
Valais: le patron d'un réseau de trafiquant face à la justice
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Jugé après avoir «fait régner la terreur» et «inondé» le Valais de haschich
C'est l'une des deux têtes du réseau de trafiquants démantelé à Sierre. Face à la justice, ce Tunisien de 22 ans risque 4 ans de prison et l'expulsion.
Dimitri Mathey
Le trafic a pris racine dans la Cité Aldrin, à Sierre, entre 2020 et 2023.
Chantal Dervey
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En bref : Un réseau de trafic de drogue à Sierre a généré 2,7 millions de francs sur trois ans.
Le leader tunisien de 22 ans risque 4 ans de prison ferme et l'expulsion.
Les trafiquants ont utilisé des méthodes violentes inspirées des banlieues françaises.
L'accusé reconnaît partiellement les faits, mais conteste l'ampleur du trafic.
Pendant trois ans, entre 2020 et 2023, la Cité Aldrin, aux portes de Sierre, a été le berceau d'un vaste réseau de trafiquants de drogue. C'est même «le plus gros trafic de haschich découvert en Valais depuis Bernard Rappaz (ndlr: qui avait écoulé près de 4 tonnes de chanvre entre 1997 et 2001)», appuie Olivier Elsig, le procureur chargé de l'affaire.
Sur le banc des accusés, ce lundi, un homme en détention préventive depuis novembre 2023. Né à Sion, ce Tunisien de 22 ans dirigeait le réseau avec un autre prévenu, jugé prochainement. Selon le Ministère public, en l'espace de trente-six mois, ils auraient acheté et revendu au moins 540 kilos de haschich pour un chiffre d'affaires de 2,7 millions de francs. Les bénéfices sont estimés à quelque 540'000 francs.
Mais au-delà de l'ampleur du trafic, ce sont surtout les pratiques violentes – calquées sur les méthodes des banlieues françaises – qui ont interpellé les enquêteurs et la justice. «C'est la première fois, en Valais, que des dealers ont recours à un tel degré de violence. Ils ont fait régner une véritable terreur», souligne Olivier Elsig. Il rappelle au passage que plusieurs mineurs ont été enrôlés dans le trafic.
Le Ministère public requiert une peine de 48 mois de prison ferme et une expulsion de 7 ans du territoire helvétique. «Les infractions commises sont sans commune mesure. On parle de menaces, d'extorsions et de chantages», justifie le procureur. «C'était le caïd de la Cité Aldrin.»
«Goûter la lame»
Certains dealers achetaient de la marchandise à crédit, moyennant un intérêt. Commence alors l'engrenage des dettes. Et des intimidations. Selon le Parquet valaisan, l'accusé a notamment menacé l'un de ses revendeurs de «le dégommer», de lui «défigurer le visage» et de lui faire «goûter la lame». S'ensuit la violence. Avec un comparse, le prévenu aurait frappé son débiteur, «en lui donnant des claques, des coups de pied et de poing au visage, le faisant parfois chuter au sol et le frappant encore, lui occasionnant des douleurs, des bleus et un saignement de la bouche», note l'acte d'accusation.
Des acheteurs, eux aussi en dettes, ont reçu des menaces de mort alors qu'un revendeur mineur a travaillé «presque gratuitement» sous la menace, relève le Ministère public. En mai 2022, le prévenu aurait orchestré un rendez-vous pour qu'un homme – endetté auprès d'un dealer de Lyon – soit «violemment passé à tabac».
Indépendamment des cas, les victimes n'ont jamais porté plainte.
Les faits partiellement reconnus
L'accusé ne conteste pas son implication à la tête du réseau. Il relativise toutefois le volume de drogue écoulé pendant ces trois ans. «J'estime avoir vendu 250 kilos», explique-t-il, face à la Cour. «En moyenne, je gagnais 300 francs par kilo, mais après déduction des pertes, je pense avoir réalisé entre 35'000 et 45'000 francs de bénéfice.»
Le prévenu précise n'avoir pas fait usage de la violence. «Je me suis parfois énervé, mais je n'ai pas menacé ces personnes.» S'il reconnaît avoir «envoyé» deux hommes auprès d'un client endetté, il ajoute qu'aucune menace n'a été proférée à cette occasion. «On parle ici du récupérateur de caution», souligne Olivier Elsig. «C'est une personne qui affiche ses tarifs sur les réseaux sociaux. Le coup de pression coûte 300 euros, le passage à tabac 800 euros et, pour 1000 euros, il peut amener une personne dans une cave.»
«Une dernière chance» avant l'expulsion
C'est une certitude, le prévenu sera condamné. Désormais, l'enjeu est de savoir si la justice prononcera – ou non – son expulsion du territoire. «Mon client n'est pas un caïd, c'est un jeune avec un parcours chaotique», plaide Jean-Luc Addor, avocat de la défense. «Il a grandi en Valais et n'a jamais mis les pieds en Tunisie. Il mérite une dernière chance avant de se faire expulser vers un pays qui n'est le sien que sur le papier. Tout le rattache à la Suisse.»
Le procureur balaie la clémence. «Il s'est comporté comme un petit nabab local, s'achetant des produits de luxe (ndlr: une Rolex a été séquestrée) alors qu'il mettait de très nombreux jeunes de la cité dans la panade. C'est un homme qui n'a rien fait de bon, tout de mauvais», résume Olivier Elsig. Inflexible, face au juge, il ajoute: «Son avenir en Suisse n'appartient plus qu'à un fil qu'il vous appartient de couper.»
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Dimitri Mathey est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2025. Correspondant en Valais, il décrypte les enjeux cantonaux pour la Romandie. Auparavant, il était responsable politique pour «Le Nouvelliste». Plus d'infos
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