de 400 g ou en tranches en format de 210 ou 230 g, se vend 4,44 $. En sauce ou pour tout simplement verser dans votre café, la crème Québon, en format de 473 ml (crème à cuisson 35 %) et de 1 L (crème à café 10 %), se trouve à 3,00 $ chez Provigo. La marque Québon appartient à la coopérative québécoise Agropur. Ses produits sont transformés notamment à l'usine de Granby.


La Presse
3 days ago
- La Presse
Le prochain grand virage de l'agroalimentaire
La malnutrition liée à la maladie va s'intensifier avec le vieillissement de la population et la montée des maladies chroniques, écrit l'auteur. Depuis des décennies, l'industrie alimentaire se prépare à nourrir une planète surpeuplée, mais son plus grand défi pourrait bien être celui d'une population pas aussi nombreuse que prévu. Le changement climatique constitue aujourd'hui la menace la plus pressante pour le secteur agroalimentaire. Des agriculteurs aux transporteurs, tous doivent s'adapter à des conditions extrêmes : sécheresses, inondations, incendies, saisons de culture déréglées. Chaque maillon de la chaîne d'approvisionnement voit sa résilience mise à rude épreuve. Mais une autre menace, plus lente et plus insidieuse, émerge : la dépopulation. L'industrie agroalimentaire repose sur une logique simple : une population croissante entraîne une demande accrue en aliments, en diversité et en valeur. Ce postulat a guidé les stratégies du secteur pendant des décennies. Mais que se passe-t-il quand cette base de consommateurs commence à diminuer ? Plus de 60 pays connaissent déjà un déclin démographique, selon l'ONU, un chiffre qui doublera dans les 25 prochaines années. Le Japon, l'Italie, la Corée du Sud, la Bulgarie et d'autres voient leur population baisser d'année en année, d'après l'OCDE. Baisse des taux de natalité, vieillissement de la population, pénuries de main-d'œuvre et pressions fiscales redessinent l'économie mondiale. Même le Canada ne pourra pas échapper éternellement à cette tendance. Les politiques migratoires évoluent, et la croissance de la population mondiale ralentit, voire s'inverse dans plusieurs régions. Longtemps, le monde a craint la surpopulation et ses effets sur la sécurité alimentaire. Aujourd'hui, la réalité est inversée : comment maintenir un système agroalimentaire robuste avec moins de consommateurs et moins de travailleurs ? Jusqu'ici, la faim mondiale était moins liée à une pénurie d'aliments qu'à des problèmes de distribution. La peur de manquer de nourriture relevait davantage de la politique que de l'agriculture. Désormais, la question clé devient : comment préserver une économie alimentaire innovante quand la demande faiblit ? Le cas canadien illustre bien ce paradoxe. Si notre population augmente encore, c'est grâce à l'immigration, selon Statistique Canada. Notre taux de fécondité continue de chuter. Derrière les débats publics sur les prix des aliments et l'accessibilité, un enjeu plus profond s'installe : l'insécurité nutritionnelle. En 2024, un ménage canadien sur huit vivait dans l'insécurité alimentaire, d'après une étude de l'Université de Toronto, un chiffre probablement sous-estimé. Ce phénomène ne se limite pas à la faim : il implique un accès insuffisant à des aliments sains, une mauvaise qualité nutritionnelle et des conséquences majeures sur la santé. Un problème souvent ignoré dans ce contexte est la malnutrition liée à la maladie. Elle touche tous les groupes d'âge et est fortement corrélée à l'insécurité alimentaire et aux maladies chroniques. Le Groupe de travail canadien sur la malnutrition estime qu'un enfant canadien sur trois, et jusqu'à un adulte sur deux hospitalisés, est déjà mal nourri à son admission. La maladie aggrave la malnutrition, qui elle-même affaiblit la santé, créant un cercle vicieux coûteux et dangereux. Ce défi va s'intensifier avec le vieillissement de la population et la montée des maladies chroniques. Il ne s'agit plus seulement de nourrir la population, mais de lui offrir une alimentation qui prévient et accompagne les soins de santé. La malnutrition est désormais un problème systémique qui illustre les limites de notre façon de penser l'alimentation. Que signifie tout cela pour le secteur agroalimentaire ? Le marché devient de plus en plus hétérogène. L'approche « taille unique » ne fonctionnera plus. La croissance passera par l'innovation, la spécialisation et une offre adaptée aux besoins nutritionnels des consommateurs. Il faudra offrir moins de calories, mais de meilleure qualité. Les politiques publiques devront aussi évoluer. L'accent mis sur l'accessibilité et l'abordabilité doit s'élargir à la sécurité nutritionnelle – c'est-à-dire garantir un accès constant à des aliments qui soutiennent la santé et préviennent les maladies. Il ne s'agit pas d'un changement de vocabulaire, mais d'un changement de paradigme. Nous devons passer d'un modèle centré sur la croissance à un modèle fondé sur la résilience, la qualité et la santé. Cette transition ne sera pas simple, mais elle est nécessaire. Sinon, nous risquons de maintenir un système alimentaire inadéquat face aux réalités démographiques et nutritionnelles émergentes. L'avenir de l'alimentation ne se mesurera plus seulement en tonnes, mais en bien-être par personne.


La Presse
4 days ago
- La Presse
Près de 100 000 tonnes d'aluminium québécois ont changé de destination
Les usines québécoises d'Alcoa peuvent rediriger un peu moins du tiers de leur production à l'international pour éviter les droits de douane américains de 50 %. Stéphane Rolland La Presse Canadienne Depuis le mois de mars, Alcoa a redirigé près de 100 000 tonnes d'aluminium qui aurait été destiné au marché américain, a indiqué le président et chef de la direction de l'entreprise, William Oplinger, au cours d'une présentation aux investisseurs la semaine dernière. « Nous avons la capacité de rediriger près de 30 % du volume canadien vers des destinations autres que les États-Unis, a dit le patron de la société américaine. Nous le ferons tant que ce sera plus sensé de l'envoyer ailleurs. » Les activités canadiennes de la société américaine Alcoa sont concentrées au Québec, où elle a trois usines. L'administration Trump a imposé, en mars, des droits de douane de 25 % sur les importations d'aluminium. Ils ont, par la suite, été haussés à 50 % au début du mois de juin. M. Oplinger estime que Washington fait fausse route en espérant rapatrier les emplois de l'industrie de l'aluminium primaire. « Chaque travailleur de l'aluminium au Canada supporte environ 12 à 13 emplois en aval [transformation] aux États-Unis », a-t-il avancé.