
« J'apprends à ne pas péter de coche »
La journée débute par une rencontre de groupe au salon. L'éducatrice Marie-Claude Zacharek commence en faisant un retour sur la soirée de la veille. « Ça ne s'est pas bien passé. J'espère que ça se passera mieux aujourd'hui », dit-elle, appuyée par sa collègue éducatrice Mélanie Brasseur. Mme Zacharek décrit le programme de la journée : basketball en matinée. Dîner. Puis jeu « The Price Is Right », où les jeunes devront deviner le prix de produits de la vie courante.
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L'éducatrice Marie-Claude Zacharek
Certains adolescents sont ensuite invités à décrire leur état d'esprit. « Je me sens plus fébrile aujourd'hui parce que ma date au tribunal s'en vient », confie Maxime*, en tirant nerveusement sur son t-shirt noir. « […] J'ai été plus impulsif dernièrement. Je vis du stress. J'aimerais avoir du temps aujourd'hui pour jaser avec une éducatrice. »
Cheveux aux épaules, lunettes et moustache naissante, Édouard* mentionne quant à lui qu'il a parlé à son père la veille. La conversation a été houleuse. Édouard lui a annoncé qu'il veut cesser de consommer des drogues chimiques, mais continuer de prendre de la marijuana. « Mon père préférerait l'abstinence », raconte-t-il.
Besoin de se défouler
Quand vient son tour de parler, Léon* avertit les autres : « Je suis à fleur de peau aujourd'hui. » Le petit homme frêle aux grands yeux noisette a fait un cauchemar la veille : il s'est revu sur la scène du crime ayant emporté l'un de ses proches. « J'aurais fait des slap shots dans un but aujourd'hui pour me défouler. Je veux juste vous avertir que je vais peut-être être plus à pic », dit-il.
Mme Zacharek lui demande ce que le groupe peut faire pour l'aider. « Rien », souffle Léon. Assis à ses côtés, le jeune Benoît*, 15 ans, tente de le réconforter un peu maladroitement : « J'ai une phrase pour t'encourager : le soleil est dans la tête », lance-t-il, soulevant le fou rire du groupe.
Quand on lui demande s'il aime être en centre jeunesse, Benoît, qui n'en est pas à son premier placement, répond que non. « Tu perds du temps de ta vie. On ne sort pas assez dehors. Ça fait trois mois que je suis ici. J'apprends à ne pas péter de coche », souligne le jeune homme, qui veut travailler dans l'industrie du plein air plus tard.
À ses côtés, Adam*, 16 ans, croit plutôt que le centre jeunesse, ce n'est « pas une prison ». « On fait beaucoup de choses. On est allés voir le Rocket de Laval. On a fait de l'escalade de glace. » Le jeune homme mentionne qu'il vient d'une « bonne famille ». « Mais j'ai fait de mauvais choix. Je suis en train de me remettre sur le droit chemin avec l'aide qu'on me donne. Je suis en sécurité ici. Ça me permet de découvrir qui je suis réellement », se réjouit Adam, qui vise une carrière d'avocat ou d'ingénieur.
« Éducation partagée »
Éducateur en protection de la jeunesse depuis 25 ans, Richard Morin est chef de service de l'unité de garde fermée au centre jeunesse d'Huberdeau. Il veille sur les adolescents qui purgent des peines en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants.
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L'aile des jeunes contrevenants
Les huit occupants de son unité ont commis des délits. Le jour de notre visite, trois d'entre eux jouaient au soccer dans une cour intérieure entourée de hauts murs et de fils barbelés. Cinq autres jouaient aux cartes à l'ombre.
Parfois, les esprits s'échauffent ici, note M. Morin. Les insultes fusent.
Oui, il faut être téflon. Mais si on avait leur bagage, on aurait peut-être le même langage.
Richard Morin, éducateur et chef de service de l'unité de garde fermée
L'éducateur tient à le mentionner : les cas de dérapage n'occupent pas la majorité de son temps. « Environ 95 % du temps, on a de belles journées. Je suis payé pour jouer au hockey avec eux et faire de l'éducation partagée », témoigne M. Morin.
Guérir ses traumas
Au bout d'un certain moment, l'un des joueurs de soccer se fait appeler pour une rencontre privée avec un éducateur. Guillaume* entre dans son unité en traînant ses pieds chaussés de souliers Nike noirs. L'éducateur Yannick Sabourin l'invite à s'asseoir au fond d'une salle fermée. L'éducateur prend place près de la porte, pour pouvoir sortir facilement si jamais la séance tourne mal. Il commence sa rencontre en revenant sur la dernière semaine, alors qu'il était en vacances. Guillaume a réagi fortement à cette absence. Il s'est automutilé tous les jours.
« Je repense à des situations que j'ai vécues. Ça me hante. Je fais des rêves aussi », confie le jeune homme. « Ton objectif, à toi, c'est quoi ? Récidiver ou apprendre à vivre avec tes traumas ? », demande doucement Yannick. « Mon but, c'est d'être heureux. Mais c'est lourd », souffle Guillaume.
Chaque fois qu'il s'automutile, l'adolescent explique qu'il « se déçoit » : « Je fais ça pour oublier des choses et me sentir mieux. » On comprend rapidement que les adultes ont souvent laissé tomber Guillaume. Si bien qu'il ne fait confiance à personne. D'ici quelques semaines, le jeune homme, bientôt majeur, sortira du centre jeunesse.
« Guérir ses traumas, ça peut prendre toute une vie, mentionne M. Sabourin. Là, tu es encore en jeunesse. Mais après, c'est la prison. Tu ne veux pas être à cette place-là… Tu es en souffrance, tu dois apprendre à la gérer. »
« Comment je fais ça ? », demande Guillaume.
« Commence à faire confiance aux adultes ici », répond M. Sabourin.
« Tu es la seule personne à qui je fais confiance », lâche l'adolescent, en poussant un profond soupir.
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