
L'expulsion d'une personne non binaire vers les États-Unis suspendue par un juge
David Baxter
La Presse Canadienne
Angel Jenkel devait être expulsé le 3 juillet, mais les procédures ont été suspendues le 2 juillet jusqu'à ce qu'un contrôle judiciaire soit effectué.
« Une chose à laquelle j'ai pensé à plusieurs reprises au cours de ce processus est que, si je dois retourner, ce ne sera pas dans le même pays que celui que j'ai quitté », a expliqué Angel Jenkel lors d'une entrevue avec La Presse Canadienne.
Angel Jenkel est arrivé au Canada en août 2022 pour rendre visite à l'homme qui est maintenant son fiancé. Les deux premiers mois, la santé de son mari était bonne, mais que son épilepsie a finalement provoqué des crises « assez graves ».
« J'ai commencé à m'occuper de lui et j'ai un peu perdu la notion du temps, car personne d'autre ne s'occupait de lui à ce moment-là », a raconté Angel Jenkel.
Les visas de visiteur canadiens expirent après six mois, et un visiteur qui séjourne plus longtemps peut être expulsé.
Face à une demande d'expulsion, Angel a demandé à un agent d'immigration de procéder à une évaluation des risques avant renvoi. Lors de ces audiences, les demandeurs doivent démontrer qu'ils risquent un préjudice réel s'ils sont expulsés du Canada. Angel a représenté sa propre personne lors de l'audience.
Angel a rapporté que l'agent avait décidé que la preuve démontrant qu'un renvoi vers les États-Unis entraînerait un préjudice irréparable était insuffisammente.
Angel, désormais représentée par Smith Immigration Law, un cabinet torontois d'avocats spécialisé en droit de l'immigration et dans l'aide aux clients LGBTQ+, a demandé un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi, arguant que l'agent avait commis une erreur en s'appuyant sur des informations obsolètes concernant les États-Unis.
Des données périmées
Selon la décision de la juge Julie Blackhawk, l'agent d'immigration a fondé la mesure de renvoi sur le plus récent cartable national de documentation américaine utilisée par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, datée du 31 janvier 2024.
Ces cartables sont des guides de référence pour les pays qui contiennent des informations à leurs sujets, notamment la situation en matière de droits de la personne, leur démographie et le traitement des minorités sexuelles.
Avant cette année, le cartable national de documentation des États-Unis était mise à jour chaque année depuis 2018 en fonction des informations accessibles au public.
Le site internet de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié indique que la mise à jour de ces trousses peut être retardée « en période de changement rapide ou d'incertitude ».
« L'un des arguments que nous avons avancés lors de l'audience était qu'en raison de la notoriété des actions du président [Donald] Trump envers la communauté trans et non binaire, Angel avait supposé que l'agent serait conscient de l'ampleur de l'évolution de la situation dans le pays en l'espace d'un an », a soutenu l'avocate Adrienne Smith.
« Il est donc choquant que l'agent n'ait pas pris en compte toute la période allant de janvier 2024 jusqu'à la prise de décision concernant la demande [d'examen des risques avant renvoi], alors que c'est en réalité toute cette période qui a poussé Angel a demandé cette évaluation. »
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n'a pas répondu à une demande de commentaire.
Évolution de la situation américaine
Quelques heures seulement après avoir prêté serment en janvier, M. Trump a signé un décret ne reconnaissant que deux genres aux États-Unis : l'homme et la femme.
Ce décret a eu des répercussions dans tout le pays, notamment la suppression de ce que le président appelle « l'idéologie du genre » de tous les sites web du gouvernement fédéral, la fin de la publication des statistiques sur les personnes transgenres incarcérées et la décision des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies de mettre fin à ses formations expliquant comment créer des environnements scolaires favorables aux élèves transgenres et non binaires.
« Mon État est l'un des seuls à protéger encore les personnes trans. Qui sait combien de temps cela va durer, vu la situation actuelle », a expliqué Angel, faisant entre autres référence à l'assassinat de Melissa Hortman, présidente démocrate de la Chambre des représentants du Minnesota, et de son mari le mois dernier.
« En plus, toute ma famille vit majoritairement dans le Sud. J'ai juste mon grand-père et mon oncle au Minnesota, et un ami qui est prêt à m'aider si je me retrouve là-bas. »
Dans sa décision, la juge Blackhawk affirme qu'il n'était pas raisonnable pour l'agent de se fonder sur le cartable national de documentation actuel « étant donné la connaissance générale par le public de l'évolution de la situation aux États-Unis ».
Pour qu'un sursis à l'expulsion soit approuvé, le demandeur, en l'occurrence Angel, doit démontrer que son expulsion causerait un préjudice irréparable.
La juge Blackhawk affirme que le cas de Angel satisfait à tous ces critères en raison de l'utilisation d'anciens renseignements dans la mesure d'expulsion, du risque pour son fiancé de perdre un principal pourvoyeur de soins et du faible risque pour la population canadienne si Jenkel reste au pays.
Sarah Mikhail, l'autre avocate de Angel, a soutenu que les agents d'immigration ont la responsabilité de bien connaître les conditions du pays vers lequel ils peuvent renvoyer une personne.
« Cette charge est en fait plus lourde lorsque le demandeur se représente lui-même, car il connaît bien la situation dans son pays d'origine », a souligné Me Mikhail.
« D'après le dossier et la décision de l'agent, il était clair que les conditions du pays dans lequel Angel serait renvoyé n'ont pas nécessairement été prises en compte, et c'est là toute la différence. »
Angel peut désormais rester au Canada jusqu'à la fin du contrôle judiciaire de la décision de renvoi. Si ce contrôle est en sa faveur, la demande de séjour de Angel au Canada sera rouverte et examinée par un autre agent.
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