
« Abondance », l'idée qui inspire les démocrates
Quatorze ans plus tard, le plan pour réaliser ce projet inédit aux États-Unis est né. Vingt-six ans plus tard, les électeurs californiens ont approuvé la construction du premier segment du réseau ferroviaire, qui devait être terminé en 2020 pour 33 milliards de dollars.
Quarante-trois ans plus tard, où en est le projet ? Si tout va bien, le premier segment sera terminé entre 2030 et 2033. Il reliera les centres agricoles de Merced et Bakersfield, où personne n'en veut vraiment.
« Durant tout ce temps où la Californie n'a pas réussi à compléter son réseau ferroviaire de 800 km, la Chine a construit plus de 37 000 km de lignes à grande vitesse », soulignent les journalistes Ezra Klein et Derek Thompson, auteurs d'un essai provocateur intitulé Abundance.
Vendu à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires, le livre n'est pas seulement un best-seller inattendu aux États-Unis. C'est aussi une source d'inspiration pour de nombreux démocrates déboussolés depuis novembre dernier. Il explore les raisons pour lesquelles les progressistes ou les démocrates sont souvent incapables de réaliser leurs grands projets.
Au nombre de ces raisons se trouvent des lois, règlements et procédures qui ont été voulus par ces mêmes progressistes ou démocrates, souvent pour de bonnes raisons, mais qui sont devenus des obstacles.
« Les trains sont plus propres que les voitures, mais la ligne à grande vitesse a dû faire l'objet d'un examen environnemental sur chaque centimètre de son tracé, avec des poursuites judiciaires à chaque coin de rue. Le processus d'évaluation environnementale a commencé en 2012 et, en 2024, il n'était toujours pas terminé », écrivent Klein et Thompson (le premier est chroniqueur et baladodiffuseur au New York Times, le second a quitté récemment le magazine The Atlantic).
Une forte réaction
Les progressistes ou démocrates échouent sur d'autres fronts, dont celui du logement. Ces dernières années, ils ont vu plusieurs États où ils sont au pouvoir, dont la Californie et l'État de New York, perdre de jeunes familles au profit du Texas, de l'Arizona ou de la Floride, entre autres États où l'accès à un logement abordable et à la propriété est un objectif plus réaliste.
En 2024, ils ont aussi vu le Texas produire près de deux fois plus d'électricité éolienne et solaire que la Californie.
PHOTO ERIC GAY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Un parc éolien près de Del Rio, dans le sud-ouest du Texas
C'est donc un changement d'attitude face aux excès de la réglementation et de la procédure que réclament Klein et Thompson dans Abundance.
Ces journalistes progressistes définissent le concept d'abondance comme « un état […] dans lequel il y a suffisamment de ce dont nous avons besoin pour créer des vies meilleures que celles que nous avons eues. C'est pourquoi nous nous concentrons sur les éléments constitutifs de l'avenir. Le logement. Les transports. L'énergie. La santé. Et nous nous concentrons sur les institutions et les personnes qui doivent construire et inventer cet avenir. »
Même s'ils avaient l'ambition d'influencer le Parti démocrate, Klein et Thompson ne s'attendaient pas à ce que leur petit livre suscite une réaction aussi forte. Des groupes ont vu le jour dans plusieurs villes américaines sous l'enseigne de l'« Abondance ». Deux de ces groupes ont été créés par des élus démocrates du Congrès.
Le système est brisé. Le gouvernement est trop inefficace pour relever les défis du XXIe siècle. Mais la réponse n'est pas le DOGE. C'est l'ABONDANCE.
Ritchie Torres, représentant démocrate de New York, sur X
Le concept d'abondance est également populaire auprès des gouverneurs démocrates – ceux de l'État de New York, du Minnesota, du Colorado et du Maryland, entre autres, ont vanté ses mérites en public.
Mais le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, est vraisemblablement le premier élu démocrate à avoir lié un de ses projets de loi à ce qu'il appelle un « programme d'abondance », expression devenue courante.
« Un budget qui construit »
Ainsi, le 1er juillet dernier, Gavin Newsom a promulgué une réforme des règles californiennes de protection de l'environnement qui ont fait date, mais dont le gouverneur estime qu'elles font désormais obstacle à la lutte contre la crise du logement en Californie.
Cette réforme s'inscrivait dans le budget annuel de l'État.
PHOTO MEG KINNARD, ASSOCIATED PRESS
Le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom
« Il ne s'agit pas seulement d'un budget », a déclaré Gavin Newsom, auquel on prête des ambitions présidentielles. « C'est un budget qui construit. Il prouve ce qui est possible lorsque nous gouvernons dans l'urgence, avec clarté, et avec la conviction que l'abondance l'emporte sur la pénurie. »
Des groupes environnementaux ont dénoncé cette réforme. Ils ne sont pas les seuls, chez les progressistes ou les démocrates de gauche, à critiquer le concept d'« abondance ». Certains y voient un retour du « néo-libéralisme » à un moment où les progressistes ou les démocrates devraient, selon eux, épouser le combat populiste contre l'« oligarchie » mené par Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez et d'autres.
Selon Aaron Regunberg, collaborateur du magazine de gauche The Nation, Klein et Thompson « détournent la colère du public envers le parasitisme des élites économiques et l'orientent vers les régimes réglementaires des États et des villes démocrates ».
Mais les auteurs d'Abundance n'inventent pas les échecs des démocrates. Un des exemples qu'ils donnent est issu du projet de loi sur les infrastructures dont s'est vanté Joe Biden. La mesure prévoyait 7,5 milliards de dollars pour la construction d'un réseau national de 500 000 stations de recharge de véhicules électriques. En mars 2024 – plus de deux ans après l'adoption du projet de loi –, seules sept nouvelles stations de recharge étaient en service.
« Si les [progressistes] ne veulent pas que les Américains se tournent vers les fausses promesses des hommes forts, ils doivent offrir les fruits d'un gouvernement efficace », écrivent Klein et Thompson.
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