
« À la maison des jeunes, j'ai trouvé une famille »
Une bonne partie du scénario de Watatatow, téléroman jeunesse des années 1990, s'articulait autour des maisons des jeunes. Où en sont-elles aujourd'hui ? Existent-elles toujours ? Oh, que oui, et elles sont peut-être plus centrales que jamais dans la vie de milliers de jeunes sur lesquels un regard bienveillant et protecteur est posé.
Il est 10 h, et depuis deux heures déjà, une dizaine d'adolescents s'affairent derrière les fourneaux. Les saucisses en pâte et les fondants au fromage vont rejoindre sur la grande table de victuailles les brochettes de fruits frais et les desserts tout chauds. Plein de nourriture, de la bonne musique : c'est jour de fête à la maison des jeunes L'escalier, à Lachine, où l'on inaugure, au sous-sol, des cuisines collectives.
« Au début, ils y allaient un peu fort sur le sel, on n'est jamais certain que ça va être très bon, mais c'est tellement beau de les voir tisser des liens et travailler en équipe ! », lance en riant Jordy Bélance, l'un des coordonnateurs de l'endroit.
PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, LA PRESSE
C'est jour d'inauguration de la cuisine collective de la maison des jeunes L'escalier, à Lachine.
Conformément à la philosophie des maisons des jeunes, les adolescents ont été consultés dès le début dans la conception de la nouvelle cuisine, financée par les épiceries Metro et avec la collaboration des Banques alimentaires du Québec.
« Une chef cuisinière travaille ici pendant la journée et des aînés du quartier viennent transmettre leur savoir-faire et leurs recettes, explique Christelle Onomo Lopes, directrice générale de la maison des jeunes de Lachine. On avait des jeunes qui ne savaient même pas peler une pomme ! On leur apprend aussi à gérer l'épicerie, à faire à manger en utilisant bien les restes. »
PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, LA PRESSE
Christelle Onomo Lopes, directrice générale de la maison des jeunes L'escalier, à Lachine
Ils apprennent à cuisiner pour devenir autonomes, mais au détour, explique Mme Onomo Lopes, quelques vocations jaillissent. Certains envisagent d'en faire un métier et cette cuisine – qui est utilisée depuis quelques mois, avant l'inauguration officielle – leur offre une première expérience de travail.
De la bibliothèque... aux Jeux olympiques
L'une des plus à l'aise en cuisine, c'est Afi Adjavon. gée de 18 ans, elle est arrivée au Québec depuis le Togo à la toute fin de l'automne 2021. Le premier hiver, dit-elle, elle allait à l'école et nulle part ailleurs. Tétanisée par l'hiver. Et à l'école, « je ne faisais qu'aller à la bibliothèque, j'étais maladivement timide ! »
C'est Wilfried Edou, qui fréquentait la même école secondaire qu'elle, qui lui a suggéré d'aller faire un tour à la maison des jeunes où lui-même, très impliqué, s'est vu confier le rôle de coordonnateur des programmes sportifs.
« L'accueil que j'ai reçu a été formidable. À la maison des jeunes de Lachine, j'ai trouvé une famille », dit aujourd'hui Afi.
Et c'est comme ça… qu'elle est allée aux Jeux olympiques de Paris, lance Afi.
Aux Jeux olympiques ?
PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, LA PRESSE
Afi Adjavob et Wilfried Edou, de la maison des jeunes L'escalier, à Lachine
La directrice, Christelle Onomo Lopes, n'en avait rien dit aux jeunes. Issue d'une famille de sportifs et déterminée à faire bouger les jeunes qu'elle trouve vraiment trop inactifs, elle les a poussés à participer à des olympiades en leur disant que les grands gagnants des compétitions gagneraient « un gros, gros truc ».
Ils n'auraient pas pu imaginer à quel point ce truc allait être vraiment très gros : un voyage à Paris pour assister aux Jeux olympiques, l'an dernier.
« Je suis originaire de France, j'ai un gros réseau là-bas et j'ai mis tout le monde à contribution. On a trouvé des commanditaires, puis des billets moins chers pour les compétitions de basket, de soccer et de boxe, on a réservé des auberges de jeunesse à deux pas de la Bastille… », explique Mme Onomo Lopes.
Des campagnes de financement à grands coups de vente de limonade et de hot-dogs ont fait le reste.
Et c'est ainsi que huit jeunes se sont envolés pour Paris.
Afi Adjavon n'y était jamais allée. Et plus que la ville, ce qui l'a émue, c'est d'assister à la cérémonie de remise de médailles. « C'était tellement touchant ! J'en ai pleuré ! »
La maison des jeunes de Montréal-Nord, comme une respiration
La maison des jeunes de Montréal-Nord est elle aussi très fréquentée : environ 200 jeunes y passent dans l'année, avec un noyau dur de 40 jeunes qui viennent sur une base très régulière.
On y vient pour « chiller » – il y a des sofas, un piano électrique, des ordinateurs, un vélo stationnaire, des jeux de toutes sortes –, pour passer du temps entre jeunes, pour être aidé dans ses devoirs. « Hier, une mère est passée me remercier en personne tellement elle était contente de la réussite de sa fille, c'était touchant », lance Sheilla Fortuné, directrice de la maison des jeunes de Montréal-Nord.
PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, LA PRESSE
La maison des jeunes L'ouverture, dans Montréal-Nord
« Nous recevons beaucoup de reconnaissance des jeunes et de leurs parents. On les aide avec la grammaire, les maths, leurs présentations orales », dit-elle.
Comme beaucoup d'immigrants récents habitent dans le quartier, « on donne aussi un coup de main aux parents et aux jeunes avec les formulaires d'école de toutes sortes », relève Jasmyne Pierre-Blanc, coordonnatrice et intervenante psychosociale.
Marie Oulaï, 19 ans, parle de l'endroit comme d'une vraie bouée de sauvetage. Arrivée de la Côte d'Ivoire avec sa mère il y a deux ans, elle s'ennuyait à fond, chez elle. Et elle était en colère, dit-elle. « J'ai souffert de l'absence de mon père, qui est resté en Côte d'Ivoire. Je n'ai même pas pu lui dire au revoir quand on est partis, il était dans une autre ville. »
PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, LA PRESSE
Marie Oulaï, une jeune qui fréquente la maison des jeunes L'ouverture, dans Montréal-Nord
À la maison des jeunes, dit-elle, elle est la grande pro de la cuisine. Elle y a aussi découvert le slam, qui l'a aidée à chasser sa tristesse, dit-elle. « Je suis venue ici chaque jour, chaque saison, c'était une échappatoire pour moi. C'est ici, aussi, que j'ai touché à de la peinture pour la première fois ! »
À Lachine comme à Montréal-Nord, toutes sortes d'ateliers sont proposés aux jeunes : sur l'intimidation, l'exploitation sexuelle, les réseaux sociaux, la confiance en soi, l'hygiène, etc.
Jasmyne Pierre-Blanc, coordonnatrice, se dit touchée par le parcours de chacun des jeunes. « Je viens moi-même de Montréal-Nord. Je suis née ici, de parents haïtiens, j'ai vécu ce qu'ils vivent et le parcours de chacun me touche vraiment. Pour eux, notre maison des jeunes, c'est leur deuxième maison. »
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


La Presse
16 minutes ago
- La Presse
La santé publique de Montréal signale trois décès depuis dimanche
Environnement Canada indique que les températures récentes ont battu des records à Montréal, le mercure atteignant 34 °C ou plus dimanche, lundi et mardi. (Montréal) La santé publique de Montréal a reçu trois signalements de décès liés à la chaleur depuis dimanche. La Presse Canadienne Il s'agit d'une augmentation par rapport au seul décès signalé plus tôt cette semaine. Environnement Canada indique que les températures récentes ont battu des records à Montréal, le mercure atteignant 34 °C ou plus dimanche, lundi et mardi. La Direction régionale de la santé publique de Montréal indique également avoir reçu des signalements d'au moins deux cas de coup de chaleur. L'agence continue de demander aux urgentistes de la métropole de signaler tous les cas de décès ou de coup de chaleur suspectés d'être liés à la chaleur. Par ailleurs, les ambulanciers paramédicaux desservant Montréal et Laval ont déclaré avoir reçu une augmentation de 15 à 20 % des appels au 911 de lundi à mercredi.


La Presse
an hour ago
- La Presse
Pas de portes ouvertes dans les écoles secondaires publiques de Sherbrooke
Dans un courriel envoyé en début de semaine, le centre de services scolaire de la Région-de-Sherbrooke a annoncé qu'il n'y aurait pas de journées portes ouvertes dans ses écoles publiques cet automne. Pas de portes ouvertes dans les écoles secondaires publiques de Sherbrooke Les écoles secondaires publiques de Sherbrooke ne tiendront pas de journées portes ouvertes cet automne. Attendue chaque année par les élèves et les parents, l'activité n'est plus considérée comme une priorité par les directions qui doivent se serrer la ceinture pour respecter leur budget. « Je trouve ça aberrant qu'un enfant ne puisse pas avoir accès aux portes ouvertes », laisse tomber Julie Martin, mère de deux jeunes garçons de Sherbrooke. Cette année, son aîné devra se contenter d'un dépliant informatif pour faire le choix de sa future école secondaire. Dans un courriel envoyé en début de semaine, le centre de services scolaire de la Région-de-Sherbrooke a annoncé qu'il n'y aurait pas de journées portes ouvertes dans ses écoles publiques cet automne, comme c'est le cas depuis plus de 25 ans. « Cette décision difficile n'a pas été prise à la légère par les directions de nos écoles, et nous sommes bien conscients qu'elle pourrait susciter de la déception », écrit-il. L'organisme scolaire évoque les efforts budgétaires imposés au réseau de l'éducation pour expliquer l'annulation de l'activité, qui nécessite « des ressources financières et humaines importantes ». Président par intérim de l'Association québécoise du personnel de direction des écoles, André Bernier déplore qu'un centre de services scolaire doive en arriver là. « J'ai été surpris d'apprendre ça », confie-t-il. Pour les directions d'écoles, les journées portes ouvertes ont une « importance capitale ». « C'est ce qui va permettre aux écoles d'aller chercher leur bassin d'élèves », souligne-t-il. Surtout, elles permettent aux finissants du primaire de se faire une meilleure idée des choix qui s'offrent à eux, notamment les programmes offerts par les établissements. « En 5e et 6e année, on ne sait pas vers quoi aller. Ça permet de faire des découvertes et peut-être d'orienter son parcours scolaire », souligne Mélanie Laviolette, présidente de la Fédération des comités de parents du Québec. Julie Martin abonde dans le même sens. Selon elle, rien ne remplace une visite sur place. « C'est en sentant l'atmosphère, en voyant les futurs professeurs, les futurs étudiants que les enfants peuvent se faire une idée », dit-elle. Manque à gagner de 4 millions Devant la grogne généralisée, le gouvernement caquiste avait réinvesti 540 millions de dollars dans le réseau scolaire à la mi-juillet, à la condition qu'ils servent à financer les services directs aux élèves. Mais ce n'est pas suffisant pour couvrir toutes les dépenses, indique le directeur du service de secrétariat général et des communications du CSSRS, Donald Landry. « Il nous reste toujours un manque à gagner de 4 millions de dollars », explique-t-il. Pour respecter son budget, l'organisme scolaire n'a pas eu le choix de mettre la hache dans tout ce qui n'est pas essentiel. « C'est malheureux parce que c'était une belle vitrine pour mettre en valeur à la fois les programmes, à la pédagogie, la vie étudiante et la culture de l'école », reconnaît M. Landry.


La Presse
an hour ago
- La Presse
Encore des milliers d'enseignants à trouver, mais 96 % des postes pourvus
Encore des milliers d'enseignants à trouver, mais 96 % des postes pourvus Près de 96 % des postes d'enseignants ont été pourvus en date du 11 août 2025, a dévoilé jeudi le ministère de l'Éducation. Mais derrière ce score impressionnant, la réalité est la même : la pénurie persiste, et à l'approche du retour en classe, 4115 postes sont toujours sans titulaire. La moitié de ces 4115 postes sont à temps partiel, selon les chiffres fournis par le gouvernement. On estime qu'il s'agit d'un progrès par rapport à l'an dernier. Et le nombre de postes vacants diminue quotidiennement, insiste-t-on, en arguant que le portrait d'aujourd'hui sera différent la semaine prochaine et la suivante. Le ministre Drainville doit s'adresser aux médias vers 13 h à l'Assemblée nationale. Lui qui anticipait une nouvelle rentrée en contexte de pénurie d'enseignants avait préparé le terrain la semaine passée. « Je peux vous dire d'ores et déjà qu'on n'aura pas assez d'enseignants », a-t-il lâché jeudi dernier à l'émission Tout un matin. Ça, je vous le dis, c'est sûr, parce que le nombre d'élèves ne cesse d'augmenter, puis on a beaucoup de difficulté à avoir les enseignants dont on a besoin. Bernard Drainville, ministre de l'Éducation La rentrée scolaire s'effectuera les 27 et 28 août prochains dans plusieurs écoles primaires et secondaires de la province. Besoins en adaptation scolaire Au Centre des services scolaire de Montréal (CSSDM), la pénurie de personnel promet d'être encore une fois marquée dans le secteur de l'adaptation scolaire, a-t-on d'ores et déjà prévenu. « Les séances d'affectations pour les postes connus de la prochaine rentrée ont déjà eu lieu avant la fin de la dernière année scolaire, avec la majorité des postes pourvus », a-t-on signalé au service des communications. « Cependant, comme ces dernières années, les besoins en adaptation scolaire demeurent importants », a-t-on spécifié. Pénurie et casse-tête budgétaire À cette pénurie de personnel prévisible vient s'ajouter cette année la confusion découlant des compressions annoncées à quelques jours de la fin des classes. Si celles-ci ont été partiellement annulées en juillet dernier, devant une grogne populaire qui laissait présager une rentrée mouvementée, elles ont néanmoins eu le temps de causer des problèmes. Car afin de respecter la prescription du gouvernement, des directions d'école avaient dû se résigner à sabrer dans les heures de travail d'employés de soutien, dont les techniciennes en éducation spécialisée (TES). À contrecœur, certaines ont préféré quitter. D'autres ont accepté une tâche allégée, aussi à leur grand dam. Et selon les échos du milieu scolaire, le mécontentement ne s'est pas tout à fait dissipé. La rentrée ne sera pas de tout repos pour les directions d'école qui doivent à la fois revenir sur les contorsions budgétaires forcées de juin dernier et composer avec la pénurie d'enseignants.