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Repenser la liste de nos envies

Repenser la liste de nos envies

La Presse27-07-2025
La saison des vacances (et du voyage) est bien en selle. C'est parti pour une nouvelle ronde de files d'attente colossales devant le Colisée de Rome et de perches de selfies obstruant la vue de la tour Eiffel. Pas question d'être rabat-joie, mais face aux méfaits environnementaux et sociaux du surtourisme – sans parler des disparités entre bourlingueurs et migrants climatiques –, n'est-il pas enfin l'heure de modérer nos transports et de repenser le contenu de notre bucket list ?
Sylvie St-Jacques
Collaboration spéciale
Katy Perry, devenue l'influenceuse voyage la moins appréciée de l'année pour sa prestation à bord du Blue Origin, a été montrée du doigt pour son empreinte carbone monumentale, mais aussi critiquée pour avoir passé une grande partie de son séjour spatial à se photographier plutôt qu'à contempler la Terre à travers le hublot. Plus tard, Jeff Bezos, Lauren Sanchez et leurs amis débarquaient en grande pompe à Venise, ajoutant une touche de jet set au quotidien déjà saturé de la Sérénissime. Quant aux influenceurs de haut niveau – de Gwyneth Paltrow à Oprah Winfrey en passant par Julia Roberts –, ils inondent les réseaux de clichés léchés pris entre deux villas toscanes ou sur la pelouse du festival de Glastonbury.
Dans un monde où le voyage est devenu un spectacle, une question s'impose : quel est le coût réel de ces images de rêve ?
Vivre sa meilleure vie, c'est inspirant. Et nettement plus édifiant que de passer son été à Balconville, sur une chaise de parterre, à visionner des reprises des matchs des Expos contre les Padres. Mais réfléchir aux impacts du surtourisme devrait aussi faire partie de la donne. Avant de claquer des milliers de dollars pour un voyage (et de laisser une empreinte carbone), ne faut-il pas se poser la question à 100 $ : voyage-t-on pour soi ou pour son auditoire ? Et faire déplacer des foules pour déguster un « cronut », est-ce vraiment là le but de l'existence ?
Chargé de cours au département de sciences politiques de l'Université de Montréal, Alexandre Veilleux s'intéresse de près aux impacts du surtourisme sur les populations locales. « Dans certains pays du Sud, par exemple, des économies touristiques se créent en parallèle aux économies locales. Le rapport de force entre ces deux classes de citoyens est tel que certaines villes deviennent carrément inabordables pour leurs populations locales. »
Venise, par exemple, ne compte pratiquement plus de gens de l'endroit. « En raison de la panoplie d'Airbnb, les habitants se sont déplacés dans la ville de Mestre et les environs », soutient Alexandre Veilleux, qui cite également Barcelone parmi les victimes du surtourisme. « Il y a de plus en plus de campagnes pour dénoncer le tourisme de masse. À Amsterdam, le slogan 'Tourists go away' est apparu, non pas pour chasser les visiteurs, mais pour les inviter à modifier leurs parcours et désengorger certaines villes trop courues. »
Entre découvrir et préserver, leur cœur balance
Dans un texte publié dans le New York Times, Pico Iyer a lancé un débat qui se faisait attendre, depuis que les eaux d'un lac turquoise sibérien prisé par les adeptes de réseaux sociaux ont été reconnues comme toxiques : faut-il partager nos trouvailles ou se garder une petite gêne quand on découvre un bijou inconnu ?
PHOTO GETTY IMAGES
Le temple Kiyomizu, à Kyoto
Auteur de voyage qui passe une bonne partie de sa vie sur la route et réside au Japon, Pico Iyer y exprimait sa nostalgie pour les temps immémoriaux où son quotidien n'était que luxe, calme et… platitude.
« Je ressens ce dilemme de plus en plus douloureusement, car j'ai choisi de m'établir depuis 37 ans aux environs de la ville japonaise de Kyoto », écrit-il.
Pendant mes 30 premières années ici, je me désolais que personne parmi mes proches ne veuille jamais venir me rendre visite. Aujourd'hui, je m'attriste parce que tout le monde semble vouloir venir.
Pico Iyer, auteur de voyage, dans un texte publié dans le New York Times
« Chaque mois, je reçois des dizaines de messages – d'amis, de lecteurs, d'inconnus – me demandant de leur révéler des merveilles japonaises méconnues, à l'écart des sentiers battus. Je comprends bien cette envie, poursuit-il. Plus de 75 millions de personnes ont visité la préfecture de Kyoto en 2023, et la plupart semblaient emprunter en même temps les sentiers étroits, autrefois silencieux, qui mènent de façon envoûtante au temple Kiyomizu. »
En parlant du Japon, Alexandre Veilleux fait justement référence à une nouvelle campagne dans ce pays, qui vise à attirer les touristes vers des villes dites « de rechange ». « Comment transmettre le message aux touristes ? C'est là que les influenceurs peuvent vraiment avoir un rôle à jouer. Il sera intéressant de voir comment les bureaux de tourisme peuvent s'associer avec eux pour rééquilibrer les choses. »
De l'inspiration à l'usure
Ceux qui s'élèvent (timidement) contre l'influence touristique des instagrammeurs et instagrammeuses n'ont rien contre la vertu ni contre les revenus qu'apportent les visiteurs ayant découvert les attraits de leur coin du monde par l'entremise de leur écran. Parce qu'il n'y a pas lieu de verser dans les extrêmes : dans plusieurs endroits du monde, le tourisme est là pour de bon. C'est ce qu'a appris l'île de Phuket qui, lors de la pandémie, a subi les difficiles contrecoups de la subite disparition des revenus touristiques.
Mais il reste que le réglage du baromètre de l'indice « tendance » par les influenceurs a parfois d'étranges conséquences. « Pendant que le Waverly ferme et que les pancartes à vendre se multiplient dans le quartier Mile End [à Montréal], des touristes font la file devant le café Alphabet ! D'autres cafés des alentours sont presque vides. Le Mile End est devenu une destination : autrefois, c'était un endroit où il faisait bon vivre », évoque Marlène Oeffinger, résidante du quartier.
Certes, certaines taxes pour contrer les méfaits du surtourisme ont été introduites dans des villes comme Venise. Mais cela est-il suffisant pour rééquilibrer le paysage ? « La question à se poser est de savoir comment bien investir les recettes de cette taxe, de manière à soutenir les entreprises locales et le développement durable des destinations. »
De quoi offrir matière à réfléchir, en rêvant à sa prochaine escapade instagrammable (ou pas !).
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Ça finit quand, toujours ? Agnès Gruda en lice pour le Prix du Roman Fnac
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Ça finit quand, toujours ? Agnès Gruda en lice pour le Prix du Roman Fnac

Le premier roman d'Agnès Gruda, Ça finit quand, toujours ?, a été retenu parmi les 30 titres en lice pour le Prix du Roman Fnac. Publié aux Éditions des Équateurs, en France, le roman est paru au Québec en mars dernier, aux Éditions du Boréal. L'ancienne journaliste à La Presse y raconte l'exil de trois familles juives polonaises à la fin des années 1960 – un récit inspiré de l'histoire de sa propre famille – et suit sur plus de 50 ans leurs destins croisés au Canada, aux États-Unis et en Israël. Le jury formé de libraires et de lecteurs l'a choisi au côté de grands titres de la rentrée littéraire en France, comme La nuit au cœur, de Nathacha Appanah (Gallimard), ou encore Le livre de Kells, de Sorj Chalandon (Grasset). « Une saga impressionnante sur cinq générations et trois continents. Une écriture élégante, des personnages intimes et vrais. L'exil, l'identité, la loyauté… tout est subtil, porté par la force des femmes », a souligné l'une des membres du jury. Le roman d'Éric Chacour, Ce que je sais de toi (Alto), s'était notamment retrouvé parmi les finalistes du prix il y a deux ans. L'an dernier, c'était Marie Vingtras qui l'avait remporté pour Les âmes féroces (De L'Olivier). (Re)lisez notre entrevue avec Agnès Gruda

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