
Un artiste devra être indemnisé pour une murale cachée
Les murales se cachent pour mourir. Simon Bachand, un artiste montréalais, devra être indemnisé pour la disparition de son œuvre géante, dorénavant dissimulée par la construction d'un nouvel immeuble, vient de trancher la justice.
La décision soulève des questions juridiques importantes alors que les murales se multiplient dans la métropole, souvent sur des lieux promis au développement immobilier.
En 2018, l'artiste Simon Bachand avait peint une grande murale sur un mur extérieur d'un immeuble de cinq étages situé au coin du boulevard Saint-Laurent et de la rue Marie-Anne, sur le Plateau Mont-Royal. L'œuvre avait été produite dans le cadre du festival Mural, consacré à cette forme d'art, qui se tient annuellement. L'artiste avait reçu 1500 $ des organisateurs pour la réaliser. Le mur donnait sur un stationnement.
PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL MURAL
L'œuvre de Simon Bachand, photographiée juste après sa création, en 2018
Or, un édifice de trois étages a remplacé le stationnement en 2024, relate le juge Luc Huppé, de la Cour du Québec, dans une décision datée du 21 juillet. La murale est presque complètement cachée, voire détruite.
« M. Bachand a perdu l'une de ses œuvres, a écrit le juge Huppé. Pour un créateur, une telle perte est éminemment significative. Les idées artistiques, l'imagination et l'intelligence mises en action pour réaliser cette murale ne peuvent plus être constatées ni appréciées, par ses pairs et par les amateurs d'art, dans la réalité concrète qui l'accueillait. »
En entrevue, Simon Bachand (« Stare », de son nom d'artiste) a affirmé qu'il aurait accepté de voir le temps et les intempéries faire leur œuvre, mais que la disparition de sa murale avait été douloureuse.
« Le fait qu'une petite partie soit encore visible à distance ne donne plus qu'une idée médiocre de la composition initiale, de son apparence globale et du jeu des couleurs et des formes qui en constituaient la structure et l'essence », a expliqué le juge Huppé.
Le festival Mural « peu respectueux »
La Cour du Québec a décidé que cet affront vaudrait une compensation de 2500 $ à Simon Bachand. Ce ne sera toutefois pas au promoteur immobilier de faire un chèque. C'est plutôt le festival Mural qui a fauté, a estimé le magistrat.
PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE
C'est le festival Mural, et non le propriétaire de l'immeuble, qui devra dédommager Simon Bachand.
Le contrat qui liait le propriétaire de l'immeuble et le festival Mural prévoyait simplement que la murale devait demeurer visible pendant 12 mois suivant sa réalisation. Ce contrat a été respecté. Les organisateurs avaient toutefois « l'obligation d'informer » M. Bachand de ces modalités avant qu'il ne réalise son œuvre.
« Il aurait alors incombé à M. Bachand de prendre lui-même la décision d'accepter de telles modalités, avec les risques qu'elles comportaient quant à la pérennité de sa murale, ou au contraire de refuser de réaliser son œuvre dans de telles conditions, a écrit le juge Luc Huppé. En raison du silence de Mural, M. Bachand a été privé de cette possibilité. Il est maintenant placé devant un fait accompli. »
« Mural a manqué de transparence dans ses discussions avec M. Bachand, continue la décision. Il était peu respectueux pour Mural de retenir les services de M. Bachand pour réaliser une murale qui, pour celui-ci, s'inscrivait dans la continuité d'une œuvre globale s'étalant sur plusieurs décennies et développée à l'échelle internationale, sans l'aviser préalablement du risque de destruction de cette murale à court terme. »
Le festival Mural n'a pas voulu commenter ce jugement.
« Une victoire », dit l'artiste
« Même si le montant est symbolique, c'est une victoire au niveau de la protection des œuvres extérieures pour les muralistes canadiens », a commenté Simon Bachand, en entrevue téléphonique.
À ma connaissance, c'est une première nationale qu'on fasse valoir des droits moraux pour un projet de murale.
L'artiste Simon Bachand
Un artiste a deux types de droits sur ses œuvres : des droits économiques (comme la reproduction, l'adaptation, etc.), qui peuvent être vendus, et des droits moraux, qui ne peuvent pas l'être, a expliqué en entrevue Me David Langis, qui se spécialise dans le droit des arts et du divertissement.
Les droits moraux comprennent notamment le droit de ne pas voir son œuvre être détruite ou le droit d'en revendiquer la paternité – même après sa vente. C'est ce droit qui a été violé en l'espèce.
« On peut comprendre la surprise de M. Bachand de voir son œuvre cachée par la construction d'un nouvel immeuble », a dit Me Langis, qui estime qu'il était « légitime pour l'artiste de faire valoir une violation de son droit moral ». La situation aurait peut-être été différente si l'œuvre avait été supprimée après 20 ans d'existence, a-t-il ajouté.
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