
La politisation de l'armée américaine est dangereuse pour le Canada
La politisation de l'armée américaine est dangereuse pour le Canada
Un vent d'autoritarisme souffle sur Washington, symbole ultime de la démocratie avec tous ses monuments dédiés aux grands présidents de l'histoire des États-Unis et aux soldats qui ont versé leur sang pour le pays.
L'armée. La présidence. Dans une démocratie en santé, ces deux institutions doivent garder un pas de distance, un pas que Donald Trump est en train de franchir.
Prétextant une crise de la violence qui est pourtant en baisse, il vient d'ordonner le déploiement de la Garde nationale dans la capitale américaine. En juin, il avait envoyé la Garde nationale et les Marines à Los Angeles, prétendument pour protéger les édifices fédéraux des manifestations contre ses politiques anti-immigration.
Ces gestes exceptionnels s'inscrivent dans une série de changements qui instrumentalisent les militaires aux fins personnelles de Donald Trump.
Le point de départ : la nomination à titre de secrétaire à la Défense de Pete Hegseth, un animateur de Fox News sans expérience de haut niveau en gestion militaire qui a montré ses vraies couleurs, cette semaine, en republiant sur X une vidéo appelant au retrait du droit de vote des femmes.
PHOTO ANNABELLE GORDON, REUTERS
Le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth
Sitôt à la tête de l'armée, Hegseth est parti en guerre contre les politiques d'inclusion et de diversité. Il a mis à la porte le général Charles Brown et l'amirale Lisa Franchetti, un Noir et une femme. D'autres officiers ont perdu leur poste, après l'intervention auprès du président de la militante d'extrême droite Laura Loomer.
Ces décisions envoient le message que la loyauté envers Donald Trump est plus importante que les compétences militaires. Que l'idéologie prime les décisions mûrement réfléchies.
La dangereuse politisation de l'armée américaine est ressortie de manière flagrante à la mi-juin lors d'un rassemblement politique de Donald Trump en Caroline du Nord. Dans l'estrade derrière lui, un groupe de militaires – présélectionnés pour leur allégeance au président – applaudissaient son discours ultrapartisan.
Il s'agit d'une entorse grave au devoir de neutralité des militaires, qui n'ont pas le droit de porter leur uniforme dans un évènement politique.
Mais la politisation de l'armée va bien au-delà des discours. Par exemple, l'administration Trump ne s'est pas gênée pour utiliser des avions militaires coûteux pour expulser des migrants. Certains ont même été détenus à la base cubaine de Guantánamo.
Pourtant, le rôle de l'armée est de s'occuper des menaces externes, pas de faire appliquer la loi à l'intérieur du pays.
La dérive actuelle est préoccupante.
Qu'adviendra-t-il de la liberté d'expression si le président déploie des troupes pour faire taire des manifestants qui lui déplaisent ? Après tout, Donald Trump a déjà exprimé ses regrets de ne pas avoir cassé « immédiatement » les manifestations de Black Lives Matter à l'été 2020.
Qu'arrivera-t-il si le prochain candidat républicain refuse de céder le pouvoir, advenant sa défaite aux élections ? Malgré tous ses efforts pour discréditer le résultat du scrutin de 2020, Donald Trump n'a pas réussi à obtenir l'allégeance militaire pour bloquer la confirmation des résultats.
L'histoire prouve que l'armée est la complice la plus précieuse des chefs d'État qui tentent de s'accrocher au pouvoir après avoir été démocratiquement élus, selon une étude qui répertorie neuf tentatives entre 1949 et 20191. Celles qui ont bénéficié d'un soutien militaire sont pratiquement toutes arrivées à leurs fins (au Pakistan en 1959, en Uruguay en 1973, au Pérou en 1992, par exemple). Les autres ont échoué.
Il faut donc éviter à tout prix que l'armée devienne un acteur politique. Pour la démocratie. Mais aussi pour la sécurité du pays.
« Une armée absorbée par des missions controversées de sécurité intérieure perdra la confiance du public et sera moins préparée à protéger les États-Unis dans les guerres contre des adversaires étrangers », soutient la professeure de sciences politiques Risa Brooks, de l'Université Marquette2.
La politisation de l'armée américaine représente aussi un risque majeur pour le Canada, car toute notre stratégie militaire présume que l'armée américaine est un allié fiable et compétent.
Des deux côtés de la frontière, les militaires travaillent en étroite collaboration. Ils mènent des exercices conjoints, échangent des renseignements. Leurs activités sont pleinement intégrées dans le cadre du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD).
Mais actuellement, les militaires canadiens pourraient se demander si les actions de leurs collègues américains reposent sur une analyse objective et professionnelle des risques ou s'ils correspondent à ce que Donald Trump veut entendre.
« Cela augmentera les difficultés pour le Canada lorsqu'il s'agit de maintenir sa défense continentale et de poursuivre ses objectifs de sécurité à l'étranger », prévient Theodore McLauchlin, professeur à l'Université de Montréal et directeur du Centre d'études sur la paix et la sécurité internationale3.
Alors que Donald Trump mène une politique tarifaire qui vise sciemment à affaiblir l'économie canadienne, il est d'autant plus important pour le Canada de développer son autonomie face à l'armée américaine. Cela pourrait passer par une plus grande planification stratégique avec l'Europe et l'amélioration de notre propre capacité en matière de renseignement.
Il faut aussi prendre garde à ce que les militaires canadiens, actifs ou à la retraite, deviennent eux aussi des acteurs politiques. Chacun son métier et les Canadiens seront bien gardés.
1. Lisez l'article « The Trump Self-Coup Attempt : Comparisons and Civil–Military Relations » (an anglais)
2. Lisez l'article « The Dangerous New Civil-Military Bargain » (en anglais)
3. Lisez l'article « Le Canada doit se préparer aux bouleversements sismiques auxquels le Pentagone va être confronté »
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4 hours ago
- La Presse
Trump exclut un cessez-le-feu immédiat, Zelensky à Washington lundi
Le président américain Donald Trump a participé à un sommet en Alaska avec son homologue russe Vladimir Poutine, le 15 août 2025. (Washington) Le président américain Donald Trump a exclu samedi un cessez-le-feu immédiat entre la Russie et l'Ukraine et réclame désormais directement un « accord de paix », au lendemain de son sommet en Alaska avec son homologue russe Vladimir Poutine. Agence France-Presse Donald Trump avait assuré vouloir obtenir un cessez-le-feu en Ukraine avant ce sommet annoncé comme décisif vendredi, à l'issue duquel les deux dirigeants n'ont rien dévoilé de leurs discussions pour mettre fin à un conflit meurtrier qui dure depuis trois ans et demi. « Il a été jugé par tous que la meilleure façon de mettre fin à la guerre horrible entre la Russie et l'Ukraine est d'aller directement à un accord de paix, qui mettrait fin à la guerre, et non à un simple accord de cessez-le-feu, qui souvent ne tient pas, » a déclaré M. Trump sur son réseau Truth Social, une fois rentré à Washington. CAPTURE D'ÉCRAN DU COMPTE TRUTH SOCIAL DE DONALD TRUMP Il a également confirmé qu'il recevrait le président ukrainien Volodymyr Zelensky lundi après-midi à la Maison-Blanche. « Si tout marche bien, nous programmerons alors une rencontre avec le président Poutine », a ajouté Donald Trump, laissant envisager un sommet tripartite. M. Zelensky – qui n'avait pas été invité à Anchorage et souhaitait d'abord un accord de cessez-le-feu, comme les Européens – avait annoncé peu avant qu'il irait lundi rencontrer Donald Trump, et que celui-ci l'avait informé des « principaux points » de ses échanges avec son homologue russe. « Lundi, je rencontrerai le président Trump à Washington pour discuter de l'ensemble des détails pour mettre fin aux tueries et à la guerre », a indiqué M. Zelensky sur X. « Je suis reconnaissant de l'invitation. Il est important que les Européens soient impliqués à chaque étape afin d'apporter des garanties de sécurité fiables, aux côtés des États-Unis ». PHOTO RALF HIRSCHBERGER, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Le président ukrainien Volodymyr Zelensky Au cours de son vol retour d'Anchorage, M. Trump a eu un « long appel » avec M. Zelensky, selon sa porte-parole. Le président américain s'est également entretenu avec des dirigeants de l'OTAN, a précisé la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt. Cet appel, auquel ont notamment participé la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz, le premier ministre britannique Keir Starmer et le secrétaire général de l'OTAN Mark Rutte, a duré « un peu plus d'une heure », selon une porte-parole de la Commission européenne. « Nous n'y sommes pas » Dans un communiqué commun, les dirigeants européens ont ensuite affirmé être « prêts à travailler avec MM. Trump et Zelensky en vue d'un sommet trilatéral, avec le soutien de l'Europe », tout en maintenant la pression sur Moscou. « Nous continuerons à renforcer les sanctions et les mesures économiques ciblées pour peser sur l'économie de guerre de la Russie, jusqu'à l'établissement d'une paix juste et durable », ont-ils déclaré. M. Macron a mis en garde contre « la propension » de la Russie « à ne pas tenir ses propres engagements ». Plus optimiste, M. Starmer a estimé que « les efforts » de M. Trump « nous rapprochent plus que jamais » de la fin de la guerre en Ukraine. Avant de quitter Anchorage, le président américain avait évoqué une réunion « très productive » et Vladimir Poutine un entretien « constructif ». Donald Trump a assuré pendant des déclarations conjointes à la presse qu'il restait « très peu » de points à régler pour trouver une issue à la guerre déclenchée par l'invasion russe de l'Ukraine. « L'un d'entre eux [ces points] est probablement le plus important », a-t-il ajouté, mais sans préciser lequel. « Nous n'y sommes pas, mais nous avons fait des progrès. Il n'y a pas d'accord jusqu'à ce qu'il y ait un accord », a averti le président des États-Unis. Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos Video Player is loading. 1:08 Lecture Skip Backward Skip Forward Désactiver le son Current Time 0:00 / Duration 0:00 Loaded : 0% 0:00 Stream Type LIVE Seek to live, currently behind live LIVE Remaining Time - 0:00 Picture-in-Picture Plein écran This is a modal window. Beginning of dialog window. Escape will cancel and close the window. 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La guerre continue Avec son homologue russe, le président américain n'a plus eu le ton quelque peu bravache d'avant la rencontre, lorsqu'il menaçait de claquer la porte en cas d'impasse. M. Trump, qui avait menacé la Russie de « conséquences très graves » si elle n'acceptait pas de mettre un terme à la guerre, a précisé ne plus envisager de mesures dans l'immédiat. « Vu comme cela s'est passé aujourd'hui, je ne pense pas que je doive penser à cela maintenant », a-t-il déclaré. M. Poutine, sur la même tonalité engageante et cordiale, a dit espérer que « l'entente » trouvée en Alaska apporterait « la paix » en Ukraine. Avec ce sommet, Poutine signe un spectaculaire retour sur la scène internationale, alors que le conflit le plus meurtrier en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale continue. 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L'armée russe a lancé 85 drones et un missile sur l'Ukraine pendant la nuit de vendredi à samedi, a affirmé Kyiv, assurant en avoir abattu 61, dans les régions de Soumy (Nord-Est), Donetsk (Est), Tcherniguiv (Nord) et Dnipropetrovsk (Centre-Est). Parallèlement, les forces du Kremlin ont revendiqué samedi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine, autre signe de la poursuite sans relâche des combats.


La Presse
5 hours ago
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Trump exclu un cessez-le-feu immédiat, Zelensky à Washington lundi
Le président américain Donald Trump a participé à un sommet en Alaska avec son homologue russe Vladimir Poutine, le 15 août 2025. (Washington) Le président américain Donald Trump a exclu samedi un cessez-le-feu immédiat entre la Russie et l'Ukraine et réclame désormais directement un « accord de paix », au lendemain de son sommet en Alaska avec son homologue russe Vladimir Poutine. Agence France-Presse Donald Trump avait assuré vouloir obtenir un cessez-le-feu en Ukraine avant ce sommet annoncé comme décisif vendredi, à l'issue duquel les deux dirigeants n'ont rien dévoilé de leurs discussions pour mettre fin à un conflit meurtrier qui dure depuis trois ans et demi. « Il a été jugé par tous que la meilleure façon de mettre fin à la guerre horrible entre la Russie et l'Ukraine est d'aller directement à un accord de paix, qui mettrait fin à la guerre, et non à un simple accord de cessez-le-feu, qui souvent ne tient pas, » a déclaré M. Trump sur son réseau Truth Social, une fois rentré à Washington. CAPTURE D'ÉCRAN DU COMPTE TRUTH SOCIAL DE DONALD TRUMP Il a également confirmé qu'il recevrait le président ukrainien Volodymyr Zelensky lundi après-midi à la Maison-Blanche. « Si tout marche bien, nous programmerons alors une rencontre avec le président Poutine », a ajouté Donald Trump, laissant envisager un sommet tripartite. M. Zelensky – qui n'avait pas été invité à Anchorage et souhaitait d'abord un accord de cessez-le-feu, comme les Européens – avait annoncé peu avant qu'il irait lundi rencontrer Donald Trump, et que celui-ci l'avait informé des « principaux points » de ses échanges avec son homologue russe. « Lundi, je rencontrerai le président Trump à Washington pour discuter de l'ensemble des détails pour mettre fin aux tueries et à la guerre », a indiqué M. Zelensky sur X. « Je suis reconnaissant de l'invitation. Il est important que les Européens soient impliqués à chaque étape afin d'apporter des garanties de sécurité fiables, aux côtés des États-Unis ». PHOTO RALF HIRSCHBERGER, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Le président ukrainien Volodymyr Zelensky Au cours de son vol retour d'Anchorage, M. Trump a eu un « long appel » avec M. Zelensky, selon sa porte-parole. Le président américain s'est également entretenu avec des dirigeants de l'OTAN, a précisé la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt. Cet appel, auquel ont notamment participé la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz, le premier ministre britannique Keir Starmer et le secrétaire général de l'OTAN Mark Rutte, a duré « un peu plus d'une heure », selon une porte-parole de la Commission européenne. « Nous n'y sommes pas » Dans un communiqué commun, les dirigeants européens ont ensuite affirmé être « prêts à travailler avec MM. Trump et Zelensky en vue d'un sommet trilatéral, avec le soutien de l'Europe », tout en maintenant la pression sur Moscou. « Nous continuerons à renforcer les sanctions et les mesures économiques ciblées pour peser sur l'économie de guerre de la Russie, jusqu'à l'établissement d'une paix juste et durable », ont-ils déclaré. M. Macron a mis en garde contre « la propension » de la Russie « à ne pas tenir ses propres engagements ». Plus optimiste, M. Starmer a estimé que « les efforts » de M. Trump « nous rapprochent plus que jamais » de la fin de la guerre en Ukraine. Avant de quitter Anchorage, le président américain avait évoqué une réunion « très productive » et Vladimir Poutine un entretien « constructif ». Donald Trump a assuré pendant des déclarations conjointes à la presse qu'il restait « très peu » de points à régler pour trouver une issue à la guerre déclenchée par l'invasion russe de l'Ukraine. « L'un d'entre eux [ces points] est probablement le plus important », a-t-il ajouté, mais sans préciser lequel. « Nous n'y sommes pas, mais nous avons fait des progrès. Il n'y a pas d'accord jusqu'à ce qu'il y ait un accord », a averti le président des États-Unis. Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos M. Trump s'était fixé pour ambition d'organiser très vite un sommet tripartite avec les chefs d'État russe et ukrainien, tout en décrochant un cessez-le-feu. Dans un entretien sur la chaîne Fox News enregistré juste après les déclarations à la presse, Donald Trump a estimé qu'un accord pour mettre fin à la guerre « dépendait vraiment du président » ukrainien. La guerre continue Avec son homologue russe, le président américain n'a plus eu le ton quelque peu bravache d'avant la rencontre, lorsqu'il menaçait de claquer la porte en cas d'impasse. M. Trump, qui avait menacé la Russie de « conséquences très graves » si elle n'acceptait pas de mettre un terme à la guerre, a précisé ne plus envisager de mesures dans l'immédiat. « Vu comme cela s'est passé aujourd'hui, je ne pense pas que je doive penser à cela maintenant », a-t-il déclaré. M. Poutine, sur la même tonalité engageante et cordiale, a dit espérer que « l'entente » trouvée en Alaska apporterait « la paix » en Ukraine. Avec ce sommet, Poutine signe un spectaculaire retour sur la scène internationale, alors que le conflit le plus meurtrier en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale continue. 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La Presse
7 hours ago
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Rencontre Trump–Poutine
On pourrait toujours passer par-dessus la normalisation temporaire d'un criminel de guerre si cela servait à faire la paix. On pourrait laisser pardonner le tapis rouge pour l'accueil de Vladimir Poutine, et même la scène incroyable d'un président des États-Unis en train d'applaudir un assassin. Si c'était pour la paix mondiale… Mais trois heures plus tard, qu'est-il sorti de ce sommet Poutine-Trump ? Absolument rien. On nous dira que la diplomatie est un art compliqué et qu'il faut y mettre du temps. Sauf que dans cet exercice très public, Donald Trump devait livrer quelque chose, vu ses promesses et menaces. Il n'a même pas obtenu l'ombre d'un cessez-le-feu temporaire. Pourtant, les émissaires américains avaient préparé le terrain depuis des mois. Aussi, quand Donald Trump a annoncé la tenue de ce sommet extraordinaire, il était sous-entendu qu'une sorte de résolution du conflit ukrainien pourrait poindre. C'est Trump, après tout, qui répétait pouvoir régler cette guerre en 24 heures. Il est au pouvoir depuis sept mois et l'invasion russe se poursuit. C'est aussi le même Donald Trump qui a commencé à montrer des signes d'impatience. Il a parlé de la « bullshit » de Poutine au printemps dernier. Il a donné toutes sortes d'ultimatums bidon. Le dernier, le 28 juillet, donnait « 10 à 12 jours » à Vladimir Poutine pour mettre fin à la guerre. C'est au terme de ce délai qu'il a annoncé ce sommet, comme si la menace avait porté ses fruits. C'est donc lui-même qui a gonflé les attentes. Dix-huit jours après ce dernier délai, l'agression n'a pas cessé. L'armée russe avance encore. De manière tout à fait incohérente, Trump punit l'Inde de droits de douane supplémentaires parce qu'elle achète le pétrole russe. Mais la Russie ? Rien à l'horizon. Donald Trump ressort donc les mains vides de ce sommet. Tout ce qu'il peut annoncer, ce sont des discussions à venir avec l'OTAN, l'Europe et l'Ukraine, pour voir si les propositions russes leur sont acceptables. On devine qu'elles ne le seront pas. Pourquoi ? Parce que dans son long laïus en russe, Vladimir Poutine a répété qu'il fallait s'attaquer aux questions de « sécurité » qui sont à la base de ce conflit. Ce qui veut dire faire reculer les frontières de l'OTAN. Et probablement redessiner les frontières de l'Ukraine. Est-ce que maintenant Donald Trump veut être le médiateur entre la Russie et l'Europe ? En attendant le « deal » du génie négociateur, on a pu entendre Donald Trump déplorer les milliers de morts par semaine de cette guerre… tout en ajoutant que Poutine veut les empêcher « autant que moi ». Comme légalisation morale des crimes de guerre, on ne fait pas mieux. Poutine, qui en a vu d'autres, a donné raison à Trump : s'il avait été au pouvoir au lieu de Biden, jamais cette guerre n'aurait commencé. J'avais pourtant bien averti le président, a dit Poutine… C'est évidemment faux, puisque cette invasion se préparait de longue main. Tôt ou tard, il faut tourner la page et reconstruire la relation entre nos pays, a ajouté Poutine, avant d'inviter Trump à Moscou. Il a même pris le temps de promouvoir les relations commerciales entre les deux pays. Elles sont encore assez symboliques, mais elles ont augmenté ces derniers temps, a-t-il dit. Ce qui est tout même extraordinaire quand on sait que tous les pays du monde ou presque sont punis de droits de douane arbitraires. Une autre façon de dire : les États-Unis ne nous considèrent pas comme des parias. Un petit bout de phrase de Trump est probablement ce qu'il y a de plus important à retenir. Le président a dit qu'il allait appeler les alliés et que… « ce sera à eux de décider ». Ça n'a rien de rassurant. Ça peut fort bien vouloir dire : écoutez, la guerre est perdue, voici ce que Poutine veut, si vous ne voulez pas, arrangez-vous avec lui. Cela ressemble beaucoup à l'attitude de Trump vis-à-vis l'Ukraine et la Russie depuis le début. Il se peut fort bien que cette guerre soit perdue pour l'Ukraine, surtout si le soutien américain vacille. Surtout si Trump normalise Poutine. Mais vendredi en Alaska, ancienne possession russe vendue aux États-Unis en 1867, Donald Trump a beaucoup donné et rien reçu. Il a semblé désarmé face au maître du Kremlin. Cela s'appelle en bon français se faire enfirouaper. Dans du vison soyeux de Sibérie, certes. Mais enfirouaper quand même.