Wellens vainqueur, Alaphilippe du bonheur à la désillusion : une folle 15e étape du Tour de France en trompe-l'oeil
Les étapes de transition sont une espèce en danger d'extinction critique, un concept désuet, jauni, qui sera bientôt rangé au fond de nos mémoires, qu'on aura bien du mal à expliquer aux générations suivantes. Des journées qui collaient au rythme des vacances, des siestes à baver comme des gastéropodes sur le canapé, des ravitaillements métronomiques au frigo, un certain éloge de la lenteur, de la paresse, alors que ce dimanche, on a à peine eu le temps de cligner des yeux, la cornée en surchauffe et la gorge sèche devant les attaques qui tombaient au rythme des scintillements d'un stroboscope, en phase avec l'hyperactivité et la frénésie modernes.
Depuis le départ de Lille, il n'y a eu que deux journées « tranquilles », vers Dunkerque (étape 3) et vers Laval (étape 8), car il faut bien souffler de temps en temps, et les étapes les plus folles, mais aussi les plus intéressantes, ont été celles ouvertes aux échappées, sur des parcours ondulés juste ce qu'il faut, vers Vire, au Mont-Dore, autour de Toulouse ou ce dimanche entre Muret et Carcassonne donc.
La victoire de Wellens ne va pas apaiser le procès en gloutonnerie contre les UAE
Les étapes de haute montagne sont cadenassées par Tadej Pogacar, et si Thymen Arensman a levé les bras à Superbagnères samedi, ce fut avec la bénédiction du Maillot Jaune, quand celles avec des arrivées pour puncheurs le sont par Tadej Pogacar et Mathieu Van der Poel. Des cercles ultra élitistes qui, par effet domino, obligent le « tiers-état » à se ruer sur quelques miettes, ces journées plus « faciles », ou qui du moins n'ont pas l'attention de l'aristocratie et qui ont des allures de fête populaire, un bal musette où tout le monde est invité, pour évoquer un autre concept qui a pris une cartouche avec le temps. Eh bien, des foutoirs comme celui de dimanche, on en redemande, bientôt le premier coup partira dans le défilé du fictif.
Lors de la traversée de Villefranche-de-Lauragais, km 41, notre compagnon de virée, taquineur de ballon ovale, s'éveilla : « ça sent la Fédérale 2 ici, ça doit maillocher tous les week-ends ». Il faut croire que la mailloche est contagieuse, que ces terres sont fertiles pour la baston car ce fut une sacrée distribution de caramels dès le départ, dans la traversée des villages, sur les longues lignes droites entourées de champs de tournesols et caressées d'un vent de côté, bien avant les premières difficultés identifiées.
Tim Wellens a remporté cet immense combat au bout de 142 km d'échappée. Le champion de Belgique est un gregario, l'histoire aurait pu être belle dans ce Tour cannibalisé, mais il bosse au service de Tadej Pogacar. Les armoiries sur son maillot sont celles d'une grande maison et sa victoire ne va donc pas apaiser le procès en gloutonnerie contre les UAE, ni taire les grincements dans le paddock devant l'ultra-domination de la formation émirienne, le sentiment d'écrasement des manants. Wellens a en tout cas donné une idée du niveau de jeu des équipiers du Maillot Jaune, plus évident quand ils sont libérés de leurs chaînes, car d'ordinaire on les voit forts, mais dans le corset de leurs offices, seulement utilisés à certains moments précis de la course pour leur leader.
Les Visma ne sont plus aussi resserrés autour de Vingegaard et dispersent désormais leurs ambitions
Là, le Belge a pu se livrer sans calculer, parti dans un bon coup initié par Mathieu Van der Poel, juste après que l'essaim avait été agité par une grosse chute dans Auterive (km 15) dans laquelle furent pris Jonas Vingegaard, Florian Lipowitz, Julian Alaphilippe et Lenny Martinez, notamment. Wellens allait user de son statut pour ne pas donner un coup de pédale, laisser les mouvements se faire et se défaire, mais il était à l'affût comme un setter qui truffe une bécasse. Toujours là au bon moment, avec les costauds (Powless, Storer, Mohoric, Campenaerts, Simmons, Lutsenko) à l'avant dans la côte de Sorèze, en chasse en compagnie de son compatriote et ancien équipier Victor Campenaerts derrière le duo Storer-Simmons dans l'exigeant Pas du Sant et finalement tellement malin quand un quatuor Barguil, Carlos Rodriguez, Vlasov et Lutsenko revint de l'arrière.
Wellens jugea qu'il valait mieux flinguer direct, plutôt que de laisser certains récupérer et d'autres se mettre à calculer en vue de l'arrivée. Personne ne fut en mesure de lui résister quand il tourna la poignée à fond, à 44 bornes du but. Une victoire pour un fuyard, pour un nouveau visage, mais c'était un jeu d'ombres, car les deux grosses écuries avaient une nouvelle fois tiré les ficelles en coulisses et cette échappée fut une sorte de nouveau match entre les UAE et les Visma-Lease a Bike, mais à un autre échelon. On ne peut que constater que le résultat fut le même, puisque Campenaerts (2e) et Wout van Aert (4e) sont rentrés bredouille.
Pogacar et ses hommes ne donnent pas l'impression de vouloir laisser quoi que ce soit à leurs ennemis, pas même une nouvelle victoire d'étape, alors qu'on sent que cela intéresse désormais les « Frelons » autant que la bataille pour le général. Dimanche, ils ont tout fait pour placer des pions à l'avant, même Matteo Jorgenson, bien loin du niveau qu'on attendait, a tenté de s'y glisser, ce qui a le don d'agacer Tadej Pogacar.
Alaphilippe venait de passer d'une joie profonde à une immense désillusion
Le champion du monde leur a reproché d'avoir tenté de monter à trois dans le bon wagon, alors qu'il n'était prêt à leur poinçonner qu'un seul ticket de sortie. Surtout, il a souligné qu'ils manoeuvraient à l'avant au moment même où leur leader, Jonas Vingegaard, devait se débrouiller seul plus loin pour tenter de recoller après la chute. On l'a ainsi vu boucher le dernier trou lui-même, avec Ivan Romeo, pour rentrer. La preuve que les Visma ne sont plus aussi resserrés autour du Danois vu l'écart avec Pogacar et qu'ils dispersent désormais leurs ambitions. Van Aert n'a même pas remporté le sprint des poursuivants puisqu'il fut dominé par Julian Alaphilippe, qui courait avec une épaule gauche remise d'une luxation au moment de la chute.
Le double champion du monde pensait tenir la victoire, il a exulté, mais ce n'était qu'un trompe-l'oeil et il redescendit rapidement dans l'ascenseur émotionnel de sa folle journée. Privé de radio, il n'avait pas de vision de la course et venait de passer d'une joie profonde à une immense désillusion. Après tout, il fallait bien célébrer le premier podium d'un coureur français dans ce Tour de France. Nos voisins belges, eux, comptent désormais cinq victoires avec quatre coureurs différents. Les Bleus sont toujours fanny. Et la troisième semaine est déjà là.
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