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Frank Zampino ne savait rien du système de collusion, plaide son avocat

Frank Zampino ne savait rien du système de collusion, plaide son avocat

La Presse15 hours ago
Frank Zampino au palais de justice de Montréal en mai dernier.
Frank Zampino ne savait rien du système de collusion, plaide son avocat
La collusion dans les contrats publics à la Ville de Montréal s'est déroulée à l'insu du numéro deux de la Ville, Frank Zampino, a fait valoir la défense mardi. C'est plutôt un témoin clé de la Couronne et un accusé décédé, alias « Monsieur 3 % », qui ont tout manigancé, selon la défense.
« M. Zampino n'était tout simplement pas au courant de l'existence du système de collusion. C'est l'explication la plus plausible », a plaidé mardi Me Philippe Morneau, l'avocat de Frank Zampino, l'ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal sous l'administration Tremblay dans les années 2000.
PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE
Me Philippe Morneau, avocat de Frank Zampino
Cinq mois après le début du procès, l'étape finale des plaidoiries s'est amorcée mardi au palais de justice de Montréal. Frank Zampino et ses quatre coaccusés, Robert Marcil, Kazimierz Olechnowicz, Bernard Poulin et Normand Brousseau font face à des chefs de corruption, de fraude, de complot et d'abus de confiance.
Selon la thèse de la Couronne, Frank Zampino était le chef d'orchestre d'un système de collusion ayant permis à 13 firmes de génie-conseil de se partager des contrats publics d'une valeur de 160 millions de dollars dans les années 2000. Les appels d'offres étaient truqués sous la direction de Frank Zampino et de son bras droit Bernard Trépanier (mort en 2018), alias « Monsieur 3 % », selon la Poursuite.
Des centaines de milliers de dollars étaient ensuite distribués en financement politique occulte au parti du maire Gérald Tremblay.
Pour sa défense, en mai dernier, Frank Zampino a juré n'avoir jamais participé à une « quelconque forme de collusion » et n'avoir « jamais orchestré un tel système ». Il a affirmé n'avoir « jamais fixé l'issue d'un appel d'offres public ni donné instruction à quiconque de le faire ».
Témoin clé de la Couronne, l'ingénieur Michel Lalonde soutient avoir été désigné « porte-parole » des firmes faisant partie de la collusion. Au procès, il a directement impliqué Frank Zampino. Il a détaillé trois rencontres avec M. Zampino, dont une pour trouver un complice au sein des comités de sélection de contrat.
Des affirmations contredites par Frank Zampino.
Selon l'avocat de Frank Zampino, Michel Lalonde s'est lui-même nommé « coordonnateur de la collusion ».
« Michel Lalonde avait un intérêt certain à devenir un porte-parole, ou un coordinateur de la collusion entre les firmes. Il avait un intérêt pécuniaire et personnel. Sa firme avait un intérêt économique à participer à un système, car elle était petite », a plaidé Me Philippe Morneau mardi.
PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE
Michel Lalonde, ex-président de Groupe Séguin et témoin clé du procès pour corruption de Frank Zampino.
Deux des rencontres décrites par Michel Lalonde ont été « inventées de toutes pièces », selon Me Morneau.
Et si on adhère à la thèse de la Couronne, illustre Me Morneau, il faudrait croire que Michel Lalonde n'a eu que trois rencontres d'une trentaine de minutes en trois ans avec Frank Zampino et son lieutenant pour gérer un système de cette ampleur. « Ça me semble bien peu », a-t-il résumé.
La Couronne dépeint Bernard Trépanier, l'ex-argentier du parti Union Montréal du maire Tremblay, comme le « bras droit » de Frank Zampino.
Ce n'est pas le cas, réplique le camp Zampino.
« Bernard Trépanier était un agent libre. Il agissait à l'insu de M. Zampino », a plaidé Me Morneau.
Selon la défense, Bernard Trépanier faisait croire aux firmes que les sommes versées dans le système de collusion étaient destinées au parti Union Montréal. Or, tout porte à croire que c'est Bertrand Trépanier qui en bénéficiait personnellement, soutient la défense.
« La suggestion de la Couronne que l'argent a pu aboutir dans les poches de M. Zampino est une totale spéculation qu'aucun élément ne soutient », a plaidé Me Morneau.
Autre élément qui remet en doute la théorie de la Couronne : le système de collusion s'est poursuivi même après le départ de Frank Zampino.
« Si le chef d'orchestre n'est plus à la Ville et que le système opère encore, je vois difficilement comment on peut arrimer la preuve avec la thèse du Poursuivant voulant que M. Zampino tirait les ficelles », a fait valoir Me Morneau.
Quant à l'accusé Robert Marcil, ex-directeur des travaux publics de la Ville de Montréal, son avocate a plaidé qu'il n'y avait « aucune preuve directe » prouvant son implication dans cette affaire.
Les plaidoiries des parties sont prévues toute la semaine.
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time8 hours ago

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Enfin, presque toute pour lui, puisque de nombreux amis, artistes de la chanson pour la plupart, se sont succédé sur scène au cours d'une touchante cérémonie de près de deux heures. Sa présence s'incarnait dans deux objets placés à l'avant-scène, à proximité d'une gerbe de fleurs blanches : l'urne renfermant ses cendres et une guitare acoustique, son instrument de prédilection. Non loin en arrière, un drapeau du Québec. PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE L'urne renfermant les cendres de Serge Fiori Le drapeau était là pour souligner le caractère officiel de la cérémonie, à laquelle assistaient bien sûr le premier ministre François Legault et plusieurs autres politiciens, mais rappelait aussi que Serge Fiori était et a toujours été un indépendantiste convaincu. « Tu nous auras quittés avec cette immense soif de liberté politique pour le Québec. Tu n'avais jamais accepté qu'on se dise non. On va s'en souvenir », a d'ailleurs promis l'ancien maire de Québec Régis Labeaume, devenu ami par hasard et sur le tard avec le chanteur d'Harmonium. Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos Video Player is loading. 0:34 Lecture Skip Backward Skip Forward Désactiver le son Current Time 0:00 / Duration 0:00 Loaded : 0% 0:00 Stream Type LIVE Seek to live, currently behind live LIVE Remaining Time - 0:00 Picture-in-Picture Plein écran This is a modal window. Beginning of dialog window. Escape will cancel and close the window. 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Normand Brathwaite a quant à lui évoqué une conversation avec le chanteur à l'occasion de laquelle ils se désolaient de voir des artistes d'ici passer à l'anglais dans les refrains de leurs chansons en français. « On devrait peut-être avoir une petite pensée pour Serge qui a plus de courage que bien des Québécois », a-t-il ajouté. Une forte fragilité Serge Grimaux, qui fut gérant et surtout ami de Serge Fiori, a été le premier à prendre la parole. Après l'avoir cédée brièvement à François Legault, qui a souligné notamment la contribution exceptionnelle du disparu à la société québécoise, il l'a reprise, parlant de son ami comme d'un être dont la fragilité devenait une force lorsqu'il se mettait à la musique. « Ta guitare sonnait comme une cathédrale », a-t-il dit. Peu après, alors que Luc Picard évoquait la voix si particulière de Serge Fiori, à la fois si singulière et si familière dès la première écoute, un cortège de guitaristes est apparu sur scène. Menés par Richard Séguin, qui a signé avec Fiori l'album Deux cents nuits à l'heure, on a vite reconnu Michel Rivard, Paul Piché, Gilles Valiquette, Vincent Vallières, Marc Pérusse et puis un jeunot, qui est plus acteur que musicien, Henri Picard, héros d'une anecdote racontée par son père. PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE Luc Picard Luc Picard notamment parlé de ce qu'il y avait de beau dans la fragilité et dans la sincérité de Serge Fiori, qu'il a décrit comme « un être humain non pas armé de musique, mais déshabillé par elle ». À la fin de son allocution poétique et enflammée, le comédien s'est exclamé : « Les amis, les miracles se peuvent : Harmonium ! » Ce qu'on avait deviné dans la pénombre est en effet advenu : côté jardin, Louis Valois, Monique Fauteux, Serge Locat, Libert Subirana et Pierre Daigneault, qui furent tous de l'aventure d'Harmonium, s'étaient glissés derrière leurs instruments. 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Tu as porté haut l'amour de ta génération. » On a frissonné en écoutant Monique Fauteux chanter Le corridor, chanson qui dit « vivre, c'est mourir quand il le faut… » Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos Video Player is loading. 0:35 Lecture Skip Backward Skip Forward Désactiver le son Current Time 0:00 / Duration 0:00 Loaded : 0% 0:00 Stream Type LIVE Seek to live, currently behind live LIVE Remaining Time - 0:00 Picture-in-Picture Plein écran This is a modal window. Beginning of dialog window. Escape will cancel and close the window. 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Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos Video Player is loading. 0:28 Lecture Skip Backward Skip Forward Désactiver le son Current Time 0:00 / Duration 0:00 Loaded : 0% 0:00 Stream Type LIVE Seek to live, currently behind live LIVE Remaining Time - 0:00 Picture-in-Picture Plein écran This is a modal window. Beginning of dialog window. Escape will cancel and close the window. Text Color White Black Red Green Blue Yellow Magenta Cyan Opacity Opaque Semi-Transparent Text Background Color Black White Red Green Blue Yellow Magenta Cyan Opacity Opaque Semi-Transparent Transparent Caption Area Background Color Black White Red Green Blue Yellow Magenta Cyan Opacity Transparent Semi-Transparent Opaque Font Size 50% 75% 100% 125% 150% 175% 200% 300% 400% Text Edge Style None Raised Depressed Uniform Drop shadow Font Family Proportional Sans-Serif Monospace Sans-Serif Proportional Serif Monospace Serif Casual Script Small Caps Reset Done Close Modal Dialog End of dialog window. Puis, après avoir repris contenance et souligné le côté bordélique de Serge Fiori, il a ajouté : « Quand tu nous racontais L'heptade, je ne comprenais pas tout, tout, tout. Il suffisait que tu la chantes pour qu'on te suive n'importe où. » Il ne fut pas le seul à mêler rire et sanglots. Régis Labeaume a aussi oscillé entre ces deux pôles en racontant cette amitié aussi inattendue que tardive dans sa vie. « Fiori, je m'ennuie, a-t-il dit, mais surtout, je t'aime. » Et c'est l'une des choses qui étaient belles dans cette cérémonie : elle n'a pas été portée seulement par des gens qui racontaient Serge Fiori au passé, mais surtout au présent. Dans les liens visiblement nombreux qu'il entretenait autant avec Michel Barrette que Normand Brathwaite. Des gens qui l'avaient d'abord admiré, souvent, et qui avaient découvert l'homme rieur et la personne attachante qu'il était en privé. Ce fut aussi une très belle plongée dans son œuvre puisque, au cours de la cérémonie, on a pu entendre plusieurs chansons d'Harmonium. Philippe Brach a chanté Chanson noire. Marie-Pierre Arthur a porté Depuis l'automne. Vers la fin, Klô Pelgag a bellement élevé Comme un sage, morceau aussi entendu en début de cérémonie dans une version mettant en valeur la voix toute nue de Serge Fiori. PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE Philippe Brach La cérémonie s'est terminée sur l'évocation du dernier projet musical de l'âme d'Harmonium : une version de sa chanson Un musicien parmi tant d'autres chantée dans les langues des 11 nations autochtones présentes au Québec. C'est Biz qui l'a expliqué, et le projet s'est incarné dans une interprétation en chœur, par tous les participants à l'hommage, avec une participation spéciale de Mathieu Mckenzie, du groupe Maten, qui a glissé une phrase en innu. Après un clin d'œil préenregistré de Céline Dion, la salle a repris le célèbre air : « Où est allé tout ce monde qui avait quelque chose à raconter, on a mis quelqu'un au monde, on devrait peut-être l'écouter ? » Le chant a persisté pendant de longues minutes, alors que les lumières de la salle s'étaient rallumées et que l'urne et la guitare de Fiori étaient reparties dans les coulisses de l'éternité.

Fiori, je m'ennuie !
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La Presse

time12 hours ago

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Fiori, je m'ennuie !

Notre collaborateur offre une version bonifiée d'un texte lu lors de la cérémonie d'hommage à son grand ami Serge Fiori. Récit d'une amitié aussi improbable qu'émouvante. Bon, j'aurais dû l'écrire plus tôt celle-là, mais je n'en étais pas capable, j'étais occupé, occupé à brailler comme un veau, et ravaler dans mon coin. Et là, me voilà qui parle tout seul, qui radote, parce que cette fois-ci, l'écho ne me revient pas de Saint-Henri-de-Taillon. Je me fais des solos, des monologues, où je me dis que cette dernière année, où tout a merdé, était dans ton rétroviseur, que les choses auraient pu mieux aller pour toi, ta santé, et le reste. Un classique, je sais. C'est ça, la mort, ça donne toujours de la valeur ajoutée aux raisons de vivre qu'on a banalisées. Avant que tu mettes les voiles, je n'ai pas senti de préavis. L'avant-veille, on jouait encore à notre jeu favori, à celui qui prend l'autre en défaut. On a encore vidé un litre de salive sur des âneries, à se dessécher la langue et à massacrer le verbe. Et pour une rare fois, j'ai gagné, parce que c'était généralement moi le nono, la bonne poire avec le déficit d'attention que le docteur Fiori m'avait lui-même déjà diagnostiqué, sans que je sollicite une consultation, au demeurant. Et tu te payais la traite, pas ordinaire. Ben oui, j'm'ennuie, qu'est-ce que tu penses ? On était pourtant capables de se le dire, tous les deux, qu'on s'ennuyait. On a été de nouveaux amis, même pas 10 ans. Tu es venu un jour te présenter à moi, sur une terrasse, à Québec. Serge Fiori, que tu m'as dit. Heureusement, sinon je ne t'aurais pas reconnu, j'ai juste tripé sur toi toute ma vie. De nouveaux amis qui n'en cherchaient pas, par ailleurs, nous partagions la même méfiance. Mais il s'est passé quelque chose qu'on n'a même pas compris nous-mêmes, qui nous a surpris, des lieux communs qu'on n'aurait pas devinés chez l'autre, et on en a été très heureux, et on a pris soin de nous autres, comme des petites bêtes. On s'est peut-être connus au meilleur moment de nos vies, plus vieux, mais en duo, pas nécessairement plus matures, souhaitant juste une relation normale, pour des garçons anormaux. Ce qui m'a fait te dire qu'avant de t'aimer, je t'avais admiré. Tu m'as retourné la phrase, je n'ai pas relevé, gentil, mais on ne jouait pas dans la même ligue, t'étais Fiori. Comme tu l'as dit, nous deux, on était une caricature. On a été tellement niaiseux tous les deux, le monde ne croirait pas ça. On a fait honte à nos blondes, ben en masse. Presque des personnages de Race de monde, Victor-Lévy Beaulieu aurait su apprécier. Et c'est devenu un besoin, ensemble, de dérailler, de rire à se fendre la face. On est tombés dans la bonne talle, comme on le dit des bleuets au Lac-Saint-Jean. Mais on était capables de finir une conversation en se disant « Je t'aime ! ». J'aurai vécu ça, moi. On a discuté de musique, évidemment, mais je n'ai pas résolu l'énigme, comme tant d'autres. Aussi, après avoir sifflé une couple de bouteilles, je tentais parfois de comprendre l'affaire, comment t'avais pu créer ton œuvre principale en si peu de temps, et à cet âge-là. Comment l'envoûtement s'est installé, la déferlante, dans ta tête et dans ton âme ? Tu avais toujours les mêmes réponses plates, du genre : « L'inspiration, ça arrivait comme ça, pis ça sortait comme ça ». Ben oui, pourquoi pas, j'aurais aimé que ça m'arrive, moi… Et je sentais ta lassitude sur le sujet, comme si c'était un détail. Mais l'avais-tu jamais compris, toi-même ? Finalement, je n'ai pas trop insisté, durant toutes ces années, tu n'avais pas besoin d'un groupie de plus dans ta vie. 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L'icône atteignait son niveau d'incompétence, il n'avait pas tous les talents, mais pas pantoute. Pas vraiment claire, la limite entre l'amitié et l'amour, je ne sais plus. Entendons-nous sur une grosse soupe épaisse d'affection. C'est pourquoi j'ai un trou dans l'âme, et finalement, j'en prendrais encore des petits sketchs d'andouille, pour entendre à nouveau ta voix, ton rire, et revoir ta grosse face. Tu me manques, maudite marde ! On était de nouveaux amis, oui, mais c'était un peu court, finalement, et le temps est long, j'en aurais pris encore plusieurs années. Fiori, je m'ennuie, mais surtout, je t'aime ! Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue

Un dernier adieu à Serge Fiori
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Hélène Lévesque, la veuve de Serge Fiori, porte un lampion sur la scène. (Montréal) Le Québec a dit un dernier adieu à Serge Fiori, figure marquante de la musique, qui laisse derrière lui une « œuvre immortelle ». La Presse Canadienne Des milliers de personnes sont venues assister mardi à la cérémonie d'hommage national en mémoire de l'artiste à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, à Montréal. L'évènement a été entremêlé de témoignages, d'anecdotes et de morceaux marquants de l'auteur-compositeur-interprète. La cérémonie s'est ouverte avec une allocution du premier ministre François Legault, relatant notamment le parcours du cofondateur du groupe Harmonium. Quelques minutes avant le début de l'évènement, M. Legault a parlé de l'artiste comme « un grand musicien, un grand compositeur, un grand Québécois », qui a particulièrement marqué sa génération. « Je me rappelle, au début de 1974, quand le premier album d'Harmonium est sorti, j'avais 16 ans. Et comme beaucoup de jeunes, je me suis senti interpellé. Serge Fiori, c'était un peu comme un gourou. Il avait des paroles qui nous motivaient. […] Il a rendu notre vie plus belle », a dit le premier ministre aux journalistes à son arrivée à la Place des Arts. Serge Grimaux, ami et gérant de Fiori, a assuré le rôle de maître d'œuvre de la cérémonie. Aussi en ouverture, il a rendu hommage à l'artiste décédé le 24 juin à 73 ans, en racontant certaines anecdotes cocasses. Le comédien Luc Picard et le bassiste d'Harmonium Louis Valois ont suivi chacun leur tour avec un hommage. « On a fait un voyage unique », a lancé Louis Valois en regardant l'urne qui trônait sur la scène aux côtés de la guitare du chanteur. L'auteur-compositeur-interprète Michel Rivard a invité à un moment de silence après avoir livré à son tour un témoignage sur son ami et ancien colocataire. L'ancien maire de Québec, Régis Labeaume, a causé une ovation debout lorsqu'il a souligné les convictions souverainistes de Fiori. Plus tard, l'humoriste Normand Brathwaite a évoqué l'importance pour l'artiste de chanter en français. Serge Fiori a marqué l'univers musical du Québec pendant les années d'activité du mythique groupe progressif et après, que ce soit en duo avec Richard Séguin où à travers des projets solos. Serge Fiori est né le 4 mars 1952 dans le quartier de la Petite Italie, à Montréal. Harmonium a sorti trois albums : Harmonium, en 1974, connu pour d'importants succès comme Pour un instant et Un musicien parmi tant d'autres, suivi par Si on avait besoin d'une cinquième saison en 1975 et de L'Heptade en 1976. Le drapeau du Québec qui domine l'hôtel du Parlement a été mis en berne pour souligner le deuil national.

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