
La Bosnie commémore le génocide de Srebrenica
(Srebrenica) Des milliers de personnes endeuillées ont commémoré vendredi à Srebrenica le génocide commis il y a 30 ans par les forces serbes de Bosnie, l'un des pires massacres perpétrés sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale.
Rusmir SMAJILHODZIC
Agence France-Presse
Les restes de sept victimes ont été inhumés pendant les commémorations de cet épisode le plus sanglant du conflit intercommunautaire bosnien des années 1990.
Ils comprenaient ceux de Sejdalija Alic, qui faisait partie des plus de 8000 musulmans tués par les combattants serbes de Bosnie qui venaient de s'emparer de cette ville de l'est du pays, le 11 juillet 1995.
« Pas de mots pour le décrire »
Sa petite-fille, Anela Anic, dont le père a aussi péri dans ce massacre et a été enterré plus tôt, assiste aux funérailles : « Je n'ai jamais vu mon père […] et, aujourd'hui, mon grand-père est enterré, juste quelques ossements, à côté de son fils », dit-elle.
« C'est une profonde tristesse […]. Je n'ai pas de mots pour le décrire », ajoute cette femme de 32 ans en pleurs. Elle est née au début de l'année 1994 après l'évacuation de sa mère enceinte hors de Srebrenica par un convoi de la Croix-Rouge.
PHOTO ARMIN DURGUT, ASSOCIATED PRESS
Une fleur a été déposée sur le monument portant les noms des personnes tuées lors du génocide de Srebrenica, au Centre mémorial Srebrenica-Potocari, le 11 juillet 2025.
Les corps des personnes tuées dans cette ville, à l'époque une enclave protégée par les Nations unies, avaient été jetés dans des fosses communes.
À ce jour, 7000 d'entre elles ont été identifiées et enterrées tandis que quelque 1000 autres sont toujours recherchées.
Essayant de dissimuler la gravité des crimes, les forces serbes bosniennes avaient organisé des opérations de déplacements de cadavres, souvent déchiquetés par les machines lourdes et transportés vers plusieurs fosses communes dites « secondaires », selon les experts.
« Une pierre tombale à caresser »
« Depuis 30 ans, nous portons la douleur dans nos âmes. Nos enfants ont été tués innocents dans la zone protégée de l'ONU. L'Europe et le monde ont observé, muets, la tuerie de nos enfants », explique Munira Subasic, la présidente de l'association des mères de Srebrenica, dont le mari Hilmo et le fils Nermin, 17 ans, ont alors péri.
PHOTO AMEL EMRIC, REUTERS
Des hommes portent un cercueil lors des funérailles de sept victimes du génocide.
Un homme et une femme respectivement âgés de 19 ans et de 67 ans au moment du massacre font aussi partie des sept victimes enterrées sous des pierres tombales blanches après une prière commune au cours des commémorations au Centre mémorial Srebrenica-Potocari.
Leurs familles ont patienté pendant plusieurs années avant de les inhumer, espérant que d'autres restes seraient retrouvés.
Mais Mevlida Omerovic a décidé de ne plus attendre et a donné son accord pour l'enterrement des restes de son mari, Hasib, tué à 33 ans sur l'un des cinq lieux d'exécutions de masse au moment de ce massacre, le seul épisode du conflit bosnien (1992-1995) qualifié de génocide par la justice internationale.
« Trente années sont passées et je n'ai plus rien à attendre », raconte Mme Omerovic, 55 ans, qui souhaite pouvoir se recueillir sur la tombe de son mari, même si, dans le cercueil, il n'y aura que sa mâchoire.
En se rendant sur leurs sépultures, les proches des victimes essaient de trouver du réconfort.
PHOTO ANDREJ ISAKOVIC, AGENCE FRANCE-PRESSE
Des femmes prient parmi les pierres tombales du cimetière commémoratif du village de Potocari.
« Je n'ai que cette pierre tombale à caresser, pour prier », déplore Sefika Mustafic, debout à côté des tombes de ses fils Enis et Salim, tous les deux adolescents quand ils ont perdu la vie. « J'aimerais rêver d'eux mais je n'y arrive pas, » ajoute-t-elle.
Le déni serbe
L'ancien combattant canadien Daniel Chénard, déployé là-bas avec les forces de maintien de la paix de l'ONU d'octobre 1993 à mars 1994, a assisté aux commémorations. Depuis des décennies, il est hanté par un sentiment de culpabilité.
« Je me suis pardonné […]. J'ai trouvé la paix. J'ai toujours voulu leur dire [aux familles] je suis désolé […], je suis désolé de vous avoir abandonnés », dit-il.
Avec les troupes de l'ONU, « on a fait ce qu'on pouvait […] mais en vrai la tragédie est arrivée », confie cet homme de 58 ans, en pleurs.
Les anciens chefs politiques et militaires des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, ont été condamnés à la perpétuité par la justice internationale pour crimes de guerre et génocide.
Mais la gravité de ce crime continue à être relativisée par de nombreux dirigeants politiques serbes, en Bosnie et en Serbie.
L'ONU a créé en 2024 une Journée internationale de commémoration du génocide de Srebrenica, le 11 juillet, malgré les protestations de Belgrade et des Serbes de Bosnie.
Le président de la Serbie Aleksandar Vucic a présenté vendredi ses condoléances aux familles des personnes tuées à Srebrenica au nom des citoyens de son pays, qualifiant le massacre de « crime terrible ».
« Nous ne pouvons pas modifier le passé mais nous devons changer l'avenir », a-t-il publié sur X.
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