
Profs et pros du handicap tapent sur la politique d'inclusion
La volonté d'harmonisation du Canton dans le milieu de la pédagogie spécialisée a créé des remous ces derniers mois.
Odile Meylan
En bref:
Forum Handicap Vaud tire la sonnette d'alarme. Dans une lettre adressée ce printemps au conseiller d'État Frédéric Borloz, la faîtière s'inquiétait d'une «dégradation générale des prestations à l'intention des jeunes en situation de handicap».
Le courrier a été envoyé après que des craintes sont apparues autour de la prise en charge des enfants autistes. Celles-ci faisaient suite à l'annonce de la fermeture d'une école historique, finalement sauvée. C'est l'un des points relevés par Forum Handicap Vaud mais ce n'est de loin pas le seul.
Les préoccupations concernent les écoles spécialisées mais aussi l'inclusion des élèves avec handicap au sein de l'école ordinaire et les prestations de soutien aux familles. La manière dont la politique cantonale est menée est aussi critiquée car elle se ferait sans réelle concertation des acteurs de terrain et des familles. Le conseiller d'État Frédéric Borloz y répond dans une interview. Où en est l'école inclusive?
«Pour nous, il n'y a pas de réel progrès en matière d' école inclusive depuis 2022. Le concept 360° stagne et les parents désespèrent», résume Fabienne Segu, secrétaire générale de Forum Handicap Vaud. En marge de la rentrée 2024, Frédéric Borloz demandait de la patience , expliquant que les améliorations apportées à ce concept (lancé en 2019 par Cesla Amarelle) seraient déployées sur trois ans.
Le bilan intermédiaire ne convainc pas non plus les syndicats d'enseignants. «Des mesurettes ont été prises mais ça ne bouge pas assez, tance Gilles Pierrehumbert, président du Syndicat vaudois de l'enseignement secondaire (SVES). Nous avons besoin de ressources sociopédagogiques et éducatives et elles sont structurellement insuffisantes. Vu la situation financière du canton, et avec la perspective d'une baisse d'impôts, nous craignons un grand pas en arrière. Nous saluons tout de même l'ouverture de négociations avec le Canton à la suite de la journée de mobilisation du 16 juin dernier.»
Ce jour-là, quelque 500 personnes ont manifesté en soutien aux enseignants et enseignantes de 1-2P , qui réclament davantage de moyens depuis des mois, notamment pour les aides à l'intégration et l'enseignement spécialisé. Leur pétition avait été rejetée par le Grand Conseil.
«Nous sommes encore dans un système où il faut un diagnostic pour obtenir une aide et il y a donc de nombreux enfants qui n'entrent pas dans cette logique mais qui posent de gros problèmes, regrette Gregory Durand, président de la Société pédagogique vaudoise (SPV). Certains ne présentent pas de troubles identifiés mais ont des comportements agressifs. La tendance inquiétante, c'est qu'ils sont plus nombreux, plus violents et à partir d'un plus jeune âge, parfois dès 4-5 ans.»
Forum Handicap Vaud ajoute que de nombreux parents rapportent «le manque d'accompagnement de leurs enfants au niveau postobligatoire», ce qui compliquerait leur intégration professionnelle. Des écoles spécialisées frustrées?
Les professionnels parlent d'une «nette péjoration des conditions d'accueil» dans les écoles spécialisées. Dans le cadre de la révision des conventions de subventionnement, les taux d'encadrement ont été réévalués. Peu d'institutions seraient perdantes mais l'une d'elles, l'école du Foyer à Lausanne, a envisagé de fermer en apprenant que ses effectifs allaient diminuer. Une solution a finalement été trouvée.
D'autres écoles spécialisées ont mis du temps avant de signer la nouvelle convention adressée par le Canton. Une affaire qui aurait dû être réglée «bien plus tôt vis-à-vis de la rentrée 2025» et qui «témoigne d'un certain malaise», selon plusieurs acteurs du milieu.
D'autres voix sont plus positives. «Notre faîtière soutient la démarche d'harmonisation car elle profite à la majorité des structures et va permettre la création de plus de 60 ETP dans le canton de Vaud», souligne Olivier Salamin, secrétaire général de l'Association vaudoise des organisations privées pour personnes en difficulté (AVOP).
Il admet que «ce n'est pas simple pour les écoles de signer un engagement sur trois ans sans savoir comment les besoins vont évoluer» mais rappelle que le dispositif pourra être adapté durant ces trois années «pour mieux tenir compte des spécificités des établissements et de leurs élèves». À ce titre, un comité de pilotage a été constitué, incluant une représentation des établissements de pédagogie spécialisée. Les familles s'épuisent
Au-delà de l'école, la modification des règles d'accès aux unités d'accueil temporaire (UAT) durant les week-ends et les vacances fait aussi jaser. «Les règles sont harmonisées sans tenir compte des spécificités de chaque situation. Pour beaucoup de familles, cela correspond à une diminution de la prestation, réagit Isabelle Sanou, coprésidente de l'Association Perceval Saint-Prex Insieme. Nous le ressentons comme un «débrouillez-vous» et certains parents se demandent s'ils vont devoir arrêter de travailler. Le Canton nous propose comme alternative de faire appel au service de relève de Pro Infirmis, transférant ainsi la responsabilité de la prise en charge des enfants handicapés aux associations plutôt que de renforcer le dispositif de l'État.»
Pour Fabienne Segu, «le Canton de Vaud est en train de repenser son dispositif sur la base de critères peu clairs et qui ne semblent pas correspondre aux besoins du terrain». Elle interroge: «S'il y a une stratégie, quelle est-elle? Et pourquoi les principaux concernés, c'est-à-dire les professionnels, les associations et les familles, ne sont jamais consultés?» L'accueil de jour s'impatiente
Les crèches et les unités parascolaires accueillent, elles aussi, de nombreux enfants présentant des troubles cognitifs. Certains, étant donné leur jeune âge, ne sont pas encore diagnostiqués. Pour les autres, les institutions attendent que le Canton mette en forme les contours d'une réelle politique d'inclusion. Celle-ci est en cours d'élaboration, nous a récemment confirmé la nouvelle directrice de la Fondation pour l'accueil de jour des enfants (FAJE).
Les établissements s'impatientent d'autant plus, que depuis le 1er janvier 2025, ils ne bénéficient plus de l'aide cantonale à l'intégration de ces enfants pendant les vacances scolaires. Pour ne pas laisser les familles dans l'embarras, 18 réseaux d'accueil, sur les 20 qui s'occupent d'enfants à besoins particuliers, ont décidé de continuer de les recevoir même pendant les vacances, à leurs frais.
Une situation inconfortable, explique la Faîtière des réseaux d'accueil de jour des enfants du canton. «Les communes assument une part importante des coûts liés à ces prestations, et ce, même en dehors des périodes de vacances», précise sa présidente, Laurie Willommet. Pour elle, «l'instauration de postes fixes financés majoritairement par le Canton permettrait de renforcer l'expertise des équipes éducatives, de favoriser le partage de bonnes pratiques, de réduire le turnover et d'améliorer les conditions de travail».
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Romaric Haddou est journaliste à la rubrique Vaud et régions depuis 2016. Il couvre en particulier le domaine de la santé. Plus d'infos Marie Maurisse est journaliste société à la rubrique Vaudoise. Active depuis près de 15 ans dans le domaine et spécialisée dans l'enquête, elle a cofondé le média spécialisé Gotham City, réalisé plusieurs documentaires et écrit deux livres. Plus d'infos @mariemaurisse
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