
Taxer les vols en avion pour nous faire prendre le train? Le débat est lancé
Les Suisses prennent environ deux fois plus l'avion que leurs voisins.
imago stock&people
En bref:
Taxer les vols courts si le rail offre une alternative crédible. C'est le projet adopté par le Grand Conseil de Bâle-Ville en avril 2025. L'initiative demande au parlement fédéral d'introduire une taxe incitative pour préserver l'environnement et le bien-être de la population à proximité des aéroports. La pollution, les risques pour la sécurité des riverains et les nuisances sonores provoquées par l'EuroAirport sont à l'origine de cette proposition.
Pour les autorités bâloises, les vols qui relient Bâle à Munich, Paris ou Francfort n'offrent aucune plus-value économique ou touristique significative. Ils doivent donc être remplacés par des trains. Entre 2019 et 2021, huit cantons avaient déjà présenté des initiatives semblables. Parmi eux, le Valais, Neuchâtel, Berne, Saint-Gall ou Genève n'ont pas vu leurs projets aboutir. Une taxe déjà existante ailleurs?
En revanche, plusieurs pays européens ont franchi le pas. En France, les vols intérieurs sont interdits si une alternative en train existe en moins de deux heures et demie. La Belgique a, quant à elle, instauré une taxe sur les billets d'avion pour les liaisons aériennes de moins de 500 kilomètres.
L'initiative bâloise innove: le texte ne prévoit aucun seuil kilométrique ou temporel précis. Le critère retenu est l'«accessibilité raisonnable des destinations par voie ferrée» - une approche plus souple, qui tient compte des infrastructures existantes.
Mais qui définirait ce qui est «raisonnable» et sur quels critères? La présidente des Verts, Lisa Mazzone, et le conseiller national PLR Olivier Feller (VD) donnent leurs points de vue. Olivier Feller: contre la taxe
Olivier Feller, conseiller national (PLR/VD).
VQH/Florian Cella
Est-ce une bonne idée de taxer les trajets en avion?
Je suis opposé à tout nouvel impôt ou taxe, car les contribuables sont déjà suffisamment sollicités en Suisse. En juin 2021, le peuple a rejeté la révision de la loi sur le CO₂ , notamment parce qu'elle prévoyait toute une série de taxes, dont une sur les billets d'avion. À l'époque, la protection du climat figurait parmi les principales préoccupations de la population.
C'est toujours le cas aujourd'hui, mais le pouvoir d'achat inquiète encore davantage. En France et en Belgique, la population n'a probablement pas été consultée, alors que dans notre démocratie directe, le projet de révision législative a été refusé dans les urnes. Il y aurait assurément un référendum si le parlement adoptait cette initiative, et de telles mesures seraient probablement à nouveau refusées, à l'image de ce qui s'est fait il y a quatre ans. Cette seconde tentative d'introduire un impôt de ce type intervient bien trop tôt pour être acceptée par le peuple suisse.
Est-ce que ce qui vaut à Bâle peut s'appliquer à d'autres cantons?
Le parlement bâlois veut imposer une taxe à l'échelle nationale sur la base d'une évaluation locale, ce qui pose problème, car chaque région présente des enjeux différents. Des études montrent que l'aéroport de Genève contribue largement à l'économie et à la culture de toute la région – Genève, la France voisine, Vaud, voire toute la Suisse romande. Dire qu'il n'y a pas de valeur ajoutée significative me surprend, d'autant qu'à Bâle aussi, l'aéroport profite aux activités économiques et culturelles.
Cette initiative peut-elle faire la différence?
Je ne pense pas que cette mesure changera vraiment les choses. Certes, un aéroport génère des nuisances sonores, mais taxer davantage les vols selon la qualité de l'accès ferroviaire me semble peu réaliste. Comment définir si une ville est suffisamment accessible en train? Faut-il prendre en compte la qualité des infrastructures, la ponctualité, les correspondances? Ce sont des critères très difficiles à appliquer concrètement. La taxe envisagée aura pour principales conséquences d'agacer les usagers, sans réel effet dissuasif, et en abaissant encore leur pouvoir d'achat. Si on veut vraiment que ça ait un effet, il faudrait fixer la taxe à un niveau tellement élevé qu'elle reviendrait en fait à interdire les vols pour une partie de la population qui n'aurait pas les moyens de la payer. Ce serait inique. Lisa Mazzone: pour la taxe
Lisa Mazzone, présidente des Verts.
Keystone
Plusieurs initiatives ont échoué au niveau fédéral. Qu'est-ce qui change cette fois-ci?
Selon un sondage représentatif , 72% de la population soutient la taxe envisagée: un signe clair que la volonté populaire est là. Le kérosène reste détaxé pour les vols internationaux, ce qui revient à subventionner indirectement les compagnies aériennes pour leur pollution, alors que les automobilistes, eux, paient des taxes sur l'essence.
Il est temps que la Suisse s'aligne sur ses voisins. Il faut développer le rail et réfléchir à utiliser le produit d'une taxe pour financer de nouvelles lignes ou réduire le prix des billets de train, afin de renforcer leur compétitivité. Environ 80% des destinations au départ de la Suisse sont en Europe, c'est un potentiel énorme. Le parlement a voté pour renforcer les liaisons de jour et les trains de nuit. Mais le Conseil fédéral, à majorité de droite, veut couper le budget prévu. Il manque une vraie volonté politique, alors même que la population soutient ces mesures. L'enjeu pour nous, c'est d'avoir un parlement prêt à aider les gens à pouvoir prendre le train.
Comment le trafic aérien impacte-t-il la population?
Les nuisances sonores ne sont pas prises en compte par la majorité de droite au parlement, que ce soit pour la route ou pour l'avion. Pourtant, il existe de réels risques pour la santé . Les spécialistes demandent depuis longtemps des normes plus strictes, car celles en place sont clairement insuffisantes selon eux. Pour ma part, ayant longtemps vécu autour de l'aéroport, j'ai constaté au quotidien combien le bruit impacte la qualité de vie et la santé des riverains.
L'application du projet ne pénaliserait-elle pas les personnes défavorisées?
Pour qu'elle serve à tout le monde, cette taxe doit être utilisée pour baisser le prix du train. Les personnes défavorisées sont les premières à être frappées par la pollution, le bruit, et par les effets du réchauffement climatique comme les canicules. Elles ont moins accès à un jardin, à un logement bien isolé et loin des nuisances. La pollution est toujours une injustice sociale: agir contre la crise climatique, c'est aussi protéger ceux qui ont le moins de moyens pour se défendre.
Une taxe sur l'aérien si nouvelle que ça? Newsletter
«Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde.
Autres newsletters
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


24 Heures
3 hours ago
- 24 Heures
Pourquoi le lynx risque l'extinction en Suisse
Dans notre pays, les lynx souffrent d'un manque de diversité génétique. La consanguinité favorise l'apparition de maladies héréditaires. Publié aujourd'hui à 15h41 Le lynx pourrait bien disparaître de la Suisse à cause d'une consanguinité trop élevée, selon le Groupe Loup Suisse. AP PHOTO/Antonio Pizarro Le lynx pourrait bien disparaître de Suisse à cause d' une consanguinité trop élevée , alerte le Groupe Loup Suisse au micro de la RTS ce jeudi. Cette parenté favorise l'apparition de maladies héréditaires. «Chez le lynx de l'arc alpin, on observe notamment des malformations de la valvule cardiaque. Elle ferme mal et cela entraîne une mortalité élevée chez les jeunes lynx», explique David Gerke, spécialiste de l'animal, interrogé dans «La Matinale». Dans le Jura, certains félins sont nés sans oreilles, «vraisemblablement» à cause de cette consanguinité. Pour garantir la pérennité de l'espèce, il faudrait donc un renouvellement génétique, possible par l'introduction de lynx amenés de l'étranger. La solution est compliquée, car les individus les plus proches se situent dans les Carpates. Le plus simple reste donc de «relâcher de nouveaux lynx», malgré les barrières politiques. Selon l'expert il serait «dangereux de trop tarder». D'autres articles sur les lynx en Suisse Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Laure Schmidt est journaliste stagiaire au sein de la rubrique Suisse-Monde-Economie de la rédaction Tamedia depuis septembre 2023. Elle a étudié les sciences sociales et la psychologie à l'Université de Lausanne. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
10 hours ago
- 24 Heures
La réouverture du centre d'asile de Moudon est accueillie dans l'indifférence
Sur décision de la Confédération, 200 personnes seront à nouveau hébergées dans une salle polyvalente. Entre 2022 et 2024, tout s'était bien passé. Publié aujourd'hui à 08h29 Le centre fédéral d'accueil de Moudon sera ouvert dans la salle polyvalente de la caserne de Valacrêt, comme en 2022. KEYSTONE/Laurent Gillieron En bref: «Vu ce qu'il se passe dans le monde, j'imagine bien qu'il faut s'attendre à une hausse des flux migratoires, mais je n'avais pas entendu que le centre de Moudon allait rouvrir.» Moudonnoise dans la soixantaine, Maïtena est sans a priori négatif sur la question, mais elle découvrait mardi, avec nos questions, la prochaine réouverture du centre fédéral pour requérants d'asile (CFA) de la caserne de Valacrêt. Elle n'est pas la seule. Sur une dizaine de passants interrogés, un seul avouait en avoir entendu parler, sans souhaiter s'exprimer sur ce thème. «Depuis l'annonce du Secrétariat d'État aux migrations (SEM) de la semaine dernière, je n'ai reçu aucune remarque de la population à ce sujet», remarque aussi la syndique, Carole Pico. Il faut dire que la première ouverture du site , de 2022 à début 2024, n'avait pas causé de remous . «Il y a eu une ou deux fois des soucis au magasin Lidl, mais tout l'encadrement était très sécurisé. Et il n'y avait jamais plus de 80 à 100 personnes à la fois, alors que 200 places étaient prévues», poursuit l'édile qui a déjà organisé une séance de coordination avec tous les services concernés. Moudon ne mettra toutefois rien de particulier en place, car l'encadrement est du ressort de la Confédération. Asile en hausse saisonnière Selon le SEM, le nombre des demandes d'asile a commencé à augmenter sous l'effet des facteurs saisonniers. Quelque 200 places d'accueil seront ainsi aménagées dans la salle polyvalente de la caserne, dont les portes doivent ouvrir mi-août. Sa fermeture est imaginée début 2026. En mai dernier, 2025 demandeurs sont arrivés en Suisse. «Les cinq principaux pays d'origine des requérants sont l'Afghanistan, l'Érythrée, la Turquie, la Somalie et l'Algérie», détaille Nicolas Cerclé, porte-parole du SEM. La Suisse compte 30 CFA actuellement ouverts , dont ceux de Vallorbe et des Rochat, dans le canton de Vaud. Un coin jeux pour les enfants avait été prévu, lors de la première ouverture du centre. KEYSTONE/Laurent Gillieron Pas de quoi faire de vagues dans la Broye. Comme beaucoup d'autres, Elsa Bonhert Deprez ignorait cette réouverture. «En 2022, on s'était inquiétés de la qualité de l'accueil, car il n'est pas idéal de dormir dans une salle polyvalente», glisse l'actuelle présidente du Conseil communal et des Verts moudonnois. Au sein de l'Entente, le président, Julien Pittet, était informé, sans que cela n'ait suscité de questions à l'interne du groupe. Broyard exilé quelques années avant de revenir récemment à Moudon, Didier, la quarantaine, résume le sentiment ambiant: «Je ne savais pas qu'il y avait déjà eu un centre ici, ni qu'il allait rouvrir. Perso, je me suis fait voler ma trottinette électrique. Ce n'était pas le fait d'un requérant, mais d'un Suisse.» Sur le CFA de Moudon Newsletter «La semaine vaudoise» Retrouvez l'essentiel de l'actualité du canton de Vaud, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Sébastien Galliker est journaliste à la rubrique vaudoise depuis 2017. Au bureau de Payerne, il couvre l'actualité de la Broye vaudoise et fribourgeoise. Journaliste depuis 2000, il a travaillé à La Broye Hebdo, aux sports et en région. Plus d'infos @sebgalliker Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
a day ago
- 24 Heures
La voie étroite du paquebot France
Accueil | Opinion | Éditorial | Opinion Le premier ministre François Bayrou annonce un plan d'économies pour réduire le déficit baptisé «Le moment de vérité». Mais des vents mauvais soufflent à l'ouest, à l'est et à l'Assemblée. Éditorial Publié aujourd'hui à 19h37 Le premier ministre François Bayrou, en conférence de presse, annonce son plan d'économies pour réduire le déficit à 4,6 milliards du Produit Intérieur Brut, AFP En France , la dépense publique, qui a créé les fleurons de l'industrie d'après guerre et permis aux Français de se soigner pour presque rien, est devenue un boulet. Depuis cinquante ans, la France dépense plus qu'elle ne produit. «Le moment de vérité», pour reprendre le nom du plan de 43,8 milliards d'économies proposé par le premier ministre, François Bayrou, est arrivé. Année blanche, deux jours fériés de moins (soit neuf comme à Genève et Vaud), non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois partant en retraite, augmentation du budget de la Sécurité sociale divisé par deux, passant de 10 à 5 milliards, fermeture d'agences d'État non essentielles, chasse aux fraudeurs sociaux et contribution des hauts revenus: voilà la feuille de route du capitaine à la barre d'un pays qui tangue sous le poids d'une dette de plus de 3445 milliards. Seulement voilà, quand la tempête commerciale se lève dans l'Ouest américain et qu'un vent froid de guerre pousse à la dépense militaire à l'est (+3,5 milliards pour les armées), un arrêt des moteurs du vaisseau France risque de lui faire faire du surplace. Dans ces conditions, c'est la récession qui s'annonce, risquant de mettre par terre les efforts consentis sous le coup d'une brusque fonte des recettes. La voie pour éviter le naufrage est décidément bien étroite, capitaine! D'autant qu'en soute, les marins de bâbord et tribord vont s'écharper sur qui doit faire des sacrifices. Habitués à ne pas dire la vérité aux Français, les partis vont pousser de hauts cris et pourraient voter la censure du gouvernement à l'Assemblée cet automne, ajoutant une nouvelle crise politique à celle du budget, dans un sauve-qui-peut général. Plus d'actualité sur la France Olivier Bot est rédacteur en chef adjoint depuis 2017, chef de la rubrique Monde entre 2011 et 2017. Prix Alexandre de Varennes de la presse. Auteur de «Chercher et enquêter avec internet» aux Presses universitaires de Grenoble. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.